• Aucun résultat trouvé

TIC et « alphabétisation » 103 des adultes migrants, une revue de littérature 1 Éléments de méthode et d'analyse du corpus

3 Considération des TIC dans la formation des migrants peu lettrés

3.3. TIC et « alphabétisation » 103 des adultes migrants, une revue de littérature 1 Éléments de méthode et d'analyse du corpus

J'ai mené une activité de veille, continue depuis mon master (2009-2011), afin d'identifier les publications disponibles au sujet des utilisations de TIC à des fins de formation d'adultes

98. Par exemple : Beauné, 2011a ; Coulbaut-Lazzarini & Bergere, 2012 ; FAS, 1996 ; Leclercq & Vicher, 2002 ; Vicher, 2013. 99. Au sens où la formation linguistique des migrants se distingue des autres dispositifs de formation de base, par des politiques spécifiques, la publication d'un référentiel et l'établissement d'un label pour les actions de formation ciblant les migrants.

100. L'étude de Morisse (2003, pp. 16–24) éclaire particulièrement cette variété des parcours des formateurs employés pour la « formation linguistique et/ou de base » (formulation du titre de l'étude) ; voir aussi sur ce point la note de synthèse de Leclercq (2007, pp. 42–43).

101. Les formateurs qualifiés en FLE sont-ils formés pour développer des savoirs de base en termes de numératie par exemple ? On voit ici poindre une tension liée à la croyance selon laquelle « tout le monde, ou presque, peut enseigner les savoirs fondamentaux » (Leclercq, 2007, p. 42).

102. Les masters FLE comprennent de plus en plus fréquemment des UE relatives aux utilisations de TIC à des fins éducatives, contrairement à d'autres formations qui ne s'inscrivent pas dans une optique d'enseignement (journalisme, marketing, etc.).

103. L'usage en mention du syntagme renvoie à l'analyse des besoins de détermination d'une alphabétisation élargie menée précédemment.

104. Il est ici question de corpus parce qu'on a réalisé un état de question à partir de la constitution d'un ensemble de publications, visant tant que possible la considération la plus complète des problématiques reliant les utilisations de TIC et la formation d'adultes migrants peu lettrés.

migrants peu lettrés et ce, au moyen d'un agrégateur de flux RSS, d'inscription à des listes de diffusion, d'utilisation de réseaux sociaux, de plateformes de curation et d'alertes enregistrées via les fonctionnalités des moteurs de recherches généralistes et spécialisés (Google et Scholar). Bien entendu, les publications éditées sous forme livresque ou papier ont également été explorées. Après un tri des documents recueillis, j'ai retenu 48 textes105 qui peuvent être associés à différentes combinaisons des mots clés suivants : adulte*, migrant* (et ses variantes : immigrant*, immigré*), alphabétisation, « formation de base », TIC (ou technologie*, informatique), apprentissage*, enseignement, politique*. J'ai écarté les textes qui analysaient les pratiques éducatives en milieu scolaire (concernant des enfants ou des adolescents), ceux qui traitaient d'adultes qualifiés et lettrés106 ou ceux intéressés par les migrations sur un plan plus général, ne concernant pas les aspects liés à la formation. J'ai cherché, tant que possible, à identifier les publications relatives à la situation française (n = 26) mais j'ai aussi considéré des publications concernant d'autres échelles territoriales, qu'il s'agisse des pays européens (n = 8) ou d'analyses menées à l'échelle internationale (n = 14).

Tous ces textes ont été publiés entre 1996 et 2014 ; seuls trois ont paru avant 2000 et la plus grande partie a été publiée à partir de 2004 (n = 40). Collin (2012, 2013) identifie les recherches sur les liens entre les TIC et « l'intégration des migrants »107 comme un champ émergent108, ce qui peut expliquer cette répartition des productions retenues ici. Malgré l'activité continue de veille, cette revue de littérature ne prétend pas à l'exhaustivité et ce, pour plusieurs raisons, parmi lesquelles, justement, le fait que ce champ de recherches émerge : il manque de coordination et de structuration. Leclercq (2007, p. 15) détaille aussi certaines spécificités des formations de base en termes de publications :

La formation de base est un champ de pratiques professionnelles et sociales suscitant davantage de travaux d'ingénierie, de monographies, de comptes rendus d'expériences, de conception de supports de formation que de recherches à portée scientifique. À cet ensemble diversifié, il faut ajouter d'autres types d'investigations relevant d'avantage de l'essai. […] Les écrits à caractère scientifique occupent une place certes, mais dans un ensemble très disparate.

On a constaté que cette diversité persiste d'une certaine manière dans les textes retenus, bien que ceux à caractère scientifique soient assez bien représentés :

105. Voir volume des annexes (annexe 2, « sélection de publications : TIC et ''alphabétisation'' des adultes », pp. 6-9).

106. Il y aurait cependant un intérêt à croiser, avec la présente revue de littérature, les résultats issus des recherches menées en FLE sur l'utilisation de TIC, ainsi que ceux issus des recherches en didactique sur ces utilisations pour l'entrée en littéracies de publics plus jeunes. Il était difficile de produire cela dans le cadre de ma thèse, faute de temps : il s'agit donc là d'une piste de recherches à approfondir.

107. L'usage en mention du syntagme renvoie à la discussion terminologique menée dans la section intitulée Données historiques : vers les spécificités de la situation française : parler de l'intégration des migrants uniquement, c'est oublier les difficultés propres à l'intégration des sociétés contemporaines à elles-mêmes.

108. Hackett (2007) évoque le petit nombre de travaux scientifiques sur le sujet quand d'autres précisent que c'est les formations de base ou celles des migrants qui ne sont pas des objets de recherche fréquents (Adami, 2009a; Étienne, 2004; Leclercq, 2007).

Recherches à caractère scientifique 22 Recherche-action 6 Recherches institutionnelles109 10 Analyse de littérature problématisée110 11

Compte-rendu d'expérimentation 6 Analyses de pratiques ou de dispositifs de formation

21

Autres111 10 Autres112 10

Total 48 Total 48

Tableau 3 : caractéristiques des textes du corpus « TIC et alphabétisation des adultes »

Deux traits récurrents de ces publications que ne montre pas le tableau précédent correspondent :

• au modèle de la pédagogie de projet, présenté comme cadre de référence dans douze textes,

• au problème lié au fait que, même dans les textes de recherche, des dispositifs ou des ressources informatisées sont présentés et/ou analysés, souvent en petit nombre et sans forcément être reliés à un cadre d'analyse problématisé.

La lecture de ces différents textes procure donc un sentiment de profusion d'initiatives restant assez difficiles à appréhender dans une réflexion plus générale.

On éclairera encore une raison à l'incomplétude de cette revue de littérature, liée à la centration sur la formation des migrants peu lettrés. Cet objectif pose en effet des difficultés qui s'avèrent liées aux discussions terminologiques menées dans la section précédente : on est contraint de se référer aux « formations de base » dont on a dit qu'elles englobaient une grande variété de dispositifs de formation au sein desquels les migrants ne sont pas nécessairement distingués d'autres publics (notamment des natifs scolarisés en situation d'illettrisme).

Ainsi, seulement 8 des textes retenus portent explicitement et précisément sur les pratiques éducatives mobilisant des TIC à destination d'adultes migrants peu lettrés ; d'autres (n = 34) s'intéressent aux adultes peu qualifiés mais on n'a pas nécessairement de précision au sujet de la concordance entre les langues qu'ils parlent au quotidien et celles des pays concernés par les études113 ; d'autres finalement (n = 6) s'intéressent aux questions et aux pratiques de formation associées à l'« e-inclusion » des migrants sans distinguer leur niveau de qualification. Pour la

109. Par exemple, les productions relevant d'équipes de chercheurs de la Commission Européenne ou celles pour l'évaluation des compétences des adultes. On les distingue des recherches à caractère scientifique dans le sens où leur contenu est davantage politisé. 110. Ont été classés ici des textes qui peuvent également comporter des enquêtes qualitatives et/ ou quantitatives en termes d'équipement et de pratiques mais ils se distinguent des textes classés dans la catégorie suivante, par une focalisation plus large et davantage problématisée.

111. Comptant des réflexions à caractère militant, des compte-rendus de journées d'études, des descriptions de dispositifs législatifs et de ressources informatisées pour la formation.

112. Comptant des recommandations pour les pratiques, des réflexions à caractère militant, des compte-rendus de journées d'études, des descriptions de dispositifs législatifs et de ressources informatisées pour la formation.

113. Bien qu'on puisse, avec des lectures assez fines, identifier des indices textuels, par exemple, lorsqu'il est dit que certaines personnes n'ont jamais été scolarisées ou lorsqu'il est fait mention de formations en FLE.

France en particulier, 8 textes portent explicitement sur la formation d'adultes migrants peu lettrés et 18 autres portent sur celle d'adultes en situation d'illettrisme.

À travers les 48 publications retenues, on a cependant identifié un certain nombre de tendances importantes qui permettent d'aménager un état de question à caractère exploratoire au sujet des utilisations de TIC pour la formation d'adultes migrants peu lettrés. Dans la suite, j'analyse les constats les plus récurrents des textes en fonction de quatre principaux axes, à savoir :

1. les cadres institutionnels créés pour l'utilisation de TIC dans les formations des adultes migrants peu lettrés,

2. les idées reçues relatives aux utilisations de TIC pour la formation de ces publics,

3. la diversité des usages repérés et les difficultés pour leur développement au sein des formations,

4. les problématiques relatives aux ressources disponibles.

3.3.2. Cadres institutionnels existants

Un premier axe d'analyse porte sur les cadres institutionnels créés pour déterminer et encourager les utilisations des TIC dans les formations de migrants peu lettrés : ce qui ressort, sur ce point et actuellement, c'est la faiblesse et les limites de ces cadres institutionnels, malgré quelques variations en fonction des espaces géopolitiques considérés.

Au Québec, par exemple, Hackett (2007) précise que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) a mandaté, dès 1997, le Centre de documentation sur l'éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF) pour développer des activités liant « alphabétisation des adultes » et utilisations de TIC114. En Belgique, des financements européens sont consacrés depuis le début des années 2000 pour la lutte contre la fracture numérique en alphabétisation115.

À l'échelle européenne, plusieurs études ont mis en avant le contraste entre un nombre important d'initiatives locales et le manque de politiques publiques aux différents niveaux territoriaux pour l'utilisation des TIC dans les formations d'adultes (migrants) peu lettrés116, qu'elles concernent l'e- inclusion ou l'apprentissage des langues des pays d'accueil (Kluzer et al., 2008). Sur ce dernier point, l'étude de Kluzer, Ferrari et Centeno (2011) établit un lien entre la définition de politiques publiques de formation et l'utilisation effective de TIC à des fins de formation de migrants dans trois pays européens :

À l'heure actuelle, les TIC ne sont utilisées dans une mesure significative pour l'apprentissage de la L2 par les adultes migrants qu'aux Pays-Bas, au Danemark et au 114. On remarquera aussi que, dans la francophonie canadienne, « le principal élément d’ancrage de la recherche [en éducation et formation des adultes] est l’alphabétisation, l’analphabétisme et la littératie » (Solar & Thériault, 2013).

115. Collectif d’auteurs. (2013). État des lieux de la réflexion sur le projet de lutte contre la fracture numérique en alphabétisation. (p. 11). Lire et Ecrire Bruxelles.

116. Si des politiques publiques soutiennent les initiatives locales pour la formation des migrants peu lettrés, elles n'incluent pas nécessairement de préconisations ou de prescriptions liées aux utilisations de TIC dans ces formations.

Royaume-Uni. Cela semble être une conséquence des mesures décidées au sein des politiques nationales : par exemple, aux Pays-Bas au cours de la dernière décennie, des mesures ont appuyé l'organisation de tests informatisés en L2 (et l'élaboration de ressources d'apprentissage informatisées en L2) ; au Danemark, des formations en L2 sont basées sur des ressources informatisées, y compris en ligne ; et au Royaume-Uni, l'initiative Skills for life a élevé en priorité l'apprentissage de la langue et les compétences numériques pour la formation des adultes. Dans d'autres pays, l'utilisation des TIC dans l'apprentissage de la L2 pour les adultes migrants progresse, généralement d'après un modèle bottom-up. Actuellement, cependant, aucun des pays de l'UE n'a défini de politique officielle ou une stratégie de déploiement particulière pour l'utilisation des TIC dans l'apprentissage de la L2.117

Les auteurs rappellent cependant que les utilisations de TIC pour l'apprentissage des langues des pays d'accueil sont préconisées par les institutions européennes dans trois domaines distincts : les politiques d'immigration et d'intégration, celles relatives à la société de l'information (particulièrement au travers des mesures d'e-inclusion) et celles relatives à la formation tout au long de la vie.

Ces études comportent généralement des recommandations pour la définition de politiques publiques. En ce qui concerne l'e-inclusion, Codagnone et Kluzer (2011, p. 12) précisent qu'il convient de maintenir les dispositifs de formation de base « traditionnels » mais qu'il apparaît nécessaire de « renforcer les mesures relatives aux utilisations de TIC à des fins d'apprentissage, d'employabilité, pour le dialogue interculturel, ainsi que celles élaborées pour parer aux situations de désavantage social extrême »118. Ils insistent également sur l'utilisation de TIC pour tous les migrants, y compris ceux non-lecteurs et non-scripteurs119 afin de « diffuser auprès des migrants des informations claires […] au sujet de leurs droits [;] des moyens d'interaction avec les administrations pour la protection sociale, le suivi de la scolarisation de leurs enfants, et l'accès aux services de soins »120. D'autres recommandations concernent le soutien aux recherches, la coordination et la prise en considération de ces questions par les politiques publiques, le soutien au développement de point d'accès à Internet, particulièrement dans les zones territoriales défavorisées et pour les organismes proposant des services plus conséquents aux populations éloignées des TIC.

Concernant les utilisations de TIC pour l'apprentissage des langues des pays d'accueil, Kluzer, Ferrari, & Centeno (2011, pp. 12-13) déterminent six axes prioritaires :

1. l'organisation de campagnes de sensibilisation et d'information au sujet des opportunités et des défis liés aux TIC ;

2. le renforcement de la formation et de l'accompagnement des enseignants ;

117. Traduction libre de Kluzer, Ferrari et Centeno (2011, p. 9) 118. Traduction libre.

119. Les auteurs mettent en avant, sur ce point, l'intérêt de la multicanalité des TIC : les informations peuvent être diffusées via des vidéo ou des documents audio (simplifié dans la langue du pays d'accueil ou traduit dans les langues des migrants).

3. la création de banques de ressources informatisées ouvertes dans les langues des pays d'accueil ;

4. la création de bases de données pour la diffusion de bonnes pratiques et de futures normes de qualité ;

5. l'élaboration d'une plate-forme européenne pour systématiser les échanges d'informations, d'expériences et de bonnes pratiques ;

6. le soutien à la recherche121.

À l'international, deux auteurs mandatés par l'UNESCO avaient établi précédemment différentes préconisations à partir de la description des promesses des TIC pour l'alphabétisation des adultes, mais ils avaient également identifié une tension forte et persistante entre les besoins en termes d'alphabétisation des populations à l'échelle internationale et les investissements consentis (Wagner & Kozma, 2005, p. 22).

En France, il existe diverses mesures : on peut prendre l'exemple de la généralisation d'un module d'initiation à Internet pour les demandeurs d'emploi en 2000122, identifiée par Dessis (2006, p. 4) comme la source de « la généralisation d’un module d’initiation à l’informatique, au multimédia et à Internet [dans] les Ateliers de Formation de Base [de la région Aquitaine] ». Cette auteure évoque des préconisations datant de la fin des années 1990 dans le cadre de la lutte contre les exclusions, soutenues à présent par les actions de l'ANLCI (Agence Nationale de Lutte Contre l'Illettrisme).

Cependant, à peu près à la même période, Dantzer et un collectif d’auteurs (2005, p. 11) montraient que « la création des groupes de travail sur les usages des TIC a été impulsée par le C.R.I.-région PACA, et [qu']il n’y a pas eu de demande explicite [des] partenaires institutionnels », voire qu'une expérimentation intéressante a été « boudée par les institutions » (p. 27).

Les politiques publiques françaises sont-elles en train d'évoluer vers une plus grande prise en compte du potentiel des TIC pour la formation des migrants, y compris celle des migrants peu lettrés ? Le Conseil National du Numérique (CNN), dans le cadre d'un rapport remis en 2013 à la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique, précise que :

Chaque personne en situation d’exclusion - précaire, migrant, sans-papiers, sans abri ou détenu ... - , doit pouvoir acquérir les bases indispensables de littératie numérique pour que le numérique ne devienne pas pour elle une double peine et facilite au contraire sa réinsertion sociale. (Thieulien et al., 2013, p. 39)

121. Traduction libre (voir pp. 12-13)

122. Ministère du Travail. Module d’initiation à l’Internet pour les demandeurs d’emploi, 34 Circulaire DGEFP n° 2000-34 (2000). Consulté de : http://travail-emploi.gouv.fr/publications/picts/bo/20022001/A0030028.htm

Ce rapport situe cet axe de réflexion au deuxième rang des priorités, juste après celle intitulée « Former massivement à la littératie numérique de l’enfance à l’âge avancé ». Bien qu'il ne s'agisse que de préconisations, on a vu dans la section 3.1. relative à la part et au traitement des TIC dans les référentiels de formation que les prescriptions concernant leurs utilisations connaissent une certaine croissance.

Les analyses menées ici tendent donc à confirmer les observations relatives à l'enrichissement des cadres institutionnels préconisant ou prescrivant des utilisations de TIC pour la formation des adultes (migrants) peu lettrés et ce, aux différents niveaux institutionnels : celui supra- gouvernemental, celui gouvernemental et celui des responsables institutionnels de dispositifs de formation. Cependant, cette tendance se marque lentement et de manière hétérogène dans les différents pays, la France n'étant pas la plus avancée sur ce point. On analyse, dans la suite, certaines idées reçues freinant le développement des utilisations de TIC pour la formation des adultes migrants peu lettrés et qui se manifestent sur les terrains comme dans les recherches.

3.3.3. À propos d'idées reçues récurrentes

On traitera ici d'idées reçues au sens où elles apparaissent dans les textes depuis une certaine période et qu'elles semblent subsister, voire constituer un passage « incontournable » dans la réflexion sur l'utilisation de TIC pour la formation d'adultes migrants peu lettrés. Sur ce point, je n'ai pas fait exception et c'est pour cela qu'il me paraît important de les traiter comme des « idées reçues », notamment au vu des résultats de cette revue de littérature : un grand nombre de textes fait état de leur invalidité. Deux idées reçues principales parcourent une majorité des textes du corpus :

• utiliser des TIC pour la formation d'adultes peu lettrés est « impossible » du fait des difficultés langagières et/ou du manque d'autonomie des apprenants ;

• il ne faudrait utiliser des TIC qu'à la condition d'un certain nombre d'acquisitions antérieures, à partir de pré-requis liés, entre autres, aux compétences langagières.

On les décrit dans la suite, l'une après l'autre, ainsi que l'ensemble des résultats allant à leur encontre.

3.3.3.1. « Impossible » ?

La première des idées reçues relatives aux utilisations de TIC pour la formation d'adultes migrants peu lettrés apparaît sous diverses formes, allant de « préoccupations concernant les compétences des néo lecteurs pour utiliser les technologies » (Cerisier & Solari, 2009, p. 159) à des justifications systématisées de la « pertinence des TIC pour l'intégration des migrants » (Collin, 2012, 2013). Dans mes propres réflexions s'identifient plusieurs interrogations :

[…] nous soulignons la question de l'accès et de l'utilisation des TIC par des personnes maîtrisant peu le code écrit en français, et n’ayant pas ou peu manipulé d’ordinateurs

auparavant. Il convenait encore de tenir compte du fait que les adultes ne sont pas forcément prêts à utiliser les TIC pour l’apprentissage […]. (Beauné, 2011a, p. 220) L’expression « alphabétisation numérique » qui monte en puissance peut être justement questionnée de ce point de vue : « en quoi le substantif ''numérique'' implique une autre forme d’alphabétisation alors même que l’utilisation d’Internet requiert déjà de bonnes compétences langagières ? » (Boullé, 2009, p. 63-64). (Beauné, 2012a)

Ces questions réapparaissent en ce qui concerne des utilisations de TIC tirant parti des possibilités d'apprentissage à distance :

Pour ce public hétérogène et en difficulté vis-à-vis des compétences communicationnelles de base, la FOAD [ndlr. Formation Ouverte et A Distance] peut- elle offrir des perspectives efficaces de formation ? Cette question est fondamentale. La FOAD requérant a priori des compétences en lecture-écriture et une autonomie pour apprendre, il semble paradoxal de proposer un tel environnement d’apprentissage à des personnes ayant une maîtrise insuffisante de la lecture et de l’écriture. (Ardourel, 2009) La question centrale est : « Est-il possible de former en autonomie et à distance des personnes en situation d’illettrisme ? Et si oui à quelles conditions pédagogiques, organisationnelles et financières ?123

Or, pour chacun des textes cités et d'autres encore, la démonstration est faite, par la suite, du potentiel des TIC pour les apprentissages, quel que soit le niveau de départ des apprenants :

Notre contribution essentielle dans cette présente recherche est d’avoir démontré qu’il était possible [je souligne], sans se ruiner, d’utiliser et d’adapter des outils technologiques de communication et de collaboration pour faire coopérer et apprendre