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La distribution sélective et la concession commerciale :

Paragraphe 02 : la spécificité de la distribution sélective

B) distinction des autres contrats de distribution :

1- La distribution sélective et la concession commerciale :

La concession est accordée à une entreprise de commerce qui achète les produits pour les revendre à sa clientèle en son nom et pour son compte.85le terme concession est étranger au droit privé, il est en effet emprunté au droit administratif où il est employé pour désigner un mode d’exploitation des services publics.86

En droit algérien, la concession administrative est régie par les articles 119 du code de la Willaya et l’article 132 du code de la commune. En France, la seule définition officielle de la concession commerciale résulte de la circulaire Fontanet du 31 Mars 1960. Ce texte présente ce contrat comme « une convention liant le fournisseur à un nombre limité de commerçants auxquels il réserve la vente d’un produit sous condition qu’ils satisfassent à certaines obligations. »

En Algérie, aucune définition n’est apportée à la notion de concession commerciale. Toutefois, le législateur algérien a consacré tout un texte à la concession automobile. Ainsi, le décret exécutif 07-390 contient 41 articles tenant essentiellement aux conditions d’accès et d’exercice de l’activité de concessionnaire d’automobiles neufs. Quant au contrat de concession, le législateur n’apporte aucune précision de nature à conférer à ce contrat un statut spécial et des règles propres aux caractéristiques de cette pratique malgré son nette augmentation dans le commerce et l’économie nationale87.

85J.B. BUISSON, M LACGER ET X TANDEAU DE MARSAC, Etudes sur le contrat de concession exclusive, Sirey 1968, p. 11.

86PH. LE TOURNEAU, La concession commerciale exclusive, Economica 1994, p. 6.

87M. BENACHOUR, « implantation d’usines automobile en Algérie : La concurrence s’aiguise entre Renault et

En effet, le dispositif ignore totalement ce contrat, si ce n’est que l’article 02 qui met en évidence le caractère contractuel de la relation liant le concessionnaire au concédant et l’article 06 qui impose le respect des règlements en vigueur, notamment l’ordonnance relative à la concurrence et son article 10 qui prohibe tout contrat d’achat exclusif conférant à son titulaire un monopole de distribution sur le marché.

Pour bien distinguer la concession commerciale de la distribution sélective, il convient d’en donner une définition qui, ignorée par la législation française et algérienne, a était l’œuvre de la doctrine.

En 1963, Claude Champaud donnait une définition du contrat de concession comme suit : « un commerçant, appelé concessionnaire, met son entreprise de distribution au service d’un commerçant ou industriel appelé concédant pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période limitée, et sous la surveillance du concédant, la distribution des produits dont le monopole de revente lui est concédé. »88

Cette convention permet donc au concédant d’octroyer à des distributeurs géographiquement répartis, une exclusivité de distribution limitée à un territoire déterminé. Le concessionnaire, commerçant indépendant, est seul habilité à vendre, sur le territoire concédé et délimité par le contrat, les produits du fournisseur89.

Tout porte à croire que l’exclusivité territoriale accordée par le concédant au concessionnaire est ici le cœur du contrat, elle est l’élément essentiel du contrat de concession commerciale90. Aussi, comme dans le contrat de distribution sélective, le concessionnaire vend les produits du fournisseur en utilisant la marque de ce dernier pour se prévaloir de la qualité de distributeur privilégiés. Son activité commerciale fera, à l’instar de celle du distributeur agréé, l’objet d’un contrôle de la part du fournisseur propriétaire de la marque qui doit veiller à rester maître de son réseau91.

88C. CHAMPAUD, La concession commerciale ; RTD com 1963, p. 451 et s

89PH. LE TOURNEAU, préc, p. 15.

90B. BOULOC, Vente commerciale, Exclusivité, Concession exclusive de vente, Résiliation, délai de préavis. Abus

de droit, RTD com., 1994, p.347.

91PH. LE TOURNEAU, Concession exclusive.-conditions de validité au regard du droit des

Néanmoins, les deux contrats restent des techniques contractuelles permettant au distributeur de garder son indépendance juridique. Ainsi, comme le distributeur agréé, le concessionnaire est commerçant indépendant immatriculé au registre du commerce et des sociétés, sous sa propre dénomination sociale et non sous celle du concédant. En tant que tel, il accomplit de manière habituelle et répétitive, pour son propre compte et en son propre nom des actes de commerce, achète des marchandises à son concédant dont il est propriétaire puis, les revend, toujours en son nom et pour on compte.92

Malgré tous ces points communs, la distribution sélective se distingue nettement de la concession commerciale. Tandis que la première se définit en fonction de critères qualitatifs de compétence, la seconde repose sue un découpage du marché, attribuant à chaque concessionnaire une zone géographique limitée assortie d’une protection contre la concurrence active du fournisseur et des autres concessionnaires du réseau.93

Plus précisément, dans la concession commerciale, le concédant s’engage à vendre en exclusivité ses produits à un commerçant, le concessionnaire, pendant une période et sur un territoire déterminé à charge pour ce dernier de les commercialiser, de respecter les clauses du contrat, et surtout, de ne vendre aucun produit concurrent à ceux de son concédant. La distribution sélective quant à elle, n’entraine aucune exclusivité, ou du moins une exclusivité de fourniture comme le précisent certains auteurs.94

En effet, le fournisseur peut approvisionner d’autres concurrents agréés dans la même zone géographique et le distributeur agréé peut commercialiser des produits d’autres concurrents du fournisseur à condition de ne pas dévaloriser l’image de marque des produits contractuels. En d’autres termes, la concession commerciale vise à établir une exclusivité réciproque entre les partenaires alors que la distribution sélective ne fait que profiter un commerçant d’une image de marque en réservant une partie de son activité et de la surface de son magasin à la distribution des produits d’un fournisseur d’articles de marque.95

92C. CHAMPAUD, préc, p. 456.

93D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4eéd., 2006, p. 281.

94« Le contrat de distribution sélective emporte une exclusivité dans la mesure où le fournisseur s’engage à ne vendre ses produits qu’aux distributeurs qui satisfont certains critères qualitatifs.», D. FERRIER, op. cit, p. 262.

Si les deux contrats limitent le nombre des distributeurs par une sélection objective, l’absence d’une clause d’exclusivité territoriale dans le contrat de distribution sélective à conduit certains auteurs à le qualifier de spécialisation fonctionnelle par opposition à la concession commerciale qui serait une spécialisation territoriale.96

La concession commerciale est donc un contrat de distribution présentant des caractéristiques propre à le distinguer nettement du contrat de distribution sélective. Qu’en est-il alors du contrat de franchise ?

2 - La distribution sélective et la franchise :

Né aux Etats-Unis sous le nom de franchising,97le contrat de franchise est une méthode de collaboration entre une entreprise franchiseur et une ou plusieurs entreprises franchisés. La doctrine française s’accorde de manière générale à définir ce contrat comme une convention par laquelle le franchiseur met à la disposition de son franchisé, en contrepartie du paiement d’un droit d’entrée et de redevances, une marque et des signes de ralliement de la clientèle, lui transmet un savoir faire substantiel et spécifique, exploité suivant des techniques, notamment commerciales, uniformes, préalablement expérimentées, régulièrement mises au point, contrôlées et transmises au franchisé sous forme d’une assistance continue.98

Par ailleurs la Cour de cassation française affirme que le contrat de franchise nécessite la réunion de trios éléments essentiels :

-la mise à disposition par le franchiseur au franchisé d’une marque et/ou d’une enseigne.

96J. B. BLAISE, Exemption par catégorie des accords d’exclusivité : RTD eur. 1985, p. 568 et s.

97Le terme « franchising » n’est pas utilisé en France puisque la loi du 31 décembre 1975 interdit l’emploi des termes étrangers. Certains auteurs français comme Jean Beauchard parlent du mot « franchise », alors que d’autres, tel Phillipe Le Tourneau, se ralliant à la Cour de cassation française préfèrent employer le terme « franchisage ».

98PH. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, p. 29 ; J.- M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 3ème édition, 2000, p. 10 ; D. BASCHET, La franchise, Guide juridique-conseils pratique, Gualino éditeur, 2005, p. 19 ;J.BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation, PUF, coll. Thémis – Droit privé, 1996, p. 192 ; D. FERRIER, préc, p. 301.

-la transmission d’un savoir-faire du franchiseur au franchisé.

-la fourniture par le franchiseur d’une assistance continue au franchisé.99

Parce qu’il entraîne la transmission de signes de ralliement de clientèle et la communication du savoir-faire et une assistance technique et commerciale, le contrat de franchise se distingue du contrat de distribution sélective. Si celui-ci implique la mise à disposition d’une marque et une assistance commerciale de la part du fournisseur au distributeur agréé, il ne fait toutefois pas référence à l’existence d’un savoir-faire.100

Bien que les distributeurs sélectionnés arboreront l’enseigne du fournisseur101, adopteront une présentation particulière de leurs magasins et s’engagerons à respecter certaines clauses de pénétration du marché,102la distribution sélective ne crée aucune obligation de transmission d’un savoir-faire.

En d’autres termes, le trait caractéristique du contrat de franchise n’est ni l’autorisation d’utiliser une enseigne ou un nom commercial ni le droit sur une marque mais c’est bien la communication d’un savoir-faire103. Tel n’est pas l’objet du contrat de distribution sélective, qui peut se concevoir sans assistance ni transfert d’un savoir-faire du fournisseur au distributeur sélectionné.104

99Cass. com., 8 juill. 1997, D., n° 30/1997, chron., p. 960 ; RJDA 1997, n° 1481. cité par Baschet.

100BURST ET KOVAR, « Le régime de la franchise en droit communautaire de la concurrence' », Gaz. Pal., 1987, l, doctr, p. 438.

101 Selon CHAVANNE ET BURST, « l'enseigne est un signe visible qui sert à distinguer un établissement commercial et à permettre au public de ne pas le confondre avec un autre », CHAVANNE (A) & BURST (J-J) :

Droit de la propriété industrielle. 5èmeéd, Dalloz Delta 1998, N°1382. p. 841.

102J. GUYENOT, « concessionnaires et commercialisation des marques », 1975, Librairie du journal des notaires et des avocats, p. 16.

103J. E. DE COCKBORNE, « les accords de franchise au regard du droit communautaire de la concurrence », RTD eur 1989, p. 200.

104Dans son arrêt Pronuptia, la CJCE déclare que « les contrats de concession et de distribution sélective ne comportent ni utilisation d’une même enseigne, ni application de méthodes commerciales uniformes, ni paiement de redevances en contrepartie des avantages consentis » Gaz. Pal 1986 III Doct. p.392-398.

Par conséquent, lors de la conclusion du contrat, le distributeur agrée, à la différence du franchisé, n’est pas tenu de verser de droit d’entrée et de redevances à son fournisseur105. Par ailleurs, les deux contrats se distinguent plus clairement quant à leur finalité. En effet, dans la distribution sélective, l’objectif essentiel du fournisseur est de revendre ses produits par l’intermédiaire de ses revendeurs agréés. En revanche, dans le contrat de franchise, l’objectif du franchiseur doit être de réitérer, de reproduire, par l’intermédiaire de ses franchisés, une méthode de commercialisation.106Enfin, la distribution sélective ne concerne que la distribution des produits, alors que la franchise peut avoir pour objet la distribution des produits, les prestations de services et la production industrielle.107

Si une distinction peut être maintenue entre la distribution sélective et la franchise selon qu’il y a ou non transfert de savoir-faire, il est cependant essentiel d’observer que les deux contrats présentent néanmoins plus d’un trait commun. Le distributeur agréé et le franchisé sont des commerçants indépendants agissant en leur propre nom et pour leur propre compte. Ils doivent également demeurer libres de fixer leur prix de vente à la clientèle. Comme le franchisé, le distributeur agréé se verra, au titre du contrat, attribué le droit d’utiliser la marque et les signes de ralliement de clientèle du fournisseur.108

Il est à noter par ailleurs qu’aucun des contrats analysés ci-dessus ne fait l’objet d’une législation spécifique ni en droit français ni en droit algérien et sont de ce fait des contrats innomés. Du fait du retard qu’accusent la législation et la jurisprudence algériennes en matière de contrats d’affaires109, un quotidien de presse nationale a affirmé que le législateur algérien portait une attention particulière au contrat de franchise en raison des avantages concrets que peuvent en tirer les opérateurs économiques algériens en matière de transfert de

105D. MAINGUY, « les alternatives au contrat de franchise »,www.lexcellis-avocats.fr

106P. PIGASSOU : "La distribution intégrée" , RTD com 1980, p. 483.

107D. MAINGUY, préc.

108D. BASCHET, op. cit, p. 69.

109La franchise n’est pas définie dans le système algérien par un statut juridique particulier, mais la relation contractuelle, pour fonctionner normalement, doit comporter un certain nombre d’obligations réciproques entre le franchiseur et franchisé régies pour, l’essentiel, par les dispositions du code de commerce, des dispositifs spéciaux relatifs à la concurrence, à la protection du consommateur, aux pratiques commerciales. Par ailleurs, le code civil algérien, pose les principes généraux de toute relation contractuelle.

savoir faire et de techniques de gestion des entreprises, ainsi que les consommateur algériens en matière de qualité et sécurité des services et des produits110.

En effet, lorsqu’il met en jeu des franchiseurs de renommée mondiale et des franchisés bien encadrés, le contrat de franchise peut permettre de consolider un réseau concurrentiel en Algérie et représenter une assurance qualité pour le consommateur algérien. Cette pratique assure également la facilité pour les autorités nationales de régulation de contrôler le marché puisqu’elle constitue un moyen efficace de combattre le marché informel et la contrefaçon111. Toutefois, un économiste algérien affirme que les grandes marques internationales semblent réticentes face au marché algérien et que de ce fait la franchise en tant qu'instrument de modernisation des circuits commerciaux se trouve freinée par le peu de coopération manifesté dans la lutte contre la contrefaçon dans notre pays112.

En vertu de la liberté contractuelle et du fait des combinaisons possibles des différentes clauses contractuelles selon les objectifs des propriétaires de réseaux de distribution, il est possible de passer d’un contrat à un autre. C’est dire la relativité de la distinction et la nuance qui existent entre ces contrats de façon à rendre difficile la qualification de la relation contractuelle et la mise en œuvre du régime juridique applicable.113

Ainsi, un distributeur sélectionné peut devenir un concessionnaire commercial stricto sensu suite à une proposition d’un producteur satisfait et désireux de passer à une collaboration plus étroite. Aussi, est-il fréquent qu’un même producteur développe son réseau de distribution en franchise et en distribution sélective en faisant jouer la liberté contractuelle pour mieux répondre aux attentes des parties.114

110Actuellement, des enseignes de renom (Yves Rocher, Jacques Dessange, Celio, Carrefour, Swatch) se sont installées dans plusieurs villes du pays, et la tendance ne fera qu’aller crescendo puisque la destination Algérie intéresse, désormais, de nombreuses marques internationales, soucieuses, pour leur part, d’étendre leurs parts de marché.

111M. MAMART, « développement de la franchise en Algérie». El watan 4 décembre 2006

112ABDENNOUR. NOUIRI,« Le commerce en réseau en Algérie », la revue de l'INC N° 06

113PH. LE TOURNEAU, op. cit, p. 482.

Toutefois, l’ensemble de ces contrats restent bien typés. La principale différence tient à l’exclusivité territoriale qui est indispensable dans le contrat de concession commerciale sans être utilisée dans le contrat de distribution sélective. Aussi, la présence d’un savoir-faire qui caractérise le contrat de franchise sans être de l’essence du contrat de distribution sélective.