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L’émergence de la dimension environnementale dans les documents d’urbanisme

2) Le renforcement des règles de salubrité publique

Dès les années 1830, le peu d’effets du système et des règles de l’alignement incite le pouvoir à mettre en œuvre des plans plus ambitieux de rénovation urbaine ; la restructuration d’îlots urbains, la création de boulevards urbains nécessitent le recours à des leviers de maîtrise du foncier permettant à la puissance publique de prendre possession des terrains. Les outils d’expropriation voient le jour et seront une des clefs de la mise en œuvre des travaux haussmanniens. Les servitudes d’alignement demeureront toutefois inscrites dans les règlements d’urbanisme. La période du Second Empire marque ainsi l’apogée de l’alignement basé sur l’expropriation dont les nouveaux boulevards parisiens tracés par Haussmann sont la plus significative traduction. Mais ce sont surtout les préoccupations relatives à l’hygiène et à la santé publique qui vont bousculer le plus significativement les préceptes de l’alignement.

A Paris, le préfet Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau (1781-1869) est le premier artisan de la transformation de la capitale. Nommé un an après l’épidémie de choléra qui a ravagé Paris en 1832 et conformément aux théories hygiénistes, le préfet applique sa devise

« de l’eau, de l’air et de l’ombre » en faisant moderniser le réseau d’égouts, en construisant

17 La loi du 5 avril 1884 marque les prémices de l’intercommunalité en favorisant les accords et conférences

intercommunales. La première véritable loi est celle du 22 mars 1890 qui institue les syndicats intercommunaux à vocation unique. Qualifiée d’intercommunalité associative ou de gestion, elle concerne les compétences qui dépassent le simple cadre du territoire communal.

de nombreuses fontaines, en plantant des espaces verts, en généralisant l’éclairage au gaz, en faisant installer des vespasiennes sur les voies publiques, en perçant de nouvelles avenues dont la rue portant son nom et engageant le projet de création de l’avenue des Champs- Elysées.

Le renforcement des règles de salubrité publique se concrétise par la loi du 13 avril 1850, loi sur l’expropriation publique en cas de causes d’insalubrité extérieure. Loi relative à

« l’assainissement et à l’interdiction des logements insalubres », elle déclare que « sont réputés insalubres les logements qui se trouvent dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé de leurs habitants ». Cette loi, qui porte initialement sur le

logement insalubre, devient un moyen juridique de transformer la ville. Son article 13 permet d’exproprier la « totalité des propriétés comprises dans le périmètre des travaux » et de revendre les parcelles qui ne conviennent pas pour recevoir des immeubles salubres.

Cette loi constitue une transition dans le souci d’articuler l’outil juridique avec un but urbanistique. Elle permettra à l’époque d’Haussmann et grâce à un pouvoir fort, d’utiliser l’expropriation comme un outil de transformation des centres urbains. Poursuivant un objectif d’embellissement et de santé publique, une succession de textes de lois s’appuiera sur une obligation d’assainissement de la ville pour en redéfinir les principes constructifs.

Sous Napoléon III, le décret impérial du 26 mars 1852 « relatif aux rues de Paris » s’appuie sur la loi sur l’assainissement pour permettre la mise en œuvre d’une expropriation par zones pour y construire des édifices salubres. Les principes d’application de ce décret sont simples et visent à la fois une dimension d’embellissement et de salubrité publique : « assainissement

et démolition, alignement et nivellement des routes, décorum et nettoyage des façades,

symétrie, uniformité, embellissement ».18

Après les premières transformations initiées par le préfet Rambuteau, George Eugène Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, élabore un vaste plan de rénovation de Paris s’appuyant sur la loi de 1850 et le décret de 1852. Ces outils d’expropriation, puissants mais contestés19

, permettent à Haussmann de reconstruire la capitale avec l’objectif de faire de Paris une ville aussi prestigieuse que Londres, référence en matière d’hygiène et de d’urbanisme depuis sa reconstruction après l’incendie qui ravagea la ville en 1666.

18

BODIN Jean, 2000, « L’expropriation », Recueils de la société Jean BODIN pour l’histoire comparative des institutions. Deuxième partie. De Boeck Université. Bruxelles.

19 Les expropriations lésèrent les petits propriétaires et excluent les populations les plus modestes compte tenu

de la spéculation immobilière ; le chantier fût également source de contestation du fait de l’apparition du paludisme.

De 1883 à 1896, le Préfet Poubelle poursuit cette politique de salubrité publique en obligeant la mise en place de boîtes à ordures dans chaque bâtiment et en 1894, en rendant obligatoire le raccordement à l’égout de chaque immeuble.

Mais au-delà de son incidence sur la capitale, le décret impérial du 26 mars 1852 constitue la base juridique de la rénovation de la capitale et des « autres villes qui en feront la demande » en édictant des règles d’alignement, des règles d’hygiène (raccordement aux égouts), des règles d’esthétique et de volumétrie, en faisant apparaître la notion de contrôle a priori et l’obligation de remettre un plan avant toute construction

Si la loi de 1852 avait confié à l’empereur le pouvoir d’autoriser les grands travaux publics, la loi du 27 juillet 1870 restitue cette prérogative importante au corps législatif. Enfin, marquant l’affirmation progressive des communes face au pouvoir central à travers notamment l’attribution d’une clause générale de compétence, la loi municipale du 5 avril 1884 marque sans doute la première étape d’une forme de décentralisation en créant un cadre juridique uniforme à toutes les communes de France et en donnant notamment un pouvoir de police au maire en matière d’autorisation de bâtir. Dans son article 68, cette loi donne compétence aux communes, « après avoir été approuvées par l’autorité supérieure », les délibérations portant sur « les acquisitions d’immeubles, les constructions nouvelles…, le

classement, le déclassement, le redressement ou le prolongement, l’élargissement, la suppression, la dénomination des rues et places publiques…, l’établissement des plans d’alignements et de nivellement des voies publiques municipales, les modifications à des plans d’alignement adoptés… ». L’article 98 relatif au pouvoir de police du maire précise : « les alignements individuels, les autorisations de bâtir, les autres permissions de voiries sont délivrées par l’autorité compétente, après que le maire aura donné son avis dans le cas où il ne lui appartient pas de les délivrer lui-même ».

La loi de santé publique du 15 février 1902 marque l’apogée de l’hygiénisme en France et conforte le rôle des pouvoirs publics dans la lutte contre l’insalubrité. A l’origine du code de la santé publique, la loi introduit en particulier l’obligation pour les communes de plus de vingt mille habitants de produire, par arrêté municipal, un règlement sanitaire. La compétence des communes y est affirmée à travers la procédure de déclaration d’insalubrité des immeubles ; un service public d’hygiène est mis en place dans chaque département avec un conseil d’hygiène départemental.

A l’aube du XXe siècle, ce texte de loi constitue le point d’orgue d’une action des pouvoirs publics centrée sur la lutte contre l’insalubrité, l’hygiène et la santé publique, thèmes qui jalonnent tout le XIXe siècle20

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