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Ce texte constitue une date historique en faisant le premier emploi du mot « urbanisme » dans l’intitulé d’une loi à la fois centralisatrice et autoritaire qui donne à l’Etat la maîtrise de l’urbanisme62

.

Elle marque également une volonté de rupture avec un urbanisme qui s’est fait pendant toute la période de l’Entre-deux-guerres sous la forme pavillonnaire, lotissements découpés et vendus par des spéculateurs peu enclin à investir dans les infrastructures et équipements nécessaires à l’implantation de véritables quartiers d’habitations. Les banlieues ainsi constituées accueillent une population ouvrière pauvre, occupant des logements souvent insalubres ; sur les douze millions de logements existants en France en 1946, seule la moitié est équipée de l’eau courante.

Plus qu’une synthèse des législations antérieures, la loi de 194363

, qui comprend 114 articles, réforme le cadre de l’urbanisme réglementaire autour de trois axes : la création d’une administration centrale de l’urbanisme, une redéfinition des plans d’aménagement, un renforcement de la réglementation.

Renforçant les services de l’Etat dans ce domaine, la loi prévoit tout d’abord la création, à l’échelon central, d’une direction de l’urbanisme au sein de la délégation à l’équipement national et à l’échelon régional des Services extérieurs placés sous l’autorité d’un Inspecteur Général de l’Urbanisme.

S’inspirant de la loi de 1932 et 1935 instaurant la création des plans d’aménagement, la loi définit deux types de projets d’aménagement :

- Les projets intercommunaux établis dans le cadre de groupements d’urbanisme qui regroupent les communes liées par un intérêt commun. Ces groupements, qui s’inspirent des régions d’urbanisme de la loi de 1935, sont constitués à l’initiative des maires ou du Délégué Général à l’Equipement National (DGEN). Le suivi et l’approbation du projet sont très largement encadrés par le DGEN qui exerce un contrôle quasi complet au cours de la démarche. Le projet est soumis à enquête publique et approuvé par décret en Conseil d’Etat.

62 JACQUOT Henri, 1987, « Droit de l’urbanisme », Dalloz, Paris, 6e édition, 2008, 978 p. / SAVY Robert,

1981, « Droit de l’urbanisme », PUF, Thémis, 683 p. / MORAND-DEVILLER Jacqueline, 1996, « Droit de

l’urbanisme », Université francophones, Savoir Plus Universités, Editions ESTEM, Paris, 251 p. / CHOAY

Françoise, 1985, « Production de la ville, esthétique urbaine et architecture », in Histoire de la France urbaine, tome 5, sous la direction de Georges Duby, Seuil, pp. 233 à 281

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- Les projets d’aménagement communaux suivent une évolution similaire aux documents supérieurs. Ils sont obligatoirement établis dans les communes de plus de dix mille habitants, dans celles comprises dans un groupement d’urbanisme quel que soit leur chiffre de population, dans celles nécessitant un effort de reconstruction et dans celles soumises au régime des stations classées. L’initiative est prise par le maire ou en cas de carence par le Délégué Général qui, dans les deux cas, a la responsabilité de l’élaboration du projet. Les dépenses relatives à l’élaboration du plan sont prises en charge par l’Etat et non plus par la commune.

Enfin, renforçant également la réglementation de l’urbanisme, la loi prévoit d’étendre à tous les projets d'aménagement les mesures de sauvegarde prévues en 1935 pour les projets régionaux. De même est légalisée la possibilité de diviser le territoire en zones distinctes, déjà utilisée dans la pratique et admise par le Conseil d'Etat en 1934. Surtout, le principe de la non- indemnisation des servitudes d'urbanisme est posé, sauf si ces dernières entraînent une modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. Ce principe est encore aujourd’hui en vigueur (cf. art. L.130-5 CU) et constitue l’un des piliers de notre droit de l’urbanisme.

Le titre VII de la loi est consacré aux lotissements qu’il s’agit de contrôler plus étroitement. La notion de lotissement est clairement définie. Le rôle du préfet est accru par son autorité à délivrer les certificats attestant l’exécution des formalités permettant la vente des lots.

Le permis de construire, qui ne s’appliquait antérieurement que dans certaines villes aux termes de la loi du 14 mars 1919 (secteurs concernés par des projets d’aménagement et d’embellissement) est généralisé et unifié. Il est délivré par le Préfet au nom de l'Etat.

Dans le prolongement des lois Cornudet, puis des lois de 1932 et 1935, la loi de 1943 poursuit le principe de désignation de « zones » où sont définies des règles d’urbanisme spécifiques. Le territoire est divisé en une dizaine de « circonscription d’urbanisme ». Préfigurant un urbanisme de « zonage », la loi témoigne également des courants qui apparaissent sur les problématiques de planification urbaine :

« Cette loi peut être interprétée comme un compromis entre les deux courants qui s’opposent à la veille de la Seconde Guerre mondiale : le courant « culturaliste » qui préconise un zonage morphologique tenant compte de la nature des paysages urbains et de leur perception, et qui cherche à protéger l’existant tout en évitant à la fois de développer les ségrégations sociales et de porter atteinte aux intérêts des propriétaires fonciers ; et le courant « progressiste » largement fondé sur les principes de la Charte d’Athènes. Si le zonage permet donc d’organiser la ville future et de contrecarrer la spéculation foncière, il

tend à créer, dans le même temps, des unités de vie artificielles, c’est-à-dire des zones résidentielles bien vite confondues avec les « quartiers d’habitation », puis les « quartiers »

tout court ».64

En modernisant et complétant le cadre des dispositions législatives antérieures, la loi de 1943 conforte les principes des projets intercommunaux établis dans le cadre de groupements d’urbanisme préfigurant les outils de planification contenus dans la L.O.F. Loi autoritaire issue du régime de Vichy, elle a permis à l’Etat et à son administration de faire appliquer d’anciennes mesures qui ont été reprises, perfectionnées et complétées.

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