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Qu’est-ce que la littérature à l’École 43 ?

1. Enseigner la littérature à l’École sans la naturaliser : un défi impossible ?

1.2. Qu’est-ce que la littérature à l’École 43 ?

Si à peu près tout le monde aujourd’hui s’entend sur le fait que l’on ne saurait définir précisément ce qu’est « la » littérature sans, par une telle décision, exclure une partie des textes que d’autres définitions pourraient pourtant inclure, il n’en demeure pas moins, précise B. Daunay (Ibid.), qu’envisager son enseignement nécessite, pour les didacticien·ne·s de prendre le temps de préciser comment ils/elles envisagent cette dernière. Or, selon B. Daunay (Ibid., p. 153) :

[Si] la plupart des définitions prennent la précaution de préciser qu’il s’agit là d’une définition partielle, provisoire, opératoire, qui ne prétend pas clore le débat sur ce qu’est la littérature, [elles] ne prennent presque jamais la peine d’interroger ce qui, pour chacun des termes employés dans ces définitions, fait débat, depuis parfois longtemps.

Est-ce à dire que définir la littérature dans une perspective didactique relève aussi d’une entreprise impossible ? Du moins, la réponse à cette question ne peut-elle que constituer un dilemme pour la didactique du français et de la littérature (Ibid.). En effet, la didactique du français ayant pris naissance de la volonté de dénaturaliser ses objets d’enseignement, comment

43 Depuis le début de notre premier chapitre, comme dans notre introduction générale d’ailleurs, nous employons le terme « école » avec une majuscule quand nous l’insérons dans une réflexion générale sur l’enseignement quel que soit le niveau scolaire envisagé ; avec une minuscule quand nous nous intéressons plus spécifiquement à l’école primaire. Précisons que ce choix ne relève en rien d’une hiérarchisation implicite (cf. Daunay, 2007) que nous pourrions/voudrions opérer entre les cycles.

54 penser un enseignement de la littérature basé sur des pétitions de principes posés à priori, entrainant de facto sa naturalisation ?

La question de la justification de l’enseignement de la littérature, si elle n’a jamais autant mobilisé les chercheur·se·s depuis l’origine de la didactique du français jusqu’à ce premier quart du XXIe siècle (quel que soit le niveau scolaire envisagé, de l’école primaire à l’université), n’a en réalité rien de bien nouveau, précise J.-L. Dufays (2017 b, paragr. 4) rappelant les constats établis par A. Chervel dans son Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle44. En effet, bien que l’on enseigne la littérature française depuis plus de quatre cents ans, on n’a cessé depuis lors de justifier les finalités et les contenus de son enseignement sur la base d’arguments évoluant à chaque génération. Si les controverses en la matière sont légion, poursuit J.-L. Dufays (Ibid.), c’est parce que les réponses proposées émanent d’une diversité d’acteurs aux intérêts divergents :

En l’occurrence, l’avis des chercheurs et des professeurs d’université spécialisés en littérature ne rejoint pas toujours celui des didacticiens du français ; celui des décideurs du système éducatif – ministres, auteurs de programmes, inspecteurs, auteurs de manuels – diffère souvent de celui des enseignants de terrain ; et celui des élèves est quant à lui rarement écouté.

La diversité des réponses tient aussi, selon J.-L. Dufays (Ibid., paragr. 5), à la polysémie de la question elle-même. Justifier en effet l’enseignement de la littérature recoupe en effet, d’après le chercheur, trois types de préoccupations : celles liées au choix du corpus, celles relatives à la manière privilégiée de le lire et enfin celles concernant les savoirs en matière même de littérature. Ces préoccupations vont s’articuler en quatre tendances successives ces cinquante dernières années, précise le chercheur (Ibid., paragr. 11), qu’il s’agisse du premier ou second degré. Nous allons brièvement les présenter une première fois dans cette sous-partie (avant de les détailler à nouveau plus loin dans ce chapitre quand nous nous concentrerons plus spécifiquement sur l’école primaire, niveau scolaire privilégié pour notre réflexion).

Si, jusqu’au milieu des années 1960, l’enjeu de l’enseignement de la littérature reste essentiellement d’ordre patrimonial en lien avec les siècles précédents – il s’agit d’abord de transmettre, via la lecture des grands auteurs, « des modèles de vie, de pensée et d’écriture » (Ibid., paragr. 9) –, un changement de discours radical se manifeste à la fin des années 1960 : dans la foulée des grands bouleversements sociologiques (explosion des effectifs dans les classes, apparition de la problématique de l’échec scolaire), sociétaux et culturels (mai 68, révolution des sciences humaines, succès du nouveau roman, du nouveau théâtre et de la nouvelle critique), les valeurs antérieures légitimant l’enseignement de la littérature se voient en effet totalement remises en cause (Ibid., paragr. 12). La transmission des chefs-d’œuvre consacrés fait place au rejet de toute hiérarchie entre les textes, via l’ouverture au paralittéraire et au non-littéraire. Pour autant, les finalités de l’enseignement littéraire demeurent tout aussi normatives : si elles ne reposent plus sur la connaissance d’un corpus, une nouvelle norme

55 s’impose néanmoins, liée à la maitrise de la méthode proposée par l’analyse structurale. « On passe ainsi d’un point de vue ségrégationniste à un point de vue intégrationniste, et d’une finalité externe, centrée sur les usages de la littérature, à une finalité interne, centrée sur ses textes », précise J.-L. Dufays (Ibid.).

Puis, dans les années 1990, sous l’effet d’une prise de conscience progressive de l’inflation des savoirs et des dérives formalistes issues de l’applicationnisme en classe de l’analyse structurale, émergent deux tendances différentes, sans que celles-ci n’entrent pour autant en conflit. D’un côté, l’enseignement de la littérature fait son entrée (timidement cependant) dans l’ère des compétences : il s’agit désormais, non seulement de former un lecteur compétent, capable de réinvestir ses acquis et ses outils dans des tâches complexes inédites, mais il faut également être en mesure de rendre compte de l’acquisition des compétences de ce dernier dans des productions « balisées et évaluables » (Ibid., paragr. 14). D’un autre côté, apparait la notion de « lecture littéraire » qui cherche à concilier l’enseignement-apprentissage de deux manières de lire, mises en évidence par les théories de la lecture, notamment par les travaux de M. Picard45 : lire littérairement à l’école consiste alors dans cette optique à apprendre à « développer conjointement la participation psychoaffective à l’univers référentiel du texte et l’analyse critique de ses significations » (J.-L. Dufays, Ibid.).

Une quatrième et dernière tendance se dessine enfin, selon J.-L. Dufays (Ibid., paragr. 17 et 18) dans les années 2000. Sous l’impulsion de certain·e·s chercheur·se·s (G. Langlade, A. Rouxel, M.-J. Fourtanier, C. Mazauric notamment), la dimension « affective » de la lecture littéraire se trouve en effet mise sur le devant de la scène didactique et institutionnelle46 : il s’agit de réhabiliter les droits du sujet lecteur minorés, voire ignorés, par une vision de la lecture littéraire trop souvent réduite à un art de la distance.

Les bouleversements initiés dès la fin des années 1990 relativement aux finalités d’enseignement de la littérature dans le premier comme le second degré, qu’ils mettent l’accent sur les compétences ou la promotion de l’activité du sujet lecteur, se traduisent aussi par un déplacement de focale en termes de « contenus », la notion de « pratiques » prenant peu à peu le pas sur celle de « savoirs ». L’adoption de l’analyse structurale comme « modèle » pour la lecture en classe traduisait de son côté une volonté de définir explicitement des « savoirs « (notamment en termes de linguistique et de narratologie) afin d’en garantir en classe l’accès à tou·te·s. Ainsi, la possibilité de savoir lire « littérairement » un texte ne restait plus réservée à une élite, soucieuse de préserver ses pratiques littéraires et culturelles en se réservant la connaissance de ses normes. « Il est [néanmoins] frappant de voir que certains experts – comme

45 Picard, M. (1986). La lecture comme jeu. France : Éditions de Minuit.

46 Cette promotion du pôle « subjectif » de la lecture, si elle caractérise en France nombre d’orientations de la recherche et de l’institution en termes d’enseignement de la littérature, n’est cependant pas partagée par l’ensemble de la communauté didactique francophone. En effet, précise J.-L. Dufays (2017 b, paragr. 17), « en Suisse surtout, la promotion d’un "archilecteur" (Ronveaux, 2014), qui va dans le sens contraire, invit[e] l’école plutôt à former les élèves aux exigences communes d’un savoir légitimité par l’école et partagé au sein de la communauté interprétative que constitue la classe ».

56 Todorov (2007), Schaeffer (2011) ou David (2012)47 – rejoignent aujourd’hui le discours de l’école en faveur de la subjectivité des lectures » fait remarquer J.-L. Dufays (Ibid., paragr. 39). En effet, force est de constater que le succès de l’analyse structurale s’est traduit par une inflation dans les classes d’études technicistes et formalistes des textes (M. Fabre, 2019, p. 8). Celle-ci a alors conduit la didactique à privilégier (en vertu du « mouvement de torsion du bâton dans l’autre sens » que nous évoquions dans notre introduction), en termes d’enseignement de la littérature, les « pratiques » aux « savoirs », notamment les « pratiques sociales, personnelles et ordinaires » de la lecture mises en œuvre par les élèves, afin de penser leur articulation aux pratiques culturellement et socialement construites (D. Bucheton, 1999, p. 150).

Si la notion de « pratiques » semble désormais le maitre mot de l’enseignement de la littérature, les enjeux patrimoniaux qui lui ont toujours été associés ont résisté au fil du temps tout en étant revisités (J.-L. Dufays, 2017 b, paragr. 18) en raison de la fragilité et de la diversité des éléments retenus pour définir ce domaine. Comme en attestent ainsi les derniers programmes français pour l’école primaire (ceux de 2015 comme ceux de 2018), il s’agit désormais d’enseigner la littérature pour transmettre une culture commune mais aussi des codes pour lire le monde48. Certes le choix du corpus à étudier est encore l’occasion de débats dans le champ scientifique et institutionnel, mais il ne s’agit plus d’en contester l’ouverture (Ibid., paragr. 29) : la question qui demeure concerne plutôt « les critères de sélection des œuvres à enseigner en tant que "noyau dur" du patrimoine ». Certains semblent privilégier avant tout la portée existentielle des œuvres et leur contribution à la perpétuation d’une mémoire et d’une identité collective. J. David (2017, paragr. 15-17) propose par exemple d’infléchir l’enseignement de la littérature de telle sorte que les élèves et les étudiant·e·s construisent des dispositions éthiques au contact des textes.

Mais au vu d’une telle approche, se centrant sur la transmission des valeurs, le texte ne risque-t-il pas d’être considéré comme porteur d’un sens unique à retrouver, au risque d’oublier que la lecture est avant tout une mise en activité singulière à chaque sujet, demandent M.-F. Bishop et A. Belhadjin (2015, p. 23-24) ? Par ailleurs, la valorisation des questions essentielles ne conduit-elle pas à faire perdre de vue ce qui « demeure le cœur de toute approche littéraire d’un texte littéraire, à savoir l’attention portée à l’écriture, aux jeux et effets de langage », se questionnent également de leur côté V. Brinker et G. Di Rosa (2018, p. 36) ? C’est pourquoi

47 Todorov, T. (2007). La littérature en péril. France : Quai Voltaire. Schaeffer, J.-M. (2011). Petite écologie des études littéraires. France : Thierry Marchaisse. David, J. (2012). Le premier degré de la littérature. Fabula-LhT, 9. Repéré à : https://www.fabula.org/lht/9/david.html%3E

48 « Face à un monde en constante évolution, former les élèves à une posture de questionnement, de raisonnement, d’interprétation constitue un enjeu de société majeur. La littérature s’offre alors comme un espace émancipateur car les textes littéraires mettent en jeu et interrogent les valeurs profondes de l’humanité : la justice/ l’injustice, la liberté/ l’emprisonnement, la fraternité/ la discrimination, etc. Sans que le texte littéraire perde sa valeur intrin-sèque, il contribue ainsi à l’éducation morale et civique tant par les valeurs du programme qu’il convoque que par la sensibilité qu’il développe chez le jeune lecteur » (« La morale en questions en CM1-CM2 », Ressources d'ac-compagnement du programme de français : pour une culture littéraire et artistique au cycle 3, 2018, p. 1). https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Culture_litteraire_/39/9/RA16_C3_FRA_La_Morale_En_Intro_77 9399.pdf

57 d’autres propositions didactiques s’appuient prioritairement sur des critères de choix pragmatiques pour aider les enseignants dans leur sélection patrimoniale : en privilégiant notamment les genres49, comme le recommandent les programmes de 2018 pour l’école primaire par exemple, ou la notion de stéréotype comme le suggèrent de nombreuses publications de J.-L. Dufays.

1.3. Qu’enseigne-t-on en matière de littérature à l’École : des « contenus », des « savoirs » ou des « pratiques » ?

Les finalités assignées à l’enseignement de la littérature n’ont eu de cesse de varier au cours du temps, conduisant ainsi à des propositions de corpus différentes. Comme nous l’avons rapidement suggéré dans notre sous-partie précédente, une telle évolution est liée aux processus continus de production, de délimitation et de transformation de ce que l’on juge comme devant être enseigné en classe de français, le « on » de notre phrase désignant autant les chercheurs que les responsables institutionnels, les acteurs même de l’institution liée à l’enseignement (formateurs, enseignants, élèves, parents) et même l’ensemble de la société. Nous allons désormais approfondir notre réflexion sur les « objets » que l’on juge comme devant être enseignés en classe de français, en particulier en termes de littérature, en montrant que ces derniers sont particulièrement complexes à circonscrire, comme en attestent notamment les débats au sein de la didactique du français sur leur dénomination même pour décider si l’on enseigne dans cette discipline des « contenus », des « savoirs » ou des « pratiques ».

Selon J.-L. Dufays (2017a, p. 18), les « objets » à enseigner en classe de français sont particulièrement complexes à saisir en raison de leur « origine quadruple ». Certains contenus enseignés dérivent ainsi en partie des connaissances instituées dans les milieux de la recherche scientifique, principalement à l’université : ce sont les savoirs « savants », désignés comme tels, « à la base parce qu’ils ont été élaborés dans des laboratoires universitaires afin de théoriser ou de programmer certains domaines de la création ou de la communication. Je pense ici à des systèmes d’analyse génériques ou esthétiques comme la narratologie, la poétique ou la dramaturgie, mais aussi aux approches expertes du fait littéraire ou du fait linguistique, comme l’analyse structurale, l’analyse institutionnelle ou la grammaire générative » (Ibid.). Mais, toujours selon J.-L. Dufays (Ibid.) les contenus de la classe de français découlent également de ce qu’on a appelé après J.-L. Martinand50 (1986) des « pratiques sociales de référence », soit les usages oraux et écrits qui ont cours dans la société. Appliqué au français, ce concept rend compte du fait que parler, lire et écrire sont des compétences qui se développent et s'exercent à

49 La notion de « genre » est loin de faire consensus : en témoigne l’article de V. Brinker et G. Di Rosa que nous venons de citer et dans lequel les auteures signalent que « les nouvelles entrées […] privilégient ainsi ce qui "donne sens à la lecture" », ce qui constitue à leurs yeux une avancée majeure des programmes de 2015 à destination des cycles 3 et 4, mais elles déplorent cependant que « la chronologie et l’ordonnancement du programme par genres ne [soient] bien sûr pas abandonnés » (2018, p. 34).

50 Martinand, J.-L. (1986). Connaitre et transformer la matière. Des objectifs pour l’initiation aux sciences et techniques. Suisse : Peter Lang.

58 partir de pratiques sociales au départ non scolaires. Certaines de ces pratiques non scolaires sont néanmoins « élaborées » et demeurent proches des pratiques spécialisées propres aux champs de la linguistique et de la littérature. On peut donc aussi les qualifier également de pratiques « expertes » propose J.-L. Dufays.

Parallèlement à ces « savoirs savants » et ces « pratiques expertes » qui fournissent des contenus d’enseignement en matière de littérature, le chercheur identifie également une troisième source à l’origine des contenus d’enseignement en littérature : il s’agit « des savoirs et des pratiques culturels et artistiques, qui sont savants par certains aspects – ils sont surtout investis par une élite socioculturelle, par des spécialistes et par des enseignants –, mais sont en même temps ordinaires par d’autres aspects dans la mesure où tout le monde y a accès à travers les livres, les salles de spectacle, les musées et bien entendu les médias » (Dufays, Ibid.). Enfin, poursuit J.-L. Dufays (Ibid.), il est admis également l’existence, grâce aux travaux d’A. Chervel (2006), d’une quatrième source à l’origine de certains contenus d’enseignement : ce sont des objets ayant été créés et modélisés spécifiquement par et pour l’École, comme la grammaire scolaire, la dissertation ou l’histoire littéraire.

C’est pourquoi plusieurs didacticiens du français, comme Y. Reuter ou B. Daunay (Reuter, 2004, p. 6-7 ; Daunay51, 2015, p. 9) proposent de garder le concept d’« élaboration didactique », proposé il y une vingtaine d’années par J.-F. Halté, pour caractériser la « masse de savoirs d’obédience diverses (savants, sociaux, scolaires), construits ailleurs à des fins propres et sous des épistémologies différentes » (Halté, 2001/ 2018, paragr. 3) qui compose la matière « français » et qui, ce faisant, explique pourquoi « cette dernière n’en finit pas de rechercher son identité » (Ibid., paragr. 18). Ce concept, selon ces chercheurs, est en effet moins restrictif que celui de « transposition didactique » élaboré par Y. Chevallard car il permet de rendre compte de la diversité des processus à l’œuvre pour sélectionner et transformer des éléments, si hétérogènes soient-ils, en objets d’enseignement-apprentissage. La complexité des objets d’enseignement en français et en littérature, due à l’hétérogénéité de leurs sources, conduit même un certain nombre de didacticien·ne·s du français (Lahanier-Reuter et Reuter, 2013, p. 137 ; Reuter, 2014, p. 54 ; B. Daunay, 2015, p. 4) à préférer pour désigner ces derniers le terme de « contenus » à celui de « savoirs », généralement utilisé dans d’autres didactiques. Pour l’équipe Théodile-Cirel52 très attachée à la notion de « contenus », cette dénomination est en effet la plus adéquate pour traduire la diversité des objets d’enseignement-apprentissage qui

51 La pagination que nous indiquons correspond à la version électronique du chapitre de D. Daunay. Repéré à : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01354232/document.

52 Créée en 1991, Théodile est devenue en 2008, sous le nom de Théodile-CIREL, une équipe interne du CIREL. Elle comprend actuellement 64 membres. L’évolution scientifique de l’équipe, depuis sa fondation, tient à des choix liés à la fois au développement théorique des didactiques et aux conjonctures institutionnelles. Son noyau premier, historiquement, est la didactique du français (notamment avec Y. Reuter et B. Daunay) mais, dans le contexte d’un dialogue croissant entre les didactiques des disciplines, elle s’est très vite ouverte à des chercheurs de plusieurs didactiques et d’autres disciplines de recherche. Repéré à : http://theodile.recherche.univ-lille3.fr/cms/index.php. Notons que D. Orange-Ravachol, chercheure en didactique des SVT et impliquée au premier chef dans les travaux sur le paradigme de la problématisation, fait désormais partie de l’équipe Théodile-CIREL.

59 relèvent à la fois de « savoirs, savoir-faire, rapports à, valeurs, manières de penser, d’agir, de discourir » (Reuter, Ibid.). Cette dénomination a par ailleurs vocation, pour cette équipe de recherche :

De rompre avec le fétichisme attaché à la notion de savoirs par certains didacticiens, fétichisme qui fait qu’on n’interroge pas suffisamment cette notion, qu’on néglige le fait

qu’on n’enseigne pas que et qu’on n’apprend pas que des savoirs au sein des disciplines, fétichisme qui renvoie peut-être aussi au statut ininterrogé des savoirs au sein de certaines didactiques pour qui les savoirs de leur discipline (scolaire/universitaire/de recherche ?) seraient plus « scientifiques que ceux d’autres disciplines (Reuter, Daunay, Delcambre et al., 2011, paragr. 12, souligné par nous).

Cette préférence pour le terme de « contenus » est aussi celle de J.-P. Bronckart et de B. Schneuwly (1991, p. 16) qui caractérisent comme suit la didactique du français au moment de son émergence : « à la différence de ces derniers [les didacticiens des sciences et des mathématiques], nous l’appelons « contenu » (de préférence à « savoir ») pour indiquer que la matière enseignée n’est pas nécessairement de l’ordre de la connaissance, mais aussi souvent de l’ordre des attitudes (savoir-être) et des savoir-faire pratiques ». Bien plus que la notion de « savoirs » d’ailleurs, c’est celle de « savoirs savants » qui est la cible de J.-P. Bronckart : ce dernier précise ainsi qu’il admet tout à fait l’existence de divers lieux de production de « savoirs » et qu’en ce sens, il n’est pas illégitime, selon lui, de qualifier ces derniers en fonction des lieux dont ils émanent : savoirs scientifiques, savoirs d’expertise, savoirs scolaires, savoirs de sens commun, etc. (Bronckart et Plazaola, 1998, p. 44).

En revanche, s’il récuse l’appellation de « savoirs savants », c’est parce qu’elle relève, selon lui, d’un argument d’autorité, sans fondement scientifique, qui attribue aux savoirs

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