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Les propriétés hydrologiques des crues

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6.3 Le choix d’une échelle d’amplitude

6.3.1 Les propriétés hydrologiques des crues

Dans un souci de caractérisation, il y a au moins deux façons de considérer une crue, même lors-qu’on se place dans ce qui est désigné par une partie élémentaire du bassin versant 2, page13. Cette caractérisation dépend de l’échelle à laquelle on se place :

1. locale, c’est-à-dire en un point précis du territoire (échelle de la parcelle) ;

2. globale, c’est-à-dire à l’échelle du territoire considéré (ou pour être plus en cohérence avec les considérations du chapitre 2, page13, à l’échelle des éventuelles parties élémentaires composant le territoire considéré).

Ces deux échelles n’appellent évidemment pas les mêmes mesures. La vision locale nécessite la connaissance de :

– l’évolution pendant la crue de la hauteur d’eau sur la parcelle en fonction du temps ; – les vitesses d’écoulement ;

– la charge solide.

Elle peut, dans une certaine mesure, se ramener à une connaissance découpée par une section en travers du cours d’eau, dès lors que la relation existant entre la hauteur d’eau et le débit en cette section (courbe de tarage) est connue.

La transcription globale, c’est-à-dire à l’échelle d’une partie élémentaire du bassin versant de cette caractérisation locale est la suivante :

– l’évolution lors de la crue de la surface du territoire inondé en fonction du temps ;

– la relation existant entre la surface d’inondation et le volume stocké sur la partie élémentaire considérée (cette relation est forcément de type topographique et permet d’atteindre la hauteur de submersion en tout point de la surface inondée) ;

– le champ des vitesses d’écoulement ; – la répartition spatiale du charriage solide.

Il est évident que la caractérisation à la parcelle des grandeurs hydrologiques d’une crue ne peut être satisfaisante pour caractériser un événement dont il est nécessaire de connaître l’importance sur un territoire donné. Le fait supplémentaire que pour un événement qui peut sembler à première vue assez homogène à l’échelle d’un territoire, de grandes hétérogénéités locales sont fort possibles (écoulements ou élévations localement très forts, durée de submersion très longue du fait d’une topographie particulière ou d’embâcles) ne plaide pas en faveur d’une caractérisation des crues s’appuyant sur une vision trop parcellaire. Il a donc été choisi de raisonner à une échelle globale.

Facilité d’acquisition des données L’acquisition des données dépend largement de la présence de stations de mesures. De telles stations permettent d’acquérir une chronique des hauteurs d’eau (lim-nigramme) au droit de leur emplacement. Lorsque ces stations ne sont pas présentes, il est possible d’estimer après coup la hauteur maximale de submersion en utilisant les laisses de crues (indices tels que marques sur un édifice, dépôts de sédiments, dépôts de déchets, etc.) ou les témoignages de personnes ayant vécu l’inondation1. Ces personnes peuvent souvent donner des renseignements fiables sur l’évolu-tion au cours du temps de la montée des eaux. Ce type de mesure permet d’obtenir de façon relativement fiable l’hydrogramme d’une crue en un point du territoire. Les relations entre hauteur d’eau et débit de pointe peuvent également être mesurées avec une précision acceptable.

Dans un objectif d’acquisition des données à une échelle globale, la connaissance de l’hydrogramme de la crue quelques points du territoire n’esta prioripas suffisante. C’est ici qu’interviennent les consi-dérations du chapitre 2, page13. En supposant connu l’hydrogramme de la crue en entrée du territoire,

1On s’appuie donc plutôt sur les conséquences des crues pour connaître leur caractéristiques hydrologiques

6.3. Le choix d’une échelle d’amplitude 137 la transcription à une échelle globale (évolution de la surface inondée en fonction du temps, lien entre le volume stocké et la surface inondée) se fait par le biais de la modélisation hydraulique des portions de cours d’eau. Quand l’hydrogramme n’est pas connu en entrée du territoire considéré1, des techniques de régionalisation permettent d’en approcher la valeur à partir des données recueillies par des stations situées dans la même« région»hydrologique.

Des pistes sont également explorées pour étudier la relation donnant la surface inondée en fonction du temps à partir des outils de la télé-détection, sans que le jugement sur la qualité des résultats soit à ce jour définitif.

Toutefois, bien que de première importance dans la caractérisation des impacts des inondations, les vitesses d’écoulement et la charge solide sont particulièrement difficiles à mesurer même à une échelle locale. Elles sont de fait rarement utilisées pour caractériser les crues.

En résumé, mis à part le champ des vitesses d’écoulement et la charge solide, les données nécessaire à la caractérisation de la grandeur hydrologique des crues sont jugées d’acquisition suffisamment aisée et fiable. Elles sont réduites à la connaissance de l’hydrogramme de la crue en entrée du territoire, étant entendu que les caractéristiques globales de la crue sur le territoire pourront être ensuite reconstruite.

Facilité de classification des événements Pour un territoire considéré, la seule chose qui varie d’une crue à l’autre va être l’hydrogramme d’entrée servant à modéliser la variation au cours du temps de l’expansion spatiale du phénomène. Cette vision a déjà largement réduit la complexité de l’objet à classer, pourtant la classification des hydrogrammes, qui sont assimilables à des fonctions réelles, n’est pas une mince affaire.

Il est d’usage de réduire la richesse des hydrogrammes à ces deux caractéristiques : hauteur (ou débit) maximal atteint et durée de la crue.

L’objectif n’est pas d’entrer ici dans des considérations pointues d’hydrologie, il est juste signalé que le débit maximal peut aussi avoir différentes interprétations. Il peut désigner le débit maximal instantané (plutôt dans le cas de« petits» bassins versants) ou le débit maximal journalier (plutôt dans le cas de

« grands»bassins versants).

De même, la définition de la durée d’un événement ne va pas de soi. Elle est souvent définie comme la durée pendant laquelle une autre grandeur (hauteur ou débit) dépasse un certain seuil, qui lui-même doit être choisi2. Il est rare que le seuil soit défini sans faire intervenir à un moment ou un autre la fréquence des événements, mais ce n’est pas forcément le cas. On peut imaginer par exemple que la durée soit considérée comme le temps au cours duquel la surface d’inondation dépasse strictement le lit mineur du cours d’eau, étant entendu que la définition du lit mineur repose sur des critères géomorphologiques et non pas fréquentiels.

La classification d’une crue caractérisée par deux caractéristiques (débit maximal et durée) suppose un classement multi-critère. Comme il n’existe pas de relation d’ordre total surRnpourn12, ce genre de classement inclut forcément une part de subjectivité.

Ce fait est traditionnellement contourné en ne classant les crues que sur une seule caractéristique. Il y a alors deux possibilités envisageables :

1. une classification à partir du débit maximal ; 2. une classification à partir du volume de la crue.

1Ceci est de plus en plus rare, les stations de mesure ayant tendance à être mises aux points stratégiques permettent un bon système d’annonce de crue : il y a peu de territoires reconnus comme exposés au risque d’inondation qui n’aient aucune station de mesure en leur sein.

2Une pratique consiste également à considérer que la durée d’une crue dont le débit maximal estQest égale au temps pendant lequel le débit reste supérieur àf racQ2.

Ces réductions posenta prioriproblème pour la caractérisation des conséquences des inondations, la durée de submersion étant en effet de première importance. Des relations liées au régime hydrologique des cours d’eau semblent montrer que la forme des hydrogrammes est dans une certaine mesure carac-téristique du cours d’eau. Pour un cours d’eau donné, la forme des hydrogrammes est plus ou moins imposée. Ces considérations plaident pour l’existence d’une relation, même ténue, entre le débit maxi-mal d’une crue et la durée d’une crue sur un territoire considéré. Toutefois, quand ce territoire se trouve bien en aval des cours d’eau, il peut y avoir différent régimes hydrologiques superposés sur une même cours d’eau, impliquant des formes d’hydrogrammea prioribien distinctes. Dans ce cas, la classification à partir du seul débit maximal n’est pas totalement rigoureuse.

La classification des crues à partir de leur hydrogramme d’entrée est trop difficile. La réduction de l’hydrogramme à un débit maximal et une durée ne permet pas également une classification aisée. La pratique consiste à classer les crues sur les seuls débits maximaux, ou plus rarement au volume total de la crue.

Portabilité de l’échelle à un territoire quelconque La définition d’une échelle discrète de crues im-plique nécessairement le choix des bornes délimitant chacune des classes d’événement. Le choix dans l’absolu de débits maximaux n’est pas possible, un autre critère est nécessaire. Une des possibilités, dis-cutées plus loin, est de regarder également la rareté des événements. Mais ce n’est pas l’optique discutée ici. On peut imaginer que les bornes des classes soient conditionnés à la réalisation de certains effets : une certaine surface d’inondation sur le territoire considéré, une certaine hauteur d’eau, un certain volume stocké, etc. Ce type de classification qui est justifié de façon locale pose un certain nombre de problème par rapport à la portabilité d’une échelle ainsi construite.

En effet, la comparaison de deux phénomènes physiques ayant lieu dans deux bassins versants diffé-rents est très difficile si on s’en tient aux seules caractéristiques physiques.

D’une part, les bassins versants ne sont pas soumis aux même régimes hydrologiques, ce qui a né-cessairement un impact sur la dynamique des crues. À titre d’exemple les dynamiques des crues lentes et des crues rapides sont complètement différentes. Il faut noter toutefois qu’il existe une certaine cor-respondance entre les échelles locales et globales pour un ensemble de territoires situés dans une même région.

D’autre part, même en supposant que les régimes hydrologiques soient comparables, une différence significative dans la topographie des bassins versants implique une différence significative dans les gran-deurs hydrologiques globales. En prenant le cas extrême où deux bassins territoires, l’un encaissé, l’autre très plat, reçoivent en entrée le même hydrogramme de crue, les surfaces de submersion, les hauteurs d’eau, les vitesses d’écoulement n’auront rien de comparable entre ces deux bassins. C’est pour cette raison que même les spécialistes restent dubitatifs quant à l’existence de grandeurs« intensives» per-mettant de décrire à une échelle non locale l’intensité d’une crue à partir de ses paramètres physiques (comme le ratio entre surface inondée et surface totale du territoire par exemple).

Les considérations sur les régimes hydrologiques et la topographie des territoires montrent que la définition de bornes pour la construction d’une échelle pour un territoire donné ne peut pas être appliquée telle quelle pour un autre territoire donné. En ce sens, ce type d’échelle n’a pas de portabilité d’un territoire à un autre.

La construction d’une échelle de crue basée sur la grandeur hydrologique ne peut se faire donc que de façon locale. Il y a autant d’échelles de ce type que de territoires considérés.

Cohérence temporelle Comme précisé au paragraphe précédent, le choix des bornes de chacune des classes doit nécessairement s’appuyer sur la réalisation d’effets sur le territoire considéré. Toute action

6.3. Le choix d’une échelle d’amplitude 139 qui va modifier la relation entre le débit en entrée de la crue (critère de classification) et l’effet ayant servi à définir la borne va rendre moins explicite les critères utilisésa prioripour la définition des bornes de chacune des classes. Ces actions sont essentiellement celles qui touchent à la modification de la topographie locale du territoire (par opposition aux mesures sur l’aléa en aval du territoire considéré).

Pour être plus explicite, supposons qu’une échelle de crue définie localement a été construite de telle sorte que les événements moyens correspondent à une certaine superficie de surface inondée, ce qui a permis de connaître le débit maximal correspondant. Certaines mesures (accélération de l’écoulement, stockage efficace en un point du territoire) vont avoir tendance à réduire la surface inondée en fonction du débit. Une crue moyenne (d’après sa valeur en débit) va correspondre dans ses effets à une crue jugée faible avant les mesures. Au contraire, des pratiques ayant tendance à augmenter la surface inondée en fonction du débit (mesures d’auto-protection massives) vont avoir l’effet inverse : une crue moyenne (d’après ses débits) va correspondre dans ses effets à une crue jugée importante avant les pratiques.

Ceci n’induit pas nécessairement que l’échelle, dont les bornes ont été fixés selon certains critères à une époque donnée, perde de la cohérence au cours du temps. Les crues continuent d’être classées les unes par rapport aux autres selon la grandeur choisie.

Facilité de représentation La représentation des échelles de crue, à partir des seuls débits, reste une affaire de spécialiste. Par contre, si à chacune des classes, les effets de la crue sont utilisés (par exemple surface d’inondation et durée), cette représentation est grandement facilitée. Elle peut notamment s’ap-puyer sur des documents cartographiques.

Toutefois, les effets des aménagements discutés au paragraphe précédent qui ont une incidence sur la relation entre effets et débits appellent un traitement particulier expliquant bien que ce n’est pas l’effet d’une crue (l’étendue spatiale de son champ d’inondation par exemple) qui donne sa grandeur hydrolo-gique mais bien le débit maximal en entrée.

Pertinence de la caractérisation de l’exposition au risque Une échelle ne reposant que sur des cri-tères hydrologiques ne peut pas permettre la caractérisation de l’exposition au risque d’un territoire.

Toutefois, il est envisageable d’y pallier de façon relativement aisée.

En imaginant que l’échelle comporte cinq niveaux d’événements, déterminés selon des critères pu-rement hydrologiques, le lien avec le degré d’exposition au risque est établi s’il est possible de décrire les conséquences d’une crue jugée représentative de chacun de ces niveaux pour le territoire considéré.

Cette description peut évidemment être grandement facilitée par la description actualisée (à occupa-tion du sol actuelle) des événements ayant eu lieu dans le passé sur le territoire considéré.

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