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Le développement durable et la mobilité : révolution de la pensée et permanence de l’action

quelques notions employées par la suite

Chapitre 3 Les acteurs des politiques de transports, les orientations et la demande d’expertise

3.3 Vers une gestion durable de la mobilité ?

3.3.2 Le développement durable et la mobilité : révolution de la pensée et permanence de l’action

Le concept de développement durable pénètre progressivement toutes les strates décisionnelles. Le rapport Bruntland inscrit le développement durable dans une logique de substitution au développement actuel. Il insiste sur l’urgence de la prise de conscience de non- durabilité du productivisme. Ce n’est pas tant l’impact de l’homme sur la nature qui est invoqué pour agir mais la peur que la nature –le système Terre- va nous détruire. L’autonomie de la nature nous plongerait dans un contexte d’incertitude et d’ignorance des conséquences à long terme des effets de nos actions. Les controverses scientifiques sur les risques possibles (mais pas avérés) rejoignent les controverses sociales [Soubeyran 1999]. Les inerties inconnues du système « Terre » transforment le principe de précaution (futur) en une obligation d’action (aujourd’hui).

Les quatre composantes principales du développement durable (le développement économique-social-culturel, la gestion économe des ressources naturelles, une répartition équitable des produits du développement et la non-hypothèque des générations à venir) ne sont pas immédiatement compatibles. De ce fait, le développement durable est plutôt une problématique qui identifie et rappelle aux décideurs les principaux types d’enjeux qui tous doivent être pris en compte dans les analyses et les décisions. Il n’économise pas les arbitrages mais il peut aider à les rendre plus explicites [Ascher 1998].

Sous le regard de la problématique du développement durable, la conduite des politiques publiques peut être observée comme une succession d’arbitrages ayant des incidences certaines -mais très partiellement connues- aux diverses échelles spatiales et temporelles. La relativisation du long terme (Pourquoi fixer un horizon à 20 ans ?) et la prise de conscience des possibles impacts lointains d’une action ponctuelle et locale bouscule le contenu et les processus des décisions.

L’observation des dispositifs mis en place et des actions mises en œuvre dans le cadre des politiques de transports révèle une diversification des échéances temporelles de l’action publique. Informations en temps réel sur les panneaux à message variable, régulation des feux modulée dans le temps, limitation de vitesse en cas pic de pollution, tarification intermodale, agence de mobilité, station de location de vélos, car-sharing, abonnement annuel à des services de mobilité, … sont programmés à diverses échelles spatiales141 au même titre que

des équipements plus structurels qu’il faudra aussi gérer en temps réel : parcs relais intermodaux associés à une signalisation pour rabattre les automobilistes, TCSP avec priorité au feux, routes équipés de ralentisseurs, … . Tout se passe comme si la frontière entre la régulation de la circulation et la planification des transports n’existait plus. Si l’on fait le

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Plan de Déplacements d’Entreprises, Plan Local des Déplacements, Plan de Déplacements Urbains, Schéma Régional de services collectifs de transports, …

parallèle avec la manière dont les collectivités locales ont introduit et utilisé la dimension temporelle dans leur politique culturelle (festivals, journées, animation de rues, …) de façon complémentaire aux équipements immobiliers, la planification des infrastructures de transport apparaît comme un élément parmi d’autres des politiques de transport.

L’adjonction du terme « transport » à ces politiques est réducteur. Le stationnement ou l’information multimodale ne sont pas des moyens de transports. Les objectifs ne sont plus seulement la liberté de circuler et le droit au transport, expressions qui renvoient seulement à la fonction opérationnelle de la mobilité. Le terme « déplacement » supplée depuis quelques années le mot transport : on ne compte plus les « vice-présidents de Communautés

d’Agglomération ou de Communautés Urbaines chargé des Déplacements ». Cependant

l’expression « politique de déplacements » n’a pas notre faveur, elle laisse supposer qu’il existe un ensemble de déplacements entre les différentes zones urbaines pour lequel il faudrait organiser des moyens : routes, transport en commun, piste cyclable, … . Nous lui préférons l’expression « politique de mobilité » qui renvoie à la finalité des déplacements. Ce sont des arbitrages de la collectivité entre différents objectifs (libre circulation, droit au transport, préservation de l’environnement et cohésion sociale) qui définissent les orientations effectives et l’organisation facilitant ou canalisant la mobilité des personnes.

L’autorité publique relative aux transports urbains (et plus généralement des systèmes concourant à la mobilité) a progressivement été accaparée par les collectivités locales. Ce faisant, les préoccupations territoriales prédominent sur la maximisation de l’efficience du réseau de transport. Autrefois sollicitée pour apporter des méthodes de « rationalisation »142

dans un objectif de maximisation des capacités et des vitesses et de minimisation des coûts pour l’opérateur de transport, l’expertise143 est aujourd’hui conviée144 pour aider les

collectivités à gérer et à programmer les services de mobilité en cohérence avec leur projet de développement territorial.

Il est probable –nous vérifierons cette tendance plus loin- que l’expertise s’affranchisse de la tutelle des maîtres d’ouvrage opérateurs de transport. La multiplicité de ces commanditaires la conduira à se construire un cadre conceptuel compatible avec cette diversité. Ce cadre lui- même servirait de référence pour la conduite des politiques de mobilité par les institutions territoriales. Il ne s’agit pas d’une orientation mais d’un nouveau synopsis : la Gestion

durable de la mobilité succède à la Planification des transports.

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Essentiellement économique

143 Il s’agit de l’expertise en transport et mobilité. Dorénavant, l’expression expertise utilisée seule englobe la connaissance des systèmes techniques (Transports) et des usages (mobilité).

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L’informatisation des services de transports et l’accès des ménages et des entreprises aux informations sur les services et la mobilité modifie les frontières traditionnelles entre services immobiles et services de mobilité. Les progrès dans la compréhension de la mobilité urbaine par l’expertise transports pourraient aussi lui permettre de diversifier sa clientèle.

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