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les obligations du distributeur sélectionné :

Paragraphe 02 : les effets de la distribution sélective

A) les obligations des parties

1- les obligations du distributeur sélectionné :

Dans son arrêt de principe « duo » la cour de cassation française énonce le principe de validité des obligations souscrites en précisant que le contrat doit tendre, par des obligations réciproques que s’imposent les contractants, à assurer un meilleur service au consommateur245.

Dès lors, au regard de cet impératif explicite, l’analyse des obligations du revendeur sélectionné portera sur des obligations liées à l’image de marque du produit et sur ses obligations liées à la cohérence du réseau.

a) les obligations liées à l’image de marque :

Cette référence à l’image de marque du produit est essentielle puisqu’un un réseau n’est licite que si les propriétés en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, la mise en place d’un tel système. Cette idée force est rappelée par, notamment, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation française dans ces décisions du 25 octobre 1992, lorsqu’elle précise que sont légitimes les obligations dont « le contenu procède du souci de valoriser la marque »246Dès lors, dans la mesure où le distributeur, admis par voie de sélection, ne respecte pas les obligations lui incombant, il affecte l’essence même du contrat, c'est-à-dire le fondement sur lequel repose le système247.

L’obligation essentielle mise à la charge du distributeur agrée par le contrat cadre le liant au fournisseur reste celle de passer commande pour acquérir un assortiment de produits mais également tout nouveau produit mis sur le marché par le fournisseur, afin d’élargir la possibilité de choix du client final248.

A l’instar du contrat de concession ou du contrat de franchise, le contrat de distribution sélective peut prévoir des clauses de quota ou de minima pour garantir un certain rendement à

245Cass. crim : arrêts dits « duo » (aff lanvin, Nina Richi, Rocho) 3Nov 1982, Gaz. Pal. 1982, 2, 658.

246Cass. crim : 27 oct. 1992 : RJDA 1/1993, p.17. note ferrier.

247N. CUSACQ, « le luxe et le droit ». RTD com, 2002, p. 605.

l’opération envisagée par les parties.249La clause de quota est une stipulation par laquelle le débiteur (le distributeur sélectionné) s’engage à acheter en marchandises de son fournisseur, un pourcentage déterminé de son chiffre d’affaires, tandis que dans la clause de minima, il est tenu d’acquérir un volume minimal ou une valeur minimale de marchandises.250

Afin de protéger en premier lieu, les distributeurs candidats à la sélection d’une élimination due à des critères quantitatifs trop rigoureux et en deuxième lieu les distributeurs membres du réseau d’une limitation de leur liberté contractuelle de s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs, il a été décidé que le montant du quota ou du minima doit être raisonnable.251 L’intensité juridique de l’obligation incombant au distributeur sélectionné issue d’une clause de rendement (clauses de quota ou de minima) dépendra de la rédaction du contrat puisqu’il appartient aux parties, faisant jouer leur liberté contractuelle, de préciser le degré d’intensité des clauses de rendement.252

En effet, la clause de quota ou de minima peut atteindre dans certains contrats de distribution sélective le degré d’une obligation de résultat donnant lieu en cas d’inexécution à un refus de renouvellement de l’agrément ou la résiliation du contrat pour violation d’une obligation contractuelle253. Force est de constater que le distributeur sélectionné conscient de l’aspect aléatoire des résultats et soucieux de son intérêt ne consentira le plus souvent qu’a une obligation de moyen sanctionnée en cas de défaillance contractuelle par des dommages et intérêts.254

Il est à retenir qu’en cas de litige sur la portée de la clause de rendement, il est du ressort des juges du fond d’apprécier le degré d’intensité des clauses de rendement, qui demeurent

249 A. SAYAG, Le contrat-cadre 1- exploration comparative, LITEC, 1994, p. 91 ; G.J. MARTIN, les contrats

d’intégration dans l’agriculture. RTD Com, 1974, p. 29.

250PH. BEQUE, les clauses de quotas dans les contrats de concession exclusive, cah.dr.entr. , 1984, n° 4, . 21.-A. Ronzano, clauses de rendement et contrats cadres de distribution, JCP 1996, éd, E, .535, n3et5

251D.FERRIER, op.cit, p.270

252PH. LE TOURNEAU, op.cit, p. 57.

253Cass.com.9juill.1974: bull.civ. ,n° 226 note Sayag.

généralement disputées et imprécises. En cas de confusion, la tendance est plutôt à reconnaître l’existence d’une obligation de moyen.255

En droit algérien la validité des clauses de rendement est appréciée sur le fondement de la loi n°04-02 relatives aux règles applicables aux pratiques commerciales.256Ainsi, le législateur algérien a fixé par cette loi les règles et principes de transparence et de loyauté applicables aux pratiques commerciales.257

En application de l’article 30 de la loi n° 04-02 relative aux règles applicables aux pratiques commerciales, le décret n° 06-306 est venu renforcer la protection accordée à la partie la plus faible des clauses considérées comme abusives.258En effet, ce texte réglementaire a le mérite de donner une définition révolutionnaire au terme « contrat » autre que celle prévue par l’article 54 du code civil algérien.259

Certainement soucieux de conserver le prestige exceptionnel que connaît sa marque, un fabriquant de produits de luxe ou de haute technicité, peut non seulement imposer au distributeur, par le biais du contrat cadre, les conditions auxquelles il achètera les marchandises, mais aussi les modalités de leur revente.

De ce fait, le distributeur agrée aura à sa charge des obligations relatives à la présentation des produits dont la nature requiert un respect de normes établies par le propriétaire de la marque de luxe sous forme de critères qualitatifs imposées à l’ensemble du réseau.260 Il est alors parfaitement légitime qu’un distributeur ne présentant pas les conditions fixées par le fabriquant de manière précise et objective se voit opposer un refus d’agrément.261Mais, une

255CA Paris ; 10 oct.1989 : inf, rap.p.283, note Le tourneau.

256J.O.R.A. n° 41 du 24 juin 2004, p.03.

257Art. 1erde la loi n° 04-02 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales modifiée et complétée.

258J.O.R.A. n° 56 du 10 septembre 2006 portant les éléments essentiels des contrats conclus entre les agents économiques et les consommateurs et les clauses considérées comme abusives, p.15.

259Art. 1erdu décret n 06-306_ v éga- Mohamed Boudali, la lutte contre les clauses abusives dans les contrats, Dar El Fajr.n 2007, p.109.

260D.FERRIER, op cit, p.270

fois membre du réseau, le distributeur est contraint aux obligations stipulées dans le contrat de base relatives à la qualité et à la présentation des produits262.

Ainsi, le distributeur agrée est tenu de présenter les produits dans leur état et sous leur emballage originaux, ce qui garantira à la clientèle une présentation originale et luxueuse, de même que ça protègera le produit contre toute altération susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé des consommateurs.263

En droit algérien, le législateur à introduit, lors de la réforme de la loi relative à la protection des consommateurs, une définition du mot emballage à l’article 03 de la loi n° 09-03 relative à la protection du consommateur et la répression des fraudes264. Aux termes de l’article 10 du même texte, le législateur rappelle à tout intervenant l’obligation de sécurité qui lui incombe en matière d’emballage.

Conformément à la cour de cassation française265et en application du droit communautaire européen,266le fournisseur peut valablement obliger le distributeur agrée à ne vendre les produits de sa marque que dans le lieu de vente pour lequel il a été sélectionné267. Par conséquent, la vente des produits de luxe ou de haute technicité par correspondance et la vente par Internet semblent être exclues. En effet, il n’est pas rare de constater dans certains contrats de distribution sélective une clause d’interdiction de la vente par Internet, en ce que cette forme de vente ne permet pas d’offrir aux consommateurs un service approprié par rapport aux produits distribués268.

262D.FERRIER, préc, p. 207.

263Paris, 4 novembre1964, D.1965, 247.note J.P.Pamoukjian.

264emballage : tout contenant constitué de matériaux de toute nature, destiné à conditionner, conserver,

protéger, présenter et permettre la manutention, le stockage et le transport de tout produit et assurer l’information du consommateur.

265Cass.com.18mai 1987, D.1987, JVR, p.558, note G.perléani, cité par Sayag.

266Art. 4 du règlement d’exemption n° 2790/1999.

267V. SELINSKY, la distribution sélective des produits de marque, Cah. Dr. entreprise, 1984/2, 17.

268SOPHIE DE SENILHES ET OLIVIER ROUX,Distribution sélective et commerce électronique : une évolution

Cette interdiction est confirmée par la jurisprudence française qui déclare que ces clauses qui ont pour but rappelons le, d’obliger le distributeur agrée à présenter les produits contractuels uniquement dans l’établissement sélectionné, ne seront pas considérées comme restrictives de concurrence si la nature des produits en cause justifie l’interdiction269.

Néanmoins, le droit communautaire européen énonce en la matière que « chaque distributeur doit être libre de recourir à Internet pour faire de la publicité ou pour vendre ses produits ». Dans l’affaire Yves Saint Laurent du 17 mai 2001 la commission européenne déclare que l’interdiction de vente par Internet dans un contrat de distribution sélective constitue une restriction qui ne peut être exemptée par le règlement n° 2790/99, mais elle ajoute toutefois que cette interdiction est admissible si elle est objectivement justifiée270.

Toujours dans un objectif de préservation de l’image de marque des produits, et cela est surtout vrai pour les parfums de luxe, le distributeur agrée s’engage à les revendre en l’état. Résultant d’une recherche particulière et utilisant des matériaux d’un haut niveau qualitatif, notamment pour leur conditionnement, les parfums de luxe demeurent des produits sophistiqués et de haute qualité. Il s’ensuit que le revendeur agrée doit suivre à la lettre les directives du fabriquant en matière de conditionnement et d’emballage pour éviter tout phénomènes de dénaturation ou d’évaporation susceptibles de défraîchir le parfum271.

Dans ce contexte, les textes algériens entendent assurer la qualité du produit pendant tout le processus de sa mise à la consommation, en mettant à la charge des professionnels intervenant au processus de mise à la consommation dont le distributeur fait partie, toute une série

269Cass. Com. 9 février 1976, JCP 1977.II. 1859 obs. J. Hemard.

270La Commission européenne a rappelé dans un communiqué de presse en date du 17 mai 2001 qu’ « une

interdiction d’utiliser l’Internet, y compris dans un système de distribution sélective, constitue une restriction des ventes aux consommateurs qui ne peut être couverte par le règlement d’exemption par catégorie du 22 décembre 1999. » Dans le cas particulier présenté à la Commission, cette dernière approuve le système de

distribution sélective mis en place par la société Yves Saint Laurent pour la distribution de ses parfums.

d’obligations. Il s’agit notamment des obligations de conformité, de garantie, d’information et de sécurité qui ont un impact direct ou indirect sur la qualité du produit272.

De ce fait, le distributeur agrée ne peut en aucun cas, même à prix réduit, écouler des produits défectueux (altérés, défraîchis ou périmés) ou encore dépouillés de leur emballage d’origine puisque toute violation à cette obligation est considérée comme une atteinte à l’image de marque des produits. De surcroît, la législation relative à la protection du consommateur impose au professionnel aguerri dans ses relations avec le consommateur profane de s’assurer de la qualité des produits pendant tout le processus de mise à la consommation afin de garantir la sécurité du consommateur273. Lorsque la défectuosité des produits est imputable au distributeur agrée par faute ou par négligence, le fabriquant reprend les produits mais ne les rembourse pas, sauf conventions particulières, mais si le produit est défectueux du fait du fabriquant, ce dernier s’engage à le changer ou à rembourser le prix274.

L’environnement dans lequel est présenté le produit est tout aussi important que son conditionnement. Aussi, il convient de préciser qu’un produit de luxe ou de haute technicité ne saurait être proposé à la vente dans les mêmes conditions qu’un produit banal, ou toutes autres conditions susceptibles de compromettre la renommée de la marque275.

Donc, le distributeur agrée est tenu de présenter les produits dans un environnement valorisant la marque en adaptant soigneusement les aspects externes du magasin, telle que la façade, les vitrines et la décoration de celui-ci, sans négliger pour autant les conditions concernant l’aspect interne en garantissant un aménagement conforme aux normes fixées par le fabricant. De plus, un fabricant de produits de luxe peut même exiger que d’autres marques de luxe soient présentées dans le point de vente sélectionné mais sans être en droit d’imposer leur identité au vendeur agrée. Du reste, le distributeur sélectionné doit assurer aux

272D. ZENNAKI, la qualité a--elle sa place en législation algérienne ? Problématique en droit algérien de la

consommation,Symposium International : Qualité et Maintenance au Service de l’EntrepriseQUALIMA01

-Tlemcen 2004.

273Ibid.

274Lamy droit économique, 2003, n° 4546 et s.

consommateurs par la présence dans le point de vente de personnes qualifiées, tous conseils ou renseignements appropriés de manière à répondre efficacement à leurs besoins276.

b) Les obligations liées à la cohérence du réseau

Ces obligations ont une relation directe avec les obligations relatives à l’image de marque du produit. En effet, le fondement même d’un réseau de distribution sélective réside dans le fait qu’il constitue un tout uniforme. Il est donc nécessaire pour tous les membres du réseau de respecter les stipulations contractuelles relatives à la cohérence du réseau sous peine d’être exclu ou du moins d’être sanctionné277.

La nature des produits distribués aux consommateurs justifie l’existence d’une obligation de service après vente incombant au distributeur ainsi qu’une obligation de garantie et de réparation, ce qui implique la présence d’un personnel compétent et disponible de manière à effectuer un service après vente et de maintenance de qualité. Le caractère contractuel et cohérent du réseau oblige le distributeur à assurer la prestation du service après vente, de garantie et de réparation à ses propres clients et aux clients des autres vendeurs du réseau. A l’évidence, il s’agit là d’une obligation qui a pour but d’avantager le consommateur278.

Aussi, l’existence d’une manière permanente et en bon état d’un stock de pièces de rechanges est nécessaire à la bonne prestation de ses services au profit du consommateur. La nouvelle réglementation algérienne relative aux règles de protection du consommateur et la répression des fraudes est venue préciser cette obligation à l’article 16 en plus de l’obligation de garantie déjà prévue dans la législation modifiée. Désormais, le texte algérien semble efficace, puisque les deux obligations sont complémentaires et ne sauraient être séparées.

En effet, le ministre algérien du commerce avait décidé en application du décret exécutif n° 90-266 que « les professionnels intervenant dans le processus de mise à la consommation des produits soumis à garantie sont tenus de mettre en place et d’organiser un service après vente approprié qui s’appuie, notamment, sur des moyens matériels adéquats, sur l’intervention

276Y. DITRICH ET A.MENAIS. la distribution sélective à l’épreuve du commerce électronique, les cahiers Lamy droit de l’informatique et des réseaux, n° 114 mai 1999.

277FROGER, La sanction de la rétrocession illicite, Cah.dr. entr, 1991/1, 21 (n spécial distribution sélective).

d’un personnel technique qualifié et sur la disponibilité de pièces de rechange destinées aux produits concernés »279.

Dans le cas de la commercialisation de véhicules automobiles neufs, le législateur fait obligation au concessionnaire d’avoir un personnel ayant les qualifications techniques et professionnels requises et d’assurer un service après-vente qui doit comporter les révisions périodiques couverts par la garantie, la maintenance, la vente de pièces de rechange et d’accessoires d’origine280.

C’est pour dire l’importance qu’accorde le législateur à l’obligation du service après-vente en raison de l’ouverture du marché algérien à divers produits et la prolifération de distributeurs et réparateurs dans le domaine des produits d’une certaine technicité. Néanmoins, un quotidien national déplore que cette prolifération s’effectue dans l’ignorance et l’inapplication quasi totale des textes pourtant parfaitement bien élaborés. Aussi, l’auteur de cet article de presse pointe du doigt les associations de consommateurs manquant à leurs missions d’information et de défense des citoyens consommateurs281.