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La querelle des névroses : prolongements et ruptures (1880-1914)

Dans le document tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012 (Page 137-156)

2.1. Aux origines de la névrose traumatique

2.13.2. Les névroses, nouveau modèle du traumatisme

2.1.4.1. La querelle des névroses : prolongements et ruptures (1880-1914)

La querelle des névroses va se clore par l’absorption durable de la névrose traumatique par l’hystérie et, dans une moindre mesure, par la neurasthénie.

L’hystérie cependant, comme à cette époque beaucoup d’autres entités pathologiques, connaît une révision profonde de sa conception sous l’impulsion de son démembrement entrepris notamment par Babinski, et se voir redéfinie dans un sens rendant encore plus aisé son absorption de la névrose traumatique.

De nouvelles références théoriques et cliniques voient également le jour, ou sont revisitées au regard des connaissances psychiatriques nouvelles, comme la notion d’émotion ou, au plan nosographique, la confusion mentale, qui tendent de plus en plus à mettre l’accent sur la dimension proprement réactionnelle de certain troubles, et de ce fait ouvrent à appréhension sur de toutes autres bases de certains des aspects cliniques de la névrose traumatique.

L’entité d’Oppenheim va ainsi presque totalement disparaître de la nomenclature strictement psychiatrique mais va cependant trouver en marge de celle-ci, dans la pratique expertale en plein développement, une place dont l’on peut penser qu’elle tient à la rencontre privilégiée, et nouvelle dans ses raisons, qui s’y effectue avec les victimes ; rencontre rendue nécessaire par les droits à indemnisation ouverts par la loi sur les accidents de travail.

1 S. Ferenczi (1918) : Psychanalyse des névroses de guerre, Psychanalyse 3, 1974, p. 29.

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a) De l’hystéro-traumatisme au pithiatisme

A quelques rares opposants près comme P. C. Knapp, l’hystéro-traumatisme devient dans les années 1880-1900 la doctrine dominante en Angleterre et en Amérique. En Allemagne, s’il est globalement admis, ainsi d’ailleurs que l’hystérie masculine, et relègue, nous le verrons plus loin, la névrose traumatique d’Oppenheim à une place marginale, son extension au domaine des accidents se heurte, quant à elle, à de grandes réserves.

En France, l’aura de La Salpêtrière est telle que la contradiction que lui apportent à partir de 1884 Hippolyte Bernheim et l’Ecole de Nancy n’entame qu’à peine son influence. A. Cullerre commente ainsi la situation française concernant le Railway spine :

En France, la question n’a pas soulevé des débats aussi passionnés et le nombre des savants qui en ont entrepris l’étude est moins considérable. Ne nous plaignons pas : la qualité remplace avantageusement parfois la quantité : le professeur Charcot a jeté à lui tout seul assez de lumière sur les névroses consécutives aux accidents pour éclairer ses détracteurs eux-mêmes. 1

Les thèses de Berbez (1887), de Guinon (1891), l’ouvrage de Blum sur l’hystéro-neurasthénie traumatique (1893), le Traité clinique et thérapeutique de l’hystérie normale de G. De la Tourette (1891), l’ouvrage de Bouveret sur la neurasthénie (1891), tous travaux inspirés par les thèses de Charcot en attestent. Ainsi, Bouveret réinterprète-t-il les 42 observations de névrose traumatique présentées par Oppenheim pour les ranger sous le diagnostic d’hystéro-neurasthénie.

A partir des années 1900 pourtant, l’hystérie à la Charcot connaît un déclin aussi général que rapide. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait supposer, ce ne sont pas les constructions psychologiques/psychopathologiques naissantes du traumatisme, élaborée d’un côté par la psychanalyse et de l’autre par P. Janet et sa « psycho-philosophie » (C.M. Prévost, 1973), qui la plongent dans une forme de désuétude ; leur place est encore bien trop marginale pour jouer un véritable rôle dans l’évolution des conceptions de la grande névrose (Fassin et Rechtman, 2007). Car c’est sur le terrain même de Charcot, la neurologie, et par l’un de ses élèves les plus fidèles, Joseph Babinski que vient cette première révision majeure avec le travail de « démembrement » de l’hystérie qu’il entreprend à partir de 19012, et qui participe, en cette fin de siècle, au partage de plus en plus net qui s’opère entre la neurologie et la psychiatrie. Un tel partage était en effet devenu inéluctable…

… parce qu’en une dizaine d’années s’organise la sémiologie neurologique, l’étude du tonus et de la forme musculaire segmentaire, des réflexes tendineux et cutanés, et ainsi de suite, sémiologie qui permet de déterminer si une affection relève ou non d’une lésion déterminée du système nerveux. 3

1 D. Cullerre (1891), op.cit., p. 261-62.

2 J. Babinski (1909) : Démembrement de l’hystérie traditionnelle. Pithiatisme, Imprimerie de la semaine médicale, Paris.

3 G. Lanteri-Laura (1994) ; La psychasthénie : histoire et évolution d’un concept de P. Janet, L’Encéphale, XX, p. 553.

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Dans cette redistribution, la neurologie va ainsi abandonner le champ des névroses, (à l’exception notable de l’hystérie de conversion qui restera au croisement des deux disciplines) pour se consacrer à l’épilepsie, la chorée, la maladie de Parkinson, les contractures et paralysies, la psychiatrie prenant pour elle les névroses actuelles (névroses d’angoisse, neurasthénie, hypocondrie) et les névroses de transfert.

C’est donc dans cette vaste œuvre de révision que les travaux de Babinski sur l’hystérie s’inscrivent. Il écrit ainsi :

Tous les médecins reconnaissent actuellement que le domaine de l’hystérie traditionnelle a été démesurément étendu et que l’on a, tout au moins, singulièrement exagéré cette faculté attribuée à l’hystérie de reproduire les maladies les plus diverses, « de tout faire », comme on le disait jadis. 1

C’est involontairement Charcot lui-même qui a ouvert la brèche dans laquelle va s’engouffrer Babinski, celle-là même de la définition qu’il avait donné de l’hystérie. L’analogie de plus en plus affirmée dans le années 1870 et 1880 entre phénomènes hypnotiques et phénomènes hystériques l’avaient en effet amené à accorder une place croissante à « l’idée » dans la genèse des accidents hystériques, car disait-il « … les hystériques sont suggestibles au premier chef, soit que la suggestion s’exerce par des influences extérieures, soit surtout qu’ils présentent eux-mêmes les éléments si puissants de l’auto-suggestion»2.

Si, nous le verrons plus loin, P. Janet et S. Freud, notamment, s’attacheront à montrer que l’importance de l’idée est à mettre en relation avec des représentations non conscientes ou inconscientes, Babinski, quant à lui, infléchit tout entière l’hystérie du côté de la suggestion, considérée comme une sorte d’hyperréactivité constitutionnelle :

L’hystérie est un état psychique rendant le sujet capable de s’auto-suggestionner. Elle se manifeste principalement par des troubles primitifs et accessoirement par des troubles secondaires. Ce qui caractérise les troubles primitifs, c’est qu’il est possible de les reproduire par suggestion avec une exactitude rigoureuse chez certains sujets et de les faire disparaître sous l’influence exclusive de la persuasion. Ce qui caractérise les troubles secondaires, c’est qu’ils sont étroitement subordonnés à des troubles primitifs. 3

Si, dans une perspective de diagnostic différentiel, et malgré son caractère très superficiel, l’on peut jusqu’à un certain point souscrire à une telle définition, plus clinique que véritablement psychopathologique, c’est son usage au service d’une idéologie anti-indemnisation toujours obnubilée par la question de la simulation qui posera problème. Car en cas de non sédation des symptômes par les contre-suggestions, il ne reste d’autre option diagnostique que celle de la simulation. Dans ce système binaire, si l’on présente des troubles dans lesquels aucun fondement organique ne peut être retrouvé, soit l’on est hystérique, soit simulateur conscient. Quant aux procédés de contre-suggestion sensés faire test différentiateur, ils ne sont jamais interrogés comme tels, notamment dans leurs effets suggestifs. De plus, une telle conception s’appuyait sur le

1 J. Babinski (1909) : Démembrement de l’hystérie traditionnelle. Pithiatisme, Imprimerie de la semaine médical, Paris, p. 4.

2 J-M. Charcot, La foi qui guérit, Archives de Neurologie, 1893, p. 87, cité par P. Bercherie (1980), p. 182.

3 J. Babinski (1901), cité par P. Bercherie, 1980, p. 184.

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présupposé implicite d’une science médicale achevée pour qui toutes les entités morbides étaient connues et décrites ; car sinon comment être assuré à tout coup que quand une symptomatologie ne cède pas à la contre suggestion l’on ne se trouve pas dans le cas de figure argué par Babinski pour justifier son travail de démembrement : celui d’une pathologie non encore connue et décrite, ne pouvant de ce fait s’amender.

Avec Babinski, il ne restera plus de l’hystérie que le « pithiatisme », soit l’imitation ou la simulation inconsciente ou subconsciente d’états pathologiques divers, pithiatisme réversible par la persuasion, quoique échappant à la volonté et à la conscience du malade.

b) L’étiologie des maladies mentales entre hérédité et milieu pathogène

Initiée on l’a vu par Béard avec la neurasthénie, « maladie du mode de vie moderne », l’influence du milieu s’affirme peu à peu en psychiatrie comme une nouvelle donnée, même là où sans doute un peu naïvement on l’attendrait le moins, dans la théorie de la dégénérescence.

Celle-ci a connu, en Morel puis en Magnan, ses deux grands théoriciens et nous allons brièvement examiner les grandes lignes de la conception qu’ils en ont chacun développée.

L’histoire considère à juste titre B.A. Morel (1809-1873) comme le premier tenant de la dégénérescence en psychiatrie, notion qu’il y introduit à partir de 1840 et qu’il tient de certains travaux de Buffon d’une part, et de l’expérience des éleveurs d’ovins et de bovins ayant observé depuis longtemps que la domestication d’une race entraînait inévitablement une certaine dégénérescence ; mais que le retour à un mode de vie naturel permettait malgré tout de régénérer (G. Lauteri-Laura, 1991).

La théorie de la dégénérescence connaîtra un très large succès dans toute l’Europe : « Première tentative d’explication globale de la folie, elle permettra également à ses partisans une interprétation du génie et du crime (J Postel et J. Quetel, 1983, p.351). Elle inspirera également un premier modèle victimologique.

Parallèlement aux variétés que connaît l’espèce humaine et qui tiennent à son adaptation à des conditions de vie diverses, il existe un certain nombre de « déviations maladives du type primitif de l’humanité » (Lanteri-Laura, 1991, p 367) : ce sont les dégénérescences. Pour Morel, il s’agissait d’un processus qui, lorsqu’il atteignait une lignée, se développait sur quatre générations :

Dans la première, l’on observe seulement un tempérament nerveux ; dans la seconde, la pathologie se précise, avec l’hystérie, l’épilepsie ou l’hypocondrie ; dans la troisième, l’on observe des manifestations délirantes proprement dites et dans la quatrième une idiotie, chez un sujet incapable de se reproduire, ce qui arrête effectivement les effets de la dégénérescence dans cette lignée. 1

1 G. Lanteri-Laura (1991) : La Prédestination et ses rapports avec les notions de dégénérescence, de constitution et de structure, L‘évolution psychiatrique, 56, 2, p. 367.

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Si la dégénérescence représente une déviation maladive de l’espèce, elle suppose un processus de transformation qui, chez Morel, ne doit rien à la théorie darwinienne d’une adaptation progressive sur de nombreuses générations de l’homme aux modifications de son milieu, mais à des causes immédiates et tout à fait actuelles. Ainsi elles pouvaient être multiples : hérédité certes, mais également maladies infectieuses, intoxications, conditions de vie, mauvaises nourritures, famines, milieu social, misère, métiers insalubres…, facteurs endogènes et exogènes pouvant se cumuler. Il pouvait ainsi écrire en 1848 :

L’espèce humaine, surtout dans nos grandes villes, dépérit et dégénère et les maladies héréditaires, propagées par le vice et la misère, font couler dans les veines des générations naissantes le principe du virus physique et moral qui étiole notre société et l’abâtardit 1

Cependant, à l’exception de la quatrième phase, une inversion du processus était toujours possible et Morel en concevait le rôle et l’importance d’une véritable médecine sociale dans laquelle le praticien jouerait autant ou presque la fonction de médecin que celle de contributeur à l’amélioration morale et physique des classes pauvres et laborieuses :

La Médecine sociale, rien qu’à son titre, révélera à toute la classe de la société la nouvelle et imposante mission du corps médical et à ce corps le programme de cette mission […] Pour nous borner aux questions les plus fondamentales, à qui appartient-il de mieux résoudre le problème général de l’amélioration des classes laborieuses ? Qui développera mieux que le médecin la voie directe pour développer le physique et le moral ? Qui déterminera mieux que lui les rapports utiles et humains entre la capacité de travail aux différents âges et à la nature de ceux-ci ? 2

La dégénérescence, sensible aux effets négatifs comme positifs du milieu, était donc, pour Morel réversible.

V. Magnan (1835-1916), médecin aux admissions de l’hôpital Sainte-Anne, reprendra la notion de dégénérescence à Morel mais dans une acception sensiblement différente de déséquilibre liée à une hérédité morbide, dans le prolongement de la théorie darwinienne. Il la définissait ainsi :

La dégénérescence est l’état pathologique de l’être qui, comparativement à ses géniteurs les plus immédiats, est constitutionnellement amoindri dans sa résistance psycho-physique et ne réalise qu’incomplètement les conditions biologiques de la lutte héréditaire pour la vie. Cet amoindrissement, qui se traduit par des stigmates permanents est essentiellement progressif, sauf régénération intercurrente ; quand celle-ci fait défaut, il aboutit plus ou moins rapidement à l’anéantissement de l’espèce. 3

La dégénérescence pour Magnan se marquait cliniquement par l’existence de stigmates physiques : malformations congénitales diverses, et psychiques avec la coexistence d’obsessions et d‘impulsions.

Elle jouait un rôle dans la pathologie mentale :

1 B.A. Morel (1848), cité par F. Carbonel (2010) : L’idéologie aliéniste du Dr B.A. Morel : christianisme social et médecine sociale, milieu et dégénérescence, psychiatrie et régénération, AMP, 168, p. 668.

2 Ibidem, p.668.

3 J. Postel et J. Quetel (1983) : Nouvelle histoire de la psychiatrie, p.354.

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Il y distinguait de façon canonique ceux qui étaient prédisposés (qu’il nommait aussi bien dégénérés, que déséquilibrés ou héréditaires) et ceux qui ne l’étaient pas. Ces derniers échappaient presque tous à la pathologie mentale, et dans les rares fois où ils étaient atteints, souffraient de délire chronique à évolution systématique, qui les conduisait inexorablement à la démence le long de quatre phases typiques. Quant aux prédisposés, ils pouvaient présenter le plus souvent un épisode aigu, sans conséquence sinon sans lendemain, la bouffée délirante polymorphe, qui guérissait toujours, mais rechutait parfois ; et fort rarement, une pathologie au long cour, le délire chronique polymorphe.

Le schéma utilisait donc surtout cette notion de fragilité préalable : quand elle se trouvait présente, l’on observait surtout un épisode délirant aigu, véritable décompensation durable ; quand elle faisait défaut, c’était l’occurrence bien rare d’un délire chronique. 1

Il en ressortait deux grandes formes d’aliénations, celles survenant chez les « héréditaires » et celles accidentelles, pouvant se développer chez les individus normaux.

Si donc pour Morel le milieu jouait un rôle déterminant dans le développement de la dégénérescence, chez Magnan elle semble essentiellement héréditairement fixée.

c) Le modèle de l’intoxication par le choc et la confusion mentale

Dans le même temps, l’idée était en passe d’être unanimement acquise que les émotions violentes puissent constituer l’un des modes d’action de ce milieu. Mais l’explication lésionnelle ayant échoué à en révéler le mécanisme d’action, c’est un modèle inspiré de la physiologie qui va s’y substituer et être adopté par beaucoup, le modèle de l’intoxication, déjà en usage dans l’étiologie d’un certain nombre d’entités morbides.

Sous l’influence d’une physiologie qui commence à raisonner en terme de dynamique de systèmes, cette évolution correspond dans les faits moins à une disparition du modèle réflexe qu’à sa réinterprétation comme un véritable comportement de réaction, donc d’adaptation, de l’organisme à des modifications de son milieu, et non plus simplement comme une forme d’activité automatique et élémentaire (M. Gauchet, 1992).

C’est une entité clinique nouvelle, la confusion mentale, va permettre d’établir un lien entre ces différentes considérations.

Elle est autonomisée à partir de 1892 par le Dr Ph. Chaslin, sur la base des travaux de Delaisiaume, et l’une de ses caractéristiques étiologiques est qu’elle peut être causée par des traumatismes et des émotions violentes. A Porot (1969) en donne la définition très complète suivante :

Syndrome mental généralisé, le plus souvent aigu ou subaigu à son début et caractérisé par une dissolution plus ou moins rapide de la conscience avec obtusion intellectuelle, lenteur des perceptions et des processus d’orientation et d’identification. La synthèse mentale s’effectue avec difficulté sur des données perceptives ou mnésiques incomplètes, fragmentaires, disparates, assemblées sans cohérence : l’attention, la réflexion et le jugement sont des opérations qui deviennent impossibles ou n’aboutissent qu’à des ébauches sans lien et sans ordonnance ; l’onirisme vient souvent apporter des images de rêve, ce qui explique l’assimilation que l’on a faite de la confusion mentale et du sommeil. Comme corollaire, on note de la désorientation dans le temps et dans l’espace, de l’indifférence ou de la discordance émotionnelle, la lenteur et le caractère incomplet des réponses, l’air égaré et absent du malade, une certaine inertie pouvant aller jusqu’à la stupeur, l’insouciance des

1 G. Lanteri-Laura (1991), op.cit, p.368.

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besoins végétatifs élémentaires de l’organisme. Tels sont, du moins, les éléments fondamentaux de la confusion mentale pure. Cette dissolution de la conscience, plus ou moins totale, est généralement suivie d’une restauration ordinairement complète de la personnalité.1

PH. Chaslin va faire des traumatismes (entendus au sens physique) et des chocs émotionnels l’une des causes possibles d’auto-intoxication, mais il semblera toujours avoir quelques difficultés à dégager les caractéristiques cliniques d’un tel regroupement :

Si les troubles mentaux toxiques et infectieux se montrent, dans la très grande majorité des cas, sous des formes assez typiques, les traumatismes (comme les auto-intoxications) ne donnent pas toujours au clinicien la même satisfaction, même en restreignant strictement leur domaine aux troubles qui les suivent immédiatement, et même en cherchant à découvrir la pathogénie exacte de ceux-ci. 2

Il est de fait que les quelques exemples qu’il en donne semblent aujourd’hui n’avoir que bien peu de points en commun, alors qu’ils se veulent tous illustratifs de la même entité : - exemple d’un accidenté de voiture ayant souffert d’une perte de connaissance, puis présenté un état de confusion légère avec amnésie pendant quelques jours, suivi d’une reprise de conscience totale avec le souvenir d’avoir pensé au moment de l’accident : « Cette fois-ci je vais avoir un accident mortel » ; - exemple d’un sujet victime d’un coup violent à la tête avec perte de connaissance consécutive ; - exemple d’un jeune militaire présentant un état de confusion probablement lié à un choc moral violent survenu plus de six mois auparavant suite à l’annonce du décès de sa mère. Chaslin précise plus loin :

A côté du traumatisme physique, on peut décrire un traumatisme moral (qui peut, comme je l’ai dit, compliquer aussi le choc physique) dont les conséquences mentales sont aussi diverses et entremêlées, si bien qu’une description schématique est impossible. Il semble bien que les types cliniques les plus ordinaires soient surtout la neurasthénie et l’hystérie. Sont-ce des manifestations vraiment liées au choc ou seulement suscitées occasionnellement par lui ? 3

E. Regis, en continuateur de Chaslin, reprendra et enrichira la théorie et la clinique de la confusion mentale et mettra particulièrement en avant son étiologie, à savoir un état toxique, ce dernier renvoyant à des causes occasionnelles et prédisposantes :

L’action des causes occasionnelles, psychiques ou physiques, sur le développement des maladies mentales est incontestable, mais elle ne doit pas être exagérée, et il faut bien savoir que sans une prédisposition déjà existante, sans le concours de la semence et du terrain, cette action resterait inefficace. On peut même dire de façon générale qu’en psychiatrie les causes occasionnelles et les causes prédisposantes agissent en proportion inverse les unes des autres. 4

Pour Regis, à côté des psychopathies dites simples, « formes primitives et autonomes des maladies mentales », trouve place un volumineux chapitre consacré aux « psychopathies symptomatiques ou associées », dans lesquelles la psychopathie « au lieu d’être tout par elle-même, n’est plus qu’un

1 A. Porot (1969) : Manuel alphabétique de psychiatrie clinique et thérapeutique, PUF, Paris, p. 133.

2 Ph Chaslin (1912) : Eléments de sémiologie et de clinique mentales, Asselin et Houzeau, Paris, p. 367.

3 Ph. Chaslin, ibid., p. 373.

4 E. Regis (1914) : Précis de psychiatrie, 5ème édition, Doin et fils Editeurs, Paris, p. 37.

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