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Justification par les dispositions du droit de la concurrence

Deuxième partie : Appréciation de la distribution sélective

Paragraphe 01: le refus de vente

B) La justification du refus de vente

3- Justification par les dispositions du droit de la concurrence

L’article 36-2 de l’ordonnance de 1986 justifie aussi le refus de vente qui serait fondé sur les dispositions de l’article 10 de la même ordonnance.

L’article 10 précise que « ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 (prohibant les ententes et les abus de domination) les pratiques:

1. Qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application;

2. Dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ces pratiques ne doivent imposer des restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès.

Certaines catégories d'accords, notamment lorsqu'ils ont pour objet d'améliorer la gestion des entreprises moyennes ou petites, peuvent être reconnues comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis conforme du Conseil de la concurrence ».

Le refus de vente et de prestations de services pourront être ainsi justifiés, aux termes de la disposition finale de l’article 36-2 dans la mesure où ils résulteront de l’existence d’ententes ou d’abus de domination qui seront eux-mêmes justifiés par l’une des causes prévues à l’article 10. De même, lorsqu’il existe un réseau de distribution sélective ou exclusive, un refus de vente peut être valablement opposé à l’acheteur, sans engager la responsabilité du vendeur puisque ce refus résulte alors de l’existence d’une entente ou d’un abus de position

4859èmech. Corr. Paris, 4 nov. 1964, Gaz. Pal., 1965,Ι, 92.

dominante ou de dépendance économique couvert par les exceptions prévues à l’article 10 de l’ordonnance487.

Dès lors, la jurisprudence française a admis, en application de ces dispositions, des refus de vente opposés par des fabricants de produits de luxe qui ont prouvé la contribution de leurs systèmes de distribution sélective au progrès économique, et notamment à l’amélioration du service rendus au consommateur.488

De son côté, le législateur algérien n’a pas expressément mentionné dans la loi n° 04-02 les exceptions à l’interdiction du refus de vente, il n’a pas non plus, à l’inverse du législateur français, fait référence à un renvoi aux dispositions de l’ordonnance n° 03-03 relative à la concurrence. Toutefois, l’article 09 de la même ordonnance, qui s’inspire directement du texte français, prévoit les même cas de dérogation en cas de refus de vente qualifié d’entente ou d’abus de position dominante. En effet, le texte algérien justifie les ententes prohibées et les abus de domination et écarte l’application des articles 6 et 7 prévus pour la prohibition de ces pratiques restrictives489.

Donc, en droit algérien, le refus de vente peut être sanctionné soit, au titre des dispositions générales issues du code civil, soit des dispositions spéciales lorsque ce délit est qualifié de pratique restrictive mettant en évidence une entente ou une position dominante.

Il faut signaler également que l’ordonnance n° 08-12 modifiant et complétant l’ordonnance n° 03-03 n’a apporté aucun changement à l’article 09 qui, d’une façon implicite justifie le refus de vente dans les cas suivants :

-les accords et pratiques qui résultent de l’application d’un texte législatif et réglementaire pris pour son application.

-les accords et pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu’ils ont pour effet d’assurer un progrès économique ou technique, ou qu’ils contribuent à améliorer l’emploi, ou qu’ils

487C. VILMART, op. cit.

488CA. Paris, 16 février 1988, Gaz. Pal. 1988, 1, jur.,p.412.

489D. ZENNAKI, La discrimination entre agents économiques, séminaire international le 18 et 19 octobre2008 à Oran sur les contrats de distribution, organisé par le laboratoire de droit économique et environnement, faculté de droit d’Oran en collaboration avec le centre d’étude et de recherches en droit des affaires et des contrats (CERDAC, université de Bordeaux IV).

permettent aux petites et moyennes entreprises de consolider leur position concurrentielle sur le marché.

Par ailleurs, le législateur algérien insiste, dans le dernier alinéa, sur l’autorisation du conseil de la concurrence pour bénéficier de l’application de l’article 09, alors que le législateur français ne prévoit qu’un avis conforme du conseil de la concurrence et fait exempter ces pratiques par décret.

Face au volume important des affaires liées au refus de vente portées devant les tribunaux de grande instance ou de commerce, et en vue de rééquilibrer les rapports entre distributeurs et fournisseurs, le législateur français a abrogé l’interdiction du refus de vente suite à la réforme de 1996490.

Le fait de supprimer l’interdiction du refus de vente du dispositif de la concurrence n’est pas une autorisation systématique de ce délit. En réalité, un tel comportement, lorsqu’il porte atteinte au libre jeu de la concurrence, peut toujours faire l’objet d’une sanction au titre de l’ordonnance de 1986 en application de l’article 07 relatif aux ententes ou l’article 08 en cas d’abus de position dominante. Par ailleurs, Lorsque le fournisseur ne peut justifier son refus de vente et pratique de la sorte une discrimination illicite au détriment du revendeur évincé et au profit de ceux retenus, il s’expose à la sanction prévue par l’article 36-1 de l’ordonnance de 1986491.

L’auteur d’un refus de vente injustifié peut également être sanctionné par le droit commun de la responsabilité civile. En effet, l’article 1382 du code civil français permet à toute personne victime du comportement fautif d’autrui d’obtenir réparation du préjudice qui lui est causé. Au total, il est à retenir que depuis la réforme de 1996, un refus de vente injustifié émanant d’un fournisseur envers un professionnel n’engage que sa responsabilité civile, alors que refuser de vendre à un consommateur peut encore donner lieu à des sanctions pénales492.

490La loi n°96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales dite loi Galland.

491D. FERRIER, Le droit des relations entre producteurs et grands distributeurs de produits alimentaires. In : Economie rurale. N° 245-246, 1998. La grande distribution alimentaire. pp. 84-88.

Depuis son adoption en 1997 par le législateur algérien, la réglementation relative à l’interdiction du refus de vente n’a fait l’objet d’aucune modification importante. Aussi, l’application du texte demeure toujours à portée générale ne faisant aucune distinction entre les auteurs de la demande, qu’ils soient consommateurs ou professionnels493.