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En rupture avec le cadre législatif traitant habituellement la question environnementale de façon sectorielle, deux textes de loi marquent également cette décennie et introduisent une nouvelle approche territoriale des problématiques environnementales. Portant à la fois loi d’aménagement et d’urbanisme, la loi « Montagne » et la loi « Littoral » introduisent la notion d’équilibre entre développement et protection des milieux.

Tout d’abord, la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, dite loi « Montagne », reconnaît la spécificité d’un espace, de son aménagement et de sa protection :

« La montagne constitue une entité géographique, économique et sociale dont le relief, le

climat, le patrimoine naturel et culturel nécessitent la définition et la mise en œuvre d'une politique spécifique de développement, d'aménagement et de protection. L'identité et les spécificités de la montagne sont reconnues par la nation et prises en compte par l'Etat, les établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements dans les actions qu'ils conduisent.

La politique de la montagne a pour finalité de permettre aux populations locales et à leurs élus d'acquérir les moyens et la maîtrise de leur développement en vue d'établir, dans le respect de l'identité culturelle montagnarde, la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et les autres régions. Elle se fonde sur la mise en valeur optimale des

potentialités locales » (Article 1, version initiale).116

Identifiant la spécificité de ces milieux, la loi introduit la notion « d’auto- développement », supposant « la reconnaissance du droit à un développement spécifique », « la mobilisation simultanée et équilibrée des ressources disponibles (…) » et « la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation des sites et des paysages (…) » et préfigurant ainsi les principes de développement durable énoncés quelques années plus tard dans le rapport Brundtland. Le texte initial évoluera dans ce sens en supprimant le terme « d’auto-développement » au profit d’un « développement équitable et durable ». Complétant les dispositions énoncées par la loi, les directives territoriales d’aménagement établies pour chaque massif précisent les espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine naturel et culturel montagnard, notamment les grottes, glaciers, lacs, tourbières, marais, lieux de pratiques de l’alpinisme, d’escalade…

Dans le domaine de l’urbanisme, la loi énonce dans son article L 145-3 les principes fondateurs d’aménagement et de protection :

116 La loi s’applique aux Alpes du Nord et du Sud, à la Corse, au Massif Central, au Massif Jurassien, aux

Pyrénées et au Massif Vosgien, ainsi qu’aux communes de la Réunion situées à plus de cinq-cents mètres d’altitude et plus de trois-cent-cinquante mètres pour la Guadeloupe et la Martinique.

- préserver les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières,

- préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, à travers les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols,

- réaliser l'urbanisation en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants,

- respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels et prendre en compte les communautés d'intérêt des collectivités locales concernées, pour tout ce qui concerne le développement touristique et, en particulier, la création d'une Unité Touristique Nouvelle (U.T.N.).

Le principe d’extension de l’urbanisation en continuité117

constitue un outil coercitif particulièrement fort qui annonce l’idée de limitation de la consommation foncière et de d’étalement urbain appliquée plus tard à l’ensemble du territoire national avec la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (S.R.U.) de 2000 et la loi Grenelle 2 de 2010. Le principe est d’autant plus efficace qu’il s’articule avec la loi « Littoral », supposant que le principe le plus restrictif s’applique pour les communes exposées aux deux textes de loi.

En effet, la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, dite loi « Littoral »118

, détermine les conditions d’utilisation et de mise en valeur des espaces terrestres, maritimes et lacustres. Elle s’applique aux communes riveraines des océans, mers, étangs salés et plans d’eau naturels ou artificiels de plus de mille hectares. Comme la loi Montagne, elle constitue une loi d’aménagement et d’urbanisme qui a pour but :

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Application de la règle d’inconstructibilité sur la bande des trois cents mètres dans les parties naturelles des rives des plans d’eau d’une superficie inférieure à mille hectares; si la superficie est supérieure à mille hectares, la loi Littoral entre en vigueur. De plus, il est interdit de construire des routes nouvelles dans les parties situées au dessus de la limite forestière sauf pour le désenclavement, la considération de défense nationale et la réalisation de liaison d’ordre international. Les aménagements de type touristiques doivent se faire en continuité avec l’existant c'est-à-dire en « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » ou en « Unité Touristique Nouvelle » conformément à la règle d’urbanisation en continuité avec les constructions existantes.

118 En France, les réflexions stratégiques sur l’aménagement des littoraux sont anciennes. Dès 1969, l’un des

trois scénarios prospectifs « contrastés » étudiés par la D.A.T.A.R. avait pour thème « La France côtière » (à côté de « la France rurale » et « la France de 100 millions d’habitants »). En 1973, le rapport « Piquard » commandé par le C.I.A.T. (Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire) du 13 mai 1971, proposait dix mesures de sauvegarde et posait les bases du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Le conservatoire est créé en 1975, par l’Etat, avec pour mission de mener une politique foncière de sauvegarde de l’espace littoral. Après acquisition, le conservatoire sous-traite (aux communes ou à d’autres structures) la gestion de l’espace. La loi reprend également les orientations de la directive d’aménagement national du 25 août 1979.

- la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation des sites, des paysages et du patrimoine culturel et naturel du littoral,

- la préservation et le développement des activités économiques liées à la proximité de l’eau, - la mise en œuvre d’un effort de recherche et d’innovation portant sur les particularités et les ressources du littoral.

Différents dispositifs de la loi participent ainsi à la protection du patrimoine et des paysages :

- La maîtrise de l’urbanisme avec le principe d’extension en continuité ou en hameau nouveau intégré à l’environnement, mais limitée par la création de coupures d’urbanisation et dans les espaces proches du rivage ; non constructibilité dans la bande littorale des cent mètres (calculé à compter de la limite haute du rivage).

- La protection stricte des espaces et des milieux naturels les plus caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral.

- L’élaboration de Schémas de Mise en Valeur de la Mer (S.M.V.M.).

Dans le domaine de l’urbanisme, et dans le même esprit que la loi « montagne », la loi introduit de nouvelles notions visant à préciser les conditions d’urbanisation des espaces littoraux :

- la maîtrise de l’urbanisation, - la coupure d’urbanisation,

- l’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage, - la bande des cent mètres,

- les espaces remarquables et fragiles, - le libre accès au rivage,

- la création de nouvelles routes,

- le camping, stationnement de caravanes,

Nourrie par une jurisprudence importante119

, le texte évoluera jusqu’aux années deux mille (et notamment à partir de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain de 2000) dans l’objectif de renforcer l’articulation entre la protection des espaces littoraux, leur fréquentation par le public et le maintien des activités économiques.

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Notamment sur l’interprétation des notions d’extension limitée de l’urbanisation, de hameaux nouveaux, de continuités d’urbanisation, de coupures d’urbanisation…

D’autres textes de loi ponctueront cette période : loi du 11 juillet 1985 relative à l’urbanisme des abords d’aérodromes, loi du 6 janvier 1986 relative à diverses simplifications administratives en matière d’urbanisme, loi du 23 décembre 1986 relative à l’investissement locatif et au développement de l’offre foncière (loi dite « Méhaignerie »).

La poursuite d’une politique énergétique

La fin des années quatre-vingt est également marquée par la deuxième réglementation thermique de 1982 (RT 1982) faisant suite au second choc pétrolier de 1979. Cette réglementation vise un nouveau gain de 20% sur la consommation énergétique en renforçant les contraintes liées aux besoins en chauffage qui doivent tenir compte des apports extérieurs et intérieurs.

En 1988, une troisième réglementation (RT 1988) s’applique aux bâtiments neufs résidentiels et non résidentiels. Elle élargit le calcul de consommation énergétique aux besoins en eau chaude sanitaire et aux équipements de confort (ventilation, climatisation).

Au plan international, les années quatre-vingt sont d’abord marquées par la publication du rapport de l’Union Internationale de la Conservation de la Nature qui attire l’attention de l’opinion publique et des Etats sur un certains nombre de problématiques environnementales exigeant la mise en place d’une solidarité internationale en matière d’environnement : apparition du « trou » dans la couche d’ozone, pluies acides, apparitions des premiers symptômes des gaz à effets de serre, déforestation, désertification…

C’est également au cours de la décennie des années quatre-vingt que le sujet de la perte de biodiversité émerge véritablement au plan international. Certes, les travaux du Club de Rome avaient déjà alerté les consciences sur les menaces subies par la biodiversité et sur la nécessité de considérer celle-ci comme un bien commun vital pour l’humanité. En 1982, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (U.I.C.N.) élabore une charte mondiale de la nature adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 28 octobre 1982.

Mais c’est surtout la fin des années quatre-vingt qui marque d’une date clef l’émergence d’une conscience environnementale internationale. Le 27 avril 1987, est publié le rapport de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (C.M.E.D.) de

l’Organisation des Nations Unies, commission présidée par Mme Grö Harlem Brundtland120

. Le rapport intitulé « Our Common Future » (« Notre avenir à tous ») est présenté lors de la 42ème

session de l’Assemblé générale des Nations Unies et fonde le principe de développement durable autour de la définition suivante :

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

Ce rapport constitue le socle de discussion du Sommet de la Terre de 1992 (Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, C.N.U.E.D.) mais il ouvre surtout le début d’une période d’intégration de ses principes dans la législation des Etats engagés sur les différents traités et accords internationaux qui vont émailler la décennie des années quatre-vingt-dix.

2-3) Les années 90 : l’influence des accords internationaux sur la

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