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Les pratiques nouvelles de l’expertise

Dans le document tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012 (Page 156-184)

2.1. Aux origines de la névrose traumatique

2.13.2. Les névroses, nouveau modèle du traumatisme

2.1.4.2. Les pratiques nouvelles de l’expertise

2.1.4.2. Les pratiques nouvelles de l’expertise

C’est parce qu’ils remarquent le développement de positions similaires laissant la part belle au soupçon systématique et à la « traque » de la simulation que D. Fassin et R. Rechtman (2007) établissent un parallèle entre les pratiques expertales en milieu civil et la politique militaire durant la première guerre mondiale à l’égard des soldats présentant des troubles psychiques au décours des batailles : à l’accusation d’escroquerie pour les premières faisait pendant celle d’une « désertion psychique » pour la seconde. Même défiance, même hostilité à toute reconnaissance des causes externes des traumatismes sur la santé psychique, même réprobation morale. L’on ne s’en étonnera guère, non pas au regard de la pensée psychiatrique qui, malgré certaines difficultés, commençait, comme nous venons de le voir, de reconnaître la possibilité d’authentique existence de tels troubles sous le couvert de la confusion mentale, qu’à celui de pratiques sociales encore sous-tendues par le paradigme libéral de la nécessaire assomption par chacun du sort qui lui est dévolu ; car la victimité est encore loin de constituer un paradigme cardinal et cette reconnaissance demeure pour le moins précaire, engendrant bien peu d’effets concrets.

1 Voir par exemple le récent ouvrage d’A. Ponseti-Gaillochon et al. (2009) Le débriefing psychologique, où l’on a le sentiment que cohabitent, plus qu’elles ne s’intègrent véritablement, les deux approches.

2 La nature du stress, Psychologie Clinique, 2008, n° 24, p. 201-215.

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Cependant, nous l’avons vu dans un domaine socialement central et particulièrement sensible, un déplacement s’est opéré qui a conduit à la loi sur les accidents de travail, dont les principes participent à une profonde mutation dans les modalités de penser la responsabilité et la faute.

Bien qu’assimilable sur de nombreux points à une pratique d’expertise (nous allons tenter de montrer en quoi), le diagnostic de tels troubles psychiques dans le cadre militaire en situation de guerre ne bénéficiait pas, loin de là, de la même possible reconnaissance : d’une part les enjeux en étaient bien plus conséquents, tant au plan de la morale que de la logique militaire, d’autre part le principe de reconnaissance des traumatismes accidentels au travail ne s’était pas encore véritablement étendu à d’autres domaines.

Au reste, l’on verra se développer des conflits d’intérêt entre une certaine psychiatrie militaire et une frange de la psychiatrie civile à qui revint en partie la gestion de ces désordres.

a) Les accidents du travail et l’expertise en milieu civil

En établissant le principe légal d’une indemnisation indépendamment de l’imputation d’une responsabilité, la loi sur les accidents de travail conduisit à devoir dissocier deux ordres de causes jusqu’alors totalement confondues :

- une cause au sens médical, c’est-à-dire une étiologie, consistant en l’établissement, sur des critères de scientificité, d’un lien de cause à effet entre une atteinte spécifique de l’organisme et des troubles apparents

- une cause au sens juridique du terme, c’est-à-dire une imputation de l’événement ayant provoqué le dysfonctionnement comme fait délictuel reprochable à quelqu’un.

L’on pouvait ainsi après coup comprendre que derrière la question de l’existence des Railway brain et Railway spine se jouaient et s’entremêlaient en fait deux enjeux : celui de la construction théorique et clinique d’une entité pathologique nouvelle avec tous les problèmes épistémologiques que cela soulevait ; celui de l’indemnisation des conséquences (quelque soit leur nature) de tels accidents, revoyant à des questions de morale sociale ; d’où un ensemble de déplacements significatifs dont fait ainsi état F. Ewald :

Le juge, donc, cède la place à l’expert. Les idées de sanction et de condamnation disparaissent pour le seul constat objectif du dommage subi et l’application du tarif préétabli […] Désormais obtenir justice, ce sera livrer un combat d’expert où tout échappe à l’ouvrier, chercher à faire reconnaître un taux d’incapacité maximal et lutter pour majorer le montant de la pension […] Le juge appréciait les conduites en fonction des fautes commises, assureurs et médecins chercheront quant à eux à démasquer les simulateurs. 1

E. Brissaud, dans son article sur la « sinistrose » que nous étudierons plus loin, tient à cet égard une position on ne peut plus claire. Concernant l’invocation d’un éventuel état antérieur dans l’apparition d’une sinistrose il affirme :

1 F Ewald (1986), op.cit. p. 293.

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Elle n’en exige ni plus ni moins que tous les troubles mentaux ou délires fortuits suscités par un accident ou un incident quelconque, avec ou sans traumatisme préalable. Au demeurant, peu importe, car cette prédisposition était inefficace et inoffensive avant la loi de 1898. Les mêmes blessures guérissaient alors normalement, simplement, selon la bonne vieille coutume des blessures sans garantie. 1

Nulle ironie pourtant dans ce constat, car il poursuit :

Qu’y a-t-il donc de changé maintenant dans l’effet du traumatisme ? Rien si ce n’est que la loi assure l’incapacité permanente et que, lorsque toute incapacité d’ordre chirurgical disparaît, une nouvelle incapacité apparaît, celle-là d’ordre médical. Or il n’appartient pas au médecin de déclarer qu’il y a lieu, ou non, de prendre en considération une prédisposition restée inefficace et inoffensive jusqu’à la loi de 1898. C’est au juge seul d’en décider ; l’expert n’est qu’un témoin, rien de plus, et c’est aussi le juge qui apprécie la valeur de son témoignage. 2

Si l’expert s’inclinait devant juge quant à la décision de prendre en considération ou non une prédisposition qui jusqu’alors ne s’était pas déjà manifestée, il n’empêche, toute une nouvelle littérature apparaît en ce début de siècle consacrée à l’application pratique de la loi. Car celle-ci ouvrait à un droit à indemnisation qui resituait le rôle de l’expert dans la stricte dimension civile de recherche, d’imputation et d’évaluation des troubles, en termes de séquelles d’accident et d’indemnisation à verser en retour.

Le principe de reconnaissance des troubles post-accidentels juridiquement acquis, la question étiopathogénique perdait du même coup de son urgence et de son acuité. Mais il restait malgré tout la lourde tache d’établir des critères sémiologiques d’appréciation de l’état de l’accidenté aussi fiables et consensuels que possibles. Cela supposait que se forme une véritable doctrine expertale qui s’accorde, non sur une pathologie et ses causes mais, au minimum, sur un (ou des) syndrome(s) permettant d’établir un lien d’imputabilité entre un accident et un tableau clinique. Car revenait malgré tout à l’expert de faire la part des choses, dans l’état de l’accidenté, entre ce qui relève de conséquences directes de l’accident, de son état de santé antérieur, d’une possible exagération de ses troubles ou encore de leur simulation délibérée.

En 1914, E. Regis relève l’importance croissante des demandes d’expertise adressées au « médecin aliéniste » par les juges, ou les tribunaux en cas d’appel, suite à la loi de 1898. Il précise :

Il s’agit là, en somme, d’une expertise psychiatrique ordinaire, mais d’une expertise psychiatrique rendue particulièrement difficile par la nature habituelle des états morbides en jeu et par l’intervention possible de deux autres facteurs : l’auto-suggestion et la simulation. 3

Il détaille en outre les quatre questions auxquelles l’expert a pour mission de répondre : 1) Quels sont les troubles morbides observés ?

2) Ces troubles sont-ils réels ou simulés ?

3) Ces troubles proviennent-ils du traumatisme en tout ou en partie ?

4) Quelle incapacité de travail entraînent-ils : complète, incomplète, permanente ou temporaire ?

1 E. Brissaud (1908) : La sinistrose, Concours médical, p. 116.

2 F. Ewald, op.cit, p. 116.

3 E. Regis (1914), op.cit., 1151.

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Concernant la simulation, il ajoute qu’elle est d’autant plus difficile à apprécier qu’il peut y avoir grossissement des symptômes, particulièrement dans les états psychonévrotiques, « par auto-suggestion inconsciente ou par obsession ».

Quant à la question de l’état antérieur, il affirme qu’elle se posera toujours directement ou indirectement puisque l’expert doit déterminer si l’accident a totalement, partiellement (en l’aggravant ou en hâtant son évolution), ou aucunement déterminé la maladie. En cas d’imputabilité totale, E. Regis évoque le diagnostic de psycho-névrose ou psychose traumatique.

Le risque de simulation fait ainsi l’objet de mises en gardes répétées qui d’ailleurs ne touchent pas seulement aux séquelles « psychiques ».

Ainsi le Dr A, Raybaud (1908) consacre-t-il aux risques d’aggravation des blessures physiques en cas d’accident de travail une étude attentive auprès des travailleurs des docks de Marseille. Il y dénonce entre autres méthodes, l’application de mouches de Milan sur les blessures afin de retarder leur cicatrisation.

De même G. Brouardel s’attache à préciser toutes ses implications pour le médecin et l’expert.

Evoquant la question de la prédisposition, il précise :

De fait, la jurisprudence tend à s’établir suivant ce mode : les magistrats sont frappés de ce fait : un ouvrier a travaillé régulièrement jusqu’à un certain moment où il a subi un accident ; à partir de ce moment il ne peut plus travailler ; ce fait résulte peut-être en partie de l’état antérieur ; mais néanmoins l’accident est responsable puisque l’ouvrier avait travaillé régulièrement jusqu’à lui. Il est évident que l’évaluation de la responsabilité du traumatisme est extrêmement difficile, parfois même impossible, en pareil cas, même pour le médecin ; néanmoins il semble qu’il serait bien de tenir compte, au moins dans une certaine mesure, de l’état antérieur du blessé. 1

G. Brouardel fournit des chiffres qui permettent de se faire une idée de l’impact de la loi de 1898 : à Paris environ 200 affaires d’accident de travail par semaine viennent devant la justice, dont 80 font l’objet d’une conciliation. Il en conclut que le nombre de procès, même s’il est encore trop élevé, serait quadruplé sans la possibilité offerte de celle-ci.

La question de la pathologie traumatique se voyait du même coup réactualisée, mais selon une perspective nouvelle qui en déplaçait sensiblement les termes et les enjeux. Et nous allons voir la névrose traumatique y trouver un nouvel intérêt, moins comme entité pathologique que comme syndrome dont les particularités cliniques permettaient d’établir la possible existence d’un lien de causalité entre les troubles observés et l’événement accidentel.

La névrose traumatique en pratique expertale. L’exemple de Ch. Vibert

Dans ce paysage scientifique presque tout entier acquis à Charcot, une exception notable mérite d’être signalée, celle du Dr Charles Vibert, médecin expert auprès des tribunaux de la Seine,

1 G. Brouardel, Le médecin et les accidents de travail, Annales d’hygiène publique et de médecine légale 1908 série 4, No 10, p. 393.

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responsable des premiers travaux en langue française sur la question et auteur d’un manuel de médecine légale faisant autorité, plusieurs fois réédité.

L’intérêt de ses travaux tient à la position qu’il y adopte, celle d’un expert « généraliste » dont le propos n’est pas tant de pendre parti dans un débat scientifique, mais de faire usage des connaissances à disposition aux fins d’examen et d’évaluation des cas lui étant soumis, avec toute la rigueur que l’on peut attendre d’un expert. Ainsi, ce qui fait son originalité est que champ d’examen n’est pas spécifiquement et exclusivement celui des troubles psychiques causés par les accidents de chemin de fer, mais celui de l’ensemble des conséquences médico-légales de toutes les formes d’accidents et d’agressions auxquelles est confronté l’expert en justice. Ca n’est que dans ce cadre général, et néanmoins très précis, qu’il est amené à aborder la délicate question et des séquelles spécifiquement engendrées par les accidents ferroviaires, et, à l’intérieur de celles-ci, les troubles qu’il ne caractérise pas de psychiques, mais de cérébraux.

Lésions et troubles fonctionnels des poumons, lésions et troubles fonctionnels de l’estomac et troubles cérébraux y sont ainsi étudiés avec une égale rigueur durant l’examen clinique du patient.

Ces derniers sont liés, pour Vibert, soit à un choc violent sur la tête, soit à l’ébranlement violent de l’encéphale provoqué par un choc ou une secousse de la tête au moment de l’accident. Il en donne l’exemple suivant :

A partir du jour même de l’accident, le blessé souffrait de céphalalgie plus ou moins violente, de vertiges, d’insomnie ; les idées étaient un peu confuses, tout effort intellectuel pénible, et déjà au bout d’une quinzaine de jours on notait des troubles très manifestes de l’intelligence sans qu’il fut possible de préciser exactement à quel moment ceux-ci étaient devenus bien réels.

Une fois que les désordres des fonctions de l’encéphale sont bien développés, on peut distinguer dans l’état du malade : 1. d’abord des troubles des diverses manifestations intellectuelles, troubles qui sont constants et qui constituent la caractéristique de cet état ; 2. des troubles des organes des sens ; 3.

des troubles de la santé générale. 1

Troubles de la mémoire avec perte du souvenir des faits, lacunes graves portant sur des acquis antérieurs, mémoire des mots diminuée, en sont les plus communs ; mais il recense également des troubles de l’attention rendant impossible un travail intellectuel un tant soit peu prolongé, un profond changement du caractère, le malade devenant irascible, triste et très émotionnable (« ils pleurent aussi bien d’attendrissement que de tristesse », de l’agoraphobie chez certains ; quant aux troubles, fréquents, de la sensibilité, de la motilité et des organes des sens (dont des troubles de la vision), ils sont mis en rapport, soit avec une lésion du cerveau, soit avec l’état général de celui-ci. A cet ensemble s’ajoutent des fourmillements, engourdissements, tremblements intermittents, une force musculaire amoindrie, des troubles de la santé générale.

Quant à la « névrose traumatique » il lui consacre deux importants articles en 1893 qui, regroupés et enrichis, formeront un ouvrage publié la même année chez Baillière : La névrose traumatique. Etude médico-légale su les blessures produites par les accidents de chemins de fer et les traumatismes analogues.

1 Ch. Vibert (1887) : Etude médico-légale sur les accidents de chemin de fer, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, série 3, N° 18, p. p. 533.

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Il y précise d’emblée que l’usage du terme n’est pas sous-tendu par un quelconque parti pris doctrinal mais répond au caractère éminemment pratique de la notion : sans présager de la nature des troubles en jeu, elle se veut tout simplement exprimer l’idée suivante, partagée par une majorité de magistrats et d’avocats,

… celle de troubles nerveux qui viennent compliquer des blessures, parfois légères en elles-mêmes, et aggraver souvent dans une mesure considérable, les conséquences d’un accident. 1

Il en différencie trois formes à partir des 30 observations qui forment l’essentiel du premier article : - hystérique, en référence à Charcot et à l’Ecole de la Salpêtrière, tout en reconnaissant qu’il n’en a

rencontré dans sa pratique que de rares cas, « dont un seul sujet semblable aux plus typiques que ceux qu’a si bien étudiés le professeur Charcot » ;

- neurasthénique ou hystéro-neurasthénique ; - avec prédominance d’un symptôme.

La seconde partie de son travail est l’occasion de discuter de l‘étiologie de la névrose traumatique qui est, pour Vibert, de deux ordres : les causes occasionnelles et la prédisposition. Concernant les premières, il affirme d’emblée : « c’est après un traumatisme presque toujours associé à une émotion de terreur que se développe la névrose traumatique ». Revenant sur le caractère exceptionnel des cas d’hystérie pure, il précise :

La forme commune de cette affection a, je crois, une étiologie plus précise. Dans l’immense majorité des cas, elle ne se développe qu’après un traumatisme d’une nature spéciale, qui me parait jouer un rôle aussi important que l’émotion. 2

Quel est selon Vibert ce traumatisme spécial ? Comparant d’un côté les individus ayant reçu des coups de couteau, des balles de révolver, ayant été roués de coups, ayant subi un commencement de strangulation ou encore ayant tenté de se suicider par divers procédés (plus d’un millier examinés), et d’autre part ceux victimes d’accidents de chemin de fer ou de voiture, de chute, d’éboulement, d’explosion, etc., il constate chez les premiers l’absence totale de cas de névrose traumatique alors que, chez les seconds, elle touche environ 100 des 400 sujets expertisés. Relevant que les individus blessés lors d’une agression ou d’une tentative d’assassinat ont très certainement éprouvé une émotion aussi intense que ceux victimes d’un accident, il en conclut :

On peut admettre que, d’une manière générale, l’émotion est à peu près la même dans les deux cas.

C’est seulement la nature du traumatisme qui diffère.

Ce traumatisme provocateur de la névrose, qu’il soit produit par un accident de chemin de fer ou de voiture, par un éboulement ou une explosion, est caractérisé, je crois, par ce fait qu’il occasionne un ébranlement physique plus ou moins violent des centres nerveux. 3

1 Ch. Vibert (1893) : Contribution à l’étude de la névrose traumatique, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 3e série, tome XXIX, No 2, p. 97.

2 Ch. Vibert (1893b): Contribution à l’étude de la névrose traumatique, (suite et fin), Annales d’hygiène…, tome XXIX, p. 229.

3 Ibidem, p. 228.

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Quant aux problèmes d’exagération et de simulation, ils sont grandement relativisés. A l’encontre de ceux-ci, Ch. Vibert oppose leur rareté et leur peu de chance de réussite face à un médecin expérimenté car :

Les symptômes cérébraux qui peuvent se manifester à la suite des accidents que nous étudions ne sont pas quelconques ; ils ont au contraire, comme on l’a vu, des caractères spéciaux et forment un ensemble particulier dont un simulateur ne peut deviner les traits principaux. 1

Des critères précis en ressortent, permettant d’écarter l’exagération ou la simulation :

Jamais, chez les malades que j’ai observés, les troubles intellectuels, les symptômes purement subjectifs, que l’on ne peur ni contrôler ni mesurer, n’ont acquis une haute gravité sans qu’il existe en même temps d’autres symptômes objectifs, des désordres de la santé générale qui ont été énumérés plus haut. On est donc en droit de soupçonner l’exagération, quand il y a une disproportion très marquée entre ces deux groupes de symptômes, les premiers étant très accusés et les autres très légers ou nuls. 2

Ajoutons enfin que Ch. Vibert fut le premier à soutenir l’existence de véritables névroses traumatiques chez l’enfant dans une courte communication à la Société de médecine Légale de France publié en 1892 sous le titre, La névrose traumatique3. Il y décrit avec une grande précision clinique les cas Léontine H. âgée de 3,5 ans, et de L., 5 ans. :

- Léontine, 3,5 ans, victime avec ses parents d’un accident de chemin de fer, qui l’a extrêmement effrayée au point qu’ « elle voulait se jeter du haut de l’impériale où elle se trouvait avec ses parents ; elle est ensuite restée une demi-heure environ sur le lieu de l’accident, criant, hurlant sans arrêt ». Des modifications de son caractère sont ensuite apparues : tristesse, irritabilité, plaintes multiples pleurs, perte de certains acquis comme le contrôle urinaire, troubles du sommeil, hallucinations terrifiantes survenant souvent la nuit (dit voir du feu, des flammes, des bêtes…). Aucuns antécédents n’ont par ailleurs pu être relevés.

- L., 5 ans, victime de l’écroulement d’un échafaudage à la suite duquel il a perdu connaissance et dont il garde une blessure au front. Depuis l’enfant dort mal, fait plusieurs cauchemars par nuit, est triste, grognon, est pris par moments « d’hallucinations qui lui retracent l’accident, ou lui font voir un homme qui va le battre, etc. ». Enfin, la présence d’une personne étrangère le terrorise.

Les débats qui firent suite à cette communication sont caractéristiques des controverses de l’époque : Ms. Christian et Garnier opposent à Vibert l’existence probable d’une lésion du cerveau et, sur la base des vomissements de l’un des enfants, d’une possible méningite ; quant à Gilles de la

1 Ch. Vibert (1887) : Etude médico-légale sur les accidents de chemin de fer, Annales d’hygiène publique et de

1 Ch. Vibert (1887) : Etude médico-légale sur les accidents de chemin de fer, Annales d’hygiène publique et de

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