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L’arrivée du terme

Paragraphe 01 : les modes d’extinction du contrat de distribution sélective

A) L’arrivée du terme

Très généralement conclu pour une durée déterminée, le contrat de distribution sélective s’éteint à la survenance de son terme. L’écoulement de la durée convenue au contrat aurait donc un effet extinctif, puisqu’il met fin aux obligations réciproques des parties qui sortent de la relation contractuelle et chacun reprend sa liberté299. En toute matière contractuelle, une convention arrivée à son terme ne peut être renouvelée sans l’accord des parties et un contractant ne peut imposer à l’autre le maintien des rapports contractuels.300

299M. ZOÏA, Concession libre : la distribution sélective, J-Cl. Concurrence-consommation, Fasc. 1020, n° 32.

Dans les deux législations, point de dispositions spéciales relatives aux modes d’extinction des contrats de distribution. Néanmoins, les deux législateurs ont prévu de façon analogue des dispositions générales et relatives à la liberté contractuelle qui font des clauses du contrat la loi des parties301. Ainsi, le fabricant n’est tenu ni de justifier son refus de renouvellement, ni de dédommager son distributeur agréé sauf abus de droit de sa part302.

En effet, si le fabricant a le droit de refuser de renouveler un contrat à durée déterminée arrivé à terme, sa responsabilité sera engagée en cas d’abus de droit. Cet abus peut résulter d’une faute intentionnelle, caractérisée par des manœuvres, un comportement malveillant, ou en trompant le distributeur agréé.

Le législateur algérien considère l’abus de droit comme une faute engageant la responsabilité civile de son auteur pour acte personnel dommageable. En effet, l’article 124 bis issue de la modification survenue en 2005 dresse une liste non exhaustive de certains cas où l’exercice abusif d’un droit est constitutif d’une faute303.

Aux termes de cet article, l’abus serait une faute subjective commise par le fabricant exprimant une déloyauté et engageant sa responsabilité civile délictuelle.Car en abusant de son droit le maître du réseau sortirait du contrat. Il s’agirait à proprement parler plus de la violation du devoir de ne pas nuire à autrui que de la violation d’une obligation stipulée par le contrat de distribution304.

301Art. 1134 du code civil français et article 106 du code civil algérien.

302La jurisprudence française affirme que « le non-renouvellement du contrat par le concédant constitue l’exercice d’un droit contractuel » Cass. com., 9 juill. 1952, n° 4-406, RTD com. 1953, p. 720, obs. Hémard J.

303Avant la modification de 2005, le législateur algérien invoquait l’abus de droit à l’article 41 dans le livre Ι relatif aux dispositions générales et plus précisément dans le chapitre Ι du titre ІІ consacré au personnes physiques. S’agissant de ce positionnement de l’abus de droit dans le code civil algérien, une partie de la doctrine algérienne avait donné raison au législateur en ce qu’il suivait le reste des législateurs arabes qui puisaient le fondement de l’abus de droit des principes du droit islamique (A. ALI. SOLAYMANE, les obligations,

les sources de l’obligation en droit civil algérien, OPU 3èmeéd, p. 224). En revanche, d’autres auteurs algérien ont vivement critiqué ce positionnement, notamment dans la limitation de l’abus de droit aux personnes physiques ( B. LARBI, la théorie générale de l’obligation en droit civil algérien, P. 124. De même, d’autres auteurs pensent qu’il aurait été préférable de mettre les dispositions de l’abus de droit dans le livre ІІ relatif aux obligations et aux contrats directement après l’article 124 qui concerne la responsabilité civile (A. FLALI, les

obligations, l’acte dommageable, ENAG/EDITIONS 2002, p. 55.)

En statuant sur la modification d’un contrat de travail, la cour suprême algérienne fait valoir que le délit d’abus de droit ne peut se constituer que par la seule intention de l’employeur de nuire à l’employé mais exige encore qu’il y ait une déviation du comportement normal de la part de l’employeur qui exerce son droit de modifier le contrat de travail. En effet, la haute juridiction nationale affirme que, si l’employeur entend par la modification du contrat réaliser un intérêt légitime dont l’importance est minime par rapport au préjudice subi par l’employé, l’abus de droit ne sera pas retenu. En revanche, si l’intention de nuire à l’employé est la cause principale de la modification du contrat en dehors de toute intention de réaliser un intérêt, l’abus de droit sera retenue même si cet intérêt se réalise spontanément305.

La jurisprudence française quant à elle, sanctionne à ce titre, toute faute, même non intentionnelle et semble de même avis que la jurisprudence algérienne lorsqu’elle affirme que la faute existe dès que le titulaire du droit ne l’a pas exercé comme un homme avisé prévoyant l’éventualité d’un dommage à éviter306.

Dans la distribution sélective, les exemples d’abus commis par le fabricant sont divers et variés mais engagent tous la responsabilité de leur auteur. En effet, commet un abus de droit, le fabricant qui subordonne la reconduction du contrat à l’obtention de certains résultats exagérés que le distributeur agréé devra réaliser à l’arrivée du terme ou le fait de subordonner la reconduction à un investissement discriminatoire. Par ailleurs, l’abus de droit le plus fréquent consiste à laisser au distributeur agréé l’illusion d’une éventuelle reconduction du contrat en lui indiquant faussement que son contrat serait renouvelé.

Serait encore une faute abusive le fait de ne pas indiquer au distributeur agréé que son contrat serait substantiellement modifié307. Hormis les dispositions relatives à l’abus de droit, s’applique en droit français et algérien le principe de la bonne foi dans les relations contractuelles qui est contenue dans les dispositions générales du droit des obligations.Les deux acceptions principales de la bonne foi pourraient permettre de fournir les critères retenus pour fonder l’abus de droit. Le critère subjectif voudrait qu’il n’y ait abus de droit qu’à la

305Revue judiciaire algérienne n° 02 de l’année 1990, arrêt n°80461 du 13/04/1990.

306P. ESMEIN, La faute et sa place dans la responsabilité civile, RTD. civ., 1949, p. 481et s.

condition d’une intention malicieuse du titulaire du réseau. Le critère objectif fonde l’abus sur l’effet déraisonnable de la mesure adoptée par le fabricant au regard du distributeur agréé308. En raison de leur nature particulière, la règle jurisprudentielle qui confère le droit au fournisseur de ne pas renouveler le contrat de distribution n’est pas transposable aux accords de distribution sélective. Si à l’arrivée du terme, le distributeur agréé remplit toujours les conditions objectives de sélection et n’a commis aucun manquement contractuel, il ne saurait être exclu du réseau de distribution sélective en mettant fin à son contrat. De surcroit, si le fabricant décide de ne pas renouveler le contrat en l’absence de toute faute du distributeur agréé, ce dernier peut exiger à être livré et peut agir en refus de vente si ses commandes n’ont pas été honorées309.

En cas de litige devant les tribunaux, la preuve de l’abus de droit incombe au distributeur agréé, victime de non-renouvellement de son contrat de distribution sélective par le fabricant propriétaire du réseau. Quant aux modes de preuve, ils sont tous recevables, puisqu’il s’agit d’un fait juridique310.

Bien que l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée soit parfaitement connu par le fournisseur et son distributeur agréé, il est tout d’abord admis qu’un préavis de non-renouvellement doit être respecté par les parties avant l’arrivée de l’échéance, c'est-à-dire que la partie qui ne souhaite pas renouveler son engagement est obligée d’informer son partenaire suffisamment à l’avance.

La durée de ce préavis est le plus souvent contractuellement prévue. Le non-respect du préavis contractuel constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur et ouvrant droit à des dommages et intérêts311.

Lorsque l’accord de distribution sélective n’intègre pas de dispositions sur ce point, il devra néanmoins être respecté un préavis d’usage dont la justification se trouve dans la

308J. MESTRE ,D’une exigence de bonne foi à un esprit de collaboration, RTD. civ 1986, p.100

309Cour de cassation, chambre commerciale, 27 octobre 2009, n° : 08-19396, www.miglietti-avocat.com.

310J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, in La cessation des relations contractuelles d'affaires, PUAM, p. 12.

jurisprudence rendue en matière contractuelle qui, en se basant sur l’article L. 442-6 du Code de Commerce français, sanctionne la rupture brutale de relations commerciales sans le respect d’un préavis écrit et d’une durée suffisante312.

Le législateur algérien prévoit également le respect d’un préavis à l’article 120 du code civil sous forme d’une mise en demeure dont le délai, à défaut de fixation par les parties contractantes, est déterminé suivant l’usage.