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Le modèle anglais de lutte contre le développement des « slums » (taudis) s’appuie sur une série de textes législatifs : loi de 1868 liée à l’organisation de la construction, loi de 1875 relative à la reconstruction des zones insalubres, loi de 1850 relative à la création des espaces verts. Confronté à un exode rural massif et à un développement des villes industrielles non

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JEAN Yves et BAUDELLE Guy, 2009, « L’Europe, aménager les territoires », Armand Colin, collection U, 424 p.

maîtrisé, le pouvoir anglais doit faire face à une paupérisation des banlieues où les classes ouvrières survivent aux épidémies liées au manque d’assainissement et d’approvisionnement en eau.

Des industriels anglais (William Hesketh Lever23

et George Cadbury24

) tentèrent d’apporter des solutions aux logements ouvriers par la création de villages modèles ; ces regroupements communautaires, dont le village industriel le plus exemplaire est celui de Port Sunlight de la société Lever Brothers, inspirent industriels, architectes mais aussi le London County Council, autorité municipale de Londres pour la planification de la ville et les logements sociaux. Très influencé par les réflexions des architectes, économistes et politiques de son époque s’interrogeant sur une cité future apportant des réponses satisfaisantes sur le plan social, économique et environnemental, Ebenezer Howard25 vulgarise le concept de cités-

jardins dans son ouvrage de 1889 intitulé « Tomorrow, A peaceful path to real reform »

(« Demain, une voie pacifiste vers la réforme réelle »). Ville circulaire de trente mille

habitants, d’une densité d’environ trente logements à l’hectare, au centre d’un territoire de vingt kilomètres carrés, occupé par l’agriculture, desservie par le train et bordée de manufactures, assise sur une maîtrise publique du foncier, la cité-jardin devait représentée la parfaite symbiose entre ville et nature. Le souci d’hygiène, de santé publique et de qualité de cadre de vie de ces cités-jardins ne doit pas pour autant occulter la dimension de « régulation » sociale des populations à travers une organisation et une hiérarchie urbaine très maîtrisées.

Revu et publié en 1902 sous le titre « Garden Cities of Tomorrow », l’ouvrage d’Ebenezer Howard inspire plusieurs projets : cité de Letchworth, de Welwyn, de Hampstead.

Fascinés par le concept de cités-jardins, les législateurs en charge de la loi générale sur l’urbanisme dite « Housing et Town Planning Act » en 1909 et 1919 suggèrent de retenir ce modèle pour la construction du logement social. En 1914, Ebenezer Howard devient membre d’honneur du Town Planning Institute.

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Connu sous le nom de Lord Leverhulme ((1851 - 1925), fondateur de la fabrique de savon Lever Brothers, devenue Unilever.

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Membre de la famille Cadbury (1839 - 1922), société britannique spécialisée dans les confiseries et boissons devenue depuis 2010 filiale du groupe américain Kraft Foods.

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Exerçant divers métiers avant de devenir greffier dans les tribunaux londoniens, Ebenezer Howard (1850- 1928) réussit à convaincre plusieurs promoteurs de l’intérêt social et financier de son projet de cité-jardin. Voir les articles et ouvrages de Françoise Choay (1965, « L’urbanisme, utopies et réalités », 1996, « Dictionnaire de

l’urbanisme et de l’aménagement »), Joëlle Salomon Cavin (2005, « La ville mal-aimée »), Lewis Mumford

(1961, « La cité à travers l’histoire », 1956, « Le déclin des villes »), Georges Benoît-Levy (1910, « La cité-

jardin »), Thierry Paquot (2005, « Ebenezer Howard et la cité-jardin », Revue urbanisme), Annie Fourcaud

Loin d’atteindre les objectifs escomptés dans le domaine de l’urbanisme, son action conduit à la création de l’association des cités-jardins connue sous le nom de « Town and

Country Planning Association » (« Association pour l’aménagement urbain et rural ») qui

constitue la plus ancienne association environnementale d’Angleterre. Le sujet prendra une dimension internationale avec la fondation du Garden Cities and Town Planning Federation dont Ebenezer Howard assure la présidence en 1913, structure qui évoluera pour constituer la Fédération internationale pour l’Habitation, l’Urbanisme et l’Aménagement des Territoires26

dont la branche française reprend l’intitulé : Confédération française pour l’Habitation, l’Urbanisme et l’Aménagement des Territoires.

La diffusion du modèle des cités-jardins se fait en France sous l’influence de l’ouvrage de Georges Benoît-Lévy (1880-1970) publié en 1904 et s’intitulant la Cité-jardin. S’inspirant des cités-jardins visitées en Angleterre, il crée l’association des cités-jardins la même année, association à laquelle adhère l’architecte Frédéric-Henri Sauvage (1873-1970), architecte- décorateur français considéré comme un précurseur de l’architecture dite moderne et qui s’illustrera notamment dans la construction de logements sociaux reprenant les principes hygiénistes. Adhérant également à l’association, l’homme politique Jules Siegfried27

contribua à la diffusion du modèle des cités jardins et des principes hygiénistes par l’adoption de son projet de loi le 30 novembre 1894 sur la création d’organismes d’habitations à bon marché (HBM), dite loi Siegfried.

Cette influence anglaise se traduit notamment au cours de la première moitié du XIXe siècle en région parisienne par la réalisation de nombreuses cités-jardins sous l’égide de l’Office public d’habitations à bon marché de la Seine présidé par Henri Sellier (1883-1943)28

, figure politique emblématique de l’action en faveur de l’amélioration de l’habitat des populations les plus défavorisées et promoteur du champ de l’urbanisme en France. Sous sa présidence, l’office réalise plusieurs cités dont une majorité est encore existante : cité-jardin de Suresnes, Drancy, Arcueil, Gennevilliers, Plessis-Robinson…D’autres cités seront réalisées, entre autres, autour de Reims, Lyon, Strasbourg et dans d’autres villes européennes.

26 IFHP/FIHUAT : International Federation for Housing and Planning/ Fédération Internationale pour

l’Habitation, l’Urbanisme et l’Aménagement des Territoires dont le siège est basée à La Haye, Pays-Bas.

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D’origine alsacienne, la famille Siegfried fit fortune dans le négoce de coton. Installé au Havre dès les années 1870, Jules Siegfried (1837 - 1922) fait une carrière politique (maire, député, sénateur, ministre) et donne son nom à la loi du 30 novembre 1894.

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Henri Sellier fonde en 1919 l’Ecole des hautes études urbaines qui devient l’institut d’urbanisme de l’université de Paris en 1924, aujourd’hui connu sous le nom d’Institut d’Urbanisme de Paris.

L’année 1930 constitue sans doute l’apogée du mouvement des cités-jardins ; contestées par certains courants politiques y voyant un terreau favorable au développement de « banlieues rouges », rejetées par les architectes se revendiquant de l’architecture moderne et de l’avant- garde, les réalisations de cités-jardins s’estompent peu à peu au profit d’un habitat plus collectif qui préfigure la transition vers les grands ensembles. Le mouvement des cités-jardins et l’influence anglaise complètent ainsi de leurs expériences cette conscience urbaine émergente qui conduira au cours des décennies suivantes à la mise en œuvre de véritables outils de planification urbaine en France.

3-2) L’influence des Pays-Bas issue de l’expérience de la planification

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