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Mise en texte des savoirs et pratiques de classe

CHAPITRE IV – Problématisation et didactique(s)

3. L’accès des élèves à des savoirs problématisés

3.1. Problématisation, argumentation et débats en classe

3.3.2. Mise en texte des savoirs et pratiques de classe

Les textes de savoir élaborés par les scientifiques sont raisonnés, souligne C. Orange (Ibid.) : ils présentent explicitement des argumentations qui s’appuient à la fois sur les recherches menées et sur les éléments théoriques et empiriques partagées par la communauté à laquelle ils s’adressent. Puisque la classe de sciences peut elle aussi être considérée comme une communauté de pratiques, la textualisation des savoirs peut par conséquent y être pensée de la même manière comme une condition à la fois épistémologique et didactique de la construction d’une culture scientifique qui puisse se transmettre de génération en génération (Ibid., p. 94). Néanmoins, selon C. Orange et D. Orange Ravachol (2007, p. 305), dans le cours ordinaire de la classe de sciences, contrairement aux savoirs raisonnés élaborés par les scientifiques, cette textualisation aboutit généralement à des savoirs propositionnels, c’est-à-dire à une simple juxtaposition de propositions non logiquement connectées. Nous retrouvons ainsi dans les propos de ces deux didacticiens des sciences une critique du propositionnalisme des savoirs scolaires, telle qu’ont pu la formuler J.-P. Astolfi (2008) ou encore M. Fabre, à la suite de sa lecture des travaux de G. Deleuze et M. Meyer, comme nous l’avons mis en évidence dans notre deuxième chapitre.

190 Dans le cadre du paradigme de la problématisation, pour contrer ce propositionnalisme inhérent à la mise en texte des savoirs scolaires, il s’agit par conséquent de penser des dispositifs didactiques à même de faciliter le passage des argumentations orales produites lors des débats sur les modèles à des argumentations écrites qui, tout en conservant l’état des discussions, parviennent à thématiser les raisons en jeu dans le problème travaillé. Ce passage de l’oral à l’écrit ne va pas de soi, précisent C. Orange et son équipe (Orange, 2007, p. 52 ; Chalak, 2013, p. 111) et nécessite tout au long de la séquence des changements de niveau de théorisation que l’enseignant doit orchestrer et que les élèves doivent investir. Les didacticien·ne·s des sciences ont ainsi identifié dans les séquences qu’ils/elles ont pu expérimenter trois moments nécessaires pour aider les élèves à accéder à des savoirs à la fois raisonnés et formalisés comme tels à l’écrit, comme nous allons le montrer désormais : un premier travail collectif de mise à l’écrit des argumentations à l’aide de « caricatures » ; un deuxième travail de classement de ces premiers jets ; un troisième travail de thématisation des nécessités.

3.3.2.1. Vers la production d’argumentations écrites : le recours aux « caricatures »

Bien que les débats soient absolument nécessaires pour permettre aux élèves de s’approprier le problème travaillé et de commencer à identifier les raisons pour lesquelles telle hypothèse explicative peut ou ne peut pas fonctionner, ils ne permettent pas encore d’aboutir à des textes de savoir prenant en compte explicitement les nécessités dégagées. Cela peut certes s’expliquer par la place qu’occupent ces débats dans la séquence : ils y ont lieu au tout début et les élèves n’ont pas eu le temps d’aboutir à une telle textualisation. Mais s’en tenir à cette seule explication de nature temporelle serait réducteur. Comme le signalent en effet les didacticien·ne·s des sciences (H. Chalak, 2016, paragr. 6 ; D. Orange Ravachol, 2018, p. 57), lorsqu’on considère l’ensemble des modèles proposés par les différents groupes et les échanges associés, on peut constater que les argumentations avancées servent davantage l’acceptation de certains modèles et l’invalidation d’autres ; ces dernières se formalisent en effet « en pour ou contre » et contribuent parfois plus à figer les positionnements individuels auxquels certains élèves ne veulent pas renoncer, certainement pour des raisons affectives, qu’à explorer, dans une perspective d’apodicticité des savoirs, l’espace des possibles/impossibles et des nécessités (Orange et Orange Ravachol, 2007, p. 309). C’est pourquoi pour aider les élèves à se détacher de leurs productions et à se focaliser sur les points épistémiquement essentiels dégagés par la classe, il est possible de s’appuyer sur ce que l’équipe de C. Orange a nommé des caricatures.

Construites à partir des productions de groupes d’élèves, les caricatures sont obtenues à la fois par simplification des explications proposées par ces groupes et par dépersonnalisation de leurs caractéristiques individuelles (Ibid.). Ces caricatures, présentées sous forme de schémas, ce qui permet également leur homogénéisation du point de vue de la forme, ne peuvent donc plus être attribuées à tel ou tel groupe, ce qui permet alors au travail de problématisation de s’engager dans une nouvelle phase de travail critique (Orange, 2012, p. 102-103) : les élèves vont en effet pouvoir produire de nouvelles argumentations et les discuter ensemble sans que

191 cela ne divise ceux qui avaient produit l’affiche et ceux qui la remettaient en cause comme ce pouvait être le cas lors du débat initial. Ainsi, lors de la séquence menée en classe de cycle 3 sur l’articulation du coude, l’équipe formée par les didacticien·ne·s et l’enseignant présente aux élèves, dans une séance qui suit le premier débat explicatif, quatre modèles prototypiques limités à la figuration des os (cf. Annexe V) : il leur est demandé pour chacune de ces schématisations d’expliquer « pourquoi cela peut fonctionner ou pourquoi cela ne peut pas fonctionner » d’abord individuellement par écrit, puis au cours d’un nouveau débat, et enfin individuellement à nouveau par écrit (Ibid.).

Que ce soit dans cette séquence ou dans d’autres menées par H. Chalak par exemple (2016, paragr. 73), les résultats obtenus montrent que le recours aux caricatures constitue une étape importante dans le processus de problématisation et de mise en texte de savoirs raisonnés : il permet en effet une abstraction du débat qui fait passer les élèves d’une discussion orale des solutions possibles et des nécessités à des arguments écrits individuels ; de plus, ces écrits obtenus à partir des caricatures permettent à l’enseignant·e de voir non seulement ce que les élèves ont retenu des raisons discutées mais également si leurs argumentations se situent dans l’ordre épistémologique du possible et de l’impossible et non plus dans celui du vrai et du faux.

Cependant, si l’enseignant·e dispose d’un ensemble précieux d’argumentations écrites, les séquences expérimentées montrent aussi, précise C. Orange (2012, p. 103), que ces premiers jets manifestent une grande diversité et que, pour une caricature donnée, les élèves ne proposent pas tous les mêmes raisons. De plus, d’un point de vue énonciatif, ces premières productions écrites restent encore très marquées par leur contexte de production et ne peuvent donc pas, telles quelles, constituer un texte de savoir problématisé, ce qui, pour C. Orange (Ibid., p. 106), n’est pas une question de forme, mais bien la marque d’une problématisation loin encore d’être achevée. Les écrits obtenus nécessitent donc une nouvelle mise à distance.

3.3.2.2. La secondarisation des argumentations écrites

Selon C. Orange (Ibid., p. 107), plusieurs moyens didactiques sont certainement possibles pour conduire les élèves à secondariser leurs premiers jets. Ce didacticien et son équipe ont expérimenté dans différentes séquences un de ces moyens en particulier, la catégorisation des argumentations produites (cf. H. Chalak, 2013, p. 109 par ex.). Il s’agit dans ce cas de figure de retenir certaines des argumentations « contre » produites par la classe, correspondant aux différentes nécessités que l’on veut faire construire aux élèves. On leur demande alors de classer ces argumentations en mettant ensemble celles qui leur semblent être proches (cf. Annexe VI). Ce travail de classement réalisé d’abord en groupes, puis en classe entière, se fait à partir des argumentations considérées en elles-mêmes et non plus en fonction des modèles particuliers auxquels elles étaient liées lors du travail sur les caricatures. Une nouvelle étape dans la problématisation est donc encore franchie : on assiste en effet à une secondarisation des argumentations dans la mesure où elles sont détachées de leur contexte d’étude et à une montée en abstraction car le texte produit (sous forme de tableau

192 classificatoire), ayant dépassé les péripéties langagières de l’accession au savoir, ne garde plus trace que des raisons qui le structurent (Orange, 2012, p. 109).

Cependant, la construction du savoir et sa mise en texte ne sont pas pour autant encore terminées, souligne C. Orange (Ibid., p. 110) : le classement décrit ci-dessus s’est opéré à partir de raisons formulées « contre », expliquant pourquoi un modèle ne peut pas fonctionner ; ces dernières ne prennent donc pas encore la forme de nécessités qui auraient une valeur plus générale, pouvant servir à la construction et à la résolution de nouveaux problèmes. Si le texte produit à ce stade de la séance pointe bien des raisons de non fonctionnement, il est par conséquent nécessaire de le transformer encore pour que ces dernières soient explicitement mises en relation avec des solutions qui dépasseraient les impossibilités identifiées.

3.3.2.3. Des raisons de non-fonctionnement à la thématisation des nécessités

Expliciter les nécessités en jeu dans le problème travaillé, voire parvenir à les thématiser, précise C. Orange (Ibid., p. 111-112), demande de passer par une formulation qui ne dépend plus d’un modèle explicatif en particulier mais qui exprime une condition de possibilité valable quel que soit le modèle considéré. Ainsi, pour que les élèves trouvent du sens à la transformation des raisons de non-fonctionnement qu’ils sont parvenues à dégager dans les étapes précédentes aux nécessités correspondantes exprimées sous une forme positive, il faut les conduire à mettre en texte ces nécessités en même temps que des solutions explicatives qui les respectent et ce, à la fois en lien avec la question de départ dans laquelle ils se sont engagés et les savoirs actuels validés par les scientifiques.

Pour cette ultime étape de mise en texte, C. Orange et son équipe (Orange et Orange Ravachol, 2007 ; Orange, 2012 ; Chalak, 2016) expliquent comment il est possible de demander aux élèves de remplir, en s’aidant de documents scientifiques sélectionnés en amont par l’équipe de recherche et l’enseignant, des tableaux où les conditions de possibilité des modèles explicatifs sont formulées explicitement (cf. Annexe VII). À ce stade de la séquence où les élèves rédigent la mise en texte terminale des savoirs travaillés, il n’est pas possible en effet, souligne C. Orange (2012, p. 93), que la classe en reste à des investigations qui lui sont internes. Au contraire, il lui faut confronter ce qu’elle a produit aussi bien à ce qu’a écrit la communauté scientifique qu’au monde réel ; le savoir scientifique n’existe, comme nous l’avons déjà souligné, que par sa mise en relation critique avec une communauté large (Ibid., p. 118). Ainsi, dans la séquence consacrée à l’étude du mouvement du bras dans une classe de cours moyen, il est demandé aux élèves de rechercher dans des documents (radios d’articulation, squelette du membre supérieur, schéma) « comment c’est dans le bras pour que ça ne tombe pas, ça ne bloque pas, ça ne bouge pas dans tous les sens » (Orange et Orange Ravachol, 2007, p. 308). Ce travail en groupes, suivi d’une mise en commun, conduit, grâce à un moment d’écriture collective, à un texte des savoirs final réalisé lui aussi sous forme de tableau : cette présentation, selon C. Orange (2012, p. 113), présente l’avantage pour les élèves non seulement de ne pas se retrouver confrontés à la difficulté supplémentaire d’organiser la rédaction de ces nécessités

193 sous une forme textuelle linéaire mais aussi de conserver un format utilisé dans les séances précédentes, marquant ainsi une continuité entre les différentes étapes de mise en texte.

Si, dans les séquences expérimentées, les textes terminaux intègrent bien des éléments de problématisation en mettant en avant les nécessités que la solution explicative doit respecter, ils ne donnent cependant, prévient C. Orange (Ibid., p. 117), que la solution qui correspond au problème étudié au départ. Ces textes de savoir n’atteignent donc pas une généralité et une abstraction suffisantes pour montrer que les nécessités identifiées valent pour d’autres problèmes ou d’autres solutions. C’est pourquoi, pour que les élèves prennent conscience du pouvoir abstractif et génératif des nécessités qu’ils sont parvenus à thématiser, il sera nécessaire de les confronter ultérieurement à d’autres problèmes : ils pourront alors voir dans la problématisation et la thématisation des nécessités de véritables « outils intellectuels critiques » (Ibid.).

Cette question pose par conséquent celle de l’organisation curriculaire de l’apprentissage par problématisation en fonction de la discipline concernée, nouveau chantier de recherche dont l’équipe du CREN commence à s’emparer (cf. Orange et Orange Ravachol, 2019). Signalons de nouveau que, pour le moment au sein de ce laboratoire, ce sont les didacticien·ne·s des SVT qui ont le plus investigué les liens entre problématisation et mise en texte final des savoirs. Nous verrons ainsi, dans la dernière partie de notre thèse, que nous avons nous aussi fait appel à des « caricatures » pour aider les élèves à problématiser le texte littéraire proposé à leur lecture sans pour autant parvenir à explorer les conditions d’une thématisation des savoirs mis en jeu pendant la séquence.

Comme nous avons essayé de le montrer dans cette dernière partie de notre chapitre IV, faire accéder les élèves à des savoirs véritablement problématisés, même en les accompagnant avec différentes configurations d’aide, ne va pas de soi. Le travail de problématisation nécessite du temps, soulignent C. Grancher, P., Schneeberger et Y. Lhoste (2015, p. 153). Les séquences auxquelles nous avons fait référence comptent en effet un nombre important de séances (dix par exemple pour la séquence consacrée à l’articulation du coude), dont chacune est nécessaire pour permettre aux élèves de gagner progressivement en conceptualisation des savoirs en jeu : de la production de modèles explicatifs en groupes homogènes, on passe aux argumentations sur ces modèles grâce à une mise en débat collective ; de productions personnelles, on passe ensuite à des productions dépersonnalisées (caricatures, tableaux classificatoires) aussi bien pour les modèles explicatifs que pour les raisons de leur non-fonctionnement, ce qui permet d’aboutir à des premières mises en textes de savoir ; enfin, de la production de ces raisons, on passe à la thématisation des nécessités, c’est-à-dire à des savoirs scientifiques véritablement problématisés et mis en texte de façon à garder trace de cette problématisation.

Ces changements de niveau demandent donc de la part des élèves un travail épistémique et langagier d’envergure (Orange, 2007, p. 52) tel que l’enseignant justement peut être tenté d’en prendre à sa charge une bonne partie : avec le rôle du tiers qu’il joue dans les débats, avec les caricatures qu’il apporte, les argumentations qu’il sélectionne, ne se conduit-il pas comme

194 le Topaze de M. Pagnol qui signale à l’élève, à qui il dicte un texte, l’orthographe attendue134 ? Selon C. Orange (2012, p. 120-121), il est possible de mettre cet « effet Topaze » sous surveillance didactique, notamment en évaluant au cours de la séquence les apprentissages des élèves. Ainsi, au cours de la séquence sur la nutrition réalisée dans une classe de CM, il a été demandé aux élèves de réagir à des schémas et des textes censés avoir été produits par les élèves d’une autre classe : ils devaient chacun individuellement par écrit expliquer ce qui fait que le modèle présenté pouvait ou non fonctionner. Les résultats de cette évaluation ont montré que, si la moitié de la classe semblait avoir acquis un savoir raisonné sur la nutrition, l’autre moitié en revanche restait cantonnée à un savoir assertorique (Ibid.), preuve une fois encore que l’accès à des savoirs critiques exige une temporalité conséquente. C’est pourquoi ces évaluations ne sauraient remplir d’autre fonction que formative, destinée à donner des repères à l’enseignant·e pour réguler l’organisation de sa séquence.

De manière générale, comme le précise également C. Orange (Ibid., p. 118), permettre l’accès des élèves à des savoirs problématisés ne relève pas d’un parcours d’enseignement « ordinaire ». Conscient des limites chronophages des séquences qui sont expérimentées en classe, le didacticien des sciences de la nature recommande en effet aux enseignant·e·s d’accepter que tous les savoirs scientifiques ne puissent pas être abordés en classe par problématisation ; il vaut mieux au contraire faire des choix que d’opter en permanence, selon C. Orange (Ibid.), pour un « faux travail d’investigation » où l’on laisse dans un premier temps les élèves donner leurs idées explicatives sur un problème, pour les surguider dans un second temps vers des savoirs propositionnels.

4. Éléments de synthèse

L’objectif de notre chapitre IV était de mettre en évidence comment les différentes disciplines qui s’intéressent au sein du laboratoire du CREN à l’apprentissage par problématisation se sont emparées des principes épistémologiques mis en avant par M. Fabre et C. Orange depuis leurs premiers travaux au début des années 1990, en lien en particulier avec la didactique des sciences de la nature. Nous allons synthétiser ici les points communs qui se dégagent de l’appropriation par ces différentes disciplines du paradigme de la problématisation, points communs qui nous invitent à postuler une généricité à l’œuvre dans ce modèle d’apprentissage.

134 Topaze est une pièce de théâtre de Marcel Pagnol, représentée pour la première fois à Paris en 1928. Voici le début de la scène 1 dans laquelle Topaze, maitre d’école, dicte un texte à la classe : « TOPAZE. (Il dicte en se promenant). Des moutons... Des moutons... étaient en sûreté... dans un parc ; dans un parc. (Il se penche sur l'épaule de l’Élève et reprend.) Des moutons... moutonss... (L’Élève le regarde ahuri.) Voyons, mon enfant, faites un effort. Je dis moutonsse. Étaient (il reprend avec finesse) étai-eunnt. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas qu'un moutonne. Il y avait plusieurs moutonsse ». C’est en référence à cet extrait que Brousseau a caractérisé d’« effet Topaze » les situations où, pour obtenir ce qu’il veut, l’enseignant·e prend à sa charge l’essentiel du travail de l’élève (cf. Orange, 2012, p. 118).

195 4.1. Accéder à des savoirs extraordinaires : des enjeux didactiques exigeants

Quelles que soient d’ailleurs leurs disciplines de référence ou qu’elles empruntent leurs références théoriques au losange de la problématisation formalisé par M. Fabre ou au triptyque registre empirique / registre des modèles / registre explicatif conceptualisé en premier lieu par C. Orange, ces didactiques voient dans la construction en classe de problèmes explicatifs le moyen par excellence pour les élèves d’accéder à des savoirs raisonnés. Les savoirs scolaires, comme l’ont présupposé les philosophies du problème (cf. notre troisième chapitre) comme certains didacticiens (J.-P. Astolfi par exemple), sont la plupart du temps naturalisés car isolés de leur contexte d’origine, c’est-à-dire des problématiques qui les ont fait naitre, comme des pratiques langagières et argumentatives qui les ont rendus possibles.

L’enjeu de l’apprentissage par problématisation en classe est au contraire de faire retrouver une certaine fonctionnalité du savoir, condition de leur(s) saveur(s) : il s’agit en effet de proposer des situations où la construction du savoir va être orchestrée par l’enseignant·e de telle sorte que ce savoir serve non seulement aux élèves à résoudre un problème (formulé sous forme de question à même d’engager toute la classe) mais soit également thématisé comme tel par ces derniers à l’aide de pratiques orales ou écrites de secondarisation et d’argumentation. Les élèves vont en effet être conduits à interroger leurs conceptions premières, à partir de principes partagés au sein de la communauté discursive scientifique scolaire qu’ils constituent dans telle ou telle discipline, en confrontant leurs propositions de solution pour y délimiter les principes qui les rendent possibles/ impossibles ou nécessaires, délimitation constitutive de l’apodicticité des savoirs mis en jeu par le problème travaillé.

Ce projet est ambitieux car il ne s’agit pas moins que de « faire accéder les élèves à des façons extra-ordinaires de penser […] condition de la construction de l’esprit critique » (Orange et Orange Ravachol, 2019, p. 43). C’est pourquoi S. Charbonnier (2017, p. 115) fait remarquer à M. Fabre dans l’entretien qu’il conduit avec ce dernier que le paradigme de la problématisation, envisagé à la lumière des travaux en sociologie de l’éducation comme ceux menés par l’équipe ESCOL, peut être considéré comme élitiste car fondé sur des finalités attribuées au savoir scolaire inégalement partagées socialement. Face à cette critique, M. Fabre reconnait en effet (Ibid.) que certaines pratiques prétendument novatrices, inspirées plus ou moins de l’École Nouvelle, voulant rendre les élèves actifs, grâce à un enseignement « concret » qui pourrait convenir à tous, aboutissent en réalité à accroitre les inégalités sociales. Néanmoins,

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