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La délicate distinction entre missions de service public et missions d’intérêt général

établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie

Paragraphe 1. La difficile identification des missions dévolues aux établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie

I. La délicate distinction entre missions de service public et missions d’intérêt général

quant à la définition des missions dévolues aux compagnies consulaires (II).

I. La délicate distinction entre missions de service public et missions d’intérêt général

Les textes fondateurs des chambres de commerce et d’industrie donnent une première définition des missions des établissements de ce réseau consulaire (A). C’est par la loi du 2 août 2005 que le législateur a tenté une première fois, en vain, de clarifier les missions des chambres de commerce et d’industrie (B).

A. Le XIXe siècle : une première définition des missions des

établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie

C’est par l’ordonnance du Roi portant règlement sur les chambres de commerce et les chambres consultatives des arts et manufactures du 16 juin 1832 que le régime juridique des chambres consulaires est unifié et que leurs missions sont, pour la première fois, définies. Ainsi, les chambres de commerce se voient essentiellement conférer des attributions consultatives, qu’il s’agisse de « donner au

Gouvernement les avis et renseignements qui leur sont demandés de sa part sur les faits et les intérêts industriels et commerciaux » ou de « présenter leurs vues » sur

toute question touchant à la législation douanière, les travaux publics, les bourses et, de manière générale, tout ce qui peut être du ressort du commerce. La loi du 9 avril 1898 vient clarifier cette qualification encore floue et imprécise en consacrant l’ensemble de son titre II aux attributions des chambres de commerce. Ainsi, l’article 11 de ce texte dispose que « les chambres de commerce ont notamment pour

demandés sur les questions industrielles et commerciales ; de présenter leurs vues sur les moyens d’accroître la prospérité de l’industrie et du commerce ; d’assurer, sous certaines réserves, l’exécution de travaux et l’administration des services nécessaires aux intérêts dont elles ont la garde. » Les articles 12 et 13 développent

quant à eux la fonction consultative des chambres tandis que l’article 14 leur permet de fonder et d’administrer des établissements propres à intervenir dans le domaine du commerce, de l’industrie ou des services. Enfin, l’article 15 autorise les chambres à être concessionnaires de travaux publics ou chargées d’une mission de service public.

Comme nous l’avons étudié précédemment, les établissements publics doivent s’en tenir aux limites données par la mission qui leur est assignée, qu’ils n’ont pas définie eux-mêmes et qu’ils ne peuvent pas dépasser. La spécialité étant l’une des caractéristiques essentielles des établissements publics, de nombreux auteurs se sont penchés sur le cas particulier que constituent les chambres de commerce et d’industrie à cet égard, en raison de la variété de leurs attributions. Deux courants principaux peuvent être présentés : une partie de la doctrine estime que les chambres de commerce et d’industrie voient leur personnalité civile limitée par leur propre spécialité, tandis qu’une autre partie soutient inversement que ces institutions sont autorisées à gérer des services multiples et qu’elles ne sont donc pas soumises au principe de spécialité. André de LAUBADERE apporte en ces termes un élément de réponse en écrivant qu’« en ce qui concerne les établissements publics, spécialité

n’est pas synonyme d’unicité. La spécialité de l’établissement public n’exige pas rigoureusement qu’il gère exclusivement un service public unique. Sans doute lorsqu’il gère une pluralité de services se rapportant à un même objet général, on peut admettre que la notion de spécialité se retrouve encore, […] à condition

toutefois que l’objet général ne le soit tout de même pas trop »167.

Il existe donc en France plusieurs conceptions de la notion de service public. Deux grandes conceptions sont identifiables : la conception fonctionnelle et la conception organique. La conception fonctionnelle met l’accent sur les objectifs, les finalités et les missions des services publics. Cette conception fonctionnelle renvoie principalement aux droits à la santé, à l’éducation, aux transports, à l’eau, etc. , et

donc à des biens et services considérés comme essentiels pour vivre. La conception fonctionnelle n’est donc pas figée et évolue en suivant les besoins de la société ainsi que les choix politiques. La conception organique, quant à elle, assimile le service public à l’entité publique qui le porte. Par conséquent, la notion fonctionnelle ne traite pas de la question du statut de l’entité (publique, privée ou mixte) qui gère le service public alors que la conception organique ne permet pas d’y intégrer les opérateurs exclus de la sphère publique. Tel est le cas pour la SNCF qui est aujourd’hui présentée comme un service public alors qu’il s’agit d’une entreprise privée chargée de certaines missions de service public, mais dont la majorité des activités, telles que le fret ou le transport public de voyageurs, ne relèvent pas de missions de service public168. Notons que la conception fonctionnelle, commune aux Etats membres de l’Union européenne, a été retenue par le traité de Rome de 1957 qui utilise la formulation de « service d’intérêt économique général »169, mettant ainsi l’accent sur la notion de « service d’intérêt général » que nous analyserons ultérieurement. Pour compliquer l’appréhension de cette distinction, il existe en France trois grandes approches du service public qui peuvent se compléter ou se chevaucher : la notion juridique, la notion économique et la notion politique170.

Les services publics relèvent d’un droit et de juridictions spécifiques, confirmant que la souveraineté des autorités publiques ne peut être soumise aux mêmes règles que le justiciable de droit commun. Dans leur manuel de droit du service public, Didier LINOTTE et Raphaël ROMI affirment que « le service public

répond aux besoins généraux de la collectivité : il est cette mission dont la concrétisation institutionnelle n’est pas toujours la mise en place d’une personne

publique »171. Gilles GUGLIELMI et Geneviève KOUBI estiment que « la notion de

service public est un des éléments clefs du pacte social républicain. Elle provient directement de la distinction entre l’Etat et la société et de la forme particulière que

cette distinction a prise en France depuis la IIIe République. Si l’on peut admettre en

168 BOUSSARD Sandrine, L’éclatement des catégories de services public et la résurgence du « service public par nature », RFDA 2008.43.

169 Voir ECKERT Gabriel, Délégations de service public et droit communautaire : une conciliation délicate, note sous CE,

01/04/2009, Communauté urbaine de Bordeaux et société Kéolis, req. n° 323585, RDP, n° 1, 2010, p. 217.

170 Plusieurs Ecoles du service public peuvent se retrouver parmi les formules suivantes : « L’Etat n’est pas une puissance qui commande, une souveraineté ; il est une coopération de services publics organisés et contrôlés par des gouvernants »,

Léon DUGUIT ; « L’Etat est un organisme social constitué essentiellement par un ensemble de services publics », Roger BONNARD ; « Le service public est aujourd’hui la pierre angulaire du droit administratif français. Cette notion sert à

remodeler toutes les institutions du droit public », Gaston JEZE.

effet que l’Etat n’est que la cristallisation d’un rapport de domination entre gouvernants et gouvernés, cela n’est qu’en raison de l’existence d’une différenciation claire entre ces gouvernants et ces gouvernés, de l’acceptation de cette situation temporaire par les gouvernés qui y trouvent un avantage relatif et de la possibilité

d’un contrôle permanent sur les gouvernants et sur l’ensemble de leur activité. »172

Jacqueline MORAND-DEVILLER, quant à elle, développe l’idée selon laquelle « ni agonisant, ni miraculeux, le service public, s’il affronte régulièrement

des crises, demeure la pierre angulaire du droit public. Critères des fins, il est complémentaire de la notion de puissance publique, critère des moyens, il aide à la

reconnaissance du caractère public d’une activité »173. Enfin, Jacques

CHEVALLIER définit la notion de service public en ces termes : « la notion de

service public relève, à première vue, de l’ordre de l’évidence. Dans toute société, on trouve un ensemble d’activités considérées comme étant d’intérêt commun et devant être à ce titre prises en charge par la collectivité : le service public évoque cette sphère des fonctions collectives, nécessaires à l’existence même du social. Faisant écho aux thèmes du « bien commun », de l’« intérêt général », de l’« utilité

publique », avec lesquels elle forme une configuration idéologique complexe, la

notion a donc des racines anciennes et apparaît comme inhérente à l’organisation

des sociétés modernes »174.

La doctrine s’accorde pour admettre que la présence du service public se décèle à partir de deux éléments entrant dans sa définition : une activité d’intérêt général assurée par une personne publique ou privée175. Le service public est par ailleurs soumis au respect de trois principes : la continuité, l’adaptation et l’égalité. Toutefois, ces trois principes peuvent être confrontés à d’autres principes tout aussi

172 GUGLIELMI Gilles, KOUBI Geneviève, Droit du service public, 3e éd. (Paris, Montchrestien, 2011), p. 17. 173 MORAND-DEVILLER Jacqueline, Cours de droit administratif, 7e éd. (Paris, Montchrestien, 2001), p. 453. 174 CHEVALLIER Jacques, Le service public, 8e éd. (Paris : Puf, 2010), p. 3.

175 Voir ROYER Erwan, Qu’est-ce qu’une personne privée chargée d’une mission de service public ?, note sous CE,

22/02/2007, APREI, req. n° 264541, Dalloz actualités ; LENICA Frédéric, BOUCHER Julien, Organismes privés chargés de

la gestion d’un service public et prérogatives de puissance publique : fin d’une vieille controverse, nouvelles interrogations ? , note sous CE, 22/02/2007, APREI, req. n° 264541, AJDA 2007.793 ; COSTA Delphine, Mission de service public assurée par une personne privée : clarification ou codification ?, note sous CE, 22/02/2007, APREI, req. n° 264541, AJDA 2007.825 ; ROUAULT Marie-Christine, Nouvelle définition du service public assumé par une personne privée, note

sous CE, 22/02/2007, APREI, req. n° 264541, JCPA, n° 10, mars 2007, p. 2066 ; BOITEAU Claudie, Vers une définition du

fondamentaux, par exemple les droits des usagers à la continuité du service face au droit de grève dans la fonction publique.

B. La loi du 2 août 2005 : une vaine tentative de clarification des

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