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On a ciblé une région qui, d'après l'Atlas national des populations immigrées315, est parmi celles qui accueillent le plus d'immigrés. Elle est aussi parmi celles qui comptent le plus de centres pour la passation du Diplôme Initial de Langue Française (DILF)316.

On rappellera que le contenu des épreuves du DILF a été défini par arrêté en 2006, qu'il s'inscrit dans la lignée des travaux du CECRL et qu'il valide le niveau A1.1, précédant les six autres, pensés pour des populations scolarisées317. Le niveau A1.1 constitue un « niveau élémentaire de maîtrise de la langue française » (Beacco et al. 2005, p. 3) ; son évaluation repose à 70 % sur l'oral et à 30 % sur l'écrit318. Que le DILF valide un premier niveau de maîtrise du français, avec un accent mis sur les compétences de compréhension, de production et d'interaction à l'oral, pouvait orienter les objectifs pédagogiques d'utilisations de TIC mais pas nécessairement les prohiber319.

315. Ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration (Ed.). (2013). Atlas national des populations immigrées. PRIPI 2010-2012.

316. CIEP (Centre International d’Etudes Pédagogiques) (Ed.). (2011). DILF - Diplôme initial de langue française. Centres d’examen du DILF.

317. Les Diplômes Élémentaires de Langue Française (différents DELF) valident les quatre premiers niveaux allant de A1 à B2 et les Diplômes Approfondis de Langue Française (différents DALF) valident les niveaux C1 et C2.

318. Voir De Robien, G. Arrêté du 20 décembre 2006 fixant le contenu des épreuves conduisant à la délivrance du diplôme initial de langue française (2006). Consulté de : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?

cidTexte=JORFTEXT000000645036&categorieLien=cid

319. Il s'agit là d'ailleurs d'une des hypothèses que j'ai mises à l'épreuve lors de la phase exploratoire de ma recherche : le niveau des apprenants est-il déterminant pour la mobilisation de TIC en formation ?

Cherchant à observer les pratiques instrumentées de formateurs d'adultes migrants (peu lettrés), j'ai donc ciblé des organismes répertoriés comme centre d'examen au DILF, notamment parce que ce diplôme prend en compte les migrants peu lettrés :

L'un des enjeux essentiels est celui de l'amorce des formations linguistiques. Il importe d'en faciliter l'accès à un public migrant ayant souvent peu de moyens économiques et une courte expérience de la scolarité, voire une absence de scolarisation. (Beacco et al., 2005, p. 10).

Ce diplôme vise des savoirs et savoir-faire langagiers mais l'enseignement associé, adossé au référentiel pour le niveau A1.1 (Beacco et al., 2005) donne des indications relatives à l'entrée et au développement de compétences en littéracies. Le DILF correspond à la principale certification prévue dans le cadre du CAI320 mais il peut aussi constituer un objectif de formation pour certaines ASL, des dispositifs de formation professionnelle continue, des formations construites dans le cadre de DIF, etc. Me centrer sur le DILF était donc un moyen d'aborder le champ de pratiques auquel correspond la formation des migrants en considérant un assez large spectre de dispositifs de formation. Cela permettait simultanément d'inclure précisément des contextes de formation d'adultes migrants peu lettrés. J'ai donc cherché à constituer une liste des organismes de formation répertoriés comme centre d'examen au DILF par le CIEP et l'OFII321 dans la région choisie et ce, pour deux raisons principales :

• les lieux de formation accueillant des migrants sont nombreux, diversifiés et encore assez mal répertoriés, notamment les associations (HCI, 2012, p. 12) ;

• le CIEP et l'OFII sont les deux institutions « responsables » du DILF : la première habilite les centres de formation, la seconde prescrit la passation du DILF à l'issue de la formation linguistique prévue dans le cadre du CAI ou des parcours dits hors CAI.

320. Si en 2010, des parcours visant le DELF A1 et le DELF A2 ont été ouverts aux signataires ayant été scolarisés dans leur pays d'origine,en 2013, « 14 904 DILF ont été délivrés » contre 7 984 DELF A1 (DGLFLF, 2014, p. 85) ; le nombre de parcours DELF A2 n'est pas mentionné mais on pense qu'il est inférieur. On peut préciser les caractéristiques des populations signataires du CAI relevées par une étude assez récente (INSEE, 2012b, p. 140) : « La population des signataires du CAI est majoritairement féminine (à 52 %) et relativement jeune (32 ans d’âge médian). Près de 7 sur 10 viennent d’Afrique. Trois principaux profils se distinguent. Les migrants familiaux (72 % de l’ensemble) sont le plus souvent présents en France depuis moins d’un an lorsqu’ils reçoivent leur titre de séjour. […] Ensuite, viennent les réfugiés (13 % de l’ensemble [des signataires]) dont la moitié est originaire d’Asie et près d’un quart du seul Sri Lanka. La moitié d’entre eux est installée en France depuis plus de 2 ans. […] Ils sont moins diplômés que les autres (seulement 14 % sont diplômés de l’enseignement supérieur contre 20 % pour l’ensemble). Enfin, les migrants de travail (9 % de l’ensemble) sont davantage des hommes (80 %) et ils sont installés pour la moitié d’entre eux depuis au moins 8 ans en France. Ils sont quasiment tous (97 %) en emploi (contre respectivement 46 % auxquels s'ajoutent 23 % au chômage pour l’ensemble). La moitié d’entre eux est très peu diplômée ».

321. « Aujourd’hui placé sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur, l’OFII remplit 4 principales missions que l’Etat lui a déléguées : la gestion des procédures régulières aux côtés ou pour le compte des préfectures et des postes diplomatiques et consulaires ; l’accueil et l’intégration des immigrés autorisés à séjourner durablement en France et signataires à ce titre d’un contrat d’accueil et d’intégration avec l’Etat ; l’accueil des demandeurs d’asile ; l’aide au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d’origine. Créé en 2009, l’OFII est désormais le seul opérateur de l’Etat en charge de l’immigration légale. 866 agents travaillent à l’Office en France au siège parisien et dans plus de cinquante directions territoriales, délégations ou plates-formes hébergées qui permettent de couvrir l’ensemble du territoire national. A l’étranger, l’OFII est représenté dans neuf pays : le Maroc, la Tunisie, la Turquie, la Roumanie, le Mali, le Sénégal, le Canada, le Cameroun, l’Arménie ». Extrait de la présentation de l'OFII sur son site officiel, récupéré de : http://www.ofii.fr/qui_sommes-nous_46/index.html?sub_menu=1 (page consultée le 28/07/14)

M'intéressant aux utilisations de TIC mais, plus largement, aux pratiques instrumentées (au sens de la théorie instrumentale étendue) des formateurs de migrants, je n'ai pas choisi d'aller directement vers des organismes de formation au sein desquels je savais qu'il existait des pratiques mobilisant des TIC322. Mon objectif n'était pas d'établir des « bonnes pratiques » ou d'inciter à l'utilisation de TIC pour la formation de migrants relevant du DILF. Il s'agissait bien, par contre, de collecter et d'analyser des informations relatives aux pratiques instrumentées de formation des migrants, sur des terrains variés, sélectionnés en fonction de critères cohérents.

Il m'a donc finalement semblé pertinent de recenser les organismes accueillant des migrants relevant du DILF parce que cela permettait de documenter les pratiques des formateurs à une échelle plus vaste que celle permise par une sélection réalisée a priori, à partir d'une connaissance des terrains limitée par mon expérience et mes connaissances initiales.

Les choix réalisés peuvent favoriser un degré de généralité plus important, même s'ils ont exclu de ma recherche des régions ainsi que des dispositifs de formation qui ne sont pas orientés par la passation du DILF. Ils permettent de former un ensemble cohérent, à savoir : des organismes proposant des formations pour des adultes migrants (peu lettrés), signataires du CAI ou non, dans la région ciblée. Les terrains non considérés dans ma thèse restent à investiguer au cours de recherches ultérieures.

Afin de documenter les pratiques des formateurs œuvrant dans ces organismes, j'ai élaboré un programme de recherche qui articule deux phases principales :

une phase exploratoire qui a visé la collecte et l'analyse des discours des prescripteurs intermédiaires que sont les « responsables » de ces organismes323. Des entretiens semi- directifs ont été menés pour connaître l'offre de formation de ces organismes, l'équipement en TIC et les utilisations pédagogiques de ces équipements, notamment pour la formation des apprenants relevant du DILF.

• Basée sur la sélection, au sein du premier corpus, d'un ensemble contrasté mais réduit d'organismes, la phase d'approfondissement a ensuite visé l'étude des contradictions à l'œuvre pour l'activité des formateurs. Cette phase visait aussi à développer un accompagnement des équipes avec la mise en œuvre d'une adaptation de la méthodologie des laboratoires du changement324.

À travers l'analyse des données collectées dans la phase exploratoire, j'ai pu remplir partiellement un des objectifs de ma recherche, à savoir effectuer un repérage pour un état des lieux des pratiques mobilisant les TIC dans la formation de migrants (peu lettrés) à l'échelle de la région

322. Par exemple, certains cours municipaux destinés aux migrants sont articulés aux TIC, des associations de ma connaissance ont porté des projets liés aux TIC, etc.

323. Directeurs, coordinateurs pédagogiques, chefs de projet, conseillers en formation continue, etc. : j'ai cherché à m'entretenir avec des personnes situées à un niveau hiérarchique suffisant pour avoir une vue d’ensemble des activités des organismes et de celles concernant la formation d'apprenants relevant du niveau DILF plus spécifiquement.

choisie325. Dans les sections suivantes, je décris le déroulement de cette phase exploratoire, les méthodologies mises en œuvre et les résultats de l'analyse des données.