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quelques notions employées par la suite

Chapitre 4 Enquête sur l’offre d’expertise 1 innovante

4.1 Application des sciences humaines et des sciences des organisations à l’analyse de l’innovation

4.1.4 Première exploration et restriction du champ de la recherche

Pour répondre exhaustivement à ces questions, il faudrait observer l’ensemble de l’expertise française, sur l’ensemble du territoire national où elle est mise en œuvre et dans l’ensemble des domaines de la planification et de la gestion de la mobilité. La tâche est évidemment irréalisable. Il convient donc de réduire l’ampleur des investigations à mener et de s’appuyer sur des connaissances déjà acquises. Rappelons les brièvement :

• La maîtrise de l’automobile et le développement des modes alternatifs sont devenus des objectifs généraux dans les agglomérations européennes, ils s’inscrivent en rupture avec ce que certains ont appelé la politique du tout-automobile. Dans le chapitre 2, nous avons montré que le changement d’orientation fut progressif et nous avons fait l’hypothèse (chapitre 3) que la maîtrise de l’automobile était une formule assez réductrice, plus exactement une orientation transitoire qui précède le concept de « mobilité durable » dont nous supposons qu’il se stabilisera.

• Du fait de la décentralisation en France, l’expertise intégrée aux opérateurs ou à l’Etat perd son monopole, les collectivités locales et leurs regroupements sollicitent de manière croissante une expertise privée ou semi-publique en même temps qu’ils développent leur propre capacité de maître d’ouvrage (chapitre 3).

• Plusieurs outils innovants utilisés par l’expertise française sont développés à l’extérieur. Inévitablement, ces outils structurent partiellement les formes d’expertise et les organisations d’expertise27 [Baye & Debizet 2001].

Nous pouvons tirer quelques enseignements afin de réduire le champ d’investigation :

• Du premier acquis, retenons que la référence à la maîtrise de l’automobile constitue un marqueur du passage au nouveau cadre de référence, autrement dit les compétences d’expertise s’inscrivant dans la maîtrise de l’automobile et le développement des modes alternatifs présentent un caractère distinctif fort par rapport aux compétences stabilisées.

• Du deuxième acquis, retenons que les experts qui répondent à la demande d’expertise des collectivités locales et particulièrement de celles qui jouent le plus un rôle de coordination et d’organisation plutôt que de maître d’ouvrage, sont les plus en phase avec les changements du contexte institutionnel de l’organisation publique des transports et de la mobilité dans les villes françaises28. Il paraît alors pertinent de

focaliser notre attention sur ces groupements de consultants pour identifier les processus d’interaction les plus récents.

27 Citons ces quelques de l’article de Metropolis [Baye & Debizet 2002]. « Les modèles de prévision qui circulent dans l'Hexagone sont largement étrangers (Trips, Minutp, Polydrom). Les outils utilisés par les bureaux d'études sont l'objet d'un commerce intense à dimension européenne (et mondiale), qui suggère la possibilité d'un formatage d'approches relativement communes aux différents utilisateurs d'un même produit de base (du type Trips ou Minupt). Ces outils, tant au niveau de leur production (coopérations entre bureaux d'études ou avec des universités), qu’au niveau de leur validation (tests réalisés par d'autres bureaux d'études ou des collectivités locales) ou de leur diffusion (service après vente), sont eux- mêmes structurant d'une forme d'expertise collective. ».

28 Il n’est pas certain que l’AOTU reste l’institution en charge de la coordination multimodale. Avec l’extension des métropoles, le département devient une échelle pertinente pour la programmation des infrastructures et services de mobilité.

• Du troisième acquis, retenons d’abord qu’une partie de la production d’expertise se situe hors de nos frontières et qu’elle mérite une attention complémentaire à l’observation de l’expertise française. Retenons aussi que la focalisation sur les compétences innovantes produites par les groupements de consultants risque d’occulter le rôle des outils exogènes. D’où une attention complémentaire aux outils.

Les focalisations proposées privilégient l’observation des compétences et des groupements de consultants caractéristiques du changement. La vigueur de l’hypothèse de changement de cadre de référence sociotechnique nécessite que l’ampleur des changements soit évaluée, autrement dit que les innovations observées (compétences, processus, composantes) soient relativisées et définies par rapport à l’ensemble du système d’expertise. Il conviendrait donc de décrire le fonctionnement général du système d’expertise puis de préciser la place particulière des composantes sur lesquelles nous aurons focalisé notre attention.

Comment décrire le fonctionnement du système français d’expertise ? Rappelons le postulat de Barrel [Barel 1979] selon lequel un système est un réseau d’interactions qui se reproduit. Si l’on accepte ce postulat, l’innovation peut être considérée comme un révélateur de la reproduction. Nous pourrions alors révéler le fonctionnement du système français d’expertise à partir des compétences innovantes et des composantes (groupements de consultants) les plus en phase avec le changement du contexte institutionnel.

Reste la question des écarts entre les documents à notre disposition et l’ensemble des informations échangées au sein - et avec l’extérieur - des composantes que nous allons observer. Précisons d’abord que ce sont les informations concourant à l’innovation qui nous intéressent. Elles prennent des formes très variées (logiciels, bases de données, problématiques, méthodologies, contraintes budgétaires, concepts, connaissances, règles, …) : aucune n’est à négliger a priori. De ce fait, elles doivent être recueillies au plus près de la construction des compétences innovantes en observant directement le processus d’innovation au sein de l’organisme29 ou en interrogeant l’expert ou le manager d’une équipe de

consultants qui peuvent les décrire.

La première méthode exige une présence importante et régulière dans le milieu observé. Il eût été difficile de la multiplier dans un nombre suffisant de groupements de consultants pour pouvoir tirer des conclusions généralisables sur l’adéquation des documents publiés ou le fonctionnement du système français d’expertise. Les investigations se feront à travers des entretiens menés par l’enquêteur après avoir mis au point des modalités de conduite d’entretien identiques pour tous les groupements de consultants enquêtés. Un questionnaire ainsi que des grilles d’entretien devront donc être élaborés préalablement.

29

Les anthropologues ainsi que les sociologues pratiquent l’observation participante qui nécessite de passer plusieurs journées étalées dans le temps au sein de l’organisation pour assister à la construction du processus d’innovation. L’ouvrage collectif « Management de l’innovation, management de la connaissance » coordonné par H. Dumez décrit quelques exemples de ce mode d’investigation [Dumez 2001].

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