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quelques notions employées par la suite

Chapitre 2 Les objectifs des politiques de transports et de mobilité en milieu urbain

2.6 Tendances et prospective des politiques des transports et de mobilité

L’avenir dira si l’approche « développement durable » bouleversera progressivement et durablement les politiques d’aménagement et de transports ou bien si elle relève d’un simple effet de mode, menacé par un retour de balancier. Cette question théorique que se posera l’historien demain constitue de fait une interrogation centrale pour la planification des transports aujourd’hui.

Lorsque l’expert fournit des chiffres et lorsque l’aménageur s’installe à la table de dessin, ils pourraient poser le problème dans les mêmes termes qu’emploierait le spécialiste de prospective : continuité ou rupture ? L’expert s’interroge, par exemple, sur l’utilisation des facteurs de croissance dans les modèles de prévision des déplacements ; l’aménageur se demande si l’intersection entre un cheminement piéton et une voirie routière doit être aménagée comme une traversée de la chaussée par les piétons ou bien comme une traversée trottoir piéton par l’automobile. L’élargissement des points de vue que nécessite une planification multimodale passe dans un premier temps par un renversement du point de vue. C’est à dire une remise en cause profonde des pratiques professionnelles.

Avant d’approfondir la notion de continuité ou de rupture, il convient de balayer la diversité des approches et les antagonismes de l’exercice de prospective à travers quelques citations. La

plupart105 d’entre elles sont antérieures à 1998, c’est à dire avant que la terminologie du

développement durable ne déferle en France. Voici quelques citations illustratives suivant un classement discutable car nombre de ces citations pourraient apparaître dans plusieurs catégories.

La technologie redistribuant les frontières : public/privé, piéton/voiture, bâti/espace public

« Autrefois, les jeunes jouaient dans la rue… La politique du « tout-bagnole » avait transformé cela en un rêve utopique. Désormais, chaque rue suffisamment large doit être partagée en deux, avec un espace sans circulation réservé pour les jeux d’enfants et des ados. »106

« Nouveaux moyens de transports (câbles, tapis roulants, mini voitures, .. .) et des interfaces entre les bâtiments et l’environnement du transport (aujourd’hui garages et parkings, demain … ?) Transports hectométriques : les ascenseurs, les escalators, et autres tapis roulants à grande vitesse ont de l’avenir. Les très petits véhicules devront se développer pour constituer une aide au piéton. Ils circuleront à l’intérieur comme à l’extérieur des bâtiments, seront accessibles en libre service à la sortie des gares et pourront même emprunter les ascenseurs … » [Maugard & al. 1998]

« Plus les gens sont mobiles, plus les lieux de mixité se multiplient. Il y a sur la voiture comme sur les grandes surfaces une mauvaise foi des politiques. Envisager que la ville de demain sera sans automobile est absurde car on fait fi des évolutions technologiques et de celles du réseau .» [Chalas en 1998 107]

Nouveaux moyens de communication réorganisant la localisation spatiale

« Travailler chez soi ou dans un centre de travail délocalisé deux ou trois jours par semaine et emprunter le train à grande vitesse les autres jours pour rejoindre les métropoles. Les « télécentres de quartier » stimuleraient la vie de quartier en permettant au télétravailleur de rester physiquement proche de son domicile, de l’école de ses enfants, de ses voisins. Dans ces télécentres, les habitants pourraient se voir attribuer par leur entreprise ou louer à titre privé un espace câblé. Les NTIC pourraient bien modifier la répartition sur les territoires, la concentration n’étant plus nécessaire pour les échanges d’informations. » [Maugard & al. 1998]

105

Nombre de ces citations sont extraites d’un document préparatoire au colloque sur les villes qui s’est tenu à La Rochelle en octobre 1998, élaboré par Cyrine Buisson sous la direction de Thérèse Spector de la Direction de la Recherche et des Affaires Scientifiques et Techniques du Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement.

106 Quand les verts prennent paris, Nova Magazine n°39, mars 1998. 107

Chalas Y., Une urbanisation des modes de vie in « La ville de demain », in Le Moniteur du Bâtiment et des Travaux Publics du 6 février 1998.

« Les NTIC n’auront pas d’effet automatique en faveur d’une réduction des déplacements. Elles vont à la fois en générer de nouveaux et modifier la mobilité. Au japon, il existe déjà de petits commerces de quartier multifonctions, fournissant à la fois des produits classiques et des services liés aux nouvelles technologies de la communication : entre autres, ils réceptionnent les commandes effectuées sur Internet par les habitants du quartier, ce qui évite la multiplication des livraisons. » [Dupuy en 2000108]

L’urbanisme au cœur du débat sur la périurbanisation et le renouvellement urbain. La densité est-elle la seule à rimer avec sociabilité ?

« Les villes du Nord comme du Sud devraient continuer à perdre en densité et à s’étaler dans l’espace. Le rallongement des distances va encore accentuer les problèmes de transit. Les politiques de zonage urbain ont également contribué à rallonger les distances et compliquer les flux de transport. On circulera de plus en plus mal, dans un air de plus en plus irrespirable au début du XXI éme siècle. Redynamiser la vie des quartiers et favoriser la convivialité.» [Jakubyszin en 1996109]

« Afin de ne pas reproduire ces cours où la lumière pénètre mal et ces rues étroites où l’architecture se limite au dessin des façades sur rue, ils renoncent ainsi au mur mitoyen de la ville classique et favorisent le passage de la lumière et des hommes vers l’intérieur des immeubles. Mais ils refusent l’éclatement brutal de la ville « moderne » où les édifices sont solidairement plantés au sein de grands vides. Dans ce quartier, on voudrait créer la ville de demain, mais on a conservé les procédures de l’urbanisme rigide d’hier. On voudrait faire naître cette complexité de paysages, d’usages et de fonctions qu’est la ville, mais on a écarté ce qui fait la vie de la cité : la diversité des acteurs, leur dialogue. » [Ego en 1996110]

La question sociale

« Certaines villes pourraient connaître l’éclatement et la ségrégation avec la création de forteresses quasiment militaires où s’emmurent les nantis tandis que les espaces publics régressent. Aux Etats- Unis la rareté croissante des infrastructures publiques est rentrée dans les faits. » [Maugard & al. 1998]

« Plus les gens sont mobiles, plus les lieux de mixité se multiplient. Les ségrégations sociales se recomposent sur ces nouvelles bases. Ce n’est plus dans le clivage centre-périphérie qu’elles peuvent aujourd’hui se comprendre. Elles sont fonction de la mobilité : il y a ceux qui sont captifs et les autres.» [Chalas en 1998111]

108 Dupuy G., Interview dans le magazine du groupe Renault, R&D n° 18 octobre 2000, pp55-56 109

Jakubyszin, Villes géantes , journal Le Monde du 6 juin 1996. 110

Ego R., Paris-rive gauche : Les mystères de l’Est in Télérama n° 2514, 18 mars 1998 111 Chalas Y., Une urbanisation des modes de vie , idem.

Une approche temporelle

« Si, un jour un système de Stop & Go évolué prend le relais du conducteur dans les embouteillages pour lui laisser la liberté de consulter ses e-mails sur son terminal de bord, les trajets aux heures de pointe paraîtront moins contraignants. »112

« L’urbanisme doit considérer la nouvelle dimension temporelle de la ville.» [Dupuy en 2000113]

… et pour finir de l’éthologie humaine.

« On a fait des villes parce que la nature humaine est grégaire. La technologie n’a rien à voir là- dedans. La crise développe la technologie mais absolument pas l’imaginaire, celui grégaire, de partage. Et ce qui restera c’est le rapport du lieu public au ciel » [Ciriani114]

Ces quelques citations illustrent le fait que les déterminants de la rupture –si elle existe- sont difficiles à cerner. Que le point d’entrée de la prospective soit technologique (très petits véhicules d’aide au piéton et système Stop&Go de l’automobile), urbanistique (périurbanisation et renouvellement urbain) ou éthologique (grégarité et désir de nature), il se trouve toujours des arguments pour annoncer une continuité de la tendance ou une rupture voire les deux à la fois. Sur les nouvelles technologies de l’information, A. Maugard et G. Dupuy rappellent qu’elles permettent à la fois :

• une augmentation des distances entre le lieu de travail et celui du domicile ou bien entre lieu de stockage de la marchandise et le domicile (qui pourrait contribuer à l’éclatement urbain –NDLR)

• une plus grande proximité spatiale à travers les télécentres ou les boutiques qui joueraient le rôle de dépôt de quartier (qui pourrait conforter la ville ou le village dense).

Le maître d’ouvrage, qu’il soit collectivité locale, Etat ou opérateur de services ou de transports a besoin d’anticiper. Les réflexions sur les orientations du 3ème PREDIT n’ont pas échappé à cette question. Une dizaine d’experts ont planché, entre autres, sur la question suivante : « Quels sont les facteurs internes ou externes pouvant conduire à des ruptures par rapport à des pratiques actuelles ? » [DRAST 2001-1]. Implicitement, cette question suppose que des tendances soient constatées.

Les scientifiques s’accordent sur un constat de croissance de l’automobilité115. Parmi eux,

beaucoup considèrent cette croissance non souhaitable, souvent en référence aux deux derniers objectifs que nous avons identifiés, mais difficile à contrecarrer. D’autres trouvent

112

D. Piednoir, Direction du Produit de Renault, magazine du groupe Renault R&D n°18, octobre 2000, p34. 113

Dupuy G., Interview dans le magazine du groupe Renault, idem. 114 à l’occasion de l’exposition La Ville, Paris 1994.

115

Nous définissons la mobilité comme l’ensemble des déplacements effectués par un individu ou par une population. L’automobilité est la mobilité effective assurée par le mode de transport automobile.

des raisons de satisfaction, ou du moins de non inquiétude. Dans le registre de la sociologie, Y. Chalas décrit positivement la ville émergente induite par l’automobile [Chalas & Dubois- Taine 1997]. Dans le registre de l’économie, R. Prud’homme116 s’enthousiasme pour l’effet

vertueux : plus de routes entraîne plus de concurrence, plus de productivité, plus de production et donc plus de bien-être. Nous mettons à part une dernière catégorie d’experts, généralement des technologues, qui prennent acte d’une augmentation considérable de la demande avec une apparente neutralité [Lamure 1998].

Pour être plus précis sur les tendances, S. Wachter identifie [Wachter 2001] : • l’accroissement des circulations motorisées,

• l’augmentation des distances parcourues quotidiennement par les gens, • l’élévation des vitesses de déplacement.

Dans les trois cas, c’est l’automobile qui contribue le plus fortement à ces tendances, et, dans une moindre mesure et de manière très hétérogène sur l’hexagone, les transports collectifs. Quant à la marche à pied et au vélo, ils ont régressé depuis la démocratisation de l’automobile et les tentatives souvent « réussies » d’adaptation de la ville à l’automobile. La croissance de l’automobilité est certaine mais est-ce pour autant une croissance de la mobilité comme le laisse entendre le discours général ?

Deux indicateurs mettent en évidence des stabilités de la mobilité de 1970 à 1998117:

• le nombre de déplacements par jour ouvré et par personne dans les agglomérations françaises est relativement stable118,

• le temps moyen consacré aux déplacements quotidiens reste à peu près constant dans une même agglomération.

La mobilité (tous modes confondus) n’est donc pas condamnée à une croissance inexorable. Prenons seulement acte de l’accroissement sensible de l’automobilité [Orfeuil 2001]. Quels sont les facteurs de rupture de cette tendance ?

Commençons par les facteurs de rupture pour lesquels se dégage un consensus des experts.

116

Prud’homme R., L’investissement routier est rentable, Le Moniteur du Bâtiment et des Travaux Publics du 8 juin 2001.

117

Les statistiques sur lesquelles sont basées ces deux indicateurs sont antérieures à la réduction du temps de travail et à la déferlante du téléphone portable dont l’impact sur les programmes d’activité des individus était encore trop récent pour être évalué précisément.

118

Selon les enquêtes ménages dans les villes où elles existent depuis longtemps, ce nombre augmente dans certaines villes (Bordeaux, Lille), diminue dans d’autres (Grenoble, Reims, Amiens) ou encore augmente à nouveau après une baisse (Lyon, Marseille). Source : Certu

• Le vieillissement de la population française. Dans un contexte de stabilisation démographique (suivant des scénarii d’immigration contenue), la proportion de retraités augmentera ; or ils se déplacent moins119 que les actifs dans les aires urbaines. Le

vieillissement se traduirait aussi par une demande latente de logement dans la partie dense et mixte des villes et donc par un ralentissement de la périurbanisation. [Beaucire 2001-2] [Madre & Maffre 1997]

• Une tendance à l’internalisation des coûts environnementaux qui va progressivement peser sur l’automobile [Huntzinger 2001]. S’il y a accord sur cette tendance, l’appréciation des formes opérationnelles diverge.

A. Pény [Pény 2001] s’attache à l’infléchissement des politiques de transports (ralentissement des investissements routiers, volonté de rééquilibrage du ferroviaire), ainsi que V. Kaufmann [Kaufmann 1999] et J.-P. Orfeuil [Orfeuil 2001] (régulation de l’accès aux zones urbaines centrales, ralentissement de la construction, amélioration de l’offre TC). Cette évolution des politiques publiques rompt (ou plutôt atténue) la spirale de transformation de la ville décrite par M. Wiel [Wiel 1999]. Cependant G. Dupuy [Dupuy 1999-3] comme S. Wachter [Wachter 2001] sont sceptiques sur les effets directs d'une telle politique, le premier du fait de la faiblesse constatée du transfert modal de la voiture vers les TC après réalisation d’une nouvelle ligne TC120, le second parce que les effets d’une amélioration de l’offre TC sont très

incertains121 (et de citer des « échecs retentissants »).

Ces remarques renvoient à la cohérence des politiques de transports : cohérence des mesures entre elles et cohérence entre les mesures et l’objectif affiché. L’effet de l’internalisation des coûts environnementaux sur le comportement des automobilistes est souligné par V. Kaufmann. L’effet à long terme des prix du transport est bien identifié par M. Wiel lorsqu’il fait référence à l’arbitrage entre coût du foncier pour le logement et coût de transport [Wiel 2000] pour expliquer la périurbanisation. L’effet à court terme, notamment en terme de

119

Les retraités se déplacent moins (nombre de déplacements métropolitains et kilomètres parcourus en zone ubaine) que les actifs, cependant ils ont tendance à se déplacer de plus en plus.

120 L’essentiel des voyages sur une nouvelle ligne TC serait constitué de transferts d’autres lignes TC ou des modes doux et de la genèse de nouveaux déplacements.

121 En effet, l’auteur insiste sur un paradoxe apparent : la capacité des TC à améliorer la fluidité de la circulation routière et parfois même un accroissement de la mobilité VP. Le mécanisme est connu par l’expertise et même par le grand public. Les échecs retentissants sont généralement prévisibles et souvent prévus par l’expertise (qui ne dit mot publiquement pour ne pas fâcher son client). Un article du Monde du 01/02/96, « Les quatre roues de l’infortune » explique le phénomène et les raisons de la croissance de l’automobile concomitante à la mise en service de deux lignes de Métro à Lyon : l’offre routière a été accrue par le passage en souterrain de l’ancienne ligne TC de surface dans un contexte où l’offre de stationnement avait été fortement développée : 3000 places construites dans la presqu’île. Autre exemple : lorsque Rennes a choisi le VAL (enterré en centre-ville) plutôt que le tramway (en surface), l’opposition municipale a appelé à la rescousse Charles Descours, alors sénateur RPR de l’Isère et président du SMTC de l’agglomération grenobloise Il a expliqué devant un public rennais médusé que l’avantage majeur du tram sur le métro réside dans la réduction de la voirie routière qu’il nécessite (à cette époque, on n’envisageait peu le développement du bus en site propre) et permet ainsi une réduction de l’espace consacré à l’automobile en ville.

transfert modal de la voiture sur les TC est moins évident : dans son ouvrage sur la dépendance automobile [Dupuy 1999-3], G. Dupuy s’appuie sur une étude des déplacements domicile-travail en milieu périurbain lyonnais [Schéou 1997] pour constater une très faible élasticité du choix modal au prix.

Avant d’aborder les points en débat, citons quelques facteurs de continuité de l’accroissement de l’automobilité :

• La baisse du temps de travail et la modulation des horaires qui lui est associée augmentent le degré de liberté. Même dans un contexte de constance de l’offre de transport, ils conduisent à améliorer la fluidité et à rendre les longues distances domicile-travail moins pénalisantes [Beaucire 2001-2]. Les auteurs sollicités par la mission transports du PREDIT s’avancent peu sur cette question. S. Wachter annonce la fin de l’ère du transport de masse et s'attend à des « types de mobilité de plus en plus individualisés » [Wachter 2001].

• L’irréversibilité de la forme périurbaine pendant une à deux générations [Beaucire 2001-2] et de la dépendance automobile qui elle-même suscite une forte demande de la part des automobilistes périurbains et rurbains que le politique sera obligé de prendre en compte [Dupuy 1999-2]. Réalité politique que D. Pinson définit ainsi : « D’une

certaine manière, le traitement des territoires, réseaux et espaces urbanisés répond spontanément aux pressions des pratiques circulatoires et résidentielles des classes moyennes […] au risque d’une asphyxie-congestion dont la résolution n’est jamais abordée que de manière fragmentaire » [Pinson D. 1999].

• La poursuite de la motorisation associée à la périurbanisation et à la dépendance automobile caractérise une très grande partie des métropoles. La double motorisation des ménages progresse partout en dehors des centres villes. Par ailleurs, la baisse continue du prix de l’automobile alors que le coût de l’immobilier augmente plus fortement au cœur et à proximité de la ville pourrait conduire les catégories sociales les plus pauvres à s’installer dans le lointain périurbain voire dans les zones rurales et à miser sur l’automobile comme principal mode de transport.

Les points en débat soulignent les incertitudes sur les formes urbaines du futur. Le renouveau de la planification spatiale et le renforcement des institutions intercommunales sont porteurs d’un modèle urbain qui tourne le dos à l’étalement [Beaucire 2001-2]. En conséquence, le ralentissement de la périurbanisation, déjà constaté122 autour de plusieurs agglomérations qui

122

Dans l’estuaire de la Loire, les espaces périurbains des deux agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire ont connu une croissance de leur population quatre fois plus faible entre 1990 et 1999 qu’elle ne l’était entre 1975 et 1990 tandis que la croissance de la population des agglomérations ne fléchissait pas [Huntzinger 2001].

ont entamé des efforts de renouvellement urbain, pourrait donc s’accentuer localement et se généraliser à toutes les métropoles françaises à long terme123.

A contrario, S. Wachter rappelle la préférence des français pour la maison individuelle et souligne l’inéquité sociale d’accession à la maison individuelle qui serait consécutive à une trop forte restriction de l’étalement urbain [Wachter 2001]. Dans un autre registre, G. Dupuy [Dupuy 1999-3] pointe les effets pervers d’un urbanisme qui viserait à dissuader ceux qui ne sont pas encore motorisés d’entrer dans le système automobile ; il conduirait à la ghettoïsation de communes et quartiers déjà défavorisés, l’auteur pointe aussi les conséquences du rejet des activités nécessitant l’automobile hors des quartiers résidentiels aisés et qui pourrait se traduire par une gentrification des cœurs urbains. En d’autres termes, les deux derniers auteurs remettent en cause les politiques de planification spatiale visant des formes urbaines plus compactes en mettant en avant des objectifs sociaux.

Le raisonnement de S. Wachter comporte deux faiblesses. Premièrement, la préférence pour la maison individuelle est un fait social contesté : le choix de la maison individuelle est parfois guidé par un défaut d’offre du collectif ou semi-collectif [Kaufmann, Jemelin & Guidez 2001] et le désir de maisons individuelles n’empêche pas une préférence résidentielle dans la ville dense car elle est mieux placée pour offrir une diversité de services auxquels les citadins et les néo-citadins aspirent124. Deuxièmement, dans une aire urbaine dont le potentiel d’urbanisation

est restreint125, l’étalement urbain peu dense sature rapidement les espaces disponibles et

renchérit sensiblement la charge foncière ; il aggrave l’inéquité sociale de l’accès et de l’usage de l’espace.

G. Dupuy avance un argument à rebrousse-poil de l’apparent consensus des urbanistes opérationnels et des hommes politiques urbains, celui de la relation vertueuse entre les formes urbaines compactes et la cohésion sociale. La compacité de la forme urbaine n’implique pas mécaniquement de la cohésion sociale. Dans une ville en transformation lente, les efforts localisés de compacité pour offrir un cadre de vie urbain moins altéré par l’automobile peuvent se traduire par une gentrification de certains quartiers et un rejet des pauvres en

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