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4 Ancrage de la recherche au sein des didactiques

4.7. Approches formatives par les activités professionnelles

4.7.1. À propos du Français Langue professionnelle

4.7.1.1. Origines ?

Dès les premiers temps de l'approche communicative, une démarche spécifique pour l'enseignement des langues aux migrants se dégage des propositions du Niveau-seuil, « trop vague et allusif pour être vraiment utile au pédagogue » (Jupp, Hodlin, Heddesheimer, & Lagarde, 1978, pp. 7-8). L'ambition de ces auteurs est de spécifier ses propositions en partant de formations en entreprise parce qu'elles présentent l'avantage d'homogénéiser les besoins des apprenants (p. 12).

Basées sur des expérimentations réussies en Grande-Bretagne, ces propositions verront l'affirmation211 d'un enseignement du français dit fonctionnel, relié à celui dit instrumental212. Ces deux désignations présentent des correspondances avec celles actuelles du FOS (Français sur Objectifs Spécifiques) et du FLP (Français Langue Professionnelle) : il est tentant d'y voir une disjonction synonyme de lutte des classes, puisque les unes ont tendance à désigner des publics de professionnels, étrangers, qualifiés (français instrumental/ FOS) alors que les autres ont tendance à désigner des publics de professionnels, étrangers, peu qualifiés (français fonctionnel / FLP)213.

Si les préconisations méthodologiques de l'ouvrage cité précédemment (Jupp et al., 1978) ciblent les besoins langagiers des migrants en fonction de leur contexte professionnel, il est simultanément précisé que les formations ne se limitent pas à ceux-là. L'ambition, avec cette méthodologie, est en effet de redonner confiance aux personnes, par la formation :

211. Le « français scientifique et technique » précède cette affirmation du français fonctionnel et se développe comme un courant de spécification de l'enseignement du français dans les années 1960 (Cuq & Gruca, 2005, p. 360) : il répond aux limitations des méthodologies axées sur les compétences orales pour des publics scientifiques ou de professionnels ayant besoin de développer des compétences en lecture-écriture.

212. Cuq et Gruca (2005, p. 361) établissent une relation entre le français fonctionne et le français instrumental « utilisé en Amérique du Sud au début des années 70 [dont] l'idée renvoyait surtout à un médium d'accès à la documentation scientifique et technique en français [en décalage avec] la méthodologie la plus répandue à l'époque, le modèle audio-visuel », centrée sur l'oral. On identifie cependant un décalage avec les propositions de Jupp et Hodlin, visant des apprenants manquant de confiance en eux. Moirand (1994, p. 28) indique, quant à elle, que le public visé par le français instrumental renvoie clairement à des « spécialistes étrangers ».

213. Mourlhon-Dallies (2006) propose toutefois d'envisager le « français à visée professionnelle » comme une « appellation générique, qui coiffe les différents français de spécialité ». Son analyse part du constat d'une offre éditoriale importante à partir des années 1990 en direction de publics de plus en plus variés : « […] en quinze ans, les éditeurs ont pris en compte des publics de moins en moins expérimentés : aux professionnels chevronnés de la fin des années 1980, auxquels s’adressaient les formations en FOS, ont succédé des professionnels situés moins haut dans les hiérarchies, auxquels on enseigne les bases de la communication professionnelle en français. Et par la suite, ce seront même des étudiants en voie de professionnalisation ou des personnes en reconversion professionnelle qui constitueront les publics ciblés » (p. 92).

L'approche proposée […] repose par ailleurs sur l'hypothèse vraisemblable que dès lors que le travailleur arrive à communiquer au travail […], il sera assez vite capable de le faire dans d'autres situations, par le fait même qu'il aura pris confiance en lui. (ibid.)

On retrouve ici certaines des conceptions de l'éducation permanente évoquées dans la section 4.2.1. et, du même coup, la tendance à rapprocher l'éducation des adultes des impératifs de développement économique. Pour autant, une originalité des préconisations qu'on aimerait voir reconduite dans les approches contemporaines du français professionnel, consiste en une approche qu'on pourrait dire « bilatérale » :

Il ne s'agit pas d'amener des étrangers à se conformer aux mœurs et coutumes des Britanniques (tentations intégrationnistes), mais de même qu'il faut leur faciliter l'accès à la culture et à la langue anglaises, de même il faut faire connaître aux Britanniques ces étrangers qui vivent à leurs côtés […]. (p. 9)

Dans le processus de construction de ces formations, des rencontres avec les employeurs et les syndicalistes sont prévues afin qu'ils prennent conscience et connaissance de la diversité comme des spécificités des cultures des travailleurs de l'entreprise. Les auteurs précisent toutefois les conditions favorables à ce type d'approche en Grande-Bretagne : la composition sociale des milieux professionnels est assez mixte au regard de celle, très cloisonnée, qui s'observe en France. Ils analysent une autre tension dans l'adaptation de cette méthodologie au contexte français. Elle provient du fait que « l'alphabétisation, [en France, a été] pour l'essentiel laissé[e] au bénévolat » (p. 11). Le militantisme qui caractérise ces activités semble être à la source d'un contraste entre les intentions des alphabétiseurs de l'époque et les méthodes mises en œuvre :

Cette réflexion nécessaire sur des problèmes réels n'a eu que peu d'effets sur la pédagogie et les pratiques didactiques de l'alphabétisation. […] celles qui sont les plus progressistes quant aux thèmes retenus sont dans le même temps les plus traditionnelles au niveau pédagogique. (ibid.)

Une situation de double contrainte214 vient alors prolonger ce contraste : former le migrant entraîne son acculturation, d'autant plus violente au plan symbolique si les formations se contentent d'objectifs « utilitaires dans le pire sens du terme » mais, simultanément, ne pas le former est synonyme de lui refuser l'accès à des savoirs et savoir-faire favorisant son émancipation. Les auteurs relèvent que « [renoncer] à une formation qui corrompt est rarement exploité jusqu'au bout, mais [correspond à] une des composantes de débats sans fin », ce qui dénote un manque d'instrument, symboliques ou matériels, pour dépasser cet état de « paralysie et tout du moins […] chez les ''alphabétiseurs'' [de] malaise et [de] mauvaise conscience » (ibid.). C'est alors pour dépasser cette situation de double contrainte que les auteurs formalisent les visées et les contenus d'une formation au français dit fonctionnel :

L'organisation d'un cours de langue pour travailleurs migrants vise deux objectifs principaux :

214. On pourrait reprendre ici la description du concept établie par Wittezaele (2008, p. 27) mais on y reviendra dans la prochaine partie consacrée aux théories de l'activité, comprenant une exploitation du concept de contradiction par Engström (1987), basé lui- même sur ce concept de double contrainte.

(a) enseigner la langue nécessaire à l'apprenant dans son contexte professionnel immédiat et lui donner les moyens de communiquer avec plus de facilités concernant la situation de travail en général, afin de lui permettre d'accroître son efficacité et son adaptabilité et de le préparer à accomplir des tâches offrant plus de responsabilité ; (b) enseigner la langue nécessaire aux contacts sociaux élémentaires, dans le cadre de travail, entre l'apprenant et les travailleurs autochtones. […]

Les objectifs (a) et (b) sont soumis à deux contraintes : d'une part le temps disponible pour la formation est extrêmement limité, en général guère plus d'une cinquantaine d'heures […] et d'autre part, les cours ont lieu dans une entreprise, où la direction et les non-participants comptent souvent, avec un certain manque de réalisme, sur des résultats immédiats » (p. 56)

Malgré ces contraintes, les auteurs développent un plan de formation axé sur la communication (pp. 58-60) d'environ 60 heures qui « vise surtout à assurer le déblocage psychologique de l'apprenant […] et à lui permettre de continuer à progresser après la fin du cycle en entreprise ; elle pourrait d'une certaine façon lui donner les moyens psychologiques et langagiers de dire lui- même comment il conçoit ses besoins ».

L'objectif de donner à la personne les moyens de se rendre elle-même autonome est ambitieux et les méthodes employées pour y parvenir paraissent à la hauteur : les auteurs décrivent en effet une procédure d'investigation au sujet des conditions de travail et des tâches professionnelles. Ils collectent des données relatives à ces tâches (documents écrits, enregistrements d'interactions) pour construire le programme et les ressources de formation, s'adaptant par là aux expériences professionnelles quotidiennes des apprenants. Les auteurs préconisent également d'appuyer ces formations sur l'analyse des savoirs et des productions des apprenants, insistant à plusieurs reprises sur les « connaissances passives » qu'ont les migrants de la langue cible (p. 47).

Bien qu'on puisse toujours remarquer la justesse et la précision de leur travail, la portée de ces propositions restera peu perceptible pour la formation des migrants peu qualifiés, jusqu'à une certaine réactualisation, au début des années 2000. On verra, dans la suite, que les critiques liées « au technicisme [ou] à un certain mercantilisme qui risquait de vider l'enseignement du français des valeurs humanistes dont il s'est toujours voulu le porteur privilégié » (Cuq & Gruca, 2005, p. 362) ne sont pas les seules causes possibles au faible impact du français fonctionnel en entreprise, surtout pour les publics peu qualifiés.

4.7.1.2. Réactualisations contemporaines

Mourlhon-Dallies et de Ferrari (2007) identifient différentes raisons au peu d'écho des approches contextualisées aux besoins professionnels des travailleurs peu qualifiés : ces auteures mentionnent en effet les stratégies de contournement mises en œuvre par les entreprises215 pour

215. Certaines de celles citées en exemple ne sont pas sans évoquer le cloisonnement des milieux professionnels décrits par Jupp et al., en 1978 : « on embauche à la plonge un Malien, puis peu à peu, on recrute tous les membres de sa famille ou de son village. […] Sur les chantiers du BTP, la communautarisation se double d'une spécialisation par corps de métiers : maçons portugais, grutiers marocains, etc. Un peu partout, le travail paraît donc s'être organisé en renvoyant en touche la question linguistique » (p. 109).

la (non) prise en charge des difficultés de leurs employés face à la langue (p. 106), allant jusqu'au « déni de la problématique [soulevée par] la question linguistique comme facteur d'intégration en entreprise » (p. 109).

Ce constat est cependant établi trois ans après la réactualisation des problématiques afférentes au français fonctionnel avec la réforme, en 2004, de la loi cadrant la formation professionnelle continue : l'article 5 de cette loi stipule effectivement que, désormais, « les actions de lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage de la langue française font partie de la formation professionnelle tout au long de la vie »216. Mourlhon-Dallies et de Ferrari (2007, p. 110) soulignent l'importance des besoins dans ce champ, du fait de la relève des travailleurs peu qualifiés et du peu d'attractivité des métiers en question :

Le « papy-boom » et la mauvaise presse des métiers manuels font que l'on fait déjà appel d'ores et déjà à des professionnels étrangers, à l'image du très médiatique « plombier polonais ». […] Or, à chaque fois, il faut que les nouveaux arrivants puissent exercer leur activité entièrement en français, en particulier parce que ce sont des professions au contact du public, où intervient une relation de service, de soin, d'aide à la personne.

Une autre raison au devenir important de la problématique, moins dépendante de la fluctuation des besoins du marché de l'emploi, s'avère liée à plusieurs évolutions du monde du travail : « l'informatisation croissante des postes de travail [amène] désormais presque toutes les catégories d'employés et de salariés à lire et à écrire sur écran », un « changement de méthode de management […] va également dans le sens de plus fortes exigences en matière de maîtrise de la langue » (ibid.).

Si les exigences d'ingénieries de formation dites « sur-mesure » (p. 109) tendent à rendre difficile leur mise en œuvre sur les terrains, Mourlhon-Dallies et de Ferrari associent également le phénomène de déni de la problématique linguistique pour les employés peu qualifiés, à la conception des « formations de base » réunissant des publics francophones natifs en situation d'illettrisme et des publics étrangers peu lettrés (p. 114). Elles montrent que cela a encouragé une certaine division du travail entre les opérateurs de la formation des adultes : « les articulations nécessaires ne s'effectuent pas encore pour les publics présentant des besoins linguistiques car les traitements actuels préconisent ''le linguistique avant'' et ''le professionnel après ou ailleurs'' » (ibid.).

Plusieurs leviers pour le développement de formations linguistiques à visées professionnelles sont identifiés par ces auteures : elles recoupent certaines des préconisations avancées par Jupp et al. (1978), notamment via la nécessité de « changer les représentations » des différents acteurs concernés par ces besoins de formation (p. 112) ou encore, la prise en compte des savoirs et savoir-faire des adultes migrants peu lettrés. Les autres leviers identifiés portent sur le développement de recherches pluridisciplinaires (didactique du FLE, approches interculturelles,

216. Extrait du texte de loi, article 5. Consulté le 05/03/15, de : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do? cidTexte=JORFTEXT000000613810&categorieLien=id

sociologie du travail, socio et psycholinguistique) ; celui de coordinations multi-acteurs (responsables RH, organismes syndicaux pour l'essentiel) ; celui de la professionnalisation des formateurs217.

Des lectures complémentaires ont été faites de la résurgence actuelle des problématiques du français fonctionnel218 mais les remarques précédentes permettent déjà d'identifier plusieurs tensions dans l'histoire du FLP : elles relèvent à la fois de représentations figées à propos des types de formation possibles pour les migrants peu qualifiés et de besoins vifs en termes d'ingénierie de formation. On pense également que si les travaux menés en didactique des langues sont importants, ils ne suffisent pas à considérer la complexité des besoins des migrants (peu lettrés), en témoignent les réflexions relatives aux littéracies ainsi que celles concernant l'alphabétisation élargie.

Il a alors semblé pertinent de rapprocher les travaux inscrits en didactique professionnelle219 des approches de l'apprentissage du français en milieux professionnels : articuler ces deux champs de recherches permettra d'attirer l'attention sur le concept d'activité, dont on verra qu'il offre des perspectives assez originales pour aider les formateurs à faire face à la complexité des situations didactiques.

4.7.2. Didactique professionnelle et activités d'enseignement

La filiation entre la démarche associée au français fonctionnel et la didactique professionnelle s'observe via l'ingénierie de formation et plus précisément via la notion d'analyse des besoins, étendus à ceux non spécifiquement langagiers dans le cas de la didactique professionnelle :

C’est en approfondissant la démarche d’analyse de besoins qu’on arrive assez naturellement à l’analyse du travail, point de départ de la didactique professionnelle. Car quand on a exploré la dialectique besoins, demandes, commande, il reste encore un élément manquant : prendre en compte les particularités de la tâche à effectuer et de l’activité mise en œuvre. (Pastré, Mayen, & Vergnaud, 2006, p. 147)

Suivant un cadre différent de celui prévalent en didactique des langues, les analyses produites dans le cadre de la didactique professionnelle présentent des moyens complémentaires aux besoins identifiés par Rivière (2012, p. 174) de « description et de typologisation des documents écrits du travail [pour] que les formateurs soient mieux armés pour entrer dans ces écrits parfois complexes et pour les didactiser ».

On retrouve effectivement, dans les conceptions qui fondent le cadre théorique de la didactique professionnelle, certaines de celles identifiées dans les travaux relatifs aux apprentissages expérientiels (cf. section 4.2.2. ), notamment à travers l'observation des proximités entre les 217. On approfondit ces questions dans le troisième chapitre (en particulier dans la section 6.1. ).

218. On a déjà évoqué la proposition de Mourlhon-Dallies (2006) d'envisager le « français à visée professionnelle » comme une « appellation générique, qui coiffe les différents français de spécialité ». On peut aussi se référer à Perrichon (2011) qui analyse, quant à elle, les liens entre les problématiques issues des français de spécialité, comprenant le français fonctionnel ainsi que le FLP, et la méthodologie préconisée par le CECRL, la perspective actionnelle.

démarches du chercheur et de tout individu agissant, expliquées par Wittorski (2001). La note de synthèse rédigée par Pastré, Mayen et Vergnaud (2006) reprend cette idée en l'appuyant sur la distinction mienne entre activité productive et activité constructive :

Quand il agit, un sujet transforme le réel (matériel, social ou symbolique) ; c’est le côté activité productive. Mais en transformant le réel, le sujet se transforme lui-même : c’est le côté activité constructive. […] Première conséquence : toute activité productive s’accompagne d’une activité constructive[,] il n’y a pas d’activité sans apprentissage. Mais, deuxième conséquence, cela ne veut pas dire que l’activité productive et l’activité constructive possèdent le même empan temporel : l’activité productive s’arrête avec l’aboutissement de l’action, qu’il y ait réussite ou échec. L’activité constructive peut se continuer bien au-delà, quand notamment un sujet revient sur son action passée par un travail d’analyse réflexive pour la reconfigurer dans un effort de meilleure compréhension. Ainsi l’apprentissage accompagne naturellement l’activité. (pp. 155- 156)

La théorie de la conceptualisation dans l'action, basée sur l'observation des pratiques professionnelles a amené à préciser et/ou définir de nombreux concepts, tels celui de schème, d'invariants opératoires, de concepts-en-acte et de théorèmes-en-actes, pour les plus célèbres (Pastré, 2006 ; Vergnaud, 2004, 2011). On s'intéressera ici précisément à l'analyse produite par Pastré, Mayen et Vergnaud (2006) des spécificités de la situation d'enseignement.

Dans leur note de synthèse, ces auteurs commencent par expliquer que leurs analyses de ces situations sont assez récentes au regard des travaux fondateurs pour la didactique professionnelle (p. 182) : elles ont été menées à la demande de chercheurs en sciences de l'éducation et, plus particulièrement, en didactique des mathématiques. Ils montrent ensuite que ces situations sont complexes parce qu'elles comportent des aspects potentiellement contradictoires. Ainsi en est-il, par exemple, de la dimension empirique importante de l'expertise enseignante qui contraste avec la centralité des savoirs dans leurs activités. Les auteurs relèvent également que le but de l'activité de l'enseignant est la transformation simultanée du groupe d'apprenants et des individus qui le constituent. La gestion de la progression des apprenants est aussi décrite comme une source de tension parce qu'elle doit articuler deux temporalités distinctes : l'enseignant doit en effet gérer, en parallèle, « l'heure de cours » et l'évaluation des acquis sur une année ou une session de formation. Enfin, les auteurs pointent l'inversion des rapports entre activité productive et activité constructive dans le cadre des activités d'enseignement et d'apprentissage :

Dans les situations de travail habituel le but est l’activité productive : on travaille pour transformer le réel, réel matériel, social ou symbolique. L’activité constructive n’est présente que comme un effet non intentionnel de l’exercice de l’activité productive. Quand on est dans une école, il se produit une inversion de buts : pour les élèves, le but devient l’activité constructive (apprentissage et développement), mais pour cela il faut s’appuyer sur une activité productive, une tâche à effectuer, qui va servir de moyen pour générer de l’activité constructive. (p. 183)

Pastré, Mayen et Vergnaud analysent la « résistance » ou « permanence » de certaines pratiques de classe, comme la dictée ou la dissertation, du fait qu'au fil de la constitution historique de ces

pratiques, ces « exercices » ont fait la preuve de leur potentiel pour « [embrayer] facilement sur des activités constructives » (ibid.). Partant de la distinction entre connaissance et savoir220, ils proposent ensuite une analyse de l'objet médiateur dans l'interaction entre un enseignant et ses élèves, précisant qu'il ne consiste pas directement dans les savoirs dont l'apprentissage est visé :

On peut faire l’hypothèse que l’objet qui sert de médiateur est un objet hybride, un objet à deux faces, avec une face « connaissances » quand les élèves croient avoir trouvé des procédés ou des régularités qui leur permettent de réussir sans forcément apprendre ; et avec une face « savoir », car le maître va faire le nécessaire pour que dans les tâches qu’il propose aux élèves ce soit la mobilisation du savoir visé qui soit la voie la plus obvie pour résoudre le problème posé : dans ce cas, mais dans ce cas seulement, la réussite de la tâche coïncide avec l’assimilation d’un savoir. (p. 184)

On constate, avec ce qui précède, que la question des tâches ou des activités est centrale dans le cadre théorique qui détermine la didactique professionnelle mais, comment définir cette unité d'analyse ? Plusieurs autres questions se posent à propos d'une transposition des concepts issus de la didactique professionnelle aux situations d'enseignement à des migrants peu lettrés : comment articuler une progression qui calcule très précisément les activités réalisables pour l'apprentissage de savoirs ciblés aux conceptions actuelles des progressions dans ces contextes221 ?