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Les évolutions de l’organisation territoriale dans le domaine du transport depuis les années

quelques notions employées par la suite

Chapitre 3 Les acteurs des politiques de transports, les orientations et la demande d’expertise

3.1 Les acteurs des politiques de transports de personnes en milieu urbain

3.1.2 Les évolutions de l’organisation territoriale dans le domaine du transport depuis les années

Avec la décentralisation de 1982 qui lève le contrôle a priori de l’Etat sur les décisions des collectivités locales, les communes et les départements ont gagné en autonomie, en particulier dans les domaines de l’urbanisme pour les communes et de l’aménagement du territoire pour les départements. Progressivement, les communes urbaines d’une même agglomération ont développé leur coopération en créant et renforçant des structures intercommunales polyvalentes officiellement dénommées Etablissements Publics de Coopération Intercommunales (EPCI). A partir des années 95, plusieurs lois ont conforté les EPCI et les Régions.

Les lois sur l'aménagement du territoire de 1995 et 1999

En 1995, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, a présenté ce qui devait être une grande loi d’inspiration gaullienne : la loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire. Des schémas nationaux unimodaux (autoroutes, ligne Grande Vitesse,…) devaient être élaborés par les services de l’Etat en concertation avec les Régions. La régionalisation expérimentale du transport ferroviaire entérinait un travail de concertation ancien entre certaines régions et la Sncf [Zembri 2001]. En zone rurale, les "Pays" sont reconnus. Ces bassins de vie (regroupant plusieurs communes ou cantons) peuvent passer des contrats de développement avec la Région et l’Etat.

En 1999, la loi d’Orientation de l’Aménagement et du Développement Durable du Territoire - présentée par Dominique Voynet, ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement - reprend certaines dispositions de la loi Pasqua. Elle confirme notamment la place du « Pays » en zone rurale et des agglomérations en zone urbaine comme interlocuteurs de l’Etat et des Régions dans l’élaboration des contrats de plan Etat-Région (CPER).

Les mécanismes d’élaboration de la planification sont modifiés pour conforter le rôle des Régions. L’Etat doit établir des schémas nationaux de services collectifs. Les Régions sont ensuite invitées à élaborer un schéma régional d’aménagement et de développement du territoire qui doit être compatible avec les schémas nationaux. La loi Voynet modifie la composition des commissions régionales d'aménagement du territoire que l'exécutif régional doit consulter : les agglomérations et les associations en font désormais partie aux côtés des départements et des communes chef-lieu de département.

Parmi les huit schémas30 de services collectifs, celui de service collectif de transport de

voyageurs et de transport de marchandises est encadré par des articles de la LOTI modifiés

30 Un schéma national de services collectifs doit être établi pour chacune des thématiques : enseignement supérieur et recherche, culturels, sanitaires, de l’information et de la communication, de l’énergie, des espaces naturels, du sport, de transport de voyageurs et de transport de marchandises.

par la loi Voynet. Le schéma régional de transport de voyageur doit « donner la priorité à

l’optimisation des réseaux et équipements existants sur la création de nouvelles infrastructures » et « encourager la coordination de l’exploitation, une tarification combinée et l’information multimodale des usagers ». « Une analyse globale et prospective des besoins de déplacements sert de base à l'organisation et à la gestion des transports relevant des différentes autorités compétentes dans les aires urbaines et au niveau régional ».

De fait, les Régions sont chargées de coordonner la planification à long terme des projets d’infrastructures et de services de transports et d’organiser la mise en cohérence des différentes autorités organisatrices. Certes, les Régions doivent intégrer les projets de l’Etat inscrits dans le schéma national, mais celui-ci risque fort d’être limité aux équipements d’intérêt national31.

Les lois relatives à l'intercommunalité

L’augmentation des vitesses de déplacements, l’économie des deniers publics et plus récemment la mise en concurrence des agglomérations à l’heure de l’intégration européenne ont fait prendre conscience à l’ensemble des maires urbains de la nécessité de coopérer et de mettre en commun certains moyens. Entre le désir de trouver des synergies avec d’autres communes et la crainte d’abandonner quelques compétences à une autorité supracommunale, les législateurs, qui sont aussi généralement des maires, ont inventé l'EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale). L’EPCI est piloté par un conseil communautaire dont les sièges sont répartis entre les communes membres selon des quotas négociés à la création de l’EPCI32. Il revient à chaque conseil municipal de désigner ses représentants au

conseil communautaire parmi ses membres.

A leur origine, les EPCI concernaient principalement des équipements nouveaux (station d’épuration, assainissement, traitement des ordures ménagères) ou d'ampleur dépassant obligatoirement les limites du territoire municipal (réseau de TC). Lentement mais progressivement, ses compétences se sont élargies à des domaines moins techniques (développement économique, tourisme, logement….). La loi de 1999 relative à l’intercommunalité – présentée par le ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement- a renforcé et simplifié la coopération intercommunale en unifiant les statuts des EPCI33 et en

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Quatre ans après l’adoption de la loi Voynet, les schémas nationaux de services collectifs de transports n’ont toujours pas été présentés par le gouvernement. Le premier ministre a finalement annoncé que le gouvernement renonçait à élaborer de tels schémas. Source : Entretien de J.-P. Raffarin, Le Moniteur du Bâtiment et des Travaux Publics n° 5213 du 24 ocobre 2003, pp16-21.

32 La répartition ne peut être modifiée que par une double majorité des 2/3.

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Auparavant les EPCI pouvaient adopter des statuts variés quelque soit leur taille : Communautés de Ville, Communauté de Communes, Communautés Urbaines, Districts. Avec la nouvelle loi, les agglomérations de plus de 500 000 habitants sont encouragées à adopter le statut de Communauté Urbaine. En deçà de 500000, un nouveau statut de Communauté d’Agglomération est créé : 4 compétences sont obligatoires (dont l’aménagement de l’espace et le transport public) et au moins trois autres doivent être choisies parmi une liste de cinq

encourageant34 la généralisation de la taxe professionnelle unique35 (TPU). La TPU lève un

obstacle majeur à la coopération intercommunale, les EPCI ont maintenant la possibilité de coordonner les politiques de développement économique, d’habitat et de déplacements à l’instar des politiques urbaines du type ABC au Pays-Bas ou PPG au Royaume-Uni [Fouchier 1999].

Les lois relatives à l’environnement et à la cohésion urbaine

Dès l’origine de la LOTI en 1982, un article définissait le contenu du Plan de Déplacements Urbains (PDU) qui était alors facultatif. Dans les années suivantes, quelques autorités organisatrices des transports urbains se lancèrent dans l’élaboration d’un Plan de Déplacements urbains ; rares furent celles qui réussirent à le finaliser36. Quelques communes

de l’agglomération pouvaient aisément bloquer le processus. A la fin des années 90, plusieurs villes se remirent à préparer un PDU en anticipant de quelques mois les obligations de la loi sur l’air.

Réagissant à des préoccupations environnementales, le parlement adopta la loi sur l’air en décembre 1996 après avoir sensiblement réduit le contenu et la portée des dispositions proposées par la Ministre de l’Environnement. La loi sur l’air concerne toutes les sources de pollution atmosphérique : chauffage, industrie et transport. La disposition la plus médiatique donne au préfet la possibilité d’imposer la circulation alternée en cas de dépassement prévisible d’un seuil de pollution atmosphérique. L’innovation majeure réside dans l’obligation faite aux AOTU de plus de 100 000 habitants d’adopter un Plan de Déplacements Urbains, opposable au tiers. Multimodal par essence, le PDU concerne aussi les voiries. C'est une évolution historique majeure puisque le caractère obligatoire du PDU légitime l’AOTU dans un rôle de coordination et de planification de tous les infrastructures et services quelle que soit l’institution qui en a la responsabilité directe. Les autorités organisatrices des transports urbains - généralement les EPCI- renforcent leur ascendant sur les communes, les départements et les DDE en matière de politique de transports, à tel point que le PDU devient un levier de notoriété et d’autorité de l’EPCI (ou de l’AOTU) [Novarina 2002] et des hommes politiques à la tête de ces institutions [Jouve 2002]. L’élaboration du PDU nécessite la participation des collectivités locales concernées (communes principales et secondaires, Département, Région) et des forces vives (chambre de commerce, unions de quartier, ….)

compétences (dont la voirie communautaire). En zone rurale, la Communauté de Communes avec la TPU est privilégiée. Les statuts de Communautés de Villes et Districts sont condamnés à disparaître.

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L’adoption de la taxe professionnelle unique est encouragée par une dotation supplémentaire de l’Etat (250F/hab/an pour les Communautés d’Agglomération). Elle est obligatoire pour les Communautés Urbaines. 35

Les contributions fiscales des particuliers sont réservées aux seules communes tandis que la taxe professionnelle revient à l’EPCI. Le taux est unifié sur tout le territoire de l’agglomération.

36 Un Dossier de la revue Diagonal recense quelques agglomérations ayant réussi à mener à terme un Plan de Déplacement urbains avant 1995 (Lorient, Grenoble, …) Source : Lemonier M., Planifier la mobilité pour libérer l’urbanité in Diagonal n°124, avril 1997

[GART-Certu 2000-2] [Zavanella & Tira 2000]. La légitimité de l’EPCI tient en grande partie à sa capacité à élaborer un Plan de Déplacements Urbains ambitieux de façon consensuelle. La loi SRU adoptée en 2001 conforte l’autorité organisatrice des transports urbains : elle lève quelques ambiguïtés de la loi sur l’air37, elle précise que les Plans Locaux d’Urbanisme et le

Schéma de Cohérence Territoriale doivent être compatibles avec le Plan de Déplacements Urbains et elle autorise l’AOTU à prendre en charge le contrôle du stationnement automobile qui était jusqu’alors une compétence exclusive des communes. Par ailleurs, la loi SRU autorise la création de syndicat mixte associant AOTU, Département et Région pour développer l’offre de transports à l’échelle de l’aire urbaine et plus seulement de l’agglomération. Ce syndicat peut prélever jusqu’à 0,5 % de la masse salariale des entreprises situées sur son périmètre. Cette disposition, réclamée par les députés urbains n’a pas encore donné lieu à la création d’un syndicat mixte38.

La loi SRU a étendu39 la régionalisation des transports ferroviaires de voyageurs à l’ensemble

du territoire français. La régionalisation avait été expérimentée avec succès dans plusieurs régions françaises40 depuis 199741. Les Régions sont devenues autorités organisatrices des

transports collectifs d’intérêt régional. Elles décident du niveau de service et financent42 le

service exécuté par la Sncf et éventuellement par des sociétés exploitant des lignes régionales d’autobus.

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Notamment le fait que les dispositions du PDU s’imposent à tous les maîtres d’ouvrages.

38 Outre l’inévitable concurrence entre les différents niveaux de collectivités locales, une disposition de la loi SRU freine les ardeurs des AOTU. La somme des taux du versement transport du syndicat mixte et de l’AOTU ne peut dépasser le plafond auquel est soumis l’AOTU. Or la plupart des grandes AOTU prélèvent déjà le versement transport au taux plafond ; il faudrait donc qu’elles diminuent leurs dépenses ou se mettent en situation de dépendance financière vis-à-vis des autres collectivités participant au syndicat mixte.

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La Régionalisation est l'aboutissement d'un lent processus d'implication de plusieurs Régions en matière de transport ferroviaire. Dès 1974, les premiers schémas de transport sont élaborés par les Régions Pays de Loire, Lorraine et Limousin. Le plus achevé des schémas régionaux fut, en 1978, celui du Nord-Pas de Calais qui a fait l’objet d’une convention tripartite - Etat, Région et Sncf- préfigurant ainsi les conventions actuelles. La décentralisation a accéléré ce processus. A partir de 1984, la Sncf a proposé aux Régions de signer des conventions "à la marge" permettant d’augmenter ou de diminuer les services existants mais sans pouvoir réorganiser le réseau régional. Celles-ci se sont généralisées assez rapidement et ont amené la Sncf à proposer, en 1987, le lancement du TER (Train Express Régional). Ce concept a amorcé un rééquilibrage de la stratégie commerciale de la Sncf alors fortement axée sur le TGV.

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Alsace, Centre, Nord Pas de Calais, Pays de la Loire, Provence Alpes Côte d’Azur et Rhône-Alpes, Limousin 41

Cette première étape de la régionalisation découle du rapport du Sénateur Haenel de juin 1994, qui préconisait une décentralisation poussée de la gestion des services ferroviaires régionaux et dont les recommandations ont été reprises dans la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire du 4 février 1995 (loi Pasqua). Cette loi avait donné un cadre à des pratiques de collaboration anciennes entre la Sncf et certaines Régions françaises.

42 L’ancienne dotation financière de l’Etat, qui était versée à la Sncf pour le maintien d’une activité de transport de voyageur infranationale, est distribuée aux Régions. Celles-ci ajoutent en général des fonds sur leur budget courant.

Conclusion sur l’évolution de l’organisation du territoire

La décentralisation de 1982 a conforté l'autonomie des Communes et des Départements en matière d'urbanisme et de voirie. Mais, la concurrence entre villes et les impératifs du développement économique et urbain ont incité des villes pionnières puis le législateur à renforcer le pouvoir des institutions intercommunales d’agglomération afin de coordonner les politiques et de mettre des moyens en commun.

Rendu obligatoire dans toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants, le Plan de Déplacements Urbains a pour objet de planifier les infrastructures ou services de transports à l’horizon 2010. Il doit être adopté par l’AOTU (en général l’Agglomération). Pour les élus locaux, le PDU est une opportunité pour porter des projets d'infrastructures lourdes et de donner plus de cohérence aux politiques de transport trop souvent monomodales ou incohérentes. Le face à face traditionnel entre les élus municipaux et les ingénieurs de la DDE est remplacé par une nouvelle gouvernance intercommunale à laquelle les services de la DDE participent comme un acteur parmi d’autres.

Les Régions43 sont devenues autorités organisatrices des transports collectifs d'intérêt régional

et exercent la tutelle des transports ferroviaires régionaux (TER).

L'Etat qui exerçait une tutelle sur les maîtres d’ouvrages avant la décentralisation, puis, qui, par défaut, assurait avec difficulté une fonction de coordination et de planification des infrastructures urbaines ou régionales, a progressivement perdu son autorité historique en la matière. A coté des maîtres d’ouvrage locaux historiques tels que la Commune et le Département, les institutions d’agglomération (EPCI) et les Régions ont acquis une légitimité à coordonner les politiques de transports des différents maîtres d’ouvrages et opérateurs de services.

3.1.3 L’organisation des services des institutions territoriales et de

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