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Mise en situation hypothétique de l’individu

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interrogé dans un contexte propre à pouvoir répondre efficacement) ;

2. le mécanisme d’évaluation (c’est-à-dire la formulation précise de la question posée pour que les individus expriment leursCAPet leur implication sur le traitement des données recueillies) : 3. la population qu’il a été jugé pertinent d’interroger (ce qui comprend autant les questions

d’échan-tillonnage que le choix des populations selon le fait qu’on les juge ou non concernées) ; 4. les types d’entretien.

La section suivante se concentre sur les biais associés à la méthode. Une analyse des biais attendus, des manières éventuelles de les éviter ou de les limiter est effectuée. Cette analyse n’est réalisée qu’au regard des choix détaillés dans les sections précédentes, en aucun cas de façon absolue.

Cette analyse des biais est complétée par une section portant sur analyse qualitative« a priori»du comportement sous-jacent des individus répondant à une enquête d’évaluation contingente. Les tech-niques qualitatives de mesurer ces comportement sont détaillées, ce qui mène à la proposition d’un protocole allégé pour pouvoir contrôler cette question lors de nos enquêtes.

Signalons, à nouveau, que l’évaluation contingente à fait l’objet de publications dont le nombre interdit une revue exhaustive. Le traitement proposé dans ce chapitre s’appuiera sur un certain nombre de ses travaux, en privilégiant toutefois ceux des équipes de Shabman et de Novotny avec lesquelles nous partageons un même contexte d’application. Rappelons que l’objet de ce chapitre est bien de se concentrer sur les spécificités de l’application de l’évaluation contingente au cas des inondations, et donc que le traitement proposé ne répond à aucune ambition d’ordre générale.

5.2 Mise en situation hypothétique de l’individu

Parmi les phases du déroulement typique d’un entretien basé sur une évaluation contingente, celle de la mise en situation hypothétique de l’individu est de première importance, l’individu interrogé étant placé dans une situation d’évaluation a priori complètement nouvelle pour lui. Il s’agit au cours de cette phase de donner la meilleure information à l’individu pour que les réponses qu’il fournit soient les plus solides possible. Cette information concerne :

– la description du bien valorisé, son niveau actuel, les éventuels biens de substitution disponibles ; – le contexte existant quant à ses modifications ;

– les scénarios hypothétiques de modification envisagés pour l’enquête, les effets attendus de ces scénarios sur le niveau du bien ;

– le scénario de mise sur le marché du bien considéré, le support de paiement.

5.2.1 Rappel des choix effectués dans la littérature

Pour l’équipe de Shabman [200] le scénario s’est appuyé sur un projet mené par l’USACE. Ce projet avait la particularité d’être soumis au vote réel des habitants de Roanake, une ville de Virgine aux États-Unis, pour décider ou non de son acceptation.

La description de la situation aléatoire initiale s’est faite par la description à l’échelle globale des effets d’une crue historique ayant touché la communauté de Roanake. Les effets du projet sont présentés au travers de la description des conséquences évitées si cette même crue devait survenir. Il n’est pas donné d’indication sur la rareté de la crue autre que le fait qu’elle représentait l’une des plus importantes jamais enregistrées sur la rivière en question.

Pour chacun des individus interrogés, cette mise en situation globale était complétée par l’impact sur les probabilités d’être inondé au moins une fois par une crue sur une période de 10 ans, avec et sans projet. Cette probabilité était présentée sous la forme d’un pourcentage.

Pour l’équipe pluridisciplinaire de Novotny [66] , la présentation du scénario de modification de l’exposition du territoire aux inondations est complètement hypothétique.

Il est dit que les « scientifiques»1 affirment que l’augmentation de l’urbanisation va augmenter le ruissellement, c’est-à-dire qu’une plus grande quantité du volume de pluie va alimenter les rivières au lieu de s’infiltrer dans le sol. Ce mécanisme augmenterait les fréquences des inondations endommageant les habitations des riverains ; augmenterait la superficie des inondations et donc des foyers qui n’étaient pas concernés par les inondations le seraient dans le futur. Ce scénario est appuyé par des chiffres présentés comme« scientifiques»: si le développement de la communauté continue selon sa tendance actuelle, le risque d’inondation serait approximativement 3 à 5 fois plus important que ce qu’il est actuellement.

Ceci est traduit en terme annuel par une augmentation de 1% à 5% d’un risque d’être inondé pour la plupart des foyers dans la plaine d’inondation, voire pire encore dans certains secteurs. Il est également affirmé que 30 foyers ou autres bâtiments seront concernés.

Il n’y a aucune description de la situation initiale, ni en terme de fréquence d’inondation, ni en terme d’ordre de grandeur des conséquences.

La version originelle et intégrale de la présentation du scénario de modification de l’exposition aux inondations des deux études est disponible dans l’annexe E, page301.

5.2.2 Description du bien valorisé

Dans les enquêtes de la littérature [195, 66], la présentation de la situation aléatoire n’est pas stric-tement faite de façon individuelle. La dimension collective de la problématique est conservée. Cette logique est également celle poursuivie dans le présent travail où il a été choisi de mettre en avant le caractère territorial du phénomène à l’origine des inondations, et donc des politiques de réduction de l’exposition des territoires.

Il a été également jugé que le caractère aléatoire des inondations était de première importance et qu’il méritait un traitement particulier. Ceci a été réalisé par le biais de la construction d’une échelle de crue, effectuée pour l’occasion, qui permet de présenter les événements susceptibles de toucher le territoire considéré en fonction de leur rareté. La construction de cette échelle fait l’objet d’un chapitre à part entière (chapitre6, page133). Cette échelle est à la base de la représentation de l’exposition d’un territoire aux inondations proposée aux individus.

Comme précisé dans le chapitre en question, l’utilisation de cette échelle a permis d’interroger cha-cun des individus sur différents niveaux de protection, ce qui correspond à différents niveaux d’appro-visionnement du bien valorisé. Cet aspect est novateur par rapport aux deux autres études qui n’interro-geaient les individus que pour un unique niveau de protection. Cet aspect a été jugé primordial dans notre travail, pour juger plus finement du comportement des individus et de leurs attentesa priorien matière de protection. Ces aspect permet également une discussion sur le biais dit d’inclusion (voir section5.6, page124).

Signalons toutefois que cette échelle n’a pas été utilisée de la même façon pour chacune des enquêtes réalisées :

1Loin de nous l’idée de remettre en cause le fond de ces informations, issues d’une équipe au très forte compétence en hydrologie. Dans ce paragraphe, nous ne discutons que de la forme.

5.2. Mise en situation hypothétique de l’individu 115 1. Concernant la première enquête effectuée, sur l’Yzeron, bien que reposant sur les mêmes principes, l’utilisation de l’échelle de crue n’a pas été effectuée de façon graphique, ce qui a forcément amené les personnes interrogées à un effort cognitif plus poussé (voir le questionnaire dans l’annexeI.1, page323).

2. Concernant l’enquête réalisée au Mans, l’utilisation de l’échelle s’est non seulement faite à l’aide d’un support graphique, mais elle a également fait l’objet d’une pré-explication dans un courrier envoyé avant l’entretien (voir le questionnaire dans l’annexe I.2, page 332ainsi que le dossier introductif fourni en annexeG.2, page315).

5.2.3 Le contexte entourant la modifications du bien valorisé

La présentation des contextes généraux à la modification de l’exposition aux inondations des terri-toires où avaient lieu les enquêtes a fait l’objet d’une attention particulière sur chacun des deux sites.

Cette attention a pris la forme d’un dossier pour l’Yzeron et d’une plaquette pour Le Mans, qu’il a été choisi d’envoyer aux individus avant de les interroger, pour ne pas surcharger l’entretien avec une masse d’information trop importante (voir annexeG, page311). La réalisation de la plaquette du Mans, issue du travail de Grebot, Le Coz et Noel [102], a profité des enseignements tirés de la réalisation du dossier pour l’enquête de l’Yzeron.

Dans les deux cas, ces documents faisaient le point sur l’ensemble des informations disponibles à un riverain cherchant à se renseigner au mieux sur la gestion des inondations :

1. les acteurs locaux de la prévention ; 2. les actions pressenties ;

3. l’historique local des inondations ; 4. les moyens d’agir sur les inondations ;

5. l’état des lieux réglementaires, ce que dit lePPRI, ce qu’il délimite.

On notera que dans les deux enquêtes réalisées, le contexte était tel que l’enquête était justifiée de fait : il y avait effectivement des projets à l’étude, avec une publicité assez conséquente au moins pour les personnes concernées. Ceci rendait la démarche d’évaluation individuelle d’autant plus plausible.

Dans le cas général, cette « plausabilité» n’est pas forcément acquise. Nous proposons, dans la figure 5.1, page suivante, différents facteurs qui peuvent l’influencer. Cette liste est organisée autour de trois catégories, le vécu des riverains, le niveau d’implication des collectivités dans la gestion des inondations, le niveau d’implication des riverains dans les actions collectives. Pour chacune des ces catégories, différents états sont proposés, plus ou moins positifs quant à la« plausabilité»du scénario contingent.

5.2.4 les scénarios hypothétiques de modification du bien

Les scénarios de modification du bien désignent dans le cadre particulier des inondations, les actions envisagées par les collectivités. En conséquence du paragraphe précédent, il découle que plus ces actions sont précisées, circonstanciées, plus les scénarios sont plausibles. Toutefois, associer de façon intime l’enquête à un projet particulier peut mener à l’écueil suivant : les personnes interrogées ne valorisent pas ce que nous désirons« la variation du niveau de protection» mais plutôt la façon proposée pour cette variation1.

1C’est un des biais discutés à la section5.6, page124.

1. Catégorie« Vécu des inondations»: ++ Récemment, il y a eu des inondations.

+ Il y a eu des inondations, il y a plus ou moins longtemps.

- Il n’y a pas eu d’inondations, personne ne s’en souvient.

2. Catégorie« Action des collectivités vis-à-vis des inondations»:

+++ Un projet particulier est à l’étude pour se protéger contre les inondations.

++ Des projets ont déjà été étudiés pour la protection contre les inondations.

+ Localement, il existe une volonté affichée de protéger contre les inondations, mais aucun projet n’est clairement à l’étude.

- Rien n’est entrepris contre les inondations.

3. Catégorie« Degré de participation des individus aux décisions»: +++ Les riverains participent aux éventuels projets.

++ Les riverains sont consultés sur les actions entreprises.

+ Les riverains sont informés des actions entreprises.

- Les riverains ne sont pas (encore) informés.

- - - Les riverains sont en conflit avec l’autorité publique.

Commentaires:

– Pour chacune des trois catégories, différents états possibles sont proposés, leur impact sur la« plau-sabilité»du scénario contingent est donnée de façon subjective.

– Le classement entre les états, à l’intérieur de chaque catégorie, est donnée par le nombre de signes "+"

et de signes "-".

– Le classement n’a que peu de valeur si on cherche à comparer les états d’une catégorie à une autre FIG. 5.1:Facteurs influençant la« plausabilité»du scénario contingent

Les deux études de la littérature n’ont pas eu la même approche de la spécification du scénario. Dans l’étude de Shabman [195], l’enquête était associée à un projet particulier mené par une délégation locale de l’USACE. Les réponses données par les individus sont donc à comprendre dans ce cadre particulier.

Dans l’étude de l’équipe de Novotny [66], par contre, le scénario était nettement plus hypothétique : rien n’était vraiment à l’étude, il s’agissait de valoriser un projet qui permettrait d’éviter la dégradation supposée du degré d’exposition aux inondations suite à l’urbanisation du secteur. La description des actions étaient décrites comme issues d’experts scientifiques, sans autre lien contextuel avec le terrain d’enquête.

Entre ces deux exemples, la démarche de l’équipe de Shabman nous semble préférable, encore faut-il comme nous l’avons dit auparavant que des projets concrets existent sur le terrain de l’enquête. Cette démarche n’est néanmoins pas complètement appropriée à notre ambition qui était de mesurer lesCAP des individus pour différents niveaux de bien.

Dans cette optique, nous avons envisagé les différentes possibilités suivantes :

1. calquer les niveaux de protection proposés lors de l’enquête sur ceux étudiés par les décideurs locaux ;

2. fixer les niveaux de protection indépendamment des démarches entreprises par les décideurs locaux et leur associer de façon précise des projets réalistes ;

5.2. Mise en situation hypothétique de l’individu 117 3. fixer les niveaux de protection indépendamment de projets particuliers permettant de les atteindre.

La première possibilité n’est envisageable que si la réalité du terrain le permet, ce qui n’était pas exactement le cas dans chacun de nos terrains d’enquêtes. De toute façon, cette possibilité, ainsi que la seconde, comporte le risque de la valorisation des moyens (quel projet ?) plutôt que celles des fins (quelle niveau de protection ?), que nous avons choisi d’éviter.

C’est pourquoi nous n’avons finalement pas associé les différents niveaux de bien à des projets par-ticuliers. Nous avons donc procédé de la sorte : nous avons décrit les différentes actions envisagées effectivement par les collectivités, pour asseoir le contexte local, mais sans expliciter clairement le lien existant entre ces actions et les différents niveaux de bien proposés, dont la définition, rappelons-le, repose sur l’utilisation d’une échelle de crue définie au chapitre6, page133.

Ces niveaux de protection ont également été choisi en dehors de considération liée aux terrains d’en-quête, ce qui est censé nous permettre une discussion croisée des résultats des deux enquêtes.

5.2.5 Support de paiement utilisé

Le choix du support de paiement contribue également à la plausabilité du scénario.

Dans leur enquête [195], l’équipe de Shabman a utilisé comme support de paiement une imposition foncière. Après avoir informé la personne interrogée que le coût du projet serait partagé entre la com-mune et le gouvernement fédéral, sans que les dispositions précises du financement ne soient connues au moment de l’enquête, il était proposé à la personne d’exprimer son enchère sous la forme d’une imposition dite spéciale (special assessment) qui ne concernaient que les propriétaires fonciers (usages résidentiel ou commercial). Deux scénarios de paiement étaient proposés pour chacune des personnes, présenté dans l’ordre suivant :

1. La personne interrogée exprimait son enchère sous la forme d’un versement forfaitaire (lump sum) à verser au moment de la réalisation du projet.

2. La personne interrogée exprimait son enchère sous la forme d’une participation échelonnée sur 15 années.

L’équipe de Novotny a également choisi d’asseoir le support de paiement sur des taxes locales, a priori à l’échelle d’un Comté (county metropolitan of Milwaukee) sans que le lien soit explicitement précisé. Cette équipe a fait le choix d’un montant à verser sur une durée de 20 ans. Le scénario d’ap-provisionnement était celui d’un vote local : il était demandé à la personne son intention de vote à un hypothétique référendum associant une augmentation des impôts locaux à la réalisation d’un projet de protection des inondations.

Pour les enquêtes du présent travail, nous avons choisi de suivre partiellement les choix de l’équipe de Shabman. Le support de paiement est basé sur les impôts dits locaux : taxe d’habitation et taxe foncière.

Il était demandé à la personne interrogée d’exprimer son enchère sous la forme d’une augmentation de ces impôts locaux. Lorsque cette personne était locataire, ces impôts locaux se réduisaient à la seule taxe d’habitation ; lorsqu’elle était propriétaire, les impôts locaux comprenaient également la taxe foncière.

Au cours de la pré-enquête, il était précisé, avant la question concernant l’expression de l’enchère, comment ces différentes taxes pouvaient être connectées avec le financement du projet. Cette précision a finalement été abandonnée, parce que le lien semblait évident aux personnes interrogées, il n’ajoutait dès lors qu’une lourdeur à la procédure.

Nous avons choisi la présentation sous la forme d’une participation échelonnée. Nous avons choisi la même durée que l’équipe de Shabman, c’est-à-dire une augmentation des impôts locaux sur une durée de 15 ans.

Il avait été envisagé d’utiliser un scénario d’approvisionnement de type« référendum local», équi-valent donc à celui de l’équipe de Novotny. Toutefois, nous en avons été dissuadé par le fait que, à l’époque de nos enquêtes, ce type de référendum n’avait quasiment jamais été pratiqué pour des cas réels, même éloignés de la thématique des inondations. Si l’usage de tels référendum venait à se généra-liser en France, il est clair que nous encouragerions vivement à s’en inspirer.

Du coup, et c’est une faiblesse de notre démarche par rapport aux directives exprimées par laNOAA[29], nous avons mis les personnes interrogées en situation de décision sans pouvoir leur fournir un lien effectif (même hypothétique) entre leur choix et la variation du support de paiement.

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