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1. Qu’est-ce qu’être père ?

1.3. Le désir paternel

1.3.2. La métaphore paternelle

L’idée principale de la métaphore paternelle est, selon Lacan, la substitution d’un symbole de langage par un autre symbole de langage. En ce sens, le signifiant initial est le désir originaire de la mère. Ce signifiant sera refoulé, par ce que Lacan appelle le refoulement originaire pour laisser la place à un autre signifiant de substitution.

Nous avons évoqué le passage entre être et avoir le phallus. Pour que ce passage puisse se faire, il est nécessaire que l’enfant associe les absences de la mère à la présence du père. Ce repérage associatif permettra la désignation symbolique de la place du père qui s’opérera par une métaphore.

La métaphore paternelle consiste donc à ce que le désir de la mère, donc le phallus (qui peut être appelé S1) soit associé à un signifiant nouveau, le Nom-du-Père (S2)112. L’introduction

de ce nouveau signifiant S2, implique le passage dans l’inconscient de S1, soit par le

refoulement. Cette substitution métaphorique amène l’enfant à reconnaître le père comme objet du désir de la mère.

Cette opération permet à l’enfant de reconnaître le désir de la mère, cependant il ne le reconnaît plus comme étant en son lieu. Le signifiant phallus comme être l’objet qui comble le désir de la mère est substitué par le Nom du père. Cette substitution est une reconnaissance de la castration par l’enfant puisque par la reconnaissance du Nom-du-Père il lui concède les qualités d’être castrateur. La castration est entendue comme la perte symbolique d’un objet imaginaire.

Le Nom-du-Père n’apparaît que par le mécanisme de symbolisation qu’est la métaphore et la reconnaissance de la Loi du père qui impose à l’enfant de recourir au refoulement originaire.

Si nous reprenons la distinction que nous avons apportée entre père réel, père symbolique et père imaginaire, il est possible de la résumer avec Joël Dor de la manière suivante : « Le père réel a été investi comme père symbolique par la médiation du père imaginaire »113.

La métaphore du Nom-du-Père est, comme nous venons de le voir, une lecture lacanienne du complexe d’Œdipe. Toutefois, la portée qu’en donne Lacan est importante, car il l’a située

112 S = Signifiant. Nous reprenons ici le repérage proposé par le développement de Joël Dor (1998, p. 49). 113 Dor, J. (1998), op. cit., p. 55.

comme l’entrée dans le registre symbolique. Dans le développement qui nous intéresse sur notre question, il est intéressant de relever l’idée que la présence d’un homme n’est pas nécessaire. Cependant nous retiendrons qu’il est nécessaire qu’un Autre puisse tenir la place d’un Père réel pour que s’effectue la métaphore paternelle.

Dans cette reprise de l’approche lacanienne, nous nous apercevons que le Père n’est reconnu que comme une place. Une place différenciée de la place de la Mère vis-à-vis de l’enfant. Cette présentation de la métaphore paternelle s’éloigne un peu du positionnement que nous avons sur la question père. En effet, nous souhaitons nous centrer du point de vue du père, or la métaphore paternelle n’a de réalité que pour l’enfant. Il s’agit de la façon dont l’enfant va composer avec le désir de sa mère. Néanmoins, durant cette opération de la métaphore, la personne tenant la place de ce Père devra aussi composer face à l’enfant en fonction de son propre vécu de la castration. C’est en tout cas ce que l’on peut en imaginer.

C’est la difficulté à pouvoir penser la mise en place de la métaphore du Nom du père qui possiblement remet en question les enjeux absolument nécessaires à l’ordre symbolique. L’articulation entre ordre symbolique et ordre social semble entretenir un lien ténu qui participe de la tendance de la confusion conceptuelle. Cet ordre symbolique s’inscrit comme garant permettant de faire une communauté d’Homme et à ces derniers de s’y reconnaître. Ce glissement conceptuel est à entendre pour Michel Constantopoulos comme malentendu :

Un siècle de psychanalyse nous a appris à voir en la figure du père le garant de la Loi symbolique, loi neutre, tenue au-dessus des passions particulières. […] on parle toujours bel et bien de loi et d’ordre, mais on les considère paradoxalement de plus en plus comme amputés de leur fonction symbolique, les confondant du coup avec la loi et l’ordre social et juridique114.

Et l’auteur poursuit :

Notre époque éperdument orpheline contient en germe de nouvelles possibilités pour la figure paternelle. Ce qu’on nomme son déclin, ce n’est peut-être en réalité qu’une invitation à sortir de la place traditionnelle du tyran domestique,

à quitter le rôle ingrat du garant de l’autorité au sein de la famille dans lequel il s’était vu confié depuis les origines de la civilisation115.

Ce tyran domestique trouve-t-il alors des figures de renouvellement dans notre société ? Comment est-il possible d’appréhender le désir de paternité des hommes à l’aube de ce déclin paternel ? Le père procède possiblement déjà des effets de mutation et de renouveau au sein des cellules familiales de structuration, dirons-nous traditionnelle. Comment est-il possible de considèrer l’essence de ce désir d’homme d’accéder à la parentalité ? Nous devons poursuivre notre cheminement par l’approche d’un type de désir d’homme instituant de nouvelles cellules familiales, cette fois des cellules familiales non traditionnelles.