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La qualification d’établissement public économique : une qualification innovante

d’identification des établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie

Paragraphe 2. L’absence de consécration de la nature juridique des établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie

A. La qualification d’établissement public économique : une qualification innovante

L’article 84 de la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier105 qualifie les chambres de commerce et d’industrie d’ établissements publics économiques. Cet article est issu d’un amendement de la commission des finances de l’Assemblée Nationale qui crée ainsi la notion d’établissement public économique, et confère cette qualité aux trois catégories d’assemblées consulaires. Présentant le contenu de cet article additionnel, le rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée Nationale a, paradoxalement, souligné lui-même l’absence presque totale de portée juridique du texte. Le rapport de la commission des finances du Sénat propose, quant à lui, la suppression de cette disposition, après en avoir démontré son inutilité106.

En effet, ce rapport souligne que le concept d’établissement public économique est totalement inopérant au regard du partage des établissements publics entre établissements publics administratifs et établissements publics industriels et commerciaux. Ce partage permet de déterminer d’une part les structures dont l’activité relève pour l’essentiel du contentieux administratif, et d’autre part celles

105 Loi n° 94-679 du 08/08/1994 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, JORF n° 184 du 10/08/1994,

p. 11668.

106 Sénat, Rapport n° 532 fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, 22/06/1994, p. 237.

dont l’activité relève du contrôle du juge judiciaire. Le juge constitutionnel a estimé que le fait de déterminer le caractère d’établissement public administratif ou d’établissement public industriel et commercial s’inscrit dans le champ de compétence réglementaire107. Le juge administratif, le cas échéant, n’hésite pas à rectifier la qualification attribuée par le décret qui institue un établissement public. En témoigne la jurisprudence concernant le fonds d’organisation et de régularisation des marchés agricoles. En l’espèce, le Conseil d’Etat et le Tribunal des Conflits ont dénié la qualité d’établissement public industriel et commercial au profit de la qualité d’établissement public administratif car il est apparu que cet organisme était essentiellement soumis, dans son mode d’organisation et de fonctionnement, aux règles du droit public et que, par conséquent, il relevait de la juridiction administrative108. En outre, il arrive fréquemment que le juge dissocie la qualification de l’organe qui assure le service et celle des fonctions assurées, certains organismes essentiellement administratifs pouvant être amenés à exploiter des services publics à caractère industriel et commercial. Leurs contentieux seront alors, en fonction de leurs actes, soit portés devant le juge administratif pour tout ce qui touche à leur mode d’organisation et à leur fonctionnement, soit devant le juge judiciaire pour les actes de gestion du service industriel et commercial. A ce titre, une jurisprudence ancienne confère aux chambres consulaires, établissements publics administratifs, la possibilité de remplir accessoirement des fonctions industrielles et commerciales109. Par conséquent, lorsqu’une chambre de commerce exploite un aéroport, certains services offerts aux usagers tels que les parcs de stationnement sont industriels et commerciaux110, alors que d’autres, comme le contrôle et la sécurité de la circulation aérienne, sont nécessairement administratifs111.

L’emploi, en l’espèce, du qualificatif « économique » ne renvoie en rien à la notion plus habituelle d’ « industriel et commercial » même si, par exception, l’administration fiscale a assujetti les chambres de commerce et d’industrie dans le cadre du fonctionnement de leurs services extérieurs aux impôts directs ou indirects, les assimilant à des établissements publics à caractère industriel et commercial.

107 CC, 17/03/1987, décision n° 87-150 L.

108 TC, 24/06/1968, Société d’approvisionnement alimentaire et Sociétés «distilleries bretonnes», Rec. p. 801, concl. Gegout. 109 CE, 01/07/1960, Assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture, inédit.

110 TC, 17/11/1975, Gamba, Rec. CE, p. 801 ; Dr. adm. 1975, n° 421; AJDA 1976, I, p. 82 et II, p. 91; JCP 1977GII, 18755,

note Moderne.

Le Conseil d’Etat, par une décision du 13 janvier 1995 relatif à l’application du code des marchés publics aux chambres de commerce et d’industrie, a cependant explicitement qualifié ces institutions d’« établissements publics de l’Etat »112. Il qualifie également, par une décision du 27 février 1995, les chambres de métiers et de l’artisanat d’ « établissements publics administratifs de l’Etat »113 en suivant les conclusions du commissaire du Gouvernement TOUTEE : « Mais après avoir

expressément confirmé que les chambres consulaires sont des établissements publics à caractère administratif, le Conseil d’Etat a jugé que ce sont des établissements publics de l’Etat. Le commissaire du Gouvernement avait alors clairement distingué deux questions : celle du champ de compétence géographique de l’établissement et celle de la collectivité de rattachement de l’établissement public considéré. Si ces notions se confondent le plus souvent, ce n’est pas toujours le cas, par exemple pour les établissements publics d’aménagement des villes nouvelles qui sont des établissements publics de l’Etat. La décision CREPIN a ainsi explicitement tranché la question soulevée par la requérante : les chambres d’agriculture sont bien des établissements publics administratifs de l’Etat. Un avis de la section des finances en date du 16 juin 1992 publié aux Etudes et Documents est venu explicitement confirmer la jurisprudence CREPIN pour les chambres de commerce et d’industrie. Cet avis ne traite pas des chambres de métiers mais on ne voit aucune raison pour créer de toute pièce une dualité de régime entre d’un côté les chambres de métiers et de l’autre les autres organismes consulaires. Il en va d’autant plus ainsi que les textes constitutifs de ces divers établissements sont comparables et indiquent seulement que ce sont des « établissements publics ». […] La Cour administrative d’appel de Bordeaux pouvait donc affirmer, dans l’arrêt attaqué, que la chambre des métiers des Pyrénées-Orientales est un établissement public administratif « de

l’Etat ». Mais ce sera la première fois que ceci sera énoncé aussi explicitement

puisque la décision CREPIN est implicite sur cette question. »114

Le Tribunal des Conflits a d’ailleurs procédé à la même qualification par une décision du 18 décembre 1995 en estimant que « l’article 84-1 de la loi du 8 août

112 CE, 13/01/1995, Chambre de commerce et d’industrie de la Vienne, req. n° 68-117, 68-118, 114-841 et 115-307. 113 CE, 27/02/1995, Vergé, req. n° 144569.

1994 donnant aux chambres de commerce et d’industrie la qualification d’établissements publics économiques n’en faisait pas moins demeurer les chambres consulaires en établissements publics administratifs dont seuls certains services

peuvent avoir le caractère industriel et commercial »115. Pour le Tribunal des

Conflits, si la loi du 8 août 1994 qualifie les chambres de commerce et d’industrie d’établissements publics économiques, ces organismes consulaires n’entrent pas dans la catégorie des établissements publics à caractère industriel et commercial. En effet, l’existence d’une activité économique, élément essentiel de la notion d’établissement public industriel et commercial, n’est pas obligatoire pour les chambres de commerce et d’industrie.

B. La qualification d’établissement public économique : une

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