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les problèmes posés par le refus de vente

Deuxième partie : Appréciation de la distribution sélective

Paragraphe 01: le refus de vente

A) les problèmes posés par le refus de vente

On ne peut pas concevoir le fonctionnement de la distribution sélective sans refus de vente opposé par le propriétaire du réseau à des tiers demandeurs, situés au même stade économique que les distributeurs sélectionnés456. Pour mieux déterminer les problèmes posés par le refus de vente, notre étude, à ce niveau, portera sur ses éléments constitutifs, à savoir, la présentation d’une demande(1) et l’opposition d’un refus(2).

1-Présentation d’une demande a) L’auteur de la demande :

Sous l’empire de l’ordonnance de 1945, le législateur français prévoyait à l’article 37-01 que la demande peut émaner de tout acheteur, qu’il soit un commerçant, un professionnel ou un consommateur457. L’ordonnance du 1er décembre 1986, qui a eu pour mission de libérer les prix, a dépénalisé le refus de vente, mais uniquement entre professionnels458. En revanche, le législateur a laissé subsister des sanctions pénales lorsque le refus de vente de produits ou de prestations de services est opposé à un consommateur.459

456R. PLAISANT ET GEORGES DAVERAT, Gaz. Pal. 1982 (1ersem) p. 346

457En effet, l’article 37-01 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sur les prix457, aujourd’hui abrogée, incriminait le refus de vente lorsque « le producteur, commerçant, industriel ou artisan, refusait de satisfaire dans la mesure de ses disponibilités et dans les conditions conformes aux usages commerciaux, aux demandes

des acheteurs de produits ou aux demandes de prestations de services, lorsqu’elles émanent de demandeurs

de bonne foi et que la vente de produits ou la prestations de services n’est pas interdite par la loi ou par un règlement de l’autorité publique ».

458P. PIGASSOU, refus de vente et pratiques discriminatoires dans l’ordonnance du 1erdécembre 1986, Gaz. Pal.,

1987. 2, Doctr. 544.

459«Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime » (art. L. 122-1 du code de la consommation).

Les sanctions sont celles qui sont prévues pour les contraventions de cinquième classe, soit une amende de 1500 € (art. R. 121- 13 2° du code de la consommation).

Le droit algérien de la concurrence, qui s’appuie sur des dispositions relativement récentes, a introduit le refus de vente à l’article 07 de l’ordonnance n° 95-06 relative à la concurrence en tant que pratique interdite parce qu’elle constitue une entrave au libre jeu de la concurrence460. Depuis 1995, ce droit a fait l’objet de quelques modifications, en vue principalement de le moderniser et de l’adapter, tant soit peu, aux règles de l’économie de marché. Ainsi est promulguée l’ordonnance n° 03-03 qui vient abroger l’ancien texte et poser de nouvelles règles relatives au jeu de la concurrence.461

Parmi les raisons essentielles ayant motivé la refonte totale de l’ordonnance n° 95-06 était de séparer les règles relatives à la concurrence portant sur les ententes et accords illicites, les abus de position dominante et les concentrations, des règles sur les pratiques commerciales.462 Effectivement, point de trace, dans la réglementation de 2003 relative à la concurrence de dispositions interdisant le refus de vente sans motif légitime. Ce dernier, qui constitue une pratique commerciale discriminatoire est, toutefois, prohibé par l’article 15 de la loi n° 04-02 promulguée ultérieurement par le législateur algérien et fixant les règles applicables aux pratiques commerciales.463

En France, la loi « Galland » de 1996 opérait un nouveau toilettage du droit de la concurrence français464par une réforme qui a, entre autres, assoupli les règles relatives au refus de vente parce qu’elles désavantageaient les fournisseurs dans leurs rapports avec la grande Sont concernées par cette interdiction « toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ».

460 BENNADJI CHERIF, Le droit de la concurrence en Algérie. Revue Algérienne des Sciences Juridiques, Economiques et Politiques. 2000. – n° 3, p. 143-160.

461Ord. n° 03-03 du 19 Joumada El Oula 1424 correspondant au 19 juillet 2003 relative à la concurrence. J.O.R.A. n° 43.

462www.mincommerce.gov.dz, « présentation de l’ordonnance 03-03 relative à la concurrence ».

463La loi n° 04-02 du 05 Joumada El Oula 1425 correspondant au 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales. J.O.R.A. n° 41.

464«Ainsi la loi Galland n’a pas voulu modifier en profondeur le droit de la concurrence, mais procéder à un « réglage » afin de favoriser le développement d’une « morale » commerciale », M. GRAFF, Le droit de la

concurrence dans le rapport producteur-distributeur. In : Economie rurale, n° 245-246, 1998. La grande

distribution, cette dernière abusant de sa puissance d’achat dans la négociation avec des pratiques parfois déloyales.465

Depuis sa promulgation en 2004, la loi algérienne fixant les règles applicables aux pratiques commerciales reste le seul texte interdisant, en son article 15, le fait pour un commerçant de refuser la vente d’un bien ou la prestation d’un service sans motif légitime.

Ayant fait l’objet de plusieurs réformes et doté de plus de précision, le droit de la concurrence français prévoit, que la demande adressée à un fabricant ne peut désormais émaner que d’un commerçant ou d’un professionnel et non plus d’un consommateur comme le prévoyait l’article 37-01 de l’ordonnance du 30 juin 1945. Les auteurs de la réforme ont été conduits à maintenir, dans un texte autonome, le traitement pénal du refus de vente visant les consommateurs466.

A l’inverse du législateur français, la rédaction de l’article 15 de la loi algérienne laisse clairement constater que la demande peut émaner d’un commerçant, d’un professionnel et même d’un consommateur. En effet, le législateur algérien utilise le mot « public » pour infirmer toute distinction entre un professionnel et un consommateur dans le traitement du refus de vente.

b) L’objet de la demande

Pour que le délit de refus de vente soit constitué, il est nécessaire qu’une demande soit présentée. La forme de la demande importe peu. Celle-ci peut être écrite ou orale. Toutefois, la charge de la preuve incombant au demandeur, dans le cas d’une demande orale, les difficultés de preuve seront plus grandes467.

465M. L. ALLAIN. C. CHAMBOLLE, Les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs. Bilan et limites de trente ans de régulation. Revue Française d’Economie 2003, vol. 17, n°4, p. 184.

466art. R. 121-13 2° du code de la consommation français

467C. GIVERDON, « les délits et quasi délits commis par le commerçant dans l’exercice de son Commerce », RTD com 1953, P. 860.

Conformément à l’article 36-2 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, la demande peut concerner aussi bien un achat de produit qu’une prestation de service. Il faut toutefois que la demande en question s’adresse à un fournisseur de produits ou de prestation de services qui a pour activité d’offrir les produits ou les services demandés. Ainsi, il ne peut y avoir refus de vente si le vendeur n’a pas ou plus le produit ou le service sur lequel porte la demande de l’acheteur468.

Avant l’entrée en vigueur de la loi régissant les pratiques commerciales, la loi algérienne à travers l’article 07 de l’ordonnance n° 95-06 relative à la concurrence, interdisait le refus de vente sans motif légitime, sans toutefois préciser l’objet de la demande émanant des acheteurs. Le législateur algérien n’est pas resté insensible à cette lacune juridique et a procédé à un changement utile en faisant clairement référence dans l’article 15 de la loi n° 04-02 à l’objet de la demande qui peut être soit un bien soit une prestation de service469.

2-L’opposition d’un refus

Pour que l’infraction soit constituée, il est nécessaire qu’à la demande présentée, soit opposé un refus de la satisfaire. La forme du refus de donner suite à la demande de l’acheteur a une importance certaine au regard du droit de preuve.

Un refus de vente peut revêtir la forme écrite ou orale. Le problème se pose toutefois de déterminer s’il y a refus de vente en cas de silence de l’agent économique sollicité de vendre un bien ou de fournir une prestation. Il s’agit dans ce cas, de distinguer selon que l’auteur de la demande avait des relations commerciales régulières antérieures avec le commerçant ou s’il n’en avait pas. Si le demandeur avait des relations d’affaires antérieures avec le commerçant, le silence doit s’interpréter comme une acceptation de contracter. A l’inverse, en dehors de relations d’affaires antérieures, le consentement ne se présumant pas, il en découle que le silence d’un fournisseur équivaut en fait à un refus de vente de sa part470.

468R. KOVAR, Refus d’agréer ou de vente et droit communautaire des ententes. Cah. Dr. entr, 1984/4.

469Art. 15 al. 02 de la loi n° 04-02 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales : « il est interdit de refuser, sans motif légitime, la vente d’un bien ou la prestation d’un service dès lors que ce bien est offert à la vente ou que le service est disponible. »

En l’absence de dispositions spéciales, le droit commun fondé sur l’article 68 du code civil algérien dispose que le silence vaut acceptation lorsque l’offre se rapporte à des relations d’affaires déjà existantes entre les parties ou lorsqu’elle est seulement dans l’intérêt de son destinataire. A l’instar de son homologue français, le législateur algérien prend en compte les relations d’affaires antérieures pour interpréter le silence du fournisseur en une acceptation de donner suite à la demande de l’acheteur. L’article 68 issu des dispositions générales régissant les obligations, ajoute, en outre, que le silence vaut également acceptation lorsque l’offre est seulement dans l’intérêt de son destinataire471.

Cette double condition posée par le code civil algérien peut bien s’appliquer à un litige mettant en cause un contrat de distribution sélective. Effectivement, si l’auteur de la demande est un distributeur agrée appartenant au réseau du fournisseur, le silence de ce dernier est une acceptation en raison des relations d’affaires antérieures régies par un contrat cadre et concrétisées par des contrats d’application.

Une lecture attentive de l’article enseigne également qu’une absence de réponse à une demande émanant d’un distributeur agrée ne respectant plus ses engagements relatifs à la protection et la promotion de l’image de marque du produit ne peut s’interpréter en une acceptation puisqu’elle n’est pas dans l’intérêt de son destinataire, à savoir le propriétaire du réseau de distribution sélective.