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Le contrôle du fabricant

Paragraphe 01 : la relation entre le fabricant et le distributeur agréé

B) Le contrôle du fabricant

Dans la distribution sélective, le fabricant marque sa volonté de contrôler la revente de ses produits aux clients finals en imposant à ses distributeurs spécialisés, à travers les stipulations du contrat cadre, des normes de commercialisation destinées à renforcer l’unité du réseau et à préserver l’image de marque du produit.131

Par conséquence, le distributeur agréé s’engage à maintenir en permanence dans ses vitrines des articles de la marque, à suivre les campagnes promotionnelles, à appliquer les normes d’installation et de présentation des produits contractuels, et même à prendre en compte les conseils du fabricant pour l’aménagement de son local commercial132.

La jurisprudence européenne estime qu’il est légitime que le fabricant contrôle directement, ou par l’intermédiaire d’un revendeur placé dans la chaîne des distributeurs agréés, le respect des obligations découlant de la mise en place d’un réseau de distribution sélective de produits de luxe ou de haute technicité.133

S’agissant des produits de luxe jouissant d’une image de marque ou de produits de haute technicité requérant un personnel et des locaux adéquats pour les revendre, le fonctionnement d’un système de distribution sélective ne saurait être efficace sans l’existence d’un contrôle du fabricant assorti de sanctions en cas de violation des règles régissant le réseau mis en place134. 130Cons. conc., déc. n°01-D-45, 19 juill. 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France, www.minefi.gouv.fr/conseilconcurrence/.

131J. J. BURST ET R. KOVAR, « la distribution sélective et le droit communautaire de la concurrence » RTD eur 1978, p. 475.

132D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4eéd., 2006, p. 270.

133CJCE, 25 oct. 1977, aff.26/27, Metro l, Rec. CJCE 1977. p. 1875. Cité par Burst et Kovar.

A ce niveau, deux questions se posent, à savoir comment se fait le contrôle du fabricant ? Et quels sont les points sur lesquels va pouvoir se porter ce contrôle ?

L’existence d’un réseau de distribution sélective repose sur la sélection qui se pratique souvent à deux niveaux ; le fabricant, propriétaire de la marque, fait la sélection d’un certain nombre de grossistes qui, à leur tour, agréent des détaillants selon les critères de sélection définis au contrat cadre par le fabricant.

Pour de tel réseaux composés de grossistes et de détaillants, le contrôle exercé a souvent une double origine ; le fabricant prend sur lui de contrôler l’activité des distributeurs qu’il a lui-même recruté et de façon hiérarchique un second contrôle est confié au distributeur.

C’est dire que le contrôle se ferra en cascade. En effet, le distributeur principal qui fait fonction de grossiste contrôle son revendeur immédiat, et ce dernier contrôle la distribution des détaillants135.

En revanche, si le réseau est basé sur un contrat cadre liant directement le fabricant à un certain nombre de revendeurs agréés, le contrôle se ferra directement et portera sur le respect des critères de qualification professionnelle ou d’installation du distributeur et de son personnel ainsi que sur le respect de l’étanchéité du réseau ; mais aucun contrôle ne devrait être admis sur des critères non retenus pour la sélection des revendeurs. En d’autres termes, le contrôle bien que consacré par la loi ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé136.

Il est improbable que le contrat cadre impose à chacun des membres du réseau sélectif des obligations strictes tant pour le respect des critères de sélection que pour le maintien de l’étanchéité du réseau. Dès lors, ce droit de contrôle reconnu au fabricant paraît indiscutable si l’on ne veut pas vider le système de son efficacité. Mais il serait sans doute vain d’organiser un contrôle si l’on ne prévoyait pas dans le même temps des sanctions à l’encontre de toutes violations des règles de sélection137.

135M. ZOÏA, Concession libre : la distribution sélective, J-Cl. Concurrence-consommation, Fasc. 1020, n° 32.

136J.J. BURST ET R.KOVAR, op. cit, p. 475.

137ROMY ISABELLE, GAUTIER EVE, Responsabilité au sein du réseau de distribution exclusive et sélective, in: Les contrats de distribution. Contributions offertes au Professeur François Dessemontet à l'occasion de ses 50 ans, CEDIDAC 38, Lausanne 1998, 381-401.

Certains auteurs citent deux cas d’agissement enfreignant aux règles du réseau et qui peuvent être sanctionnés à savoir, la revente à des détaillants non agréés et la vente dans des locaux de tiers non agréés138. De façon générale, les contrats cadres de distribution sélective disposent dans la rubrique consacrée aux ventes que : « le distributeur agréé s’engage à ne vendre les produits qu’au détail et à des consommateurs directs et s’interdit donc de céder ces produits, sous quelque forme que ce soit, à toute collectivité, à tout négociant, grossiste ou détaillant »139.

La rétrocession est donc formellement interdite et le distributeur agréé doit s’en abstenir en ce que le fabricant pourra, sur la base de la clause de non rétrocession, non seulement résilier avant terme le contrat, mais, en outre, demander réparation sous forme de dommage-intérêts du préjudice subi en conséquence des rétrocessions interdites.

En raison de la difficulté de déceler l’auteur de la rétrocession et pour bien contrôler l’étanchéité du réseau, les fabricants ont procédé à la technique du « contremarquage ». Cette dernière consiste à inscrire sur l’emballage des codes correspondants au numéro d’identification du vendeur agréé et en cas de violation, le distributeur coupable est identifié grâce aux codes inscrits sur les produits en circulation chez le revendeur hors réseau140.

Est également responsable le distributeur hors réseau qui détruit ou masque les codes pour brouiller les pistes et commet ainsi un acte de concurrence déloyale engageant sa responsabilité civile. Toutefois, Les fabricants victimes d’une rétrocession déloyale doivent apporter la preuve de la licéité de leurs réseaux de distribution sélective pour avoir la condamnation des auteurs de la rétrocession interdite141.

D’une autre manière, le contrôle du respect de l’obligation de l’interdiction des ventes hors réseau se fait au moyen des factures établies par le distributeur agréé. En cas de difficulté

138JEAN-PIERRE PAMOUKDJIAN, Le Droit du Parfum, 1982, LGDJ, p. 136.

139FROGER, La sanction de la rétrocession illicite, Cah.dr. entr 1991/1, 21 (n° spécial distribution sélective).

140D. FERRIER, préc, p. 272.

d’avoir les factures, le fabricant peut agir en justice afin d’obtenir d’un revendeur non agréé la communication des factures faisant preuve des reventes interdites142.

Ces méthodes de contrôle ainsi reconnues au fabricant sont assorties de sanctions permettant à ce dernier de lutter contre les fléaux menaçant l’image de marque de ses produits et l’unité de son réseau. Bon nombre de sanctions sont prévues en cas d’inobservation des règles de la distribution sélective et les plus lourdes restent la résiliation du contrat de distribution avec refus de fourniture pour l’avenir et même résiliation du contrat de fourniture en cours d’exécution143.

Après avoir exposé ce pouvoir de contrôle que détient le fabricant sur son réseau dans le marché français, il convient de se demander si ce contrôle peut être aussi efficace en Algérie ? Pendant les années 70 en Algérie, les monopoles accordés aux entreprises publiques tant au niveau du commerce intérieur qu’extérieur lui permettaient un contrôle quasi-total sur les importations et le fonctionnement du marché national144. En effet, le commerce de gros était l’apanage d’un certain nombre de sociétés nationales qui couvraient un large éventail de produits de large consommation et que par l’intermédiaire de la SNNGA145, le commerce de détail était investi par le secteur public, présent à tous les niveaux et contrôlant les circuits de l’importation jusqu’à la mise à disposition du client final.

Le retrait de l’Etat du domaine du commerce de détail par la dissolution des EDG146a permis au marché informel d’investir le terrain abandonné par les entreprises publiques147. A cet

142D. FERRIER, préc, p. 272.

143FROGER, préc.

144A cette époque de l’Algérie, les ministères du Plan, des finances, de l’agriculture et du commerce veillaient grâce à tout un ensemble de mesures au bon fonctionnement du système : le contrôle des prix était sévère et nul n’était censé ignorer la loi. L’ouverture d’un commerce était strictement subordonnée à la délivrance d’un registre du commerce. Les contrôleurs et inspecteurs principaux du commerce étaient particulièrement bien formés et leur plans de travail était cohérent. Ainsi, chaque daïra devait bénéficier d’un supermarché de 2000 m² et chaque wilaya d’au moins un supermarché de 3000 m².

145Société Nationale des Nouvelles Galeries Algériennes.

égard, des experts d’une délégation européenne ont affirmé que le marché informel représente actuellement 30% de l’économie algérienne148.

A l’inverse de l’environnement juridique et économique français, le marché algérien n’offre que peut de garanties et moyens au fabricant pour bien contrôler la circulation de ses produits en territoire national. En effet, les causes en sont la prolifération du marché informel et l’impunité des auteurs des pratiques commerciales frauduleuses qui se manifestent par des ventes et chats sans factures ou sous-factures, des registres de commerce élaborés grâce à des prête-noms, des sous déclarations et fausses déclarations en douanes ainsi que le phénomène de la contrefaçon qui touche quant à lui presque tous les secteurs de l’économie. Pour juguler de telles pratiques illégales et hautement préjudiciables à l'économie nationale, les pouvoirs publics doivent être en mesure d’assumer leur rôle de régulateur par la mise en œuvre d'une série de mesures susceptibles de freiner la progression des pratiques commerciales frauduleuses en Algérie149.

Parmi les réformes engagées par le législateur algérien pour mieux contrôler le marché, il y a lieu de citer celles qui ont trait à la transparence des pratiques commerciales notamment les nouvelles règles régissant la facturation. La loi n°04-02 prévoit des règles générales de la facturation et le texte d’application fixe les règles relatives à l’établissement et à la conservation de la facture150. La loi relative aux pratiques commerciales énonce aussi les sanctions applicables en cas de violation des règles de facturation.

Sur le fondement de l’article 10 de la loi n°04-02, le distributeur agréé a l’obligation de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation de services. Si son client est un autre distributeur agréé, il doit réclamer la facture, par contre elle n’est délivrée au

147Le ministre du commerce de l'époque attribue les causes du développement du marché informel à la libéralisation du commerce qui a vu émerger pas moins de 15 000 importateurs, la compression des travailleurs née de la récession économique et leur reconversion forcée dans le secteur informel ainsi qu'à la déperdition scolaire.Réponses aux questions posées à M. BOUKROUH en 2003 rapportées par La Tribune

148 ILLYES MALKI, « Lutte contre le marché informel en Algérie, la délégation européenne apporte son

soutien. », EL watan 27/11/2006.

149K. ASSIA, Un œil sur le commerce informel, le quotidien d’Oran du 20-12-2009.

150Décret exécutif n°05-468 du 8 Dhou El Kaada 1426 correspondant au 10 décembre 2005 fixant les conditions et les modalités d’établissement de la facture, du bon de transfert, du bon de livraison et de la facture récapitulative.(J.O.R.A. n°80).

consommateur que s’il en fait la demande. La facture doit être émise en double exemplaire. Le commerçant et son client doivent, chacun, en conserver un exemplaire. La facture doit également comporter un numéro et des mentions obligatoires151.

Si en dépit de ses règles, le distributeur agréé entend échapper au contrôle du fabricant, ce dernier demeure protégé contre tous les membres de son réseau coupables de pratiques commerciales frauduleuses interdites par l’article 24 de la même loi et particulièrement l’établissement de factures fictives ou de fausses factures dans le but de brouiller les pistes et d‘échapper au contrôle.

Il convient de signaler que le texte algérien reprend les mesures édictées par l’article L. 441-3 du code commerce français qui oblige le commerçant à établir une facture pour chaque opération qu’il réalise avec les autres agents économiques ou avec les consommateurs finaux. Favorisant le commerce informel et l’évasion fiscale, le non respect des règles de facturation est lourdement sanctionné par le dispositif algérien. Ainsi, un distributeur agréé épinglé pour défaut de facturation écopera d’une amende égale à 80% du montant qui aurait dû être facturé. Aussi, les cas des factures non conformes sont punis, sous certaines conditions prévues à l’article 34, d’une amende allant de 10 000 à 50 000 DA152.

151Décret exécutif n° 05-468 du 8 Dhou El Kaada 1426 correspondant au 10 décembre 2005 fixant les conditions et les modalités d’établissement de la facture, du bon de transfert, du bon de livraison et de la facture récapitulative.

152En France, la violation des règles relatives à l’établissement de la facture fait l’objet de sanctions pénales et fiscales. Sur le plan pénal, le commerçant est passible d’une amende 75 000 €. Le juge est en droit de porter le montant de l’amende à 50% de la somme facturée ou de celle qui aurait due être facturée (art.L441-4 C.com.). Sur le plan fiscal, une amende peut être infligée au commerçant dans certains cas (amende de 50% du montant facturé lorsque la facture ne correspond pas à une livraison de biens réelle, amende de 50% du montant de la transaction en l’absence d’émission d’une facture, le client étant solidairement responsable du paiement de l’amende…).