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Entre idéologie et rationalité, la naissance de la médecine légale

Dans le document tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012 (Page 74-81)

1.2. Citoyenneté. Responsabilité

1.3.3. Entre idéologie et rationalité, la naissance de la médecine légale

L’on ne soulignera jamais assez le rôle de la médecine légale naissante dans cette évolution, même si ce ne sera pas sans de nombreuses difficultés, hésitations et retours en arrière1.

1 G. Vigarello, p. 105.

2 Ibid., p.114.

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C’est dans l’intérêt naissant pour le corps et les traces qu’il laisse observer que trouvent leur origine les premières constructions médico-légales :

La violence sexuelle affleure brusquement à la surface des corps avec ses stigmates chiffrés dans leur forme et leur dimension : ecchymoses, hématomes, traces d’ongles, transposés en indices formulables. Les médecins quêtent ce qu’ils avaient sous les yeux depuis longtemps, les marques de sperme ou de sang, les souillures sur les chemises, les taches sur les couvertures ou les draps. Leur curiosité s’est brusquement creusée. 2

Auguste Ambroise Tardieu (1818-1879) incarne sans conteste cette discipline naissante, dont l’objet propre s’affirme comme l’apport des connaissances médicales à l’établissement de la vérité en matière judiciaire. Tardieu est le premier à élaborer une approche qui s’attache à sortir des opinions communes pour concevoir une méthode se fondant sur la constitution de données vérifiables et objectivables à partir de la connaissance anatomique et de l’étude approfondies des traces physiques laissées par les agressions sexuelles ; même si ce sera parfois au prix d’une complaisante naturaliste (L. M. Villerbu, 2005b). Son ouvrage, Les attentats aux mœurs de 1857, est le premier spécifiquement consacré au domaine.

Il est aussi le premier à prêter attention à la victime et aux conséquences que le viol a pu engendrer chez elle. Il écrit ainsi :

Le viol, qui offense les sentiments les plus intimes de la jeune fille ou de la femme au moins autant qu’il blesse le corps, détermine souvent une perturbation morale et un ébranlement physique qui altèrent d’une manière plus ou moins grave, plus ou moins profonde, plus ou moins durable, la santé générale. Les accidents qui en résultent sont tantôt immédiats et passagers, tantôt secondaires et prolongés. 3

Il évoque ainsi, comme ses possibles conséquences, des troubles physiques et nerveux ainsi que des altérations de toute la constitution. Il mentionne également le risque de suicide par honte ou crainte du déshonneur. Cependant, relève Vigarello, alors qu’il sera progressivement admis à la même époque qu’un accident de chemin de fer ou de travail puisse provoquer une névrose traumatique ou des troubles apparentés, il faudra attendre encore de nombreuses décennies pour qu’il en soit de même concernant les violences sexuelles. Les conséquences sur les mœurs dominent encore trop celles sur la vie personnelle des victimes pour qu’il en soit ainsi :

Le cheminement du crime sexuel dans la conscience individuelle de la victime demeure celui de la honte ou celui des apprentissages dépravés : le danger serait tout entier dans les « déplorables enseignements du vice laissant dans l’âme des victimes un germe de corruption », non dans la souffrance ou l’épreuve subie par un sujet. 4

1 La discipline, en pleine invention, restera incertaine dans ses fondements parce que très liée aux compétences mêmes du praticien jusqu’en 1893, année à partir de laquelle ne peuvent plus être désignés experts que les médecins inscrits sur une liste établie par les cours d’appel.

2 G. Vigarello, Ibid. p.171.

3 Ibid, p.171.

4 Ibid, p. 238.

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Malgré son engagement autant militant que scientifique, malgré son attachement à faire reconnaître et dénoncer, preuves médicales à l’appui, ce qu’il considère comme l’un des plus graves crimes qui puissent exister, Tardieu reste fortement marqué par les évidences de son époque :

En fait, en homme de son temps, il n’est pas exempt de jugements de valeur, et lorsque pendant une expertise d’enfant violenté, il relève chez la victime des paroles qu’il juge inconvenantes ou immorales, il opère souvent une inversion des rôles : l’enfant victime de violences sexuelles est dès lors désigné comme un être prématurément dépravé pour lequel le médecin légiste ne ressent aucune sympathie. De la même manière, tout type de savoir sur la sexualité, ou tout aveu de masturbation de la part de l’enfant, le fait réagir négativement et le conduit au refus de reconnaître à celui-ci son statut de victime à part entière, comme si ce savoir concernant la sexualité rendait l’enfant complice de ce qu’il avait enduré. 1

Car le soupçon a priori attaché à la victime ne s’en trouve pas définitivement dissipé. Ch. Vibert, expert réputé n’écrit-il pas encore en 1911 : « Quand il s’agit d’une femme qui sait ce que sont les rapports sexuels, et qui est en possession de ses forces, il est impossible de croire qu’un homme seul réussisse à accomplir sur elle un viol » (cité par G. Vigarello, 1998, p 172)

Selon D. Darya Vassigh, un mouvement de bascule s’opère autour des années 1880, à partir desquelles les idées de simulation, de faux attentats à la pudeur, de faux enfant martyr, commencent à occuper le discours médico-légal. Alfred Fournier inaugure ce mouvement en 1880 avec un article intitulé Simulations d’attentats vénériens sur de jeunes enfants :

Il est de l’intérêt public général de révéler les machinations odieuses de certains simulateurs d’un ordre très spécial, machinations peu connues, ignorées même (comme j’ai pu m’en convaincre) d’un certain nombre de nos confrères et qui peuvent aboutir aux erreurs judiciaires les plus regrettables. 2

Paul Brouardel, Léon Thoinet, A. Motet parmi beaucoup d’autres, tiendront à la même époque des positions semblables. C’est que la loi sur l’autorité paternelle semble avoir suscité de fortes résistances et certains continuent d’accorder bien plus de poids à l’injustice que constituerait pour un homme, et à plus forte raison un père de famille, une accusation d’agression sexuelle infondée, que celle subie par une victime mineure non crue dans ses allégations. Fournier n’écrit-il pas :

Représentez-vous la situation terrible faite à un honnête homme sur lequel fond tout à coup l’accusation imméritée d’un attentat abject. Représentez-vous cet homme, jusqu’alors estimé, qui, d’un instant à l’autre, par le fait d’une inculpation mensongère, descend au dernier échelon du déshonneur et de la dégradation morale. 3

Avec E. Dupré ce doute va se trouver justifié par des constructions psychologiques et pathologiques rendues possibles par l’évolution que connaissent les modèles en psychiatrie. Si bien dans le même temps où la médecine légale tente de se constituer sur les bases de l’analyse rigoureuse des éléments matériels à disposition, une notion comme celle de mythomanie vient réintroduire un

1 D. Darya Vassigh (1999) : Cent ans de répressions des violences à enfants. Les experts judiciaires face à la parole de l’enfant maltraité Le cas des médecins légistes de la fin du 19ième siècle, Rhei, Revue de l’enfance irrégulière, numéro 2, 1999, http://rhei. Revues.org.

2 A. Fournier (1880) : cité par Vaasigh p.499.

3 Fournier, cité par Vaasigh p. 499.

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questionnement et une perspective dont précisément Tardieu avait tenté de dégager l’examen expertal, celle de la crédibilité du plaignant, aux dépends de la recherche de preuves matérielles concernant le crime lui-même.

En lieu et place, l’on voit apparaître à partir de 1880 une position que l’on pourrait dire purement politique/idéologique, puisqu’au lieu de se doter de critères fiables d’évaluation de la parole du plaignant, elle privilégie des critères de sexe et d’âge renvoyant in fine la valeur de son témoignage à son statut social.

La mythomanie naturelle de l’enfant selon Dupré

L’on peut s’étonner qu’un compte-rendu détaillé de la théorie de la mythomanie selon Dupré prenne place dans ce chapitre dédié à l’analyse historique/anthropologique des conditions d’émergence de la victimité, et non dans celui consacré aux modélisations psychologiques et psychopathologiques.

L’on peut certes aborder ses travaux du point de vue de l’histoire de la psychiatrie comme un développement de la thèse de la dégénérescence et, de ce point de vue, comme son opérationnalisation : la constitution représente la manifestation actuelle, chez un sujet donné, d’une hérédité transmise. Mais c’est aussi que la mythomanie, nous allons le voir, vient servir une position idéologique forte, contre les révisions légales du droit paternel. Ainsi, à l’opposé des tentatives d’édification d’une médecine légale scientifique fondée sur l’établissement matériellement attesté des faits, Dupré continue de mettre au cœur du procès la question du témoignage et du témoin, de la crédibilité respective de l’accusé et de ses accusateurs, sur des critères de statut social et d’honorabilité.

Ernest Dupré (1862-1919), est médecin des hôpitaux de Paris à partir de 1899, professeur agrégé à la Faculté. Il devient médecin-chef de l’Infirmerie spéciale du dépôt en 1913 où il succède à Legras. Il publie en 1905 La mythomanie. Etude psychologique et médico-légale du mensonge et de la fabulation morbide, transcription d’une série de leçons cliniques qu’il donne sur ce thème la même année.

Par le terme de mythomanie ou de mythopathie Dupré désigne « la tendance pathologique, plus ou moins volontaire et consciente, au mensonge et à la création de fables imaginaires », …

… tendance constitutionnelle qui pousse certaines catégories d’individus à mentir, à simuler et à inventer, par l’activité pathologique de l’imagination créatrice, des fables et des situations dépourvues de réalité objective sous forme, soit de récits oraux ou écrits, soit de simulations d’états organiques anormaux, qu’on peut considérer comme mensonges objectifs. 1

C’est dans la période de l’enfance que Dupré va chercher les racines de cette tendance, période où

« … elle représente un état physiologique et résulte de l’exercice normal des fonctions psychiques. » :

1 E. Dupré (1905) : La Mythomanie, étude psychologique et médico-légale du mensonge et de la fabulation morbides, Clinique des maladies mentales. Institut de médecine légale et de psychiatrie, Paris, p.5-6.

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Mais à cet âge l’activité cérébrale, encore à ses débuts, manque aussi bien dans le domaine sensoriel que dans le domaine psychique, des leçons de l’expérience et de ces corrections que le contact éducateur de la réalité apporte incessamment aux premières impressions des sens et aux premières créations de l’esprit : elle manque de ces données de comparaison et de contrôle qui sont les sources naturelles de l’esprit critique et représentent, en face des fantaisies de l’imagination, des éléments réducteurs dont le nombre et l’influence croissent avec l’âge. Les mêmes raisons, manque d’expérience et de réflexion critique, expliquent l’extrême suggestibilité de l’enfant. 1

Partant, au-delà de la puberté, les tendances mythiques de l’enfant disparaissent pour laisser place au fonctionnement normal.

Cette tendance, bien que normale, peut selon Dupré être à l’origine de formes pathologiques, qu’il convient alors de désigner du terme de mythomanie, que l’on peut observer chez l’enfant comme chez l’adulte. Chez les uns et les autres, elle consiste en une exagération de la tendance normale à la fabulation, exagération dont il faut chercher la cause dans la dégénérescence mentale :

Mais ce qui caractérise essentiellement la mythomanie pathologique, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte, c’est non seulement l’exagération et la persistance de l’activité mythique, mais encore et surtout l’association de cette activité maladive à des tares intellectuelles, affectives et morales qui commandent l’évolution du syndrome mythopathique, inspirent les actes et dirigent la conduite des sujets, et confèrent ainsi à la mythomanie, une gravité sociale, un intérêt médico-légal de premier ordre. Au lieu de se manifester comme chez l’enfant normal, comme une espèce de sport imaginatif et sous la forme innocente du jeu spontané d’énergies psychiques exubérantes, l’activité mythique est mise au service, chez les sujets anormaux, de tendances vicieuses, de perversions instinctives ou d’appétits morbides ; elle se manifeste ainsi comme un mode particulier d’activité intellectuelle, dirigée par des sentiments pathologiques et représente alors, non plus un instrument de jeu, mais bien une arme de guerre, d’autant plus dangereuse que le malade est plus intelligent. 2

Partant, Dupré dégage quatre formes principales de mythomanie, selon la tendance pathologique dominante à laquelle cette activité naturelle se trouve associée : médisance, calomnie, hétéro-accusations, participent à la construction de fabulations dirigées contre autrui et destinées à « perdre la victime choisie par l’auteur du complot ». Les « faux enfants martyrs », les « petits accusateurs criminels qui dénoncent leurs parents», en constituent également de redoutables figures et sont bien évidemment pour l’auteur à l’origine des fausses histoires d’attentats à la pudeur.

Dupré précise que « toutes les qualités spécifiques de la « mentalité animale » y sont consacrées : patiente et ténacité, ruse et sournoiserie, ingéniosité, férocité.

Ce sont ces qualités ancestrales qui revivent et prédominent chez les débiles jeunes, s’associent chez eux aux instincts destructeurs… On comprend par là que la mythomanie, sous ses différentes formes : mensonge, simulation, fabulation, soit l’arme de choix employée par les enfants et par les femmes, pour satisfaire, soit les besoins de leur défense, soit, en cas de perversité des instincts, leur penchant inné à l’agressivité et à la destruction. 3

Mais un autre facteur essentiel est dégagé par Dupré, « la suggestion étrangère qui alimente et enrichit toujours, déforme souvent, et crée parfois de toutes pièces la fable racontée par le petit sujet. Lasègue, Bourdin, Brouardel, Motet, P. Garnier, ont tour à tour insisté sur le rôle de la suggestion dans l’édification du roman accusateur chez les enfants » (E. Dupré, p.24). La littérature

1 Ibid., p. 9.

2 Ibid., p. 16.

3 Ibid., p. 20.

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de l’époque offre des exemples se voulant édifiants, d’ailleurs souvent repris d’auteurs en auteurs, d’enfants alléguant d’agressions sexuelles dont la matière a été suggérée souvent involontairement par des adultes, et dont le dénouement est invariablement le même : une autorité médicale a l’attention attirée par un élément lui semblant suspect et parvient à faire reconnaître à l’enfant son mensonge.

Quant aux procédés employés par le médecin, ils ne sont jamais discutés comme tels et leur caractère pour le moins suggestif n’est jamais lui-même questionné. Ainsi Dupré écrivait-il à propos d’une situation de cet ordre : « Finalement, pressé de questions, le garçonnet avoua que tout n’était que mensonge dans ses dires, et qu’il n’avait raconté toutes ces histoires qu’à force de s’en entendre demander et même exiger l’aveu par ses parents. (p. 26)

Un autre exemple, donné par Fournier, en offre une illustration d’autant plus détaillée que les procédés employés sont totalement justifiés, selon leur auteur, par l’erreur judiciaire qu’ils ont permis d’éviter, pour le suspect s’entend. Précisons en outre qu’il ne disposait d’absolument aucun mandat judiciaire et n’avait pour tache que de soigner l’enfant, hospitalisé dans son service. Il justifie ainsi son action :

La chose était grave puisque l’honneur d’un homme, d’une famille peut-être, se trouvait en jeu. Mais comment pénétrer le mystère ? Comment démêler le vrai du faux et faire la part de l’un et de l’autre dans cette ténébreuse affaire ? Je m’y essayais cependant, me disant qu’après tout, avec l’adresse, de la patience, de l’obstination, je parviendrais bien peut-être à avoir raison d’un petit cerveau de huit ans. Je procédais par un siège en règle et par voie de captation, pardonnez-moi le mot. J’attaquais la place par force amitiés, complaisances, compliments, etc. Quelques gourmandises, quelques pièces de monnaie, réussirent à nous gagner la confiance et l’amitié de la petite malade. J’abrégerai. Une poupée aux yeux mobiles décida de mon triomphe. Vaincue par cette irrésistible munificence, l’enfant finit, avec beaucoup de peine et après beaucoup de temps, par raconter qu’elle n’avait pas été touchée par un monsieur, mais que sa mère, à trois reprises, lui avait frotté la partie avec une brosse à cirage, en lui défendant bien d’en rien dire à personne et en la menaçant de recommencer si elle le disait, etc.

Ce qui suivit fut alors très simple. Maître de la vérité, je mandais à l’hôpital la mère de l’enfant ; je lui fis part de notre découverte, en ajoutant que, si elle ne retirait pas sa plainte, j’aurais l’obligation formelle d’aller raconter au juge d’instruction l’histoire de la « brosse à cirage ». 1

Et il conclut ainsi sa magistrale démonstration :

Médecin je n’avais qu’à traiter l’enfant ; on ne m’en demandait pas d’avantage. Pour éclairer ma religion, pour m’instruire et instruire mes élèves, je suis allé plus loin. J’ai voulu, et cela sous la condition de ne pas dépasser les limites du respect dû à l’enfance, -j’ai voulu, dis-je, connaître l’étiologie exacte des accidents que j’avais sous les yeux, et j’y suis parvenu on sait comment en me doublant du rôle inquisiteur du juge d’instruction. De cela je suis loin de me repentir, puisque tout le monde (le simulateur à part), en a profité. 2

L’extrême suggestibilité de l’enfant, la paresse de sa volonté, son inconscience des conséquences de ses accusations, participent ensemble de son activité mythopathique naturelle. Et l’on voit au passage ce qu’il en était alors des « limites du respect dû à l’enfant ».

1 A. Fournier (1880) : Simulation d’attentats vénériens sur de jeunes enfants, p. 520.

2 Ibid. p. 506.

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Quant à la mythomanie chez l’adulte, elle est tout naturellement pour Dupré le résultat de la persistance de l’activité mythique de l’enfant, représentant en cela « un mode d’infantilisme intellectuel ».

Qui sont les mythomanes adultes ? Généralement des jeunes gens, des femmes et des jeunes filles.

Et quand ce sont de jeunes hommes, ils présentent fréquemment « des stigmates corporels et psychiques d’infantilisme ou de féminisme ». Ses formes sont les mêmes que chez l’enfant, altération de la vérité, mensonge, fabulation auxquelles il faut ajouter la simulation :

En tant que manifestation mythopathique, la simulation peut donc être considérée comme une fabulation en activité, systématiquement exécutée, par la mise en jeu et avec la complicité de toutes les énergies physiques et psychiques de l’organisme, par certains sujets prédisposés à ce mode d’activité mythopathique. 1

Trois modalités de mythomanie se retrouvent : vaniteuse, maligne, perverse, la modalité maligne s’exprimant plus fréquemment chez la femme par la production d’« hétéro accusations calomnieuses », dont les « hétéro accusations génitales ». L’exemple le plus souvent évoqué était celui de Melle de Morel qui, en 1835, accusa de tentative de viol le lieutenant de la Roncière, ayant simulé dans sa chambre la mise en scène de l’agression. « Le malheureux lieutenant, complètement innocent, fut condamné à dix ans de réclusion, effectua sa peine entière à Clairvaux, et ne fut réhabilité qu’en 1849. »

Le texte de Dupré se conclut tout naturellement par un ensemble de recommandations médico-légales à destination des experts :

Le témoignage de l’enfant doit toujours être considéré, sinon comme irrecevable, au moins comme extrêmement suspect, et n’être accepté que sous bénéfice d’inventaire et de contrôle.

On doit toujours rechercher, chez l’enfant, les éléments de la suggestion étrangère, volontaire ou involontaire, de la part de l’entourage : parents, maîtres, etc. Les magistrats ne devraient, en aucun cas, accorder au témoignage de l’enfant, une valeur effective ou morale que celui-ci ne peut comporter ; et le devoir du médecin-légiste est d’éclairer les magistrats sur le peu de valeur probante que comportent, à toutes les phases de la juridiction, les témoignages ou les renseignements émanés de l’enfant. 2

En dernier lieu, afin que la justice se prémunisse des risques de mythomanie, Dupré préconise un recours systématique à l’expertise médico-légale du « sujet accusateur » :

En présence d’accusations criminelles, émanées de certains sujets et dénonçant certains attentats, les magistrats devraient toujours « soupçonner le danger et donner la parole à l’expert » (Garnier). Le transfert du domaine judiciaire dans le domaine médical de ces affaires aurait évité bien des erreurs

En présence d’accusations criminelles, émanées de certains sujets et dénonçant certains attentats, les magistrats devraient toujours « soupçonner le danger et donner la parole à l’expert » (Garnier). Le transfert du domaine judiciaire dans le domaine médical de ces affaires aurait évité bien des erreurs

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