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L’élargissement temporel et spatial de l’objectif de réduction/limitation de l’automobilité apporté par le concept de

quelques notions employées par la suite

Chapitre 2 Les objectifs des politiques de transports et de mobilité en milieu urbain

2.1 La liberté de circuler et le droit au transport

2.2.8 L’élargissement temporel et spatial de l’objectif de réduction/limitation de l’automobilité apporté par le concept de

développement durable

Le concept de développement durable est-il porteur d’orientations différentes ou supplémentaires de celles portées par le souci de protection de l’environnement ?

A travers les outils d’aide à la décision, nous avons vu que la réduction des nuisances pourrait être intégrée comme un objectif des politiques de transport avec la même attention que le développement économique. C’est une évolution importante. Est-ce le seul effet de la diffusion du concept de développement durable ? Probablement non. D’autres évolutions sont à venir. Pour les identifier, revenons d’abord à la valeur ajoutée par le concept de développement durable puis raisonnons en traitant séparément chacun des effets de l’automobile sur l’environnement.

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

L’expression «les générations futures » suppose une projection dans le temps très étendue : d’ici 20 ans jusqu’à plusieurs milliers d’années. « Compromettre la capacité » fait référence à un risque de réduire le champ des possibles. La rédaction de la deuxième périphrase laisse entendre sans ambiguïté que c’est à chacune des générations futures de définir son propre développement.

Cette rédaction invite doublement à l’application du principe de précaution. Premièrement, nous (humains d’aujourd’hui) ne connaissons pas le choix des générations futures. Deuxièmement, les connaissances actuelles sur les écosystèmes anthropisés (locaux ou

planétaire) et les mécanismes qui les gouvernent à long terme et à très long terme sont incertaines.

Les conséquences directes de l’automobile sur les écosystèmes différents selon les échelles de temps. Elles sont décrites très synthétiquement dans le tableau ci-dessous suivant l’état actuel des connaissances. L’unité du temps est une génération humaine. Il a été tenu compte de l’inertie du système {transports+urbanisme+technologie} que nous avons fixée au minimum à une génération45.

45 L’inertie du système transports-urbanisme est historiquement plus longue. Cependant, la construction rapide des villes nouvelles, la démolition de grands ensembles 30 à 40 ans après leur construction, les perspectives possibles de paupérisation du périurbain, tout comme la transition rapide vers une société post-industrielle laisse penser que l’inertie transport urbanisme diminue.

Nuisances ou risques Pertinence

spatiale Génération actuelle Génération +1 Génération +2 ou +3 Au delà Bruit46 Micro-local et local

- -

-

?

?

Pollution atmosphérique47 Micro-local à

régional

- -

- ?

?

+

Surconsommation des

ressources spatiales48 local

-

- -

- ?

?

CO2 (effet de serre)49 planétaire

-

- -

- ?

?

Surconsommation

ressources énergétiques50 planétaire

+ ? - - ?

51

Légende :

Impacts directs suivant l’échelle de temps considérée

- -

-

- ?

?

+

Négatifs, importants et certains Négatifs et certains

Probablement négatifs Incertains

Probablement sans impacts significatifs Certainement sans impacts significatifs

Tableau 2-1 Impacts environnementaux de l'automobile selon la temporalité

Debizet 2004 Thèse : De la planification des transports à la gestion durable de la mobilité Mutations d’une expertise

Le contenu de certaines cellules de ce tableau peut être sujet à discussion comme l’indique les notes de bas de page. Nous pouvons néanmoins formuler quelques remarques qui ne sont pas

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Les progrès technologiques des véhicules et des infrastructures conjugués aux moyens de régulation (feux, zone 30, police) laissent espérer une baisse des bruits émis et des nuisances perçues si tant est que des politiques volontaristes soient mises en œuvre.

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Les progrès technologiques des véhicules laissent espérer une baisse de la pollution émise si tant est que les politiques volontaristes perdurent. Le temps moyen de renouvellement est de l’ordre de 15 ans.

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Même si la tendance à la périurbanisation s’infléchissait, l’inertie de la dépendance automobile est telle que la consommation d’espaces dédiés aux quatre roues augmentera. La localisation des espaces dédiés à l’automobile dépend cependant des politiques menées.

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Les liens entre les émissions de CO2, l’effet de serre, le réchauffement terrestre et l’élévation du niveau de la mer apparaissent de plus en plus certains. Les scientifiques sont capables d’en évaluer les impacts pendant les 30 prochaines années. Au-delà, cela dépendra des corrections et du type de développement que l’humanité aura mis en œuvre.

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Les réserves d’énergie fossile seraient insuffisantes pour assurer les consommations des 2 à 3 prochaines générations. D’ici là, des considérations géopolitiques rendent incertaines l’approvisionnement régulier de la prochaine génération.

51

Au-delà de 2 à 3 générations, c’est à dire un siècle, les incertitudes sont de tout ordre : scientifique, technologique, sociétal.

sans conséquence sur les orientations probables des politiques de transports dans le cadre d’un développement durable :

• Parmi les trois nuisances actuellement perceptibles à l’échelon local, le bruit et la pollution atmosphérique pourraient être réduits, et vraisemblablement52 dans des

proportions plus grandes que l’accroissement du trafic. Autrement dit, dans les villes dont la population et les acteurs politiques portent déjà une attention au cadre de vie ; l’adoption du concept de développement durable ne modifient pas sensiblement les orientations actuelles en matière de lutte contre le bruit ou de réduction de la pollution. • L’autre « nuisance » actuellement perceptible - la surconsommation des ressources

spatiales - crée des tensions d’ordre économique (par exemple, le surcoût foncier consécutif à la réservation de grands espaces affectés au stationnement limite le développement des entreprises implantées en milieu urbain) ou relatives au cadre de vie (par exemple, le rétrécissement des espaces publics consacrés à la convivialité et aux loisirs). Dans la mesure où cette surconsommation est intrinsèque au système transports-urbanisme dont l’inertie est assez grande, il est probable que la limitation de l’espace consacré à l’automobile motive durablement les politiques de transports et d’urbanisme. Le recherche d’une mobilité durable devrait amplifier pour longtemps les mesures visant une limitation voire une réduction de l’emprise au sol de l’automobile.

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Sous réserve du maintien d’une politique volontariste de limitation des émissions par véhicule. A Noter que cette assertion n’est pas partagée par certaines associations environnementalistes qui craignent que l’augmentation du trafic soit proportionnellement plus forte que les progrès technologiques. Nous faisons l’hypothèse que ces associations seront en mesure de peser pour que des normes d’émissions plus contraignantes s’appliquent aux constructeurs automobiles et que les aménagements et la gestion de la voirie tendent à réduire les vitesses et les accélérations.

• Quant aux émissions de CO2 et à la surconsommation énergétique, force est de constater que ces risques sont peu perceptibles car les impacts sont à la fois planétaires et reportés essentiellement sur les trois prochaines générations. C’est dire que la prise en compte de ces risques, consécutive à l’adoption du principe de développement durable peut modifier les orientations des politiques de transports selon des amplitudes et des modalités qu’il est encore difficile d’identifier aujourd’hui. Si l’objectif à long terme consiste à réduire fortement la consommation énergétique générale, le modèle de mobilité actuel ne pourra se perpétuer. Si la réduction de la consommation est limitée aux énergies fossiles, qui sont à l’origine de l’effet de serre et dont les ressources sont physiquement limitées, le système automobile peut s’étendre à toute la planète sous réserve que les technologies permettent de substituer, via l’électricité, l’énergie renouvelable (et peut-être l’énergie nucléaire) à l’énergie fossile alimentant actuellement les moteurs des automobiles. Il est probable que les politiques de maîtrise de l’énergie53 et de développement des énergies renouvelables se complèteront comme

cela se fait dans le domaine de l’habitat ; cependant l’intensité de ces politiques dépendra du renouvellement du parc nucléaire54.

Les nombreuses mesures permettant de réduire les nuisances et les risques identifiés ci-dessus agissent parallèlement sur chacune des orientations de façon directe ou par effet induit. Un exemple : l’élargissement des trottoirs au détriment des voies routières favorise aussi le transfert modal de la voiture vers la marche à pied pour certains petits trajets, ce qui contribue à une baisse (ou une moindre augmentation) de la consommation énergétique et des émissions de pollution. D’une manière générale, une disposition contribuant à diminuer le trafic ou le kilométrage parcouru, sous réserve qu’elle ne se traduise pas par une congestion, a pour effet de réduire les nuisances ou les risques décrits dans le tableau ci-dessus. A ce stade, constatons que le concept de développement durable :

• pérennise la nécessité de réduire ou d’éviter un accroissement de l’automobile : il prolonge cette orientation quels que soient les progrès technologiques visant à réduire les émissions de bruit et de polluants par l’automobile,

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Les politiques de maîtrise de l’énergie connaissent un relatif succès en Europe dans les domaines domestiques et industriels. Dans le domaine des transports, les actions se sont limitées, jusqu’à récemment à la consommation d’énergie par véhicule x km ; les politiques énergétiques visant à limiter ou à réduire le kilométrage parcouru sont balbutiantes aussi bien à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale.

54 Dans le débat sur le nucléaire, les différentes et successives générations futures n’ont pas les mêmes intérêts. La prochaine génération aurait intérêt à développer le nucléaire comme substitution aux énergies fossiles afin de maintenir le mode de vie et l’organisation sociale actuelle tout en évitant l’effet de serre et le surenchérissement du coût de l’énergie cependant toutes les générations suivantes n’apprécieraient pas de se voir léguer la menace et le coût du stockage des déchets nucléaires pendant 10 000 ans.

• élargit le territoire sur lequel il est nécessaire de réduire ou d’éviter un accroissement de l’automobile, puisque les enjeux environnementaux sont planétaires pour les prochaines générations futures.

On notera aussi qu’en introduisant une partie prenante fictive : les générations futures, dont on ne connaît aujourd’hui ni les aspirations, ni les besoins, le législateur et les autorités publiques légitiment le principe de précaution, ils permettent à de nouveaux acteurs de s’introduire dans un processus de décision sous le prétexte qu’ils représentent les générations futures.

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