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l’indépendance du distributeur agréé

Paragraphe 01 : la relation entre le fabricant et le distributeur agréé

A) l’indépendance du distributeur agréé

Le contrat de distribution sélective est traditionnellement marqué par une logique d’indépendance juridique, qui s’accorde avec les objectifs fondamentaux des partenaires.115En effet, le fabricant mise, au plan commercial, sur l’esprit d’entreprise et sur le dynamisme de ses partenaires pour la promotion de ses produits et de sa marque et, au plan financier, il entend échapper au poids des investissements nécessaires ainsi qu’aux retombées de leur éventuel échec économique116.

Ainsi, le distributeur agréé gère librement son entreprise dont il est seul responsable et fixe seul le prix de revente de ses produits et services. En conséquence, le distributeur agréé est un commerçant juridiquement indépendant immatriculé au registre du commerce, sous sa propre dénomination sociale et non sous celle du fournisseur117.

115J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, in La cessation des relations contractuelles d'affaires, PUAM, p. 12.

116PALLUSSEAU, Les contrats d’affaires : JCP éd. G 1987, Ι, 3275.

En tant que tel, il accomplie de manière habituelle et répétitive, pour son compte et en son propre nom des actes de commerce, achète des produits à son fournisseur dont il devient propriétaire puis, le revend, toujours en son nom et pour son compte. Il est propriétaire de son stock qu’il devra liquider avant la fin du contrat118.

Pour bien comprendre le statut du distributeur agréé en droit algérien, il convient de se demander Qui est commerçant en droit commercial algérien?

D’après l’article 1er du Code de commerce, « est réputée commerçante toute personne physique ou morale qui exerce des actes de commerceet en fait sa profession habituelle, sauf si la loi en dispose autrement ». De cette définition, l’on retient essentiellement l’exercice des actes de commerce, lequel fait de manière habituelle et professionnelle, détermine la qualité de commerçant. Etant commerçant, le distributeur agréé est soumis à un statut particulier, exerce normalement son activité de manière sédentaire, c’est-à-dire au moyen d’un local commercial (le fonds de commerce) aux termes de l’article 19 de la loi n°04-08 du 14 août 2004 relative aux conditions d’exercice des activités commerciales.

Par ailleurs, tout étranger, souhaitant acquérir la qualité de commerçant, est soumis à l’obligation de l’obtention de la carte de commerçant préalablement à l’exercice de son activité commerciale sur le territoire national119. Toutefois, le législateur algérien interdit la qualité de commerçant à l’avocat, le notaire, le commissaire aux comptes, le comptable et l’expert comptable120.

Personne physique ou morale, le distributeur agréé fait partie du réseau et jouit du droit de revendre les produits du fournisseur en profitant de son aura et faisant usage de sa marque. Par ailleurs, le distributeur agréé assure seul les risques de son entreprise. Il doit régler les factures des produits et prestations demandés et ne peut être tenu des dettes de son fournisseur. De même, le distributeur agréé doit respecter toutes les exigences de son activités commerciale, qu’elles soient générales telles les obligations fiscales ou sociales ou propre à son métier tel le recrutement et la formation du personnel sans négliger

118V. G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, p. 56.

119M. SALAH, Les sociétés commerciales, t. 1, Les règles communes- La société en nom collectif- La société en

commandite simple, éd. Edik, 2004, p. 269.

l’aménagement adéquat du point de vente. Parallèlement à tous ces droits dont jouit le distributeur agréé, il pourra voir sa responsabilité engagée par des comportements jugés coupables de porter atteinte à l’image de marque et l’intérêt du réseau121.

L’indépendance du distributeur agréé s’exprime tout autant par la liberté de fixer lui-même ses prix de revente. En effet, il est un commerçant indépendant en ce sens qu’il a la liberté de faire des actes de commerce à un prix librement fixé par lui et peut librement négocier sa marge bénéficiaire avec le producteur pour les produits qu’il met en vente. Aussi est-il prohibé au producteur d’imposer un prix de revente minimum au revendeur agréé122. Cette prohibition repose sur différents fondements tant du droit français que du droit algérien. Ainsi, le contrat de distribution sélective, s’il contient des clauses anticoncurrentielles tombera sous le coup de l’article L. 420-01 du code de commerce français et parmi ces clauses figurent les clauses de prix minimum imposés. En droit algérien, l’article 04 de l’ordonnance n° 03-03 relative à la concurrence dispose que le prix des biens et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. Le législateur confirme cette liberté accordée au revendeur dans l’article 07 du même texte en prohibant toute position dominante ou monopolistique exercée par le fabricant sur le distributeur agréé et qui tend à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence123.

De même, le législateur algérien interdit à l’article 11, sous peine de sanctions, au fabricant d’exploiter abusivement l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard le distributeur pour l’obliger à revendre les produits contractuels à un prix minimum. De peur d’être abusive, la liberté dont jouit le distributeur agréé ne saurait être absolue en ce qu’elle est limitée soit par la loi soit par le fabricant propriétaire du réseau.

De façon expresse, le législateur impose la loyauté des pratiques commerciales et interdit au distributeur agréé la revente à perte qui, bien que favorables en apparence aux intérêts des consommateurs, constitue une infraction matérielle, qui n’exige pas la démonstration

121P. PIGASSOU, La distribution sélective. JCP 1985 éd. E ΙΙ, 14423.

122Cass. com, 3 mai 1992, Sté BP/Huard, JCP 1993 II 22164 ;CA Versailles, 27 janv. 2000, RTD Civ 2000, p570

d’intentions frauduleuses124. En effet, l’article 19 de la loi n° 04-02 interdit au revendeur de céder les produits contractuels à un prix inférieur à leur prix de revient effectif. Ce dernier est évalué au prix d’achat unitaire figurant sur la facture, majoré des droits et taxes et, le cas échéant, des frais de transport125.

Néanmoins, le législateur tempère cette interdiction en écartant son application dans des cas spécifiques citées à l’article 19 tels les biens périssables menacés d’une altération rapide ou les biens dont la vente est saisonnière ainsi que ceux démodés ou techniquement dépassés126. Aussi, le code pénal algérien puni, en son article 172, la spéculation illicite qui consiste pour le distributeur agréé, directement ou par personne interposée, d’opérer ou de tenter d’opérer la hausse ou la baisse artificielle des pris des denrées ou marchandises, des effets public ou privés.

En droit européen, la fixation préalable du prix de revente par le fournisseur est interdite par l’article 81 du traité de Rome, mais elle ne peut être sanctionnée que si elle affecte le commerce entre Etats membres d’une façon sensible127. Toutefois, le cour de justice

124L'interdiction de la revente à perte a été introduite en France en 1963, dans le but de protéger le petit commerce face à la puissance, naissante à l'époque, de la grande distribution. Ultérieurement, c'est la loi dite Galland du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales qui a introduit dans le code de commerce le seuil de revente à perte (SRP), déterminé par référence au « prix unitaire figurant sur la

facture », majoré de différentes taxes et prix du transport.

125Art. 19 de la loi n° 04-02 est la copie conforme de l’article 442-2 du code de commerce français.

126Toutefois, cette disposition ne s'applique pas :

— aux biens périssables menacés d'une altération rapide ;

— aux biens provenant d'une vente volontaire ou forcée par suite d'un changement ou d'une cessation d'activité ou effectuée en exécution d'une décision de justice ;

— aux biens dont la vente est saisonnière, ainsi qu’aux biens démodés ou techniquement dépassés ; — aux biens dont l'approvisionnement ou le réapprovisionnement s'est effectué ou pourrait s'effectuer

à un prix inférieur. Dans ce cas, le prix effectif minimum de revente pourrait être celui du nouveau réapprovisionnement ;

— aux produits dont le prix de revente s'aligne sur celui pratiqué par les autres agents économiques, à condition qu'ils ne revendent pas en-dessous du seuil de revente à perte.

européenne avait déjà admis de la souplesse en matière de prix imposé pour la distribution sélective en déclarant : « une certaine limitation de la concurrence sur le plan du prix doit être considérée comme inhérente à tout système de distribution sélective, étant que les prix pratiqués par des commerçants spécialisés restent nécessairement à l’intérieur d’une fourchette beaucoup moins large que celle qu’on pourrait envisager dans le cas d’une concurrence entre commerçants non spécialisés ».128

Il est d’autres cas où les clauses de l’imposition de prix minimum n’apparaissent pas clairement au contrat cadre, ce qui donne lieu à une simple clause de prix minimum conseillé de revente. Aucune sanction pénale n’est prévue à ce titre et, par conséquent, aucune sanction civile, telle la nullité, n’en découle129.

Par ailleurs, des clauses du contrat de distribution sélective concernant, notamment, le droit de contrôle du fournisseur sur la gestion de ses distributeurs agréés et les obligations de ces derniers relatives à l’action publicitaires, peuvent avoir pour conséquence une limitation de l’autonomie du distributeur pour la fixation de ses prix de revente.

Les autorités de contrôle françaises ont toujours tenté de condamner les clauses de prix minimums imposés, l’objectif étant d’assurer le libre fonctionnement du marché mais également de protéger le distributeur agréé contre le producteur. Aussi, récemment le conseil de la concurrence français est allé dans ce sens par une décision rendue le 19 juillet 2001 : « La société Bausch &Lomb enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce en imposant à son réseau de distribution des prix de vente pour les produits solaires Ray-Ban au cours de la période 1995-1998. Le fait d’utiliser certaines clauses du contrat dans le but d’empêcher les distributeurs de pratiquer des prix inférieurs aux prix conseillés et d’organiser librement leurs promotions, en exerçant sur eux des pressions, constitue une

présence d’une clause de prix minimum imposé dans un contrat de distribution sélective entraine la perte de l’exemption pour l’ensemble de l’accord mais il peut, sous certaines conditions , bénéficier d’une exemption individuelle.

128CJCE, 22 oct. 1986, aff. 75/84, Metro П, rec. CJCE, p. 3021. Cité par Burst et Kovar.

129T. GRANNIER, Prix imposés, prix conseillés : le contrat de franchisage à l'épreuve du droit de la concurrence, RTD com., 1991, p.358.

pratique illicite. Cette a pour objet ou pour effet, de faire obstacle au jeu de la concurrence par les prix ».130