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Mécanisme d’expression du CAP

Dans le document en fr (Page 141-146)

Le mécanisme d’expression1duCAPdésigne la façon qui est choisi pour amener les individus inter-rogés à formuler le choix qui servira à mesurer leurCAPpour le scénario proposé. Ce mécanisme désigne en quelque sorte la« façon»dont la question sur la valeur est posée aux individus. En supposant que la nature du bien, le scénario affectant la quantité du bien, le support de paiement soient bien acceptés par l’individu, le mécanisme d’expression duCAPdoit sensiblement répondre aux deux objectifs suivants :

1. Aider l’individu à exprimer la valeur d’un bien qu’il n’est pas accoutumé à valoriser.

2. Faire en sorte que la valeur exprimée par l’individu soit le plus proche possible de ce qu’il est entendu parCAP, c’est-à-dire la valeur maximale que cette personne est prête à sacrifier pour que le scénario proposé soit effectif.

Comme le montrent les nombreuses études [71, 161] portant sur le mécanisme d’expression duCAP, la réalisation simultanée de ces deux objectifs ne va pas de soi. Cet aspect de la méthode est d’ailleurs une source non tarie d’expérimentation2.

Dans un souci de répondre au premier objectif (le côté « aide à la valorisation»), de nombreux auteurs ont privilégié des mécanismes où l’individu est placé en situation de choix simple, c’est-à-dire où il n’a à choisir qu’entre deux états présentés comme différents. La question estgrosso mododu type :

« Pour que le scénario soit effectif, il vous est proposé d’y consacrer telle quantité du support de paie-ment. Acceptez-vous, oui ou non ?»3Cette situation de choix est censée appeler une opération cognitive simple, déjà rencontrée dans la vie courante : situation d’enchère, situation de vote, éventuellement si-tuation du consommateur qui décide ou non d’acheter un bien dont il connaît le prix.

Certains autres mécanismes privilégient plutôt le deuxième objectif. Il est plutôt demandé à l’individu d’exprimer directement sonCAP, en tant que quantité maximale du support de paiement qu’il est prêt à consacrer à la réalisation d’un scénario. La question serait donc du type : « Pour que le scénario soit effectif, quelle quantité maximale du support de paiement seriez-vous prêt à consacrer ?»La tâche cognitive sous-jacente est bien plus complexe, il ne s’agit plus pour l’individu de choisir entre deux situations mais bien d’en évaluer une seule.

Cette séparation permet de proposer une classification des mécanismes d’expression desCAP ren-contrés dans la littérature :

– Mécanismes proposant une situation d’évaluation :

– l’enchère ouverte: Il est demandé à la personne interrogée d’exprimer directement sonCAP sans aucun support quelconque.

1Format elicitationdans la littérature nord américaine.

2Voir par exemple les travaux de Bateman et al. [35], O’Connor, Johannesson, et Johansson [172], Lunander [153], Cameron et al. [56] ou Foster et Mourato [91].

3En situation d’enquête, il n’est pas certain que la formulation de cette question reste la même : cet exemple sert juste d’illustration au propos.

5.3. Mécanisme d’expression duCAP 119 – la carte de paiement1: Il est également demandé à la personne interrogée d’exprimer directe-ment sonCAP. À la différence de la technique précédente, elle est aidée en cela par un support visuel, un tableau comprenant un grand nombre de valeurs indicatives allant de la valeur nulle jusqu’à un valeur considérée comme élevée (plus élevée que les réponses attendues).

– la liste d’intervalles: C’est un système sensiblement identique au précédent sauf que les indi-vidus ne choisissent pas une valeur mais un intervalle de valeurs.

– Mécanismes proposant une situation de choix simple :

– l’offre à prendre ou à laisser: la personne est interrogée pour un montant donné. Soit elle accepte ce montant et sonCAPest supérieur ou égal à l’offre, soit elle refuse et sonCAPest inférieur.

– Système d’enchères itératives: C’est une implémentation itérative de la technique précédente.

La personne est interrogée plusieurs fois afin d’affiner la valeur obtenue pour leCAP. Si elle accepte (respectivement refuse) une proposition pour un montant donné, on lui fait une nouvelle offre avec un montant supérieur (respectivement inférieur).

Ce principe général peut être décliné de différentes façons, selon le sens des enchères (autorise-t-on les enchères à aller dans les deux sens ? à monter uniquement ? à descendre uniquement ?), selon le critère d’arrêt de l’itération (t-on ne poser qu’un nombre fixe de question ? désire-t-on plutôt s’arrêter à partir d’un certain degré de précision sur la réponse ?)

Tous ces mécanismes n’impliquent pas les mêmes traitements statistiques des réponses recueillies, ni les mêmes contraintes sur les échantillons nécessaires. Dans cette section, il est proposé de discuter de ces questions pour les mécanismes d’expression suivants.

5.3.1 L’enchère ouverte

5.3.1.1 Principe

Il est demandé à la personne interrogée d’exprimer directement sonCAPsans aucun support quel-conque.

Appliquée à notre cas, une formulation possible est :« Quel est l’augmentation maximale de vos impôts locaux que vous seriez prêt à accepter pour qu’un tel projet voie le jour ?»

5.3.1.2 Commentaires

1. En dehors des considérations liées aux biais éventuels (voir section 5.6, page 124, une valeur positive exprimée par réponse à ce type de mécanisme est censée être leCAPde l’individu.

2. La tâche cognitive peut être perçue comme particulièrement difficile. Pour peu que l’individu ne se soit jamais posé la question de la valeur du bien avant l’enquête, il exprime souvent que la tâche qui lui est demandée est difficile, voire trop difficile. Dans ce cas, deux comportements sont à craindre :

(a) L’individu ne veut pas répondre à la question bien qu’il accorde une valeur à son changement de situation. Il estime qu’il est dans l’incapacité de répondre à la question. Cette incapacité est possible à détecter par le biais des deux protocoles suivants : soit l’ajout d’une question de contrôle, soit une analyse de type type protocole verbal (voir section 5.7, page129) ; (b) L’individu répond au hasard sans réel lien avec son« vrai»CAP. Ce type de comportement

est difficile à détecter sans l’utilisation de technique de type protocole verbal. Il est souvent

1La terminologie vient de la traduction, peut-être trop directe, du termepayment card, consacré dans la littérature anglo-saxonne.

0 10 20 30 40 50

0 1,5 3 4,5 6 7,5

60 70 80 90 100 125

9 10,5 12 13,5 15 18,75

150 175 200 225 250 275

22,5 26,25 30 33,75 37,5 41,25

300 325 350 400 450 500

45 48,75 52,5 60 67,5 75

1000 2000 3000 4000 5000 Autre

150 300 450 600 750 Montant

Commentaires:

– Cette carte de paiement est celle qui a été utilisée pour l’enquête du Mans.

– Pour chaque cellule, les montantsen grassont en francs, ceuxen italiquesont en euros.

TAB. 5.1:Exemple de carte de paiement

présenté dans la littérature comme un argument suffisant pour ne pas utiliser ce mécanisme d’expression desCAP.

3. Selon Mitchell et Carson [161], lorsque le contexte s’y prête, ce mécanisme peut être utilisé avec une certaine efficacité. Dans l’exemple qu’ils prennent, les individus, qui devaient s’exprimer sur les risques liés à la consommation d’eau potable, étaient familiers avec l’idée de payer pour la qualité de l’eau potable parce que ce point était détaillé sur leur facture d’eau. Pour autant, ce type de mécanisme n’est que peu encouragé actuellement, surtout depuis les recommandations de la NOAA[29].

5.3.2 La carte de paiement — Liste d’intervalles

5.3.2.1 Principe

Comme pour l’enchère ouverte, il est demandé à la personne interrogée d’exprimer directement son CAP. Elle est aidée en cela par un support visuel, un tableau (comme le tableau5.1, de la présente page) comprenant un grand nombre de valeurs indicatives allant de la valeur nulle jusqu’à un valeur considérée comme élevée (plus élevée que les réponses attendues).

Appliqué à notre contexte, une formulation possible est : « Quel est l’augmentation maximale de vos impôts locaux que vous seriez prêt à accepter pour qu’un tel projet voie le jour ? Dans le document suivant est présenté un certain nombre de valeurs données à titre indicatif, vous êtes libre de choisir n’importe laquelle de ces valeurs, ou un autre montant qui ne figureraient dans le tableau.»

Le système avec une liste d’intervalles est sensiblement identiques sauf que les individus ne choi-sissent pas une valeur mais un intervalle de valeurs.

5.3.2.2 Commentaires

1. Par rapport à l’enchère complètement ouverte, la tâche cognitive est légèrement simplifiée, mais elle demeure bien plus difficile qu’un simple choix. La carte de paiement propose un support, qui ne doit pas pour autant trop restreindre les choix de l’individu (plage de donnée trop resserrée).

Le format de la carte de paiement doit en effet tenir compte de la possibilité de biais dit d’éventail (voir section 5.6, page124).

2. Si la carte de paiement dispose de suffisamment de valeurs et s’il est bien précisé (et permis) que l’individu peut choisir d’autres montants que ceux indiqués, il est parfois admis que les valeurs

5.3. Mécanisme d’expression duCAP 121 exprimées sont celles des CAPsans besoin d’hypothèses supplémentaires sur la distribution « a priori»des réponses, et donc des traitements statistiques associés.

3. Dans le cas contraire, ou dans le cas de liste d’intervalles, la nature discrète des résultats rend nécessaire de faire un traitement statistique pour interpréter les résultats.

Notons d’ailleurs que certains auteurs préconisent de considérer de toute façon que les résultats recueillis ne sont que indicateurs discrets desCAPdes individus interrogés [56].

L’équipe de Shabman [195] a choisi un système d’enchère avec support de paiement (voir annexeE, page301).

5.3.3 Enchères itératives d’offres à prendre ou à laisser

5.3.3.1 Principe

Dans l’offre à prendre ou à laisser, la personne est interrogée pour un montant donné. Soit elle accepte ce montant et sonCAPest supérieur ou égal à l’offre, soit elle refuse et sonCAPest inférieur.

Appliquée à notre contexte, une formulation possible serait :« Accepteriez-vous une augmentation de vos impôts locaux de tant [MONTANT CHOISI] pour qu’un tel projet voie le jour ?»

Une autre formulation existe également, qui présente la question du choix sous la forme d’une ré-ponse à un référendum :« L’organisme propose de soumettre au vote la réalisation du projet en contre-partie d’une augmentation de vos impôts locaux de tant [MONTANT CHOISI]. Voteriez-vous pour ou contre cette proposition ?»

Dans le système d’enchères itératives, le principe est le même, sauf que la personne est interrogée en plusieurs étapes permettant d’affiner sonCAP. Si l’individu accepte (respectivement refuse) une première offre, il lui en est fait une suivante avec un montant supérieur (respectivement inférieur). Un critère d’arrêt doit être décidé, soit de convergence des montants, soit du nombre d’itération par individu. En quelque sorte la technique d’enchère à prendre ou à laisser est le cas à une étape du système d’enchères itératives.

Ce format générique peut être dérivé en plusieurs possibilités.

1. L’enchère de départ (et les suivantes) peut être fixée pour l’ensemble de la campagne d’enquête : la même valeur est utilisée pour toutes les personnes interrogées. Elle peut également être choisie selon une distribution aléatoire contrôlée : les personnes sont interrogées à partir de différentes valeurs de départ, dont les proportions respectent la distribution aléatoire choisie.

2. Lorsque le critère d’arrêt est le nombre de questions posées, la littérature parle de« choix dicho-tomiques»(dichotomous choice). Cette technique est souvent réalisée avec des enchères choisies de façon aléatoire sur l’échantillon interrogé. Dans la littérature il est distingué les cas suivants : – lesingle-bounded dichotomous choice, lorsqu’il n’y a qu’une seule enchère.

L’utilisation de ce type de mécanisme a nécessité le développement d’un cadre théorique et statistique propre (voir Bishop et Heberlein [42], Hanemann [111] ou Cameron et James [55]).

Son utilisation, recommandée par le panel de laNOAA[29], nécessite une taille d’échantillon très conséquente pour pouvoir traiter statistiquement les réponses.

– ledouble-bounded dichotomous choicelorsqu’il y a deux enchères successives (la seconde étant conditionnelle à la précédente, mais également choisie de façon aléatoire). Ce format a fait l’ob-jet d’un développement très important ces dernières années, notamment parce qu’il permet de réduire de façon significative la taille des échantillons par rapport ausingle-bounded dichoto-mous choice[113, 57].

– letriple bounded dichotomous choicepour certains rares auteurs [141, 34]

3. Lorsque le critère d’arrêt est une précision de l’enchère obtenue, on parle plutôt debidding game.

L’individu répond à une première proposition initiale, si sa réponse est positive (il accepte de

« payer»au montant proposé), une enchère plus importante est proposée, d’écart fixé avec l’en-chère précédente. La procédure continue tant que l’individu accepte les propositions. La première proposition qu’il refuse fixe alors l’arrêt du « jeu». La procédure est symétrique si l’individu commence par refuser la première enchère.

Dans un mécanisme d’expression de typebidding game, il est d’usage de ne prendre qu’une valeur pour l’enchère de départ. Ceci a suscité de vives réserves de la part de certains auteurs [45, 196], avançant la possibilité du biais dit de l’enchère de départ.

Certains auteurs, comme Onwujekwe et Nwagbo [173], ont opté pour un différents niveaux de cette enchère départ, appliqués aléatoirement aux personnes interrogées. Mais leur démarche en-trait plutôt dans une analyse du biais dit de l’enchère de départ que dans un souci d’appliquer ce protocole de façon systématique.

5.3.3.2 Commentaires

– La tâche cognitive avec ce système d’enchère est réputée bien plus aisée : l’individu est mis en situation de choix que certains comparent à celle de l’individu sur un marché (décision d’acheter un produit à tel prix) [161].

La formulation où l’individu est mis en situation de vote (accepter de voter pour un programme dont on connaît l’implication financière) est particulièrement apprécié par les auteurs nord amé-ricains (c’est d’ailleurs la formulation encouragée par leNOAA[29], qui recommande d’ailleurs d’autoriser les individus à pouvoir réponde qu’ils ne savent pas répondre). Ces encouragements ont moins de portée en France, où la culture des référendums locaux est beaucoup moins présente.

– Dans le cas desbidding gamescette simplification cognitive est souvent mise en compétition avec la fatigue occasionnée par la répétition des questions.

– La simplification cognitive de la tâche a néanmoins un coût, au niveau du traitement des réponses.

Mis à part le cas idéal mais peu envisageable en pratique où le critère d’arrêt des enchères est la convergence de la valeur avec une marge d’erreur très faible, les montants récoltés ne sont que des indicateurs discrets desCAPdes individus. Des hypothèses sur la distribution réelle desCAPsont nécessaires, ainsi que des techniques d’estimation statistiques appropriées. Si la théorie comme la pratique semblent à ce jour établies, notons que cela nécessite de disposer d’un échantillon assez conséquent d’individus interrogés.

– La taille des échantillons est particulièrement importante dans le mécanisme dit desingle-bounded dichotomous choice. La technique dite dedouble-bounded dichotomous choicepermet de diminuer la taille de ces échantillons, au détriment de l’apparition de biais dit de l’enchère de départ [119, 117].

L’équipe de Novotny [66] a retenu un mécanisme dedouble-bounded dichotomous choice, avec pré-sentation sous forme de référendum (voir annexeE, page301).

5.3.4 Quel mécanisme choisir ?

Les différences entre ces différentes techniques d’expression ont fait l’objet d’études poussées dans la littérature [35, 56], dont les conclusions ne sont malheureusement pas forcément convergentes. Il semble-rait que malgré les recommandations claires de laNOAApour le format dusingle-bounded dichotomous choice[29], les avis soient plutôt partagés [161, 151, 173].

La tendance se dégageant de la large littérature sur l’évaluation contingente est de plutôt privilégier les mécanismes d’expression basés sur des choix simples, et notamment plutôt ceux entrant dans la

caté-5.4. Population à interroger 123

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