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Pierre JANET et les médications psychologiques

Dans le document tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012 (Page 186-194)

Introduction : l’héritage de Charcot

2.2.1. Pierre JANET et les médications psychologiques

PLAN :

2.2.1.1. L’automatisme psychologique et les racines de la conscience 2.2.1.2. La place du traumatisme dans l’œuvre de P. Janet

2.2.1.3. L’acte de mémoire

2.2.1.4. Les médication psychologiques

Sans vouloir retracer sa très riche biographie1, relevons que Pierre Janet (1859-1947) a d’abord été formé à la philosophie dont à l’époque la psychologie ne représente qu’une branche, celle consacrée à l’étude des grandes fonctions, avec comme grande référence les travaux de Théodule Ribot. Ce n’est qu’à l’occasion de son doctorat de philosophie en 1899, dont le titre est

« L’automatisme psychologique », qu’il est amené à étudier, dans une perspective qui ne se veut pas encore clinique, des patients hystériques. L’opportunité lui en a été donnée au Havre où il est alors professeur, par les Dr Gibert et Powilewicz. A la demande de Charcot, il dirige à partir de 1890 le laboratoire de psychologie de la Salpêtrière. Ce n’est qu’alors qu’il entreprend des études de médecine qui le conduisent en 1893 au titre de docteur en médecine. Il fonde le Journal de Psychologie Normale et Pathologique en 1904 et la Société de psychologie en 1901 qui deviendra en 1941 et jusqu’à nos jours la Société française de psychologie. Il succède à Théodule Ribot à la chaire de psychologie expérimentale et comparée du Collège de France qu'il occupe de 1902 à 1934. Il est, à tous ces titres, considéré comme l’un sinon le fondateur de la psychologie clinique et pathologique.

1 Voir à ce sujet H. Ellenberger (1994) : Histoire de la découverte de l’inconscient, Fayard, Paris, chapitre VI ; C. M. Prévost (1973) : La psycho-philosophie de Pierre Janet, Paris, Payot,

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Son long séjour à La Salpêtrière l’a non seulement familiarisé avec les méthodes du Maître mais encore lui a permis d’expérimenter sous sa direction les premiers éléments d’une approche thérapeutique originale de la pathologie névrotique, dans la lignée de la pratique hypnotique que Charcot avait réhabilitée. Ces premières expériences ont donné lieu à plusieurs publications dans la Revue Philosophique, mais c’est dans sa thèse, publiée en 1889 que l’on trouve développée pour la première fois sa conception nouvelle du mécanisme de production des symptômes dans la pathologie hystérique.

2.2.1.1. L’automatisme psychologique et les racines de la conscience

Les phénomènes psychologiques supérieurs de la croyance, du jugement, de l'idée se greffent sur les mouvements inférieurs par l'intermédiaire d'une action essentielle et propre à l'homme : le langage […] La pensée ainsi constituée donne naissance à la croyance, point de départ de tous les phénomènes supérieurs ; la psychologie de la conduite ajoute donc à la psychologie du comportement l'étude de la conscience et de tous les phénomènes supérieurs. 1

Ainsi Janet développait-il une conception du psychisme humain étagée en deux niveaux :

- l’un composé des processus élémentaires, ou formes inférieures de l’activité mentale, telles que la catalepsie, le somnambulisme, la suggestion…, et qui, se développant de façon automatique, échappent plus ou moins et la volonté. Au terme d’inconscient, Janet préférait celui de subconscient car il considérait que ces phénomènes étaient dotés d’une certaine forme de conscience, se situant néanmoins au-dessous de la conscience normale : sensations élémentaires, états affectifs, etc., tous phénomènes provoqués par les impulsions provenant du monde extérieur.

Bien que l’on puisse les retrouver chez tout être normal, ce sont ces formes élémentaires d’activité mentale que l’on verra particulièrement à l’œuvre dans la pathologie mentale.

- l’autre consistant en l’activité consciente, dont la forme la plus élevée est la volonté. C’est à elle que l’on doit l’unité du moi, ou encore la personnalité, par son travail permanent d’harmonisation et de synthèse des perceptions, sensations, etc., fournies par l’activité élémentaire. C’est elle qui ouvre à la possibilité du jugement.

Il précisait :

Cela nous apprend que l'automatisme des perceptions, fondement de la suggestion, est le résultat d'une activité ancienne qui continue à agir de la même façon, mais qu'elle est en opposition avec l'activité actuelle de la pensée. Plus celle-ci se développe, plus elle est capable de faire des combinaisons nouvelles avec les éléments plus nombreux qui sont apportés à la conscience, plus l'automatisme est réduit. Plus l'état psychologique était simple et le champ de la conscience restreint, plus l'activité automatique était manifeste. 2

1 P. Janet (1889) : La vie mentale, p.1, http://www.megapsy.com/Mental/index_mental.htm.

2 P. Janet (1889) : L’automatisme psychologique, Paris, Félix Alcan, p. 192 ; Edition en ligne disponible sur Site de l’Institut Pierre Janet.

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A l’inverse : « on entend par acte inconscient une action ayant tous les caractères d'un fait psychologique sauf un, c'est qu'elle est toujours ignorée par la personne même qui l'exécute au moment même où elle l'exécute » (P. Janet, 1923, p 217).

Ainsi Janet prenait-il une position dans les débats que cette fin de siècle concernant 1 la nature et le rôle respectifs de l’inconscient et de la conscience :

Nous croyons que l'on peut admettre simultanément et l'automatisme et la conscience, et par là donner satisfaction à ceux qui constatent dans l'homme une forme d'activité élémentaire tout à fait déterminée, comme celle d'un automate, et à ceux qui veulent conserver à l'homme, jusque dans ses actions les plus simples, la conscience et la sensibilité. En d'autres termes, il ne nous semble pas que, dans un être vivant, l'activité qui se manifeste au dehors par le mouvement puisse être séparée d'une certaine forme d'intelligence et de conscience qui l'accompagne au dedans, et notre but est de démontrer non seulement qu'il y a une activité humaine méritant le nom d'automatique, mais encore qu'il est légitime de l'appeler un automatisme psychologique. 2

Partant du lien établi par Charcot entre accident traumatique et symptômes hystériques, P. Janet s’en démarque en posant que ce lien n’est pas direct, car il passe par la remémoration : c’est celle-ci qui est à l’origine des symptômes et de leur réapparition.

Les symptômes sont ainsi l’expression d’un trouble de la mémoire. Mais, à la différence de Freud dont il conteste activement sur ce point les positions à plusieurs reprises, il ne s’agit pas pour lui de refoulement mais d’amnésie, d’une amnésie particulière cependant car elle ne consiste pas en un oubli mais en une forme de phobie, la « phobie du souvenir ». Dans ce système général, la pathologie se définit ainsi :

Les choses se passent comme si les phénomènes psychologiques élémentaires étaient aussi réels et aussi nombreux que chez les individus les plus normaux, mais ne pouvaient pas, à cause d'une faiblesse particulière de la faculté de synthèse, se réunir en une seule perception, en une seule conscience personnelle ; ou encore: les choses se passent comme si le système des phénomènes psychologiques qui forme la perception personnelle chez tous les hommes, était, chez ces individus, désagrégé et donnait naissance à deux ou plusieurs groupes de phénomènes conscients, groupes simultanés mais incomplets et se ravissant les uns aux autres les sensations, les images et, par conséquent, les mouvements qui doivent être réunis normalement dans une même conscience et un même pouvoir. 3

C’est ce qu’il désignera par le terme de « rétrécissement du champ de la conscience », mécanisme responsable notamment des phénomènes d’anesthésie, de suggestion et d’amnésie chez les hystériques, notion qu’il développe particulièrement dans ses Conférences à la Salpêtrière de 1892 (P. Janet, 1892).

Ceci lui permet de soutenir que les phénomènes hystériques et phénomènes somnambuliques sont de même nature, et d’affirmer l’importance déterminante dans l’apparition et la pérennisation des troubles, non seulement hystériques, mais plus généralement névropathiques, des « souvenirs laissés par l’accident » ainsi que de toutes les idées et préoccupations « que le malade conservait à propos de cet accident » (P. Janet, 1889, p.205). Il pouvait ainsi écrire à propos d’une patiente: « Le

1 Outre l’incontournable référence que constitue le travail d’Ellenberger : Histoire de la découverte de l’inconscient déjà mentionné, voir J. Carroy et R Plas (2000) : La genèse de la notion de dissociation chez Pierre Janet et ses enjeux, L’évolution psychiatrique, 65, 9-18.

2 Ibid., p. 4.

3 Ibid., p. 351.

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souvenir de l’événement persistait de la même manière avec son cortège de sentiments divers et c’est lui qui déterminait directement ou indirectement certains accidents de la maladie » (P. Janet, 1928, p 205).

2.2.1.2. La place du traumatisme dans la pensée de P. Janet

Dans la remarquable synthèse que constituent Les Médications psychologiques, Janet distingue très nettement deux grandes formes de névroses selon que des « réminiscences accidentelles » y jouent un rôle central ou non. Ainsi, à la différence de Freud qui crut un moment pouvoir trouver dans de tels événements la cause exclusive des névroses, Janet soutient-il :

Il y a plus de chances pour qu’un symptôme soit déterminé par les lois de la maladie que par des réminiscences accidentelles. Il ne faut donc donner aux symptômes une interprétation historique que lorsque l’observation clinique le rend indispensable et il ne faut jamais se permettre des suppositions dangereuses. […] Il est impossible de nier qu’il y ait des cas, probablement de beaucoup les plus nombreux, dans lesquels aucun événement particulier de la vie n’a joué isolément un rôle considérable. 1

Dans un article datant de 1998, L. Crocq et J. De Verbizier se sont attachés à dégager l’importance du traumatisme psychologique dans l’œuvre de P. Janet. Ayant recensé les différents cas exposés dans les quatre ouvrages publiés par celui-ci entre 1889 et 19032, au nombre de 592, ils relèvent que 257 d’entre eux, soit près d’un sur deux, « ont été déclenchés ou déterminés par une

« émotion violente » ou « un choc moral », et que ceux-ci seraient aujourd’hui inscrits dans la rubrique des troubles d’origine psychotraumatique, exception faite du dernier type de situation mentionné par Janet. Ces les rubriques sont les suivantes : frayeurs liées à un traumatisme physique, frayeur seule provoquée par un événement accidentel, choc émotionnel éprouvé à l’occasion d’une agression sexuelle (viol ou inceste), sidération au spectacle de la mort ou de l’agression physique d’une personne, choc émotionnel à l’annonce du décès d’un proche, émotion violente à l’occasion d’une dispute, d’un conflit, d’une colère.

Ils relèvent également que Janet n’emploiera le terme « traumatisme psychologique » que tardivement, en 1919 dans Les médications psychologiques et en 1923 dans La médecine psychologique :

Dans ses premiers ouvrages, il parle de « chocs émotionnels » (« Les obsessions »), d’ « émotions violentes » (Névroses et idées fixes), de « forte émotion » (L’automatisme) voire de « choc moral » et d’ « émotion morale » (« Les obsessions » et « Etat mental »).3

Dans la perspective générale de Janet, celle d’une économie des énergies psychiques et physiques, un événement émotionnant ou traumatique est un événement auquel le sujet non

1 P. Janet (1928) : Les médications psychologiques, 2ième éd., p. 263.

2 Soit, L’automatisme psychologique, L’état mental des hystériques, Névroses et idées fixes et Les obsessions et la psychasthénie.

3 L. Crocq et J. De Verbizier (1989) : Le traumatisme psychologique dans l’œuvre de Pierre Janet, p. 984

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préparé n’a su faire face, éveillant les tendances élémentaires (peur, colère, instinct vital) et mobilisant une grande somme d’énergie :

Ces forces considérables mal employées dérivent de tous les côtés et déterminent des agitations variées même dans les fonctions viscérales élémentaires : il y a comme une inondation de forces qui troublent même la respiration et la circulation. 1

Conséquences de l’émotion, ces phénomènes peuvent donner lieu à complications : « la circonstance provocatrice ne disparaît pas complètement ou plutôt la réaction désordonnée est insuffisante, ne l’a pas fait disparaître et a laissé le problème sans solutions » (P. Janet, 1923, p. 99). Cet échec ne laisse que trois solutions : « ou bien recommencer l’acte purement et simplement, ou bien le refaire en le modifiant dans sa force, dans sa durée ou même dans la combinaison des mouvements, ou enfin abandonner l’acte, renoncer à la satisfaction qu’il devrait procurer. » (p. 99)

Cette dernière solution, la plus complexe et la plus élevée pour Janet, n’est que rarement adoptée, pas plus que la seconde, qui demande imagination et initiative ; si bien qu’il ne reste que la dernière où les individus « recommencent l’acte tel qu’ils l’avaient déjà fait » (p. 99). C’est ce qu’il dénomme le « symptôme de l’accrochage », véritable « répétition indéfinie de l’action émotionnante ». Le surcroît d’énergie dépensée qui en résulte conduit à l’épuisement, lui-même responsable d’une dégradation des capacités d’intégration de la conscience :

Il perd les caractères qui appartenaient au niveau de l’activité réfléchie, il n’est plus coordonné avec les autres actions, il ne fait plus partie de ce récit de notre vie que nous construisons incessamment dans la mémoire, il n’est plus correctement assimilé à notre personnalité. En un mot, il prend peu à peu ces aspects étranges d’acte automatique inspiré par quelque puissance occulte, d’acte irréel, accompli en rêve, ou d’acte subconscient. 2

Il en ressort l’un des principes fondamentaux de son approche thérapeutique, la recherche de l’événement initial auquel le psychisme reste « accroché » :

Malheureusement, j’ai été vite convaincu que les souvenirs traumatiques les plus importants n’étaient pas toujours bien connus par le sujet lui-même, ni exprimés par lui clairement quand il cherchait à le faire volontairement. Il fallut donc rechercher même les souvenirs cachés que le malade conservait dans son esprit à son insu. On pouvait les soupçonner souvent d’après les gestes, les attitudes, les intonations du malade : quelquefois il fallut les rechercher dans ces états de conscience particuliers où d’autres catégories de souvenirs réapparaissaient, dans les somnambulismes, dans les écritures automatiques, dans les rêves. 3

Mais, précise-t-il, pas plus que l’on a affaire à de la dissimulation, il ne s’agit pas d’un véritable oubli car les « tendances latentes » ont encore une véritable activité, à la différence de celles oubliées. Ce sont des idées fixes « subconscientes », qui échappent de ce fait à la personnalité et aux fonctions supérieures intégratives de l’activité mentale. Elles sont d’autant plus actives qu’elles résident hors du champ de la conscience et, échappant aux efforts d’intégration de celle-ci, continuent d’agir pour

1 P. Janet, 1923, p. 98-99.

2 P. Janet (1928) : La médecine psychologique, 2ième éd., p. 101.

3 Ibidem, p. 209.

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leur compte. Ainsi le « souvenir traumatique » persiste avec son cortège d’émotions qui déterminent directement ou indirectement certains symptômes de la maladie :

Tous ces malades semblent arrêtés dans l’évolution de la vie, ils sont « accrochés » à un à obstacle qu’ils n’arrivent pas à franchir. L’événement que nous appelons « traumatique » a créé une situation à laquelle il faut réagir, c’est-à-dire à laquelle il faut s’adapter par des modifications du monde extérieur et de nous-mêmes. Or ce qui caractérise ces malades « accrochés », c’est qu’ils n’ont pas liquidé la situation difficile. 1

Souvenir, précise-t-il, est un mot inapproprié car l’événement, n’étant pas intégré, est resté identique à lui-même et il y préférera celui de réminiscence :

L’individu qui conserve l’idée fixe d’un événement n’a donc pas précisément un souvenir à propos de cet événement, c’est pour la clarté du langage que nous avons parlé d’un souvenir traumatique. Le sujet est souvent incapable de faire à propos de l’événement le discours que nous appelons un souvenir ; mais il reste en présence d’une situation difficile dont il n’a pas su se tirer à son honneur, à laquelle il n’a pas su s’adapter entièrement et il continue à faire des efforts pour s’y adapter. 2

Ou, écrit-il encore :

La puissance de semblables idées dépend de leur isolement ; elles grandissent, s’installent dans la pensée à la façon d’un parasite et ne peuvent plus être arrêtées dans leur développement par les efforts du sujet, parce qu’elles sont ignorées, qu’elles existent à part dans une seconde pensée séparée de la première. 3

A la constitution de ces souvenirs traumatiques, Janet propose une explication très différente de celle de la suggestion affirmée par Charcot. Il la dénomme « l’automatisme psychologique »:

Le souvenir même de l’événement était constitué par un système de faits psychologiques et physiologiques, d’images et de mouvements très variés. Ce système persistant dans l’esprit ne tardait pas à devenir envahissant, il s’annexait par association une foule d’images et de mouvements au début étrangers. 4

D’où une distinction heuristique entre « idées fixes primaires » et « idées fixes secondaires », des idées se liant de façon non consciente aux idées primaires directement liées à l’événement. Janet en donne l’exemple d’une jeune fille abusée sexuellement par son père et qui développe une terreur de la grossesse ; de là un ensemble de manifestations somatiques (douleurs abdominales, problèmes de respiration, de digestion, vomissements puis anorexie….) ayant valeur d’idées fixes secondaires.

2.2.1.3. L’acte de mémoire

Il récuse également l’idée freudienne de refoulement à laquelle il oppose celle de « phobie de souvenir » qu’il définit comme la « manifestations de l’altération de l’acte de mémoire ».

1 Ibidem, p. 271.

2 P. Janet (1923), p. 100.

3 P. Janet (1928) Les médication psychologiques, p 214.

4 Ibidem, p. 212.

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La mémoire est pour Janet une action : « l’acte de raconter », « une opération de langage tout à fait indépendante de l’attitude que nous avons en présence de l’événement » (P. Janet, 1928, p. 272).

Ainsi pour lui :

La mémoire, comme la croyance, comme tous les faits psychologiques, est une action : elle consiste essentiellement dans l’acte de raconter. C’est là presque toujours une opération de langage, tout à fait indépendante de l’attitude que nous avons en présence de l’événement. 1

Il en résulte pour P. Janet l’importance du récit dans l’intégration de l’événement :

Une situation n’est bien liquidée, bien assimilée que lorsque nous avons réagi non seulement extérieurement par nos mouvements, mais encore intérieurement par les paroles que nous nous adressons à nous-mêmes, par l’organisation du récit de l’événement aux autres et à nous-mêmes et par la mise en place de ce récit comme un chapitre de notre propre histoire. 2

Et pour illustrer l’importance du langage dans cet acte de mémoire et d’assimilation d’un événement, P. Janet, a recours à la « métaphore de la sentinelle » qui placée de garde hors d’un camp, doit surveiller l’ennemi. Quand celui-ci survient « elle doit d’abord faire des actes particuliers en rapport avec l’arrivée de l’ennemi », actes adaptatifs exigés par perception qu’elle a de la situation.

Mais elle doit en même temps, véritable acte de mémoire, préparer le récit qu’elle devra faire de ce qu’elle a observé, c’est-à-dire « traduire l’événement en paroles afin de pouvoir tout à l’heure le raconter devant le chef. ». Il ajoute : « Le stimulant qui va éveiller l’activation de cette tendance est une action sociale particulière, la question » (P. Janet, 1928, p. 273).

C’est la construction de cette nouvelle tendance qui constitue la mémoration, tandis que son activation dans des circonstances indépendantes de son origine après la question est la remémoration.

Cet acte de récit est d’ailleurs susceptible de perfectionnements […] Une situation n’est bien liquidée, bien assimilée, que lorsque nous avons réagi non seulement extérieurement par nos mouvements, mais encore intérieurement par les paroles que nous nous adressons à nous-mêmes, par l’organisation du récit de l’événement aux autres et à nous-mêmes et par la mise en place de ce récit comme un chapitre de notre propre histoire. 3

2.2.1.4. La médecine psychologique

Dès son premier ouvrage, Janet avait mentionné l’étonnante vertu curative que pouvait avoir le fait d’amener le patient à retrouver l’événement à l’origine de l’idée fixe, ce que relèveront également quelques années plus tard Freud et Breuer dans les « Etudes sur l’hystérie ».

C’est dans Les médications psychologiques. Etudes historiques, psychologiques et cliniques sur les méthodes de la psychothérapie que P. Janet propose une synthèse approfondie de ses conceptions et méthodes de traitement. Le chapitre III y est consacré aux « traitements par liquidation morale » et l’on y trouve développés le rôle et l’importance des souvenirs traumatiques dans les névroses.

Il y préconise notamment comme un traitement possible la réintégration dans la conscience des réminiscences de l’événement traumatique. La « liquidation » quant à elle, part du principe que la

1 Ibidem., p. 272.

2 Ibidem., p. 273.

3 Ibidem., p. 273.

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