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Conséquences dérivées de l’occupation du sol

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2.3 Introduction de la vulnérabilité

2.3.2 Conséquences dérivées de l’occupation du sol

Dans cette sous-section est proposée une approche conceptuelle de la vulnérabilité. La vulnérabilité ayant été définie comme une fonction de transfert, il s’agit bien de proposer un moyen de construire, à partir des éléments de vulnérabilité que nous allons définir, les conséquences attendues des événements aléatoires ayant lieu sur un territoire. L’approche proposée repose sur la description des effets subis par les éléments, physiques ou humains, situés sur le lieu de l’inondation.

2.3.2.1 Vulnérabilité des biens physiques

La vulnérabilité est avant tout supportée par les éléments physiques supportant la submersion2. Cette approche plus mécaniste des conséquences des inondations amène clairement à s’intéresser à l’occupa-tion du sol, qui peut-être entendue comme la distribul’occupa-tion spatiale des biens physiques tels que :

– habitations ;

– bâtiments d’entreprises ou d’exploitation agricoles ; – édifices publics ;

– réseaux :

1Du point de vue de la boulangerie de Gros-Bourg, il pourra être avancé que l’impact à long terme de l’inondation est toujours négatif, ce qui est vrai. Mais, d’un point de vue collectif et c’est ce qui importe ici, cette perte est forcément compensée par le gain des habitants de Petit-Bourg et de la boulangerie de Moyen-Bourg.

2Ce qui est une autre façon d’exprimer l’évidence que si rien n’avait été submergé, il n’y aurait pas eu de conséquences.

– voie de communication ; – réseau de distribution ;

– terrains végétalisés (cultivés ou non).

Les édifices sont considérés comme des entités en tant que telles, dont le mobilier et sa disposition constituent des paramètres.

Au contraire de la pratique privilégiée jusqu’à présent au Cemagref, qui consiste à construire un indicateur de la vulnérabilité d’une occupation type en fonction de paramètres hydrologiques acceptables (voir pour plus de détails Desbos [82] ou Gilard [98]), il a été choisi ici d’asseoir la vulnérabilité sur une modélisation, même sommaire, des conséquences d’une submersion sur un élément physique. Il ne s’agit pas forcément de considérer cette approche comme une remise en question des travaux jusqu’à présent réalisés ; il s’avère toutefois que l’économie de la mécanique des conséquences est perçue comme trop limitante dans la compréhension des phénomènes en question. Les vertus pédagogiques, le potentiel de communication de l’approche développée notamment par Gilard [99] ne doivent pourtant pas être sacrifiés. Le lecteur inquiet à ce sujet pourra d’ailleurs se reporter dès à présent au chapitre6, page133.

La submersion d’un bien physique (ou élément physique) peut avoir deux effets, qui ne sont ni totalement indépendants, ni totalement dépendants :

1. modification de l’usage de l’élément physique submergé ; 2. dégradation de l’élément physique submergé.

Nous proposons dans les deux paragraphes suivants de les détailler plus finement.

Effet de modification de l’usage de l’élément physique submergé Pendant le temps de la submer-sion, indépendamment des détériorations éventuelles subies par l’élément physique submergé, un ou plusieurs usages de l’élément physique n’est plus disponible (il est mis en veille en quelque sorte). Dès que la submersion se termine, les usages sont recouvrés. Les qualités intrinsèques de l’élément physique ne sont pas altérées.

Exemples :

– Une voie de communication (route, chemin de fer, métro etc.) ne peut plus être empruntée sur le tronçon inondé. Elle ne permet donc plus de communiquer le temps de la submersion.

– Un parking est inondé. Il ne permet plus le stationnement de véhicules le temps de la submersion.

– Un terrain de sport est inondé. Il ne permet plus la pratique du sport le temps de la submersion.

– Une habitation de plein pied est inondée. Elle ne peut plus être habitée le temps de la submersion.

– Un local d’une activité (publique ou privée) est inondé. Cette activité ne peut plus être réalisée dans ce local.

En supposant toujours qu’il n’y ait aucune dégradation de l’élément physique, la mise en veille des usages de l’élément physique est avant tout fonction des caractéristiques de la submersion, et notamment de la hauteur de la submersion (usage rendu impossible à partir d’une certaine hauteur de submersion) et de la durée de la submersion. La vitesse des écoulements n’a que très peu d’influence ici.

Effet de dégradation de l’élément physique submergé La submersion entraîne un certain nombre de détériorations à l’élément physique submergé. Les qualités intrinsèques de l’élément physique sont altérées. Pour revenir à l’état originel de l’élément physique, une phase de réparation est nécessaire (cas de la dégradation partielle) ou de remplacement (cas de la destruction) est nécessaire.

Exemples :

– Un réseau (voie de communication ou réseau de distribution) est détruit en un point. Il faut réparer ce tronçon pour rétablir le réseau.

2.3. Introduction de la vulnérabilité 23 – Le mobilier (ou le brûleur d’une chaudière) dans la cave d’une habitation est détruit. Il faut le

remplacer.

– La jardin d’une habitation est sali par les dépôts. Il faut le nettoyer.

– Les stocks d’une entreprise sont détruits. Il faut les remplacer.

– Les cultures d’un champ sont abîmées. Aucune réparation physique n’est possible. La récolte sera amoindrie.

– L’outil de production d’une usine est endommagé (dommages électriques par exemple). Il faut le réparer ; en attendant la production est peut être réduite ou stoppée.

Il est important de noter que la dégradation n’est pas forcément synonyme de destruction. Par exemple, une habitation peut être :

– détruite, effectivement ;

– fragilisée au niveau de ses fondations (ce qui impliquerait des réparations pour revenir à l’état originel, sans que ces réparations soient systématiquement entreprises)

– touchée au niveau de son mobilier (qui peut lui-même être détruit ou simplement endommagé).

– salie, etc.

La dégradation d’un élément physique est fonction de la résistance de l’élément physique à la sub-mersion ainsi que des caractéristiques de la subsub-mersion. Les hauteurs d’eau, la durée de subsub-mersion et les vitesses d’écoulement interviennenta priori. Toutefois, il n’est souvent considéré que les seules hauteurs d’eau . Ainsi leCommittee on Risk-Based Analysis for Flood Damage Reductionpropose de considérer que les dégradations subies par un élément physique peuvent être représentées par une fonction d’en-dommagement du type :

D=r1(h)S+r2(h)M (2.1)

oùSdonne la valeur immobilière du bien,Mcelle du mobilier,r1 etr2 sont des fonctions indiquant la proportion d’endommagement en fonction de la hauteur d’eauhde submersion sur la parcelle du bien.

Un travail relativement exhaustif a été entrepris par laFEMApour caractériser ces fonctions d’endom-magement pour les habitations à partir des données issues du système d’assurance mis en place dans le cadre duNFIP(voir annexeD, page281).

La dégradation n’est pas forcément synonyme d’altération, même momentanée, des usages. Pour reprendre le cas d’une habitation, lors de l’enquête au Mans, un individu qui avait été inondé sans être évacué de son logis, s’est aperçu après coup que les murs de sa demeure avaient été fragilisés. Il a donc conservé à tout moment l’usage de son bien, bien que celui-ci ait subit une dégradation.

En toute rigueur, il ne faudrait pas parler de dégradation de l’élément physique mais bien d’altération des caractéristiques intrinsèques cet élément. Ainsi, le fait qu’une parcelle de terrain soit fertilisée par le limon déposé par une crue (ce dépôt étant lui-même perçu comme une dégradation s’il se fait à l’intérieur d’une habitation) modifie la fertilité de cette parcelle, sans que cette modification puisse être taxée de dégradation.

Le cas du mobilier En toute rigueur, une attention particulière devrait être donnée au mobilier des éléments physiques. Ces éléments, au contraire des structures, constituent des éléments de vulnérabilité mobile qui peuvent être déplacés juste avant, voire pendant les événements, rendant possible une gestion dynamique de la vulnérabilité. La caractérisation de ces éléments apporte un degré de complication qui n’est pas traité ici.

Synthèse des états des éléments physiques Une façon de synthétiser les conséquences d’une submer-sion sur un élément physique pourrait alors prendre la forme suivante :

1. submersion : durée de la mise en indisponibilité de l’usage de l’élément ; 2. dégradation :

(a) niveau de dégradation (coût de la réparation) ;

(b) durée éventuelle de la mise en indisponibilité de l’usage de l’élément due à la dégradation.

Cette modélisation reste succincte, elle permet néanmoins de traiter la plupart des cas de figure.

2.3.2.2 Vulnérabilité des enjeux humains

Les enjeux humains (voire animaliers) ne trouvent pas leur place dans la décomposition précédente, à double titre :

1. il est impossible d’attribuer un usage à une personne (c’est moins vrai pour les animaux d’élevage) ; 2. les enjeux humains sont caractérisés par une mobilité extrême que n’ont aucun autre des éléments physiques de la liste (à part éventuellement certains biens mobiliers). Cette mobilité rend difficile de considérer les habitants en tant qu’occupation du sol figée qui endure de façon passive une submersion.

Ces deux raisons plaident pour un traitement séparé des enjeux humains, qui est disponible dans un prochain paragraphe.

Il s’agit dès lors de considérer non pas les effets d’une submersion sur un individu, mais les effets du phénomène de crue. Ces effets peuvent être les suivants.

Atteintes physiques aux individus En cas de submersion effective, l’individu peut subir des dom-mages physiques allant de la blessure à la mort. La submersion d’un individu est de toute façon dra-matique. Elle ne peut s’expliquer que par des circonstances exceptionnelles (voir par exemple l’analyse proposée par Noyelle [170] des causes de décès suite aux inondations) : négligences de la part de l’in-dividu qui n’a pas évacué une zone à risque malgré les avertissements, incidents (rupture de digue, de barrage) sur un aménagement de protection sans que les individus sous la protection de l’aménagement aient été évacués, crues rapides non prévues1. L’analogie avec les éléments physiques (dégradation) est éventuellement possible.

Pour bien connaître lesatteintes physiques aux personnes, il s’agit de connaître l’état du territoire au moment de la survenue de l’événement. Les conséquences d’une crue, même éclair, ne seront pas identiques si l’événement touche un quartier résidentiel la nuit, lorsque les résidents ont bien plus de chance d’être à domicile, qui plus est endormis, ou si l’événement a lieu en journée, lorsque les résidences sont vides de toutes les personnes ayant une activité la journée.

Il est également évident que la simple description de l’occupation du sol ne présume en rien des conséquences d’une crue, même éclair, sur un territoire tant que la qualité du système« prévision des crues – système d’alerte»n’est pas précisée. L’enseignement des plus récents événements (notamment ceux de la fin d’année 2003 dans le sud-est de la France) tende à montrer qu’un bon système d’alerte réduit quasiment à néant le risque pour les vies humaines.

Conséquences psychologiques Bien qu’assez fournie à l’international [47, 134, 197], la littérature française sur les conséquences psychologiques sur les individus suite aux inondations n’est pas très fourni. Une étude de terrain de psychiatres français [160] a confirmé l’importance des atteintes psy-chologiques suite au vécu d’un événement inondant. Bien que l’influence des soutiens psypsy-chologiques

1Voir par exemple le retour d’expérience sur les crues de l’Aude par l’Inspection Générale de l’Environnement [148].

2.3. Introduction de la vulnérabilité 25 post-crises tendent à en diminuer les effets, Verger et al. [206] ont montré que ces atteintes psycholo-giques pouvaient également entraîner des séquelles au long terme. Enfin, Verger et al. [206] ont étudié la faisabilité d’associer l’amplitude de ces effets psychologiques au long terme en fonction de l’exposition au risque inondation, démarche qui peut s’apparenter à celle d’une modélisation de type vulnérabilité.

Il ressort de la littérature que ce type de conséquences reste toutefois très difficile à mesurer et a fortiori à modéliser. Dans le présent travail, il sera considéré que :

– toute personne ayant eu son lieu de résidence submergé est susceptible d’avoir vécu un trau-matisme d’ordre psychologique, d’être affectée par un sentiment d’insécurité découlant de la conscience de la vulnérabilité du foyer ;

– toute personne ayant subi une évacuation est susceptible d’avoir vécu un traumatisme.

L’âge des individus, la présence ou non d’enfants dans le foyer sont autant de facteurs dont il s’agirait également de connaître l’influence [206].

Immobilisation des individus Le fait que les individus puissent se trouver bloqués (et donc empêchés de se rendre sur le lieu de leur activité, même si celui-ci n’est pas submergé) a également des consé-quences sur la société. Cette immobilisation n’est pas forcément à considérer comme résultant d’une coupure d’un réseau de communication, mais plutôt comme résultant de la volonté d’un individu de s’occuper prioritairement de ses biens propres avant que d’assurer son activité.

2.3.2.3 Les conséquences sur la société

La connaissance des conséquences sur les éléments physiques submergés n’est évidemment pas suf-fisante pour connaître les conséquences d’une crue sur l’ensemble d’une société. Les conséquences dites indirectes sont de première importance. La déduction des conséquences indirectes à partir des consé-quences sur les éléments directement au contact de la submersion suppose toutefois une connaissance fine du fonctionnement socio-économique de la société, qui n’est pas propre au cas des inondations :

1. Le fait qu’un réseau de communication soit coupé peut être pénalisant à plus moins grande échelle.

2. Le fait qu’une activité (un ensemble d’activités) soit arrêtée ou ralentie peut également avoir des répercussions plus ou moins importantes sur d’autres activités qui en dépendent directement.

Ces effets, bien que de première importance pour saisir les conséquences d’une crue ne seront pas traités plus profondément.

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