• Aucun résultat trouvé

les produits de luxe

Deuxième partie : Appréciation de la distribution sélective

Paragraphe 01 : les critères tenant aux produits distribués

A) les produits de luxe

Définir avec précision ce qu’est le luxe n’est certainement pas une tache facile.347Pour commencer, le dictionnaire Petit Robert propose la définition suivante : « mode de vie caractérisé par de grande dépenses, consacrées à l’acquisition de biens superflus par goût de l’ostentation et du plus grand bien-être »348.

Indépendamment de l’ambigüité posée par l’étymologie du mot « luxe »349, il est possible d’affirmer que le luxe reste le symbole de la qualité, la rareté et le raffinement patent. Ainsi Charles Beaudelaire associe le luxe à la beauté et à la volupté.350

Une réalité est certaine toutefois, les produits visés par l’industrie du luxe partagent certaines caractéristiques communes : la qualité des matériaux utilisés, la perfection de la fabrication, la rareté du produit, la notoriété et le prestige de la marque, l’environnement de la vente, etc.351 L’approche communautaire tant de la commission des communautés européennes que celle de la cour de justice des communautés européennes tend à associer le caractère de luxe des produits au caractère technique pour justifier la validité de réseau de distribution sélective. Ainsi, dans l’affaire Omega, la commission des communautés européennes a pris en compte à la fois la technicité des produits en cause et leur caractère de luxe pour justifier la sélection des distributeurs.352Egalement dans la décision Junghans, la commission, tout en insistant sur

347 L. GRIMALAC. La définition de la quintessence du luxe : un défi utile pour la justice ?, Gaz Pal. 28/30 OCT.2001, P.10.

348Le Petit Robert - Dictionnaire de la langue française, Société du nouveau Littré, Paris. 2eédition, 4etrimestre 1967.

349« L'étymologie n'éclaircit pas le débat puisqu'elle oppose le lux qui symbolise la lumière, le rayonnement, le raffinement, l'éclairage, l'élégance à la luxuria emblème de l'excès, de l'inutile et de la dépravation », N. CUSACQ, Le luxe et le droit, RTD com 2002, p.605.

350CH. BEAUDELAIRE, Les fleures du mal, 1857, p.86, la citation exacte est « là tout n’est qu’ordre de beauté, luxe, calme et volupté ».

351J. CASTAREDE, Le luxe, Que sais-je ? , PUF 2003, 3èmeédition,p.9.

la technicité du produit, ne semble pas méconnaitre la nécessité d’un environnement et d’une présentation correspondant à la qualité des produits commercialisés par un réseau sélectif.353 A l’occasion de l’affaire l’Oréal du 11/12/1980, la cour de justice des communautés européennes a tranché le débat concernant la validité des contrats de distribution sélective en précisant que : « la seule qualité du produit de luxe n’est pas une condition suffisante pour la validité des circuits de distribution sélective. Encore faut-il qu’une concurrence effective joue sur le marché des produits concernés354.

Par d’autres décisions plus récentes, le tribunal de première instance des communautés européennes reprend le même principe lors de l’affaire Yves Saint Laurent et Givenchy en déclarant : « la notion de propriétés des cosmétiques de luxe, au sens de l’arrêt l’Oréal, ne peut être limité à leurs caractéristiques matérielles mais englobent également la perception spécifique qu’en ont les consommateurs et plus particulièrement leur aura de luxe ; il s’agit donc de produits qui, d’une part, sont d’une haute qualité intrinsèque et, d’autre part, possède un caractère de luxe qui relève de leur nature même. »355

Dans un objectif de protection de l’économie nationale, l’approche des juridictions françaises a validé dès 1965, par la décision de la cour d’appel de Paris, le mode de distribution des parfums de la société Guerlain en affirmant que son démantèlement « risquerait de tarir une source de richesse nationale par la diminution ou la perte de devises » et qu’il s’agissait de produits de « haute qualité ».356

Par ailleurs, certaines décisions de la jurisprudence françaises mettent l’accent davantage sur le prestige de la marque que sur la haute qualité des produits concernés. Ainsi, la licéité d’un système de distribution sélective est justifiée par la notoriété de la marque d’un article de luxe, qui « tient moins à ses qualités intrinsèques qu’à l’engouement d’une clientèle raffinée,

353Déc. Junghans du 21 dec.1976, J.O.C.E., 1977, L30-10. note Burst et Kovar.

354C.J.C.E., L’Oréal, 1/12/1980, préc.

355TPCIE, 12 déc 1996, aff. T-19/92, Yves Saint Laurent, et T88/92, Givenchy, Rec. CJCE, , p. 1851et s., Contrats, conc, consom. 1997, n 1, p.13, note Vogel L.

à son impatience de se le procurer et à l’assurance qu’elle désire avoir de sa diffusion restreinte, signes incontestés de son prestige ».357

On retrouve le même critère de notoriété dans une jurisprudence ultérieure de la cour de cassation française qui déclare que « la distribution sélective correspond à l’accord par lequel un fournisseur, désireux de préserver la notoriété de ses produits, s’engage à approvisionner un revendeur sélectionné en raison de son aptitude à distribuer ses produits »358

C’est en associant le prestige au caractère de luxe des produits pour justifier les accords de distribution sélective, que la jurisprudence française commence à s’aligner sur la jurisprudence communautaire. En effet, la cour de cassation française lors de l’affaire opposant la société Channel à la société Boulogne de distribution statue que « la vente de parfum de luxe par un personnel non qualifié et dans un local manifestement inadapté est également génératrice d’un dommage majeur pour le prestige de la marque Channel essentiellement associé à une idée de luxe et de raffinement. »359

Après avoir exigé la notoriété de la marque et le caractère de luxe pour tolérer cette pratique restrictive de concurrence, la cour de cassation française entérine définitivement son alignement à la jurisprudence communautaire en relevant que c’est la qualité du produit et non la réputation de la marque qui légitime le recours à ce mode de distribution360.

En raison de la faiblesse de la production et du commerce des parfums de luxe en Algérie, les affaires devant la justice ou le conseil de la concurrence semblent inexistantes et par voie de conséquence aucune position de la jurisprudence algérienne n’est à relever sur ce point. En revanche, le législateur algérien a consacré, en application du dispositif relatif à la protection du consommateur, le décret exécutif n° 97-37 définissant les modalités et les conditions de

357Trib. Corr. Seine, 27 nov. 1965, Gaz Pal., 1966.1.110

358Cass.com. 9fevrier 1976, JCP1977.П. 1859 obs. J. Hemard

359C. Crim, 4 décembre. 1990. Soc. Boulogne distribution c/ Soc Channel RTD. COM1991, p.333.

360« …le seul fait que ces marchandises sont vendues sous une marque de luxe, n’est pas de nature à leur conférer la qualification d’un produit de luxe relevant d’un système de distribution sélective… ». Cass. Com. , 8 juillet 2003, n° de pourvoi : 00 – 16726 cité par Le tourneau.

fabrication, de conditionnement, d’importation et de commercialisation de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle dont le parfum fait partie361.

Selon l’article 02 du décret, le législateur entend par produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, toute substance ou préparation, autre que les médicaments, destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain tels que l'épiderme, le système pileux et capillaire, les ongles, les lèvres, les paupières, les dents et les muqueuses, en vue de les nettoyer, de les protéger, de les maintenir en bon état, d'en modifier l'aspect, de les

parfumer ou d'en corriger l'odeur.

L’alinéa 02 du même article écarte du champ d’application du décret les médicaments tels que définis par l’article 171 de la loi n° 85-05362.

L’article 03 rejette à l’annexe І du décret qui comporte une liste des produits, considérés au sens de l’article 02, comme produits cosmétiques et d’hygiène corporelle. Aux termes de cet annexe, le législateur fait figurer le parfum, l’eau de toilette et l’eau de cologne comme appartenant aux produits cosmétiques et d’hygiène corporelle.

En somme, il revient au fabricant de faire en sorte que ses produits recèlent une haute qualité intrinsèque ; la réputation de la marque reste un indice mais n’est pas un critère suffisant pour l’admission d’un réseau de distribution sélective.

De ces différentes approches, il ressort que tous les produits ne sauraient automatiquement justifier cette forme de distribution. Il est donc nécessaire d’examiner si les propriétés des produits en cause nécessitent, « pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, »363un système de distribution sélective. Ainsi en l’absence de caractère intrinsèque aux produits concernés, aucune référence du contrat, liant le fournisseur aux distributeurs sélectionnés, au

361 Décret exécutif n° 97 - 37 du 14/01/1997, définissant les conditions et modalités de fabrication, de conditionnement, d’importation et de commercialisation sur le marché national de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle ( J.O.R.A. n° 04 / 1997 ).

362 La loi n° 85-05 du 16 février 1985 relative à la protection et à la promotion de la santé, modifiée et complétée.

caractère de luxe ne suffit à elle-même pour admettre ce mode de commercialisation des produits.364