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A l’imitation des pays voisins dotés d’une législation de planification urbaine, comme la Suède (loi de 1874), les Pays-Bas (loi de 1901), la Grande-Bretagne (loi de 1909), et pressé par les nécessités de la reconstruction des villes du Nord et de l’Est, le parlement adopte les lois Cornudet46

du 14 mars 1919 et du 19 juillet 1924 du nom de son rapporteur47

. Ces premières lois d’urbanisme posent des principes fondateurs relatifs à la notion de planification urbaine, avec l’affirmation d’un droit de regard de l’administration sur toute nouvelle construction sur trois éléments, hygiène, esthétique et ordre public, reprenant ainsi dans une grande constance historique les trois fondamentaux du préfet Haussmann. Le développement urbain des communes ne doit plus répondre à la simple règle de l’alignement mais doit s’inscrire dans la rédaction de projets coordonnant tous les points d’intervention précédemment cités.

Dans ce sens, les articles 1 et 2 de la loi prévoient que les plans d’aménagement, d’embellissement et d’extension doivent être composés de trois éléments : un plan général, un programme et un projet arrêté du maire de la ville concernée. Le plan général doit indiquer : les créations ou modifications apportées à la voirie, la disposition des places jardins et espaces verts, l’emplacement des monuments et équipements publics. Ce plan, établi sous l’autorité du maire, définit les conditions d’application des mesures prévues au plan d’ensemble après avis du conseil municipal. Le programme doit déterminer les servitudes hygiéniques, archéologiques et esthétiques, la hauteur des constructions, et enfin les dispositions à prendre en matière d’alimentation d’eau, d’assainissement et d’élimination des déchets.

Mais au-delà des exigences esthétiques et hygiénistes, ces lois font apparaître pour la première fois l’idée d’une nécessaire maîtrise de la croissance urbaine sur les territoires soumis à une forte pression foncière. En effet, ces mêmes articles stipulent que la loi s’applique : à toutes les communes de la Seine ; aux communes de plus de 10 000 habitants ;

46 Viviane CLAUDE, Pierre-Yves SAUNIER, « L’urbanisme au début du siècle. De la réforme urbaine à la

compétence technique », In : Vingtième siècle, Revue d’histoire n° 64, octobre-décembre 1999, pp. 25 à 40 /

DEMOUVEAUX Jean-Pierre, LEBRETON Jean-Pierre, « La naissance du droit de l’urbanisme – 1919-1935 »,

Les éditions des Journaux officiels, 2007, 476 p.

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Honoré-François-Joseph Cornudet des Chaumettes (21 mars 1861 - 11 février 1938), député puis sénateur de Seine-et-Oise.

aux villes de moins de 10 000 habitants et de plus de 5 000 habitants dont la population a augmenté de plus de dix pour cent entre deux recensements quinquennaux ; les stations balnéaires, maritimes, hydrominérales et sportives dont la population augmente de cinquante pour cent à certaines périodes de l’année ; les agglomérations totalement ou partiellement détruites par suite de faits de guerre, d’incendies, de tremblements de terre.

L’alinéa 2 de l’article 1 précise que « ce projet (…) devra être établi dans un délai maximum

de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi »48

.

L’article 6 prévoit enfin un pouvoir de substitution du projet si les délais de trois ans ne sont pas respectés. Dans les faits, ces délais ne seront pas respectés ; le plan Cornudet ne sera établi sur Angers qu’en 1939, dessiné à Nice en 1926 et déclaré d’utilité publique en 1936,

Instituée par cette même loi dans son article 5, la Commission supérieure d’aménagement d’embellissement et d’extension des villes, qui dépend du ministère de l’Intérieur, est chargée d’établir les règles générales de nature à guider les municipalités dans l’application de la loi. Elle apporte son conseil dans l’élaboration du plan d’ensemble et communique son avis sur tous les projets qui lui sont envoyés par les préfets ou les commissions locales. Ce rôle de conseil et surtout d’avis (sous l’autorité du ministre de l’Intérieur) marque la naissance de l’urbanisme d’Etat à la française. Le rôle de cette commission sera significatif dans l’émergence d’une production de plans d’aménagement types fixant les principes de création des grandes infrastructures de transports, d’énergie… L’article 4 prévoit par ailleurs la mise en place d’une commission départementale d’aménagement et d’extension des villes et villages siégeant sous la présidence du préfet. Elle réunit des structures départementales préexistantes, le conseil départemental d’hygiène, la commission départementale des sites et monuments naturels, le conseil départemental des bâtiments civils, des fonctionnaires départementaux, des élus municipaux, des délégués du patronage des Habitations à bon marché. Lieu d’écoute et d’échanges sur les projets, elle devait donner son avis sur les projets municipaux, les servitudes, les dérogations et surtout, produire les rapports destinés à la commission supérieure chargée d’accepter ou non les projets.

Complétant et modifiant la loi de 1919, la loi du 19 juillet 1924 sur les lotissements a pour objectif de réguler la prolifération des lotissements en périphérie des villes. Elle instaure de principe d’autorisation préalable et réglemente les divisions de propriété par une obligation de

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La Chambre des députés prorogera le délai de réalisation de trois ans supplémentaires par la loi du 3 décembre 1923.

créer des équipements collectifs avant la commercialisation des parcelles. Le lotissement devient une opération d’urbanisme privée placée sous le contrôle de la puissance publique. Incidemment dans son article 11, la loi fait apparaître le terme de « zone » ; le principe de « zonage » trouve ainsi sa première traduction sémantique. Le Conseil d’Etat reconnaîtra définitivement par un arrêté en 1934 la validité du « zoning », c’est-à-dire « la légalité de la

répartition du territoire d’une commune en zones assujetties à des servitudes d’urbanisme particulières ». Le principe du zonage sera conforté par le mouvement moderniste et consacré

par la Charte d’Athènes préconisant l’organisation de la ville par zones indépendantes et aux fonctionnalités spécifiques.

Les lois Cornudet introduisent une grande modernité dans des règles d’urbanisme qui s’appuyaient jusqu’ici sur des principes de l’alignement. Par la création des plans d’ensemble, ces lois marquent, d’une part, la naissance du droit de l’urbanisme et plus particulièrement de l’urbanisme de planification, d’autre part, le fondement d’un urbanisme d’Etat fixant les grands principes de développement des villes, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur et des préfets. Mais l’application de la loi n’est pas effective sur le terrain ; en 1939, seules dix pour cent des communes concernées ont élaboré un document. En 1945, sur 2 300 villes ayant l’obligation d’application de la loi, 600 seulement sont pourvues d’un plan d’aménagement. De plus, les plans issus des lois Cornudet, s’ils préfigurent l’idée des plans d’occupation des sols, restent davantage dans la filiation de l’esprit du « plan des artistes ».

La poursuite d’une politique patrimoniale :

La loi du 2 mai 1930 concerne les sites naturels dont la conservation ou la préservation présente au point de vue artistique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. Elle introduit deux niveaux de protection en fonction des caractéristiques et de la valeur patrimoniale du site :

- L’initiative de classement émane de la commission départementale des sites et est pris par arrêté ministériel, après enquête publique si le classement porte en tout ou partie sur des propriétés privées ; les sites classés ne peuvent être ni détruits ni modifiés dans leur état ou leur aspect sauf par autorisation spéciale du ministre chargé des sites ;

- L’inscription est possible sans le consentement du propriétaire ; la proposition est soumise pour avis au conseil municipal, avis réputé favorable passé un délai de trois mois. L’inscription n’oblige les propriétaires qu’à aviser l’administration quatre mois avant le début de tous travaux, autres que ceux d’exploitation courante.

Autour des sites classés ou inscrits, il peut être établi par le préfet une zone de protection. Les critères définis par la loi conduisent à protéger des sites d’une très grande diversité : espaces naturels, pays et terroirs, parcs et jardins, écrins paysagers des monuments historiques…

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