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1. Qu’est-ce qu’être père ?

1.3. Le désir paternel

1.3.3. Le désir d’enfant au masculin

Le désir d’être père n’a présenté d’intérêt que bien tardivement dans la littérature. La question du désir de maternité émerge principalement afin de distinguer la position de la mère à celle de la femme. C’est-à-dire qu’être mère pouvait se distinguer d’être femme par la dimension qu’introduit le désir de maternité ainsi que celui du désir de grossesse. La femme n’est pas seulement une potentielle mère, mais elle est un sujet désirant, dans sa féminité. Il y a chez la femme la possibilité de rendre visible ses deux positions différentes que sont : celle de la femme et celle de la future mère, lorsque celle-ci est enceinte.

Pour saisir des éléments nous permettant de percevoir ce qu’il en est du désir de paternité, il nous faut nous intéresser à la question de l’homoparentalité de nouveau. Dans la mesure où l’ouverture à l’accès à la parentalité pour les couples de même sexe interroge, des études ont pu se construire afin de rendre compte de ce qu’il en est de ce désir singulier d’être homme, homosexuel, et ayant un désir de faire un enfant. Nous faisons ici le choix de nous centrer sur les situations où le couple va « faire un enfant » par le passage à l’aide médicale à la procréation.

Dans une approche sociologique, et dans le champ des sciences humaines de façon plus générale, le cas des parents de même sexe ouvre la possibilité d’une étude de la parentalité dissociée de la question de la transmission biologique (au moins pour l’un des deux parents). La distinction de genre ne se présente dans ces cas plus comme une variable nécessaire à l’étude des comportements paternels et maternels. L’opposition des genres est nuancée. Il est possible qu’un homme puisse offrir des soins dits maternels à l’enfant, comme l’avancent ces

« nouveaux pères » (Badinter, 1992). Ce terme de nouveau père a été employé pour rendre compte de la position qu’affirment ou que souhaitent avoir des pères vis-à-vis de leur enfant. Une position qui ne s’oppose pas à la position maternelle, et qui avance l’idée que la mère ne serait pas la seule à parvenir à être compétente pour les soins des enfants, et que ces pères peuvent passer du temps avec eux et plus globalement être attentifs à la qualité de la relation père-enfant.

Une enquête menée en 2011 par Martine Gross auprès d’une soixantaine de pères gays ou futurs pères, le désir d’enfant s’exprime selon trois axes (Gross, 2012) :

- vivre la paternité, - transmettre,

- et réaliser un projet parental de couple.

Ces éléments sont en cohérence avec les résultats des travaux d’Emmanuel Gratton. L’étude est menée auprès d’hommes homosexuels désirant faire un enfant. L’auteur précise : « Le désir d’enfant renvoie à la fois au prolongement de soi, à l’inscription dans sa généalogie et à une participation à la communauté des hommes. »116. Par l’analyse d’entretiens qualitatifs effectués avec des hommes ayant recours à la GPA trois axes émergent. La réflexion autour des motivations de ces hommes quant à leurs désirs d’enfant amène E. Gratton à la représentation cartographique suivante :

116 Gratton, E. (2008). L'homoparentalité au masculin. Le désir d’enfant contre l’ordre social. Paris : Presses

animaux, l’homme choisit la procréation, et par la même appréhende la conscience de sa propre finitude. L’homme donne un sens à son désir.

En parallèle à ce point, Gratton extrait ce qui relève d’un désir généalogique : le désir d’alliance et le désir existentiel.

- L’alliance : au sein de cet axe, il est question de l’appréhension d’un désir qui est partagé au sein du couple. Toutefois, Gratton retrouve l’expression de désir personnel exprimé par certains des hommes rencontrés.

- L’existentiel : le désir de connaître et d’éprouver cette expérience. L’idée étant que la parentalité est un sentiment particulier, singulier et unique. Le désir de paternité s’inscrirait dans le cadre de cette possibilité de le vivre.

La cartographie que propose Gratton qui est le résultat de sa réflexion autour de ces rencontres n’implique pas une similitude absolument et ne concerne pas l’ensemble des hommes rencontrés. Cette cartographie implique plutôt un passage particulier, pour chacun de ses hommes, dans lequel le désir d’enfant chemine pour chacun d’eux. La cartographie présente deux pôles distincts pour chacun des axes. L’axe de la transmission propose ainsi le désir généalogique sur un versant, et l’inquiétude de cette généalogie sur un autre.

Pour exemple, le désir de transmission peut apparaît empreint d’ambivalence. Certains hommes expriment leurs inquiétudes quant à la possibilité de transmettre des choses qu’ils ne souhaiteraient pas. L’axe de l’existence propose un versant de sensibilité et un autre de virilité. Un exemple proposé par Gratton estit l’expression du nombre de spermatozoïdes retrouvés après un recueil de sperme pour l’un des hommes qui manifeste une forme de valorisation de sa propre virilité. L’axe de l’alliance enfin est selon Gratton celui qui est le plus particulier vis- à-vis de la situation homoparentale, car il relève une forme de demande de pouvoir vivre au sein de ce couple de même sexe la possibilité d’avoir « un enfant de l’amour »118.

Parmi ces trois axes, Gratton précise que le premier fait référence à la différence des générations. Le deuxième axe implique la question de la différence des sexes.

Ces deux axes sont inclus par Gratton dans ce qu’il appelle l’ordre symbolique.

Le troisième cependant fait référence à une particularité propre à l’homosexualité qui est de s’opposer à « l’ordre social ». Cette distinction entre social et symbolique rejoint en partie notre réflexion autour des questionnements propres au déclin du père.

Pour poursuivre notre questionnement, il nous est nécessaire de procéder maintenant à l’interrogation de la dimension qu’induit la situation médicale lors de son aide à la procréation. Ce champ est de plus en plus vaste et implique un nombre très important de questions. Nous le limiterons ici à celui du cadre qu’autorise la législation française au moment de l’écriture de ce travail.