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La lente réforme des chambres de commerce et d’industrie

Paragraphe 2. Les problématiques des chambres de commerce et d’industrie

II. La lente réforme des chambres de commerce et d’industrie

De nombreux rapports mettent en évidence les forces et les faiblesses du réseau des chambres de commerce et d’industrie en proposant des pistes de réforme.

42 Sénat, Rapport n° 507 fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée Nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, 27/05/2010, p. 23.

Nous pouvons citer l’avis du Conseil économique et social relatif à l’avenir des chambres de commerce et d’industrie du 4 avril 200144 ainsi que le rapport d’enquête sur les chambres de commerce et d’industrie de l’Inspection générale des finances de mai 2009. La Cour des comptes a également examiné les conditions dans lesquelles s’exerce la tutelle des chambres de commerce et d’industrie entre 1999 et 2005. Il s’agit d’une période significative durant laquelle cette tutelle est alors partagée entre l’échelon ministériel et l’échelon déconcentré de l’Etat45.

Face à l’aggravation de la situation économique et à la volonté des pouvoirs publics d’entreprendre la révision générale des politiques publiques, les chambres de commerce et d’industrie décident de s’engager dans une réorganisation profonde de leur réseau, ayant l’ambition de renforcer les échelons régionaux et national de leur organisation tout en maintenant la nécessaire proximité avec les entreprises de leur territoire respectif. C’est ainsi que « très naturellement, le réseau des chambres de

commerce et d’industrie s’est coulé dans les décisions portées par le Président de la République et le Premier ministre et prises par le conseil de modernisation des

politiques publiques du 4 avril 2008. »46 Le Conseil de modernisation des politiques

publiques décide alors qu’« en vue d’améliorer le service rendu, les réseaux

consulaires, comme l’ensemble des structures publiques, doivent participer à l’effort de rationalisation, de mutualisation des fonctions supports, de réduction de la dispersion des structures. Ces dernières seront incitées à proposer des réformes d’organisation et de fonctionnement pour améliorer leur efficience et le service rendu aux entreprises. Ces économies se traduiront par une diminution de la charge correspondante sur ces dernières. En l’absence de projets ambitieux et après concertation avec celles-ci, le Gouvernement prendra les dispositions pour

44 CES, Avis n° 2001-06 fait au nom de la section activités productives, recherche et technologie sur l’avenir des chambres de commerce et d’industrie, 04/04/2001.

45 Dans son référé du 6 janvier 2006, la Cour a constaté que l’exercice de cette tutelle était déficient : le cadre juridique et

financier était incertain, les missions de la tutelle n’étaient pas définies ; la tutelle n’avait guère de prise sur les grands enjeux, notamment financiers, du réseau consulaire. La quinzaine de textes réglementaires, adoptée entre 2006 et 2008 pour l’application de la loi du 02/08/2005, a modifié le cadre dans lequel s’exerce la tutelle sur les CCI. C’est donc dans ce contexte nouveau que la Cour a examiné en 2009 les suites données aux recommandations de son précédent contrôle : « La

Cour a constaté que les réformes de la tutelle, faites entre 2005 et 2008, avaient pris en compte bon nombre des observations convergentes de la juridiction et des autres corps de contrôle mais des difficultés de diverses natures empêchent que l’exercice de la tutelle des CCI tire profit de la réforme engagée depuis 2005. », Cour des comptes, Rapport public annuel 2009 (Paris : La Documentation française, 2009), p. 159.

rationaliser le réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie et des Chambres des

Métiers et de l’Artisanat. »47

Dans le contexte de la révision générale des politiques publiques48, le Gouvernement décide d’inciter les réseaux des chambres consulaires - chambres de métiers et de l’artisanat et chambres de commerce et d’industrie - à optimiser leur organisation administrative, le but étant de diminuer la charge pesant sur les entreprises tout en améliorant les services qui leur sont rendus. Ayant pris en considération le souhait des chambres de commerce et d’industrie de démontrer par leur réactivité et leur détermination leur capacité à garder l’initiative de cette réforme, le Gouvernement confie à l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie le soin de produire un document de travail qui servira de base à l’élaboration d’un projet de loi. Les chambres sont ainsi invitées, comme l’ensemble des structures publiques, à proposer des réformes d’organisation et de fonctionnement. C’est dans ce contexte et sous l’influence croisée de la crise économique, de la révision générale des politiques publiques et de la réforme des chambres de commerce et d’industrie qu’en décembre 2008 se clôturent les « états

généraux des chambres de commerce et d’industrie », réalisant ainsi la synthèse de

six mois de travaux menés précédemment en régions.

Lors de cet événement, le Premier ministre indique alors que « les chambres

de commerce et d’industrie, partenaires essentiels des pouvoirs publics, doivent jouer tout leur rôle dans la réforme de notre pays et même être en tête de la bataille contre la crise. » Dans ce contexte, les chambres de commerce et d’industrie sont, comme

tous les services de l’Etat, appelées à poursuivre leur réforme. En effet, elles répondront d’autant mieux aux attentes des entreprises et des pouvoirs publics qu’elles seront modernisées, plus réactives, plus à l’écoute, plus soucieuses du

47 Conseil de modernisation des politiques publiques, Partie I, décisions du CMPP du 04/04/2008, La politique de développement des entreprises, p. 2.

48 Voir Assemblée Nationale, Rapport d’information n° 4019 fait par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la révision générale des politiques publiques (RGPP), 01/12/2011 ; MULLER Pierre, Les politiques publiques, 7e éd. (Paris : PUF, 2008). Par ailleurs, la modernisation de l’action publique (MAP), qui succède à la

révision générale des politiques publiques, incite le Gouvernement à adopter de nouvelles mesures visant à réduire la dépense publique dont les aides aux entreprises et les aides à l’export. Les ressources des établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie devraient ainsi être diminuées de 270 millions d’euros en 2014. Le Gouvernement envisage également de fédérer les principaux acteurs dont les chambres de commerce et d’industrie sous l’appellation « France International », et à terme d’opérer un rapprochement entre le réseau consulaire et Ubifrance (3e comité

service rendu. La réforme ainsi lancée s’inscrit dans un processus continu sur plusieurs années et s’engage dans la rationalisation des organisations avec la poursuite du mouvement de rapprochement des chambres infra-départementales, la simplification des procédures et l’amélioration des services rendus aux entreprises, avec notamment la mise en œuvre de guichets uniques. « La réforme des structures

permettra ensuite d’optimiser la mise en œuvre de l’ensemble des mesures de simplification et des prestations nécessaires à toutes les entreprises, sur tout le

territoire, tout en tenant compte des spécificités et besoins locaux. »49

Avant de statuer sur la nouvelle organisation des chambres de commerce et d’industrie, les élus consulaires choisissent de réfléchir aux nouvelles missions des chambres. Il s’agit de renforcer l’attractivité des territoires, partant du constat que la compétitivité des entreprises est directement liée à celle des territoires et de repenser la place de l’entreprise et de l’entrepreneur dans la société. A ces enjeux s’ajoutent deux missions que sont d’une part le développement de la formation afin de répondre aux besoins des entreprises et, d’autre part, redonner une place d’importance à l’industrie. Les débats menés au sein du réseau des chambres de commerce et d’industrie permettent d’adopter, le 25 novembre 2008, une motion de synthèse présentant les grandes orientations de la réforme à venir.

Le Gouvernement veille à ce que la réforme soit menée en concertation avec tous les acteurs, dans l’intérêt des entreprises et dans le respect de la spécificité des territoires. Elaboré à l’issue d’une large consultation au sein du réseau consulaire, le document cadre contenant les modalités détaillées de la réforme est adopté par l’assemblée générale de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie le 14 avril 2009. La régionalisation du réseau est ainsi mise en œuvre. Les futures chambres de commerce et d’industrie de région doivent ainsi devenir les interlocutrices privilégiées des collectivités territoriales et favoriser la mutualisation d’un certain nombre d’actions menées par les futures chambres territoriales tout en tenant compte des enjeux de proximité. Les votes obtenus en assemblée générale illustrent la persistance d’intérêts divergents. La motion de synthèse de novembre 2008 approuvée par 108 voix contre 58 par l’assemblée générale de l’Assemblée des

chambres françaises de commerce et d’industrie ; et le document cadre de la réforme, quant à lui, adopté par 98 voix contre 59 et 12 abstentions, soit 58 % des votants et un pourcentage inférieur à la majorité qualifiée des deux tiers le démontrent.

Le 17 juillet 2009, une première proposition de loi relative à la modernisation du réseau des chambres de commerce est déposée au Sénat50. Elle vise à favoriser une meilleure rationalisation de l’organisation du réseau des chambres de commerce et à encourager une plus grande mutualisation de ses moyens afin de parvenir à une réduction des prélèvements obligatoires sur les entreprises qui contribuent au financement de ces structures publiques. Cette proposition de loi ne fera pourtant l’objet d’aucune suite, étant entendu que le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, adopté en Conseil des ministres le 29 juillet 2009, sera désormais aux ordres du jour de l’Assemblée nationale des 23 et 24 mars 2010 pour son examen en commission des affaires économiques et des 6 au 8 avril 2010 pour sa discussion au sein même de l’hémicycle51. Cette loi réformant le réseau des chambres de commerce et d’industrie fut adoptée le 23 juillet 2010.

La réforme des réseaux consulaires adoptée par la loi du 23 juillet 2010 renforce l’échelon national et les échelons régionaux tout en mutualisant les structures, en adaptant les missions au service des entreprises et en mettant en place une fiscalité unique régionale, sans abandonner la proximité territoriale des chambres de commerce, essence même de leur légitimité. Elle améliore la qualité et l’homogénéité des services rendus aux entreprises de leurs territoires par le réseau des chambres de commerce et d’industrie en réduisant la pression fiscale exercée sur les entreprises.

La réforme doit homogénéiser le réseau des chambres de commerce et d’industrie avec une plus grande capacité de mutualisation et de développement de nouveaux services. Les anciennes chambres de commerce et d’industrie, auparavant dites « locales » sont désormais dites « territoriales », et deviennent ainsi des

50 Sénat, proposition de loi n° 565 relative à la modernisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie, enregistrée

à la Présidence du Sénat le 17/07/2009.

établissements publics « rattachés » aux chambres de commerce et d’industrie de région. Cette mutation permet, d’une part, de maintenir la personnalité morale pour les chambres de commerce et d’industrie territoriales et, d’autre part, d’instaurer la création d’une certaine hiérarchisation avec mutualisation des moyens humains et financiers. La gestion des concessions, quant à elle, reste assurée par les chambres territoriales qui peuvent de même continuer à travailler directement avec les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et le département de leur circonscription. Cela induit une collaboration plus efficace avec les partenaires de l’échelon régional au service des entreprises. Enfin, une plus grande solidarité doit être développée au niveau régional entre les chambres de commerce et d’industrie territoriales, grandes ou petites, situées sur un territoire dynamique ou fragile.

Monsieur François PATRIAT, Président de la mission commune d’information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux, interroge André MARCON, Président actuel de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, selon ces termes : « votre point de vue nous intéresse d’autant plus que les chambres

de commerce et d’industrie sont également engagées dans un processus de réforme. En quelque sorte, vous faites votre propre RGPP. Une comparaison entre ces deux mouvements menés en parallèle paraît donc d’autant plus instructive. » En réponse,

André MARCON précise que « la réforme des chambres de commerce et d’industrie

a en effet été accomplie, comme la RGPP, en vue de pouvoir dégager des économies. Elle n’a pas été simple à mener mais elle répond à une forte contrainte qui va peser sur les recettes des chambres dans les années à venir. Comme chacun le sait, une fusion n’est jamais facile à réaliser. Celle des chambres a suscité beaucoup de débats, mais la réorganisation est en cours. La RGPP représente pour nous un élément positif dans la mesure où elle vise à restructurer et à réorganiser efficacement les services de l’Etat. La question qu’elle pose réside dans le maintien du niveau de service de la part de l’Etat dans un contexte de réduction des moyens. De notre point de vue, cette réforme souffre d’un manque de lisibilité, notamment concernant les partenaires qui sont désormais amenés à dialoguer avec les chambres de commerce et d’industrie. D’une manière générale, on peut regretter une certaine perte de la culture commune qui faisait jusqu’à présent la force des services de

l’Etat. […] Au total, la RGPP doit encore réaliser des progrès pour une plus grande efficacité au niveau territorial. Ces difficultés sont d’ailleurs très comparables à celles rencontrées dans le cadre de la réforme des chambres de commerce et d’industrie et de la mise en place des chambres de commerce et d’industrie

territoriales prochainement rattachées à la région. »52

Cependant, censée rationaliser le fonctionnement du réseau des chambres de commerce et d’industrie, cette loi est le fruit d’un difficile compromis et la réforme reste « au milieu du gué », avec son lot de difficultés et d’incohérences. Les chambres de commerce et d’industrie de région exercent l’ensemble des missions du réseau des chambres de commerce et d’industrie, sous réserve de celles confiées aux chambres de commerce et d’industrie territoriales, ces dernières étant des établissements publics rattachés aux chambres de commerce et d’industrie de région. A l’heure de la modernisation de l’action publique53, il semble que le réseau des chambres de commerce et d’industrie n’a pas souhaité s’attacher davantage à poursuivre plus en avant les concepts de mutualisation ou de fusion. Or, nombre de nos voisins européens ont déjà opté pour un regroupement rationnel de ces structures consulaires - chambres de commerce et d’industrie , chambre de métiers et de l’artisanat, chambres d’agriculture - en une seule et unique structure. Par conséquent, la présente thèse s’interroge légitimement sur la pertinence d’une telle réforme en demi-teinte.

Comme le souligne Jean-François MERLET, « Le caractère pleinement

normatif d’une loi se mesure sans doute à la manière dont elle est ou non

appliquée. »54 Cependant il est intéressant d’ajouter que cela peut également se

mesurer à la manière dont le législateur a conçu la loi. En effet, au-delà de l’esprit de la loi, si la lettre même de ce texte est incomplète, comment la loi peut-elle revêtir un caractère pleinement normatif ? En d’autres termes, la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services a-t-elle permis la rationalisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie ?

52 Sénat, Rapport d’information n° 666 fait au nom de la mission commune d’information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux, 22/06/2011, tome II,

p. 183.

53 La modernisation de l’action publique (MAP) porte des réformes structurelles, c’est-à-dire qu’elle vise à établir de

nouveaux équilibres au sein de notre société. Elle engage le choc de simplification annoncé par le Président de la République le 28 mars 2013.

54 MERLET Jean-François, Une grande loi de la Troisième République : la loi du 1er juillet 1901, thèse pour le doctorat en

Pour répondre à cette problématique législative, nous avons décidé de procéder à une étude de la loi du 23 juillet 2010 tant dans son bilan que dans son projet d’amélioration. Différentes méthodes peuvent être retenues dans le cadre d’une monographie législative, comme par exemple l’analyse du « signifiant », se bornant à l’étude des mots de la norme ou encore l’analyse du « signifié », étudiant l’application et l’interprétation faites des dispositions de la norme. En effet, « L’histoire normative d’une loi ne se trouve pas seulement inscrite dans son texte ou

dans les travaux parlementaires, jurisprudentiels ou doctrinaux y afférents. L’histoire du contexte normatif revêt une importance aussi grande que le texte. […] Il faut tenter de rendre compte des changements directs connus du texte comme des intéractions indirectes dues à l’apparition ou à la modification d’autres régimes

juridiques. »55 L’analyse de la loi du 23 juillet 2010 ne saurait se limiter à l’étude

chronologique de cette norme. En effet, l’étude textuelle de cette loi vient compléter notre réflexion, ainsi que l’étude de son application. Ainsi, l’analyse de cette norme se traduit par une étude des établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie, objets de ladite loi, et par une étude d’autres normes qui peuvent interférer sur le régime juridique de la loi étudiée. Enfin, la présente monographie législative ne saurait être complète sans que nous ne prenions soin de réfléchir à la possible évolution de la loi du 23 juillet 2010. C’est pourquoi nous proposons, in fine, un projet de loi relatif à la fusion des réseaux consulaires.

La présente thèse est structurée en deux parties qui analysent les effets de la modernisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie selon le plan suivant :

- Partie 1. La loi du 23 juillet 2010 : une tentative d’identification des établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie - Partie 2. La loi du 23 juillet 2010 : une tentative de clarification du

fonctionnement des établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie

55 MERLET Jean-François, Une grande loi de la Troisième République : la loi du 1er juillet 1901, thèse pour le doctorat en

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