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1. Du transsexualisme

2.2. Une prise en charge de plus en plus précoce

Des consultations spécialisées auprès d’enfants et d’adolescents qui présentent un mal- être lié à leur assignation de genre ont vu le jour au milieu des années 70 (Toronto, Amsterdam, New York et Londres entre autres). Ces services spécialisés ont constaté une augmentation du nombre de patients de façon significative chaque année (di Ceglie, 2014).

Le travail de ces équipes a fait évoluer les possibilités de prise en charge, notamment pour la population adolescente. Sans détailler comment les équipes de pédopsychiatrie peuvent travailler ces questions, il nous semble important de relever les possibilités de prises en charge avant l’âge adulte telles que la transition sociale et les traitements hormonaux.

La transition sociale est depuis un certain temps proposée à l’étranger, mais commence à peine à l’être en France. Cela consiste à permettre à l’enfant ou à l’adolescent d’explorer le sentiment d’appartenance au sexe désiré en l’expérimentant dans son environnement. L’enfant ou l’adolescent choisit un nouveau prénom (ce choix est souvent fait avec ses parents), et l’inscription à l’école se fait sous cette nouvelle identité. L’expérience des équipes étrangères a pu rendre compte d’un cas où l’enfant, après une transition sociale, adopte finalement son sexe de naissance (di Ceglie, 2014).

La World Professional Association for Transgender Health (WPATH), anciennement appelée Harry Benjamin International Gender Dysphoria Association, est une association de professionnels qui propose des conseils de prise en charge (Standards of Care, première publication en 1985). La 7e version des Standards of Care23 distingue trois types d’intervention chez les adolescents : les interventions totalement réversibles concernent la mise en place d’un traitement hormonal afin de bloquer la puberté ; celles partiellement réversibles consistent à mettre en place un traitement hormonal masculinisant ou féminisant ; et les interventions

23 Coleman, E., Bockting, W., Botzer, M., Cohen-Kettenis, P., DeCuypere, G., Feldman, J. et al. (2012). Standards

of care for the health of transsexual, transgender, and gender-non conforming people, version 7. International Journal of Transgenderism, 13(4), 165-232.

irréversibles concernent la chirurgie, proposées uniquement à la majorité du patient.

Avant la puberté, un traitement hormonal peut être initié pour bloquer l’apparition des caractères sexuels secondaires. Cette pratique est appelée le protocole hollandais (Deutch

protocole), car ce sont les Pays-Bas, et plus particulièrement l’équipe d’Amsterdam, qui furent

les premiers à proposer ce type de prise en charge. Ce traitement présente deux intérêts majeurs : celui de pouvoir laisser à l’adolescent le temps de réfléchir à ce qu’il souhaitera poursuivre comme changement ou non, tout en réduisant la souffrance inhérente à son sexe biologique et celui de réduire le nombre d’interventions chirurgicales si l’adolescent souhaite plus tard poursuivre sa transformation (Cohen-Kettenis et al., 2011).

L’équipe d’Amsterdam recommande de commencer un tel traitement à partir de l’âge de 12 ans environ et au stade Tanner 2 à 3, car à ce stade l’apparition des premiers signes de puberté reste réversible. Le traitement doit être instauré par un endocrinologue pédiatre. Pour les adolescents de sexe de naissance masculin, un traitement par analogue d’hormones dites gonadolibérines (GnRH) permet de stopper la synthèse par l’hypophyse des gonadostimulines, et donc la sécrétion de testostérone. De façon alternative, il est possible de choisir un traitement par progestérone, ou un autre traitement qui permet de bloquer la sécrétion de testostérone, ou de neutraliser son action. Les adolescents de sexe de naissance féminin peuvent bénéficier d’un traitement analogue de la GnRH qui stoppe la production d’estrogène et de progestérone. Une alternative peut être un traitement par progestérone. Par ailleurs, les analogues de la GnRH ont un impact sur le bon développement osseux et sur la croissance ; l’adolescent poursuit ainsi sa croissance à un rythme de préadolescent.

À 16 ans, soit à l’âge auquel un adolescent aux Pays-Bas peut prendre ses propres décisions médicales, il est possible de proposer un traitement hormonal de transformation de sexe (cross

sex hormone). Les critères sont sensiblement les mêmes que ceux pour le traitement

suppresseur. Ce traitement a pour but de faire apparaître les caractères sexuels secondaires dans le genre désiré.

Ce traitement hormonal, masculinisant ou féminisant, est similaire à celui proposé à l’âge adulte. Une étude longitudinale de vingt-deux ans, conduite par l’équipe d’Amsterdam, sur une cohorte de treize adolescentes (MtF), qui ont poursuivi un traitement hormonal et une chirurgie à l’âge adulte, montre qu’aucun des sujets ne regrette le traitement. Il n’a été relevé aucun problème quant au développement osseux des adolescents. La taille adulte des sujets de cette cohorte est dans la norme, même si elle est inférieure à la moyenne des hommes hollandais (Cohen-Kettenis, 2011).

A la suite d’un tel parcours, un jeune adolescent qui souhaite bénéficier d’une chirurgie peut l’engager dès ses 18 ans. La chirurgie la plus fréquemment demandée est pour les hommes transgenres la mammectomie24. La vaginoplastie (ou aïdoïopoïèse25) est aussi fréquemment

demandée par les femmes transgenres. Cependant la phalloplastie (ou phallopoïèse26) qui présente un certain nombre de complications postopératoires et des résultats qui ne sont pas toujours suffisants n’est pas toujours souhaitée. Une autre technique permet moins de complications, conduit à un pénis de petite taille, c’est la métaidoïoplastie27. De nombreux facteurs amèneront donc les personnes à envisager une technique chirurgicale plutôt qu’une autre.

Ce rapide aperçu des possibilités de prise en charge avant l’âge adulte laisse ainsi comprendre qu’une personne transgenre peut dès l’arrivée à la majorité bénéficier d’une opération chirurgicale de réassignation. Le parcours de transition peut ainsi aboutir au sortir de l’adolescence, et le sujet aura donc la possibilité de ne pas vivre de transition sociale durant sa vie universitaire et/ou professionnelle.