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Enseigner la compréhension et l’interprétation au cycle de consolidation

Comme c’est le cas pour le cycle des apprentissages fondamentaux, les textes mêmes des programmes de 2018 concernant l’enseignement de la compréhension et de l’interprétation au Cours Moyen et en classe de sixième84 semblent peu différer de ceux de 2015, tant les modifications apportées ne concernent que quelques paragraphes. Néanmoins, la suppression de ces éléments est éloquente, surtout si on la met en relation avec les Ressources d’accompagnement du programme de français85 élaborées par le ministère et réaménagées suite à la publication des programmes de 2018. L’équilibre qui avait été trouvé en 2015 entre les propositions didactiques liées, d’une part, aux théories psycho-cognitives et, d’autre part, aux théories de la lecture littéraire apparait en effet comme compromis également pour ce niveau de cycle : l’approche cognitive semble mise au premier plan, et même si un certain nombre de ressources font référence à une approche littéraire et esthétique de la compréhension et de l’interprétation, les liens pouvant être établis entre la « lecture et compréhension de l’écrit » et la « culture littéraire et artistique » ne sont pas réellement formalisés ni institutionnalisés comme nous allons le mettre désormais en évidence.

3.4.2.1. « Comprendre un texte littéraire et se l’approprier », est-ce l’interpréter ?

Comme l’énoncent à nouveau les programmes de 2018 sous l’item « lecture et compréhension de l’écrit », « l’enjeu du cycle 3 [reste] de former l’élève lecteur » (p. 12). Pour ce faire, « les situations de lecture [doivent demeurer] nombreuses et régulières, les supports variés et riches tant sur le plan linguistique que sur celui des contenus » (Ibid.). Il s’agit en effet de « confronter les élèves à des textes, des œuvres et des documents susceptibles de développer leur bagage linguistique et en particulier leur vocabulaire, de nourrir leur imagination, de susciter leur intérêt et de développer leurs connaissances et leur culture » (Ibid.). Et le ministère de préciser que « les œuvres du patrimoine et de littérature de jeunesse, les textes documentaires constituent des supports de lecture privilégiés pour répondre à cette exigence » (Ibid., p. 13).

Dans la lignée du cycle 2, l’enseignement de la compréhension doit rester explicite pour permettre aux élèves de « s’engager dans une démarche progressive d’accès au sens » (Ibid., p. 14) en mobilisant leurs connaissances lexicales, grammaticales et littéraires (Ibid.).

84 Repéré à : https://eduscol·education.fr/pid34150/cycle-3-ecole-elementaire-college.html. La pagination que nous indiquons correspond à l’édition des programmes au format PDF, disponible sur le site Eduscol.

95 Concernant ces dernières, les élèves sont « initiés à quelques notions littéraires : fiction / réalité, personnage, héros, merveilleux, etc., et premiers éléments de contextualisation dans l’histoire littéraire » (Ibid.). On peut supposer qu’il s’agit également pour les élèves de cycle 3 d’apprendre à interpréter comme pourrait le suggérer l’intitulé de la compétence générale « Comprendre un texte littéraire et se l’approprier » (Ibid.), mais force est de constater que cette notion d’« appropriation » n’est jamais réellement définie ni mise en relation explicitement avec celle d’interprétation.

Une étude statistique et lexicographique de ce mot montre en effet qu’il est utilisé à douze reprises dans l’ensemble des programmes de 2018 pour le cycle de consolidation. Trois occurrences concernent le traitement des informations de type documentaire (cf. « volets 1 et 2 » des programmes). Trois autres occurrences relèvent directement de l’enseignement du français, mais une seule est en lien avec l’enseignement de la littérature : l’accent est alors mis sur l’appropriation du texte littéraire par l’élève en lien avec son expérience, ses lectures, ses connaissances, y compris celles en provenance des autres disciplines (Ibid., p. 8). Les deux autres occurrences concernent « l’appropriation du lexique » (Ibid., p.13) ou « l’appropriation d’une connaissance par essais successifs » dans le domaine de l’écriture (Ibid., p. 16). Le terme « appropriation » est également utilisé dans les autres domaines disciplinaires : à deux reprises en lien avec l’enseignement des arts plastiques (Ibid., p. 38 et 41) ; à une reprise en lien avec l’enseignement de l’histoire des arts (Ibid., p. 50) ; à une reprise avec l’enseignement moral et civique (Ibid., p. 64) ; à une reprise en lien avec l’enseignement des sciences et technologies (Ibid., p. 97) ; et enfin à une reprise en lien avec l’enseignement des mathématiques (Ibid., p. 100).

Quel que soit le domaine disciplinaire, les élèves vont donc apprendre à s’approprier des « connaissances », des « références », des « valeurs », des « objets techniques » et des « principes ». Dans ces conditions, la notion d’appropriation reste bien floue comme le montrent les objets qui la caractérisent et n’aide pas vraiment à définir ce qu’il faut entendre par « interpréter » un texte dans le domaine de la lecture. Il faut noter d’ailleurs que les mots « interprétation » et « interpréter » se font beaucoup plus rares dans les textes de 2018 que dans ceux de 2015. Employés en effet à 25 reprises dans les programmes de français de 2015 pour le cycle 3 (avec 19 occurrences pour le nom « interprétation » et 6 occurrences pour le verbe « interpréter »), ces mots n’apparaissent plus qu’à dix reprises dans ceux de 2018 (avec 7 occurrences pour le nom « interprétation » et 3 occurrences pour le verbe « interpréter »).

Une telle raréfaction du vocable lié à la notion d’interprétation s’explique par la disparition en 2018 au sein de l’item « lecture et compréhension de l’écrit » de la rubrique intitulée dans les textes 2015 « Repères de progressivité » (p. 108-111) dans laquelle cette notion était explicitement présentée et mise en relation avec la lecture des textes littéraires. Cette rubrique, comme nous l’avons expliqué supra, nous semblait d’une grande importance car elle était le lieu, à notre avis, d’une solidarisation possible entre les propositions didactiques, issues des sciences psycho-cognitives, et celles en provenance des études littéraires. En effet, y

96 était explicité comment les « connaissances sur le fonctionnement des textes littéraires » et celles « liées au contexte des œuvres » pouvaient être articulées pour apprendre explicitement aux élèves à « résoudre des problèmes de compréhension et d’interprétation » (souligné par nous) et à enrichir sa culture en « suscit[ant] des rapprochements avec son expérience du monde ou avec des œuvres déjà connues » (Ibid., p. 109-110). Sans la présence de cette rubrique dans les textes ministériels de 2018, les items « lecture et compréhension de l’écrit » et « culture littéraire et artistique », séparés de dix pages par les recommandations ayant trait à « l’écriture » et à « l’étude de la langue », restent juxtaposés, d’autant plus qu’il n’est jamais fait référence aux notions de compréhension et d’interprétation concernant les grandes entrées retenues pour la littérature (Programmes 2018, p. 22). Quand est abordé ce qui relève de la « culture littéraire et artistique », il s’agit uniquement en 2018 de présenter comment s’organisent ces entrées en fonction du Cours Moyen ou de la classe de sixième.

3.4.2.2. Des « Ressources d’accompagnement du programme de français » hétérogènes Les « Ressources d’accompagnement du programme de français » élaborées par le ministère confirment selon nous la difficulté de ce dernier pour statuer sur la place à accorder à l’interprétation. Comme nous allons le mettre en évidence, cette dernière est tour à tour assimilée à la notion de compréhension, ou, au contraire, étendue à d’autres concepts comme ceux de subjectivité et de participation, quand il est question de lecture de textes littéraires.

Ces Ressources sont en effet fédérées en deux grands ensembles selon qu’elles relèvent de « la lecture et compréhension de l’écrit » ou de la « culture littéraire et artistique ». Celles qui permettent de préciser le premier item sont déclinées en 20 rubriques, organisées en cinq entrées : « Lecture et compréhension de l'écrit au cycle 3 : enjeux et problématiques » ; « Comprendre différents types de textes » ; « Travailler et évaluer la compréhension » ; « Et la différenciation ? » ; et « Activités développées »86 (cf. Annexe IV).

La première de ces ressources, intitulée « Pourquoi enseigner la compréhension ? »87, permet au ministère d’indiquer explicitement quel modèle didactique a sa préférence (p. 1) :

86 Repéré à : https://eduscol·education.fr/cid101051/ressources-francais-c3-lecture-et-comprehension-de-l-ecrit.html. Pour une présentation détaillée de l’organisation de ces ressources, se reporter à l’Annexe IV. 87Repéré à :

https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Lecture_Comprehension_ecrit/86/3/RA16_C3_FRA_01_lect_enj_e ns_N.D_612863.pdf.

97 Lorsque nous parlons de « compréhension en lecture », nous nous intéressons à l’activité

cognitive de compréhension de textes et, plus largement, de documents de formes variées aux

processus mis en œuvre durant cette activité, aux relations entre ces processus, aux interactions qui se produisent (ou non) durant l’acte de lecture entre le lecteur et le texte.

L’approche adoptée est celle de la psychologie cognitive, qui se centre sur la façon dont

l’homme traite l’information qui lui parvient, dans un cadre dont le but est la communication (souligné par nous).

Cette citation n’est pas la seule à mettre en évidence le choix ministériel d’une approche psycho-cognitive de l’enseignement de la compréhension : les références bibliographiques à M. Bianco, R. Goigoux et S. Cèbe, ou encore à J. Giasson viennent à nouveau le confirmer, comme pour le cycle 288. La ressource « Pourquoi enseigner la compréhension ? » précise néanmoins que deux approches pédagogiques sont possibles (p. 3) : une première approche qui vise un enseignement explicite des stratégies de compréhension ; une seconde qui se concentre sur le contenu du texte et vise la co-construction de la signification grâce à des discussions ouvertes (construction du sens par le « débat »). Selon cette seconde approche, l’élève apprend à se faire une représentation du texte au moyen de discussions avec l’enseignant et les pairs. Même si le ministère ne le fait pas dans cette ressource, précisons que cette seconde conception se rapproche des propositions didactiques issues des théories littéraires de la lecture. Toujours dans ce même document d’accompagnement, il est stipulé que « ces deux approches sont complémentaires. Il ne peut y avoir d’approche univoque pour enseigner la compréhension. L’enseignant doit s’adapter à la réalité de sa classe et aux difficultés de ses élèves » (Ibid.).

Or, malgré cette affirmation, la suite des Ressources montre une priorité accordée à un enseignement explicite des stratégies de compréhension, dans la lignée de celui qui est valorisé pour le cycle 2, peu attentif aux spécificités que pourraient présenter les textes littéraires. Aussi, sur la base des travaux de M. Bianco, est-il préconisé dans la ressource intitulée « Les stratégies de compréhension »89 d’enseigner aux élèves de cycle 3 un ensemble de sept stratégies destinées à établir la cohérence du texte, à réaliser des inférences et à contrôler sa compréhension, stratégies à mettre en œuvre sur tout type de texte, qu’il soit littéraire ou informatif90.

Cette focalisation de l’enseignement de la compréhension sur l’apprentissage des stratégies n’est pas néanmoins sans poser question quand il s’agit de comprendre et d’interpréter

88 Se reporter à la ressource intitulée « Ressources pour l’enseignement de la compréhension ». Repéré à : https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Lecture_Comprehension_ecrit/87/4/RA16_C3_FRA_03_lect_enj_r ess_N.D_612874.pdf.

89 Repéré à :

https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Lecture_Comprehension_ecrit/87/6/RA16_C3_FRA_04_lect_comp _strat_N.D_612876.pdf

90 Se reporter respectivement aux Ressources « Comprendre des textes narratifs (récits et romans) » (repéré à : https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Lecture_Comprehension_ecrit/88/0/RA16_C3_FRA_06_lect_comp _compr_N.D_612880.pdf) et « Comprendre des textes informatifs (documentaires et composites) » (Repéré à : https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Lecture_Comprehension_ecrit/88/2/RA16_C3_FRA_07_lect_comp _compr_N.D_612882.pdf).

98 un texte littéraire, comme le montre le contenu de la Ressource intitulée « Entrer dans un texte par l’oral et travailler la compréhension »91. Ce document pédagogique se propose de montrer comment il est possible, dans le cadre d’une séquence traitant de l’entrée « Le monstre aux limites de l’humain » pour la classe de sixième, d’apprendre aux élèves à travailler la compréhension d’un texte littéraire en maintenant une « attitude active et réflexive ». Le texte servant de support à la proposition présente le personnage de Méduse à partir d’un extrait de l’ouvrage Petites histoires des expressions de la mythologie92. Suite à la lecture de ce texte, il est demandé principalement aux élèves de « dégager les étapes du récit et de dire ce que [leur] apprend ce mythe ». Pour ce faire, ils ont un tableau à remplir permettant d’identifier les métamorphoses subies par Méduse. La trace écrite de la séance consiste en « un schéma des personnages » et en un ensemble de définitions (« être médusé, pétrifié », etc.). S’il nous semble absolument incontournable de s’assurer que les élèves ont identifié les personnages, leurs actions et leurs relations, nous pouvons néanmoins nous interroger dans cette séquence sur l’absence de réflexion sur les enjeux culturels et philosophiques d’un tel mythe. Ne serait-il pas intéressant de se demander (en adaptant le questionnement à de jeunes élèves) pourquoi Athéna punit Méduse, ce que nous dit un tel châtiment de l’univers des dieux et déesses grecques ou encore ce que signifie la monstruosité quand elle s’attache à un corps féminin ?

Les Ressources proposées par le Ministère pour préciser les pratiques destinées à enseigner « la lecture et la compréhension » ne s’attachent donc pas, ou très peu, comme nous venons de le voir, à la dimension affective, symbolique et esthétique des textes littéraires. Les premiers éléments que nous avons soulignés ne sont pas sans d’ailleurs poser problème en raison du flou conceptuel qui les entoure pour caractériser les notions de compréhension et d’interprétation. Si comprendre et interpréter un récit consistent à identifier, comme le précise le Ministère, les actions des personnages principaux ainsi que leurs relations, qu’est-ce qui relève spécifiquement de l’activité de compréhension dans cette identification ? Et de l’activité d’interprétation ? Force est de constater que les Ressources liées à « la lecture et compréhension de l’écrit » restent très évasives sur ces questions. Qui plus est, quand il s’agit de comprendre et d’interpréter un récit littéraire, ces documents d’accompagnement s’en tiennent à cette même définition, comme si la nature littéraire du texte ne modifiait en rien la nature de la compréhension et de l’interprétation qui sont mises en jeu.

La description d’un travail possible sur la dimension affective, culturelle et esthétique des textes littéraires est réservée à un autre ensemble de « Ressources », reliées spécifiquement à l’item « culture littéraire et artistique »93. Celles-ci s’attachent tout d’abord à définir ce que l’on peut entendre par « lecture d’un texte littéraire » à l’école primaire en caractérisant cette

91 Repéré à :

https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Lecture_Comprehension_ecrit/91/0/RA16_C3_FRA_20_lect_activl _entr_N.D_612910.pdf

92 Heller, B. (2019). Petites histoires des expressions de la mythologie. France : Flammarion jeunesse.

99 dernière comme une lecture à la fois « impliquée », « participative et « symbolique », faisant appel à la subjectivité du lecteur :

Généralement, la lecture d’un texte littéraire ne se limite pas à la perception d’une histoire, qu’on ne reçoit pas de façon neutre. On participe : on s’amuse, on s’indigne, on s’émeut. Bref, on attribue à l’événement une valeur plus générale. L’anecdote prend une valeur universelle. Comme dans la fable, mais sans nécessairement qu’une morale explicite soit formulée, le texte littéraire propose des personnages ou des évènements que nous percevons comme exemplaires de situations que nous approuvons ou que nous désapprouvons, qui nous réjouissent ou qui nous affligent. Conduire les élèves vers une lecture littéraire, c’est les conduire vers une lecture

impliquée, participative, une lecture grâce à laquelle il ne s’agit pas seulement de comprendre des actions, les relations entre les personnages, ou leurs motivations. Dans la

lecture littéraire, le lecteur se sent concerné par ce qu’il lit […]. Pour le dire autrement, le lecteur perçoit la portée symbolique ou universelle du texte qu’il est en train de lire (ce qui ne veut pas dire qu’il y adhère). (« Quelques principes sur la culture littéraire et artistique au cycle 3 », 2019, p. 2, souligné par nous)

Cette première caractérisation de la « lecture d’un texte littéraire » ou de la « lecture littéraire » (notons que les deux termes sont employés indistinctement dans la citation ci-dessus) appelle commentaire. Comme le sous-entend en effet cet extrait, cette modalité de lecture est essentiellement caractérisée par sa dimension subjective, comme si une telle modalité devait nécessairement se limiter à son aspect affectif. Mais les Ressources liées à la « culture littéraire et artistique » précisent à d’autres endroits qu’il convient également d’accompagner les élèves dans l’enrichissement de leurs premières impressions de lecture en leur permettant de confronter ces dernières lors de débats interprétatifs (« Quelques principes sur la culture littéraire et artistique au cycle 3 », p. 3) afin d’assurer une « mise en œuvre d’un enseignement explicite de la lecture littéraire, fondé notamment sur des stratégies permettant de lever l’implicite des textes » (« La morale en questions en CM1/CM2 »94, p. 2, souligné par nous). Un tel enseignement se base sur « des temps (débats) et des espaces (carnets) de réception, des temps de production orales ou écrites, partagées avec les pairs, des moments de relecture » (« Lire en réseaux »95, p. 2), rendant les élèves peu à peu capables « d’établir des relations entre les œuvres, que ces relations soient fondées sur des choix de personnages, le repérage de stéréotypes, ou des choix poétiques et narratifs » (Ibid.), ce qui « engage [nécessairement] la compréhension et l’interprétation » (Ibid., souligné par nous).

À la lecture de ces Ressources relevant du domaine de la « culture littéraire et artistique », contrairement à ce que suggèrent celles consacrées à la « lecture et compréhension de l’écrit », ou même la lettre même des programmes, l’on constate que la compréhension et l’interprétation sont bien considérées par le Ministère de l’éducation nationale comme nécessitant un enseignement-apprentissage spécifique quand il est question de « lecture 94 Repéré à : https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Culture_litteraire_/39/9/RA16_C3_FRA_La_Morale_En_Intro_77 9399.pdf 95 Repéré à : https://cache.media·eduscol·education.fr/file/Culture_litteraire_/01/3/7-RA16_C3_FRA_5_lire_en_reseaux_591013.pdf

100 littéraire ». Mais l’empan définitionnel de cette modalité de lecture y apparait alors plus large que jamais, et ce faisant imprécis, puisque les notions d’interprétation, de subjectivité, de participation, d’implication et d’affectivité semblent mises sur le même plan.

Les Ressources mises à disposition des professeur·e·s des écoles pour les aider dans leur mise en œuvre des programmes de 2018 sont donc difficiles à décrypter tant elles relèvent à la fois de références théoriques multiples et de finalités, de corpus et de propositions d’activités hétérogènes quand il s’agit d’enseigner la compréhension et l’interprétation. Ces « Ressources » entrent parfois en compétition d’ailleurs : ainsi il en existe deux consacrées au « débat interprétatif », qui n’est pas défini de la même manière, selon qu’il relève des documents d’accompagnement relatifs à la « lecture et compréhension de l’écrit » ou de ceux relatifs à la « culture littéraire et artistique ». Quand il s’agit de la « Ressource » attachée au premier domaine, le « débat interprétatif »96 sert uniquement à réfléchir « aux nœuds de compréhension » ; quand il s’agit de la « Ressource » attachée au second domaine, le « débat interprétatif »97, cette fois-ci qualifié de « littéraire », est défini comme « repos[ant] sur une conception de la lecture littéraire qui donne toute sa place au sujet lecteur à qui il appartient, dans son activité de compréhension et d’interprétation, de remplir les non-dits ou les silences qui sont la condition même de tout texte » (p. 1).

À chaque modèle didactique sa pratique du débat interprétatif par conséquent. Si un privilège ministériel nous semble clairement accordé en 2018 au modèle cognitiviste de la compréhension (les Ressources qui en font mention sont bien plus nombreuses et davantage visibles sur le site Eduscol que celles en lien avec les théories littéraires de la lecture), néanmoins, quelle que soit l’affiliation théorique de chacun des deux grands ensembles de documents d’accompagnement disponibles, force est de reconnaitre que les notions de compréhension et d’interprétation ne sont jamais clairement définies, rendant ainsi selon nous leur complémentarité toujours aussi difficile à saisir dans une perspective d’enseignement.

4. Éléments de synthèse

La conclusion d’ensemble de notre deuxième chapitre va nous permettre d’une part de revenir sur la réflexion que nous avons menée sur les « savoirs » à enseigner et apprendre en matière de compréhension et d’interprétation en lien avec les sous-domaines de la « lecture » et de la « littérature » pour l’école primaire. D’autre part, nous allons revenir sur le choix de

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