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Afin d’analyser nos enregistrements, nous avons fait le choix de procéder en trois étapes : - Première étape : à la lecture des retranscriptions et en réécoutant les enregistrements, nous avons procédé à l’élaboration d’un schéma pour chacun des enregistrements. Ce schéma suit le fil du discours du participant en restant au plus près des mots employés par lui. Cette première étape permet la production d’une cartographie, qui présente l’avantage de pouvoir visuellement rendre compte du discours de chacun des pères, et de suivre leurs associations.

- Deuxième étape : à l’appui des retranscriptions, des enregistrements et des schémas produits nous procédons à la rédaction d’une première analyse qui s’attarde à rester au plus près des mots employés par le participant. Cette étape nous permet de relever les thématiques qui émergent ainsi que les sous-thèmes auxquelles elles s’associent. - Troisième étape : après avoir fait ces premiers repérages, nous proposons, lorsque

l’entretien le permet, d’émettre une réflexion d’approche analytique de la rencontre avec le père autour du discours qu’il propose.

Lorsque l’ensemble du matériel a été analysé pour chaque sujet, et avec les thèmes relevés, nous rédigeons une analyse à partir de chacun des thèmes et des sous-thèmes. Ce travail de rédaction implique de reprendre les analyses effectuées dans un premier temps et d’ouvrir sur des réflexions futures. Ces analyses thématiques proposeront également une lecture à l’appui du paradigme psychanalytique.

ANALYSE DES ENTRETIENS

L’analyse des entretiens rédigée ci-après inclut l’emploi des guillemets exclusivement comme citation des mots employés par le père dont nous proposons l’analyse. Nous distinguons l’analyse selon le nombre d’entretiens que nous avons pu avoir avec le parent. Un « entretien » correspond au discours d’un père à propos d’un enfant. Les pères ayant un enfant unique n’ont donc eu qu’un seul entretien, tandis que les pères de quatre enfants ont passé quatre entretiens. La présentation distingue un premier temps pour le repérage thématique. Ce repérage s’appuie sur un travail d’écoute et de lecture-relecture des enregistrements et des retranscriptions

correspondantes146. Lorsque l’entretien le permet, nous proposons un second temps d’analyse

à l’appui du paradigme psychanalytique.

L’ensemble de cette partie d’analyse réduit autant que possible le recours à la théorie. Le paradigme analytique est convoqué dans ce qu’il admet des formulations de l’inconscient dans le champ de la parole et du langage.

Avant chaque analyse, nous présentons brièvement le père, la situation du couple parental (si le couple est séparé par exemple) et les informations factuelles à propos du parcours de transition. Le tableau ci-dessous présente l’ensemble des pères trans rencontrés avec le nombre d’enfants, l’âge et le sexe des enfants.

PARTIE 3 : LES RESULTATS DE CES RENCONTRES

Suite à notre analyse en reprenant l’ensemble des entretiens effectués auprès des seize pères rencontrés, nous proposons ici de rendre compte des résultats pouvant être extraits de cette analyse. Dans un souci de rendre visuellement compte de ce qui a été relevé pour l’ensemble de notre matériel, nous avons proposé d’utiliser des schémas. Cette représentation visuelle doit permettre de faciliter la compréhension et l’articulation des idées mit en avant ce travail. Ce que nous appelons nos résultats se distingue en deux grandes parties.

La première est le relevé thématique de l’ensemble du matériel d’entretien. Les thèmes sont aux nombres de trois. Pour chaque thème se soustrait entre deux et trois sous thèmes. Les sous-thème sont ensuite détaillé et font l’objet de décomposition entre deux ou trois sous ensemble. Pour rendre compte de la propension relative de ce regroupement, nous présentons en Annexe 3 l’occurrence d’apparition des thèmes et sous-thèmes.

La première partie de ces résultats permettent une représentation schématique de la paternité des hommes transgenres qui furent rencontrés. La seconde partie consiste à présenter ce que nous avons relevé durant notre analyse, à savoir des points de tension dans le discours pour certains des pères. Nous proposons d’élaborer une définition de ces points de tension. Et d’en saisir la teneur, nous avons souhaité les isoler dans un premier temps, avant de procéder à la mise en lien d’ensemble pour chacun de ces points. C’est ce travail que nous présentons dans la seconde partie des résultats.

DESCRIPTIONS DU RELEVE THEMATIQUE DE L’ANALYSE

Le relever des thèmes et des sous thèmes s’appuie du repérage que nous avons effectué lors de l’analyse des entretiens. En recoupant ce premier repérage, nous sommes arrivés à l’obtention de trois grands thèmes pouvant être extraits du matériel clinique. Le premier thème a été appelé « Être Père », et rend compte de l’impact de ce signifiant pour l’homme. Le deuxième thème est la « Relation père-enfant ». Ce thème développe les aménagements de l’homme dans son lien à son ou ses enfants. Enfin le troisième thème est la « Singularité de l’enfant – Caractéristiques ». Ce dernier thème rend compte du regard que l’homme porte sur son enfant. Ce regard laisse émerger la perception du père de la singularité de l’enfant et de sa différenciation progressive d’avec les parents.

Nous proposons une représentation schématique globale du relevé thématique sur la Figure 9.

interne ou externe (Freud, 1926). L’apport de Lacan se distingue un peu de cette définition, comme le rappelle Choula Emerich (Chemama & Vandermersch, 2009). Pour Lacan l’angoisse est l’affect qui s’empare d’un sujet lors de sa confrontation au désir de l’Autre. Dans cette acception, l’angoisse est la manifestation de la quête de l’objet perdu du sujet. L’objet perdu étant un équivalent symbolique du phallus (équivalent par métonymie). L’angoisse apparaît pour Lacan non pas face au manque, mais précisément parce que la place accordée au manque n’est plus. Tel l’enfant qui peut vivre l’angoisse associée au sein. Mais non pas face au risque que le sein puisse lui manquer, mais par le fait que le sein puisse être trop envahissant. L’angoisse est alors ce qui laisse le sujet dépendant de l’Autre, sans mise en mot possible, hors symbolisation.

Au sein des entretiens effectués auprès des pères, il ne semble pas adapté d’évoquer ces points de tensions que nous avons rencontré comme de l’angoisse. Face à l’angoisse, le sujet est saisi d’un impossible, et se retrouve dans l’impossibilité d’agir mais cela pour la raison d’être lié à l’hors symbolisation, car soumis au désir de l’Autre. Les points de tension que nous avons rencontrés ne paraissent pas rencontrer cette définition de l’angoisse. Il n’est pas si évident, dans notre constat que les pères transgenres rencontrés soient particulièrement tributaires du désir de l’Autre. Par ailleurs, ces points de tension ne sont pas, en eux même hors symbolisation.

Ce qui sensiblement se perçoit autour de ces points de tension semble s’apparenter à une forme d’inquiétude. Une inquiétude dans le sens d’une interrogation du père face à un élément qui trouve un écho interne (qui vient de sa psyché) mais provenant de l’extérieur (provenant de ce qu’il perçoit de l’enfant). L’inquiétude définit un état d’affect pénible, étant causé par la crainte, l’appréhension ou l’incertitude. Ce terme semblerait alors s’approcher un peu plus sensiblement à la description des points de tension que nous avons rencontrés. Cependant, le mot inquiétude rend compte d’une manifestation somme toute assez visible chez le sujet, ce qui ne peut pas absolument recouvrir l’ensemble des éléments que nous avons identifiés.

Un autre parallèle pourrait être proposé afin de définir ces points de tension avec le terme de préoccupation. Nous avons, durant notre cheminement théorique rencontrée la notion de préoccupation paternelle primaire telle que proposée par Delaisie De Parseval. Sans adhérer exactement à ce concept qui se porte plus spécifiquement autour de la période périnatale, la notion de préoccupation s’attache à rendre compte d’un état manifeste d’inquiétude. La préoccupation porterait sur un aspect particulier que le sujet ne peut extraire de sa pensée, mais qui lui demande une réponse comportementale. Un état de préoccupation introduit la nécessité

d’engager une action pour répondre à cette préoccupation. À la manière de la préoccupation primaire (paternelle ou maternelle comme définit par Winnicott), le père se situe dans un état psychique particulier qui lui permet de s’ajuster à l’enfant. Les points de tension que nous avons relevés ne sont pas corrélés à la mise en place d’un bon ajustement vis-à-vis de l’enfant. Bien au contraire, ces points de tension se présentent comme impossibilité pour le père de savoir comment s’ajuster. Ces points appellent la sollicitude du père pour s’ajuster à l’enfant, mais le père ne sait comment y répondre. Sans être primaire, chacun des points de tension rencontrés ne s’apparente pas à de la préoccupation.

Durant la période de notre réflexion autour d’un signifiant pouvant épingler plus spécifiquement ces éléments nous avons appris qu’en début d’année 2018, une nouvelle traduction est proposée par Marie-Hélène Piwnik pour l’un des ouvrages du célèbre auteur portugais Fernando Pessoa. Cette information nous a interpellé dans la mesure où l’ouvrage nouvellement traduit fut intitulé Livre(s) de l’inquiétude148. Jusqu’alors l’ouvrage avait été

traduit par Le livre de l’intranquillité149. Afin de comprendre la raison de ces deux traductions, nous sommes retournés à la version originale du titre de l’œuvre pour tenter de comprendre ce que pouvait recouvrir ce terme si difficile à rendre compte en français.