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Les produits de haute technicité

Deuxième partie : Appréciation de la distribution sélective

Paragraphe 01 : les critères tenant aux produits distribués

B) Les produits de haute technicité

Le critère déterminant dans le choix d’un système de distribution sélective est le service rendu à la clientèle, que ce soit pour les produits de luxe et de prestige ou pour les produits de technicité avancée, dits de « haute technicité »365 .

En effet, la logique commerciale impose à un producteur d’ordinateurs, d’automobiles, ou tout autre produit qui par nature est de haute qualité et technicité, le recours à une sélection des distributeurs. L’accueil de ces produits exige un espace, un équipement, une qualification nécessaire du commerçant et de son personnel, tout cela dans le seul but d’une bonne commercialisation du produit auprès du consommateur.366

Il est assez difficile de saisir les propriétés des biens techniques. La loi et la jurisprudence, procédant de façons différentes, se gardent de les définir.367La doctrine, pour sa part, s’est rarement intéressée à ce problème.368Il faut donc recourir à la connaissance commune pour circonscrire le domaine de notre recherche. Le petit Robert définit le terme « technique » : « qui concerne les applications de la connaissance théorique, dans le domaine de la production

364Y. DITRICH ET A.MENAIS, la distribution sélective à l’épreuve du commerce électronique. , les cahiers Lamy droit de l’informatique et des réseaux, n° 114 mai 1999.

365M. ZOÏA, Concession libre : la distribution sélective, J.-Cl. Concurrence-consommation, Fasc. 1020, n°24.

366J. GUYENOT, Les contrats de concession commerciale. Bibliothèque de droit commercial dirigée par R. Houin. t16, Sirey, 1968, broché, 690 p. 287.

367Les tribunaux français se réfèrent parfois au critère de haute qualité, voisin de la notion de haute technicité, pour admettre comme justifier le refus de vente. J. Guyénot. Les concessions commerciales, Sirey, 1968. , p.255.« la notion de haute technicité d’un produit est en voie de devenir un des critères jurisprudentiels fondamentaux et la pierre d’achoppement du refus illicite de vente…… ».

368A bien chercher, il n’y a que l’analyse que fait Mr GUYENOT à propos du refus illicite de vente, op cit,, 288 et s, : il distingue les biens de haute technicité accentuée, les biens de haute technicité et ceux de technicité simple ou relative, sans toutefois en donner les définitions et les caractéristiques.

et de l’économie. »369La jurisprudence communautaire a, pendant longtemps, estimé que le recours à la distribution sélective devait être limité aux produits qui nécessitent un tel système de distribution. C’est ainsi que la CJCE mentionne systématiquement cette circonstance en observant, comme dans l’affaire Junghans, « que la vente, dans de bonne conditions d’articles d’horlogerie, d’une grande complexité technique, requiert que les articles soient vendus dans des magasins spécialisés, par un personnel qualifié et dans des locaux permettant le stockage, la présentation et la démonstration dans des conditions convenables ».370

Dans un second arrêt la CJCE vient rappeler le même principe par l’arrêt Métro П du 22 octobre 1986, mettant en évidence que « la complexité de la technologie en cause est actuellement telle qu’elle est de nature à justifier un réseau de distribution disposant de grossistes et détaillants spécialisés »371.

Ainsi une telle distribution est admise dans le secteur du luxe et, au-delà, il faut admettre que les produits de haute technicité puissent en bénéficier puisqu’il s’agit d’un secteur dans lequel la distribution sélective est légitimée par « le maintien d’un commerce spécialisé capable de fournir des prestations spécifiques pour des produits de haute technicité »372.

La commission des communautés européennes semble s’engager dans une politique plus libérale s’agissant de la nature du produit. On assiste ainsi à un élargissement progressif des critères permettant de légitimer la distribution sélective.373Tel est le cas des journaux qui peuvent aussi être distribués par un réseau de distribution sélective en raison de leur caractère culturel.374Il semblerait que la liste des produits pouvant être admis à la distribution sélective,

369Le nouveau Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, rédaction dirigée

par Alain Rey et Josette Rey-Debove, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1993. V. technique.

370CJCE, 21 déc.1976, aff 77/10, Junghans, JOCE, 2févr. 1977, n° L30.

37116ème rapport de la politique de la concurrence – 1986 n 97-106

372Déc. SABA, 15 décembre 1975, JOCE n° 28 du 3 février 1976.

373J.J. BURST ET R.KOVAR, « la distribution sélective et le droit communautaire de la concurrence » RTD com, 1978, p. 446.

ne soit pas exhaustive, pourvu que les conditions du marché, pour un produit particulier soit parfaitement concurrentielles.375

Plus récemment des marchandises ont été ajoutées à cette liste alors qu’elles n’étaient ni sophistiquées ni d’une technique avancée, telles que la céramique de table et décorative. Ainsi la Commission a souligné dans sa décision Villeroy et Boch du 16 décembre 1985, que « certains produits ou services simples ont toutefois des propriétés telles qu’ils ne peuvent être offerts utilement au public, sans l’intervention de distributeurs spécialisés.»376

Une partie de la doctrine française s’est demandé si cette évolution de la jurisprudence européenne laissait place à une distribution sélective justifiée exclusivement par des préoccupations d’ordre commercial. Tel serait le cas d’une marque réputée qui ne pourrait s’accommoder d’une distribution par les circuits communs, ou encore la volonté d’un producteur de se démarquer de ses concurrents en mettant sur pied un réseau de distribution sélective.377

Il est bien admis que la distribution sélective est fondée sur la sélection des revendeurs qui seront seuls habilités à acheter les produits du fabricant378; autant dire qu’elle implique un refus de vente aux autres, même si ce n’est pas le but du contrat.379 La cour de cassation française a d’abord admis, à une époque où le refus de vente était un délit,380l’indisponibilité juridique des produits de haute qualité et de haute technicité aux distributeurs hors réseau en affirmant que :« le refus de vente était justifié parce que le contrat de distribution sélective tendait à assurer un meilleur service aux consommateurs, spécialement pour les produits requérant une haute technicité… ».381

375J.BOULOUIS, Jurisprudence de la cour de justice des communautés européenne. In : annuaire français du droit international, volume 29, 1983 p. 353.

376Déc. Villeroy et Boch, 16 décembre 1985, JOCE 40 L.376 du 31 décembre 1985.

377J.J. BURST ET R.KOVAR, préc, p. 463.

378J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation, P.U.F, 1996, p. 201.

379Cass. Com., 26 oct. 1983 : bull. civ. 1983, ΙV, n 282. cite par Le Tourneau.

380Art. 37 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sur les prix.

La notion ¨d’amélioration du service rendu au consommateur¨ existe depuis longtemps dans les jugements de la cour de cassation française.382Ainsi en 1962 la haute juridiction française a considéré que « le contrat concernant le commerce de produits requérant une haute qualité ou de marchandises de haute technicité peut avoir pour effet de rendre juridiquement indisponibles à l’égard des tiers les marchandises détenues par le vendeur, à condition qu’il n’ait pas eu pour objet ou pour effet, même indirect, de limiter la liberté du concessionnaire de fixer lui-même, comme il l’entend, le prix de vente des marchandises, mais qu’il tende essentiellement à assurer une amélioration du service rendu au consommateur ».383

De façon plus pertinente encore, la jurisprudence française admet également, en raison du caractère de haute technicité des produits, le refus d’agrément opposé à des revendeurs désirant entrer dans le réseau mais ne répondant pas aux conditions fixées par le propriétaire du réseau.384 Si la cour de cassation française a toujours contrôlé les réseaux de distribution sélective avec sévérité, elle a toutefois reconnu la licéité de l’interdiction faite par le fabricant aux membres du réseau de revendre les produits aux revendeurs hors réseau en mettant l’accent sur leur caractère de haute technicité.385

La jurisprudence française a, en outre, précisé que le critère de la technicité du produit ne pouvait justifier le refus de vente lorsqu’il s’agissait d’appareils dont la conception simple permettait la vente par tout détaillant non spécialement qualifiés.386

Dans l’ensemble, la position de la jurisprudence française reste conforme à la position de la jurisprudence européenne et au traité de Rome, puisque pour être admis tant au niveau communautaire que national, les systèmes de distribution sélective doivent réserver une partie équitable de leurs avantages aux utilisateurs387.

382J. HEMARD, Une enquête sur les contrats d’exclusivité, le refus de vente et les prix imposés dans les pays du

marché commun. Revue internationale de droit comparé, 1964, vol 16, n° 4, p. 705.

383Cass. Crim. 11 juillet 1962, D. 1962. 497 rapport Costa. Cité par hémard.

384Paris, 18 déc. 1987, GP, 1988, 1, 168. cité par Beauchard.

385Trib.com. Paris, 14 mai 1986, Lettre distrib. , 1986, n° 6. cité par Beauchard.

386Cass. Com. 17 juill. 1990, n 19-14. 119 bull.civ. ΙV, n 220, p. 151. cite par Ferrier.

La notion « d’avantages » n’étant pas développée, la doctrine considère que ceux-ci sont essentiellement d’ordre qualitatif tel que, notamment, l’amélioration des services avant et après vente, une disponibilité constante et une qualité irréprochable des produits, mais que l’accent n’est pas mis de façon principale sur la concurrence par les prix388.

En somme, il convient de préciser que le juge communautaire et français ont circonscrit logiquement la distribution sélective aux produits de luxe et de haute technicité en recherchant prioritairement l’intérêt du consommateur. Toutefois, si la jurisprudence exige des critères préalables tenant à la nature des produits distribués, il convient de constater qu’elle tient compte également des critères tenant aux distributeurs.