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C'est donc bien la perspective de la guerre juste qui peut nous guider pour déterminer si le fait de porter un jugement moral sur la guerre est ou non susceptible de modifier la valeur des actes qui y sont commis, et, partant, est susceptible ou non de modifier l'extension relative de la catégorie des crimes de guerre.

qu'un jugement moral porté sur la guerre pourrait avoir un intérêt dans la mesure où il pourrait fonder moralement la suspension de poursuite pour des actes juridiquement considérés comme crimes de guerre. Or, cela n'a pas grande pertinence ici de savoir si des actes juridiquement admis comme actes autorisés pendant la guerre devraient ou non être moralement rejetés. La question a un intérêt moral évident, mais elle relève plus des engagements moraux individuels que de l'évaluation systématique des responsabilités. C'est plutôt la seconde position qui nous intéresse ici.

La seconde conclusion possible à l'examen de la justice de la guerre serait d'en venir à déclarer une guerre juste. C'est ici que se pose la question de l'extension possible du champ des moyens autorisés. En effet, quand la victoire est un impératif moral, est-ce que tous – ou presque tous – les moyens sont moralement justifiés pour l'obtenir ? Dans cette première partie, nous nous intéressons aux responsabilités partagées entre ceux qui décident de la guerre et ceux qui la font. Par conséquent, le fait que ceux qui décident de la guerre aient ou non des raisons moralement fondées pour le faire peut-il modifier le champ des actes auxquels les soldats sont moralement autorisés à recourir ? Et si tel est le cas, est-ce que ceci est susceptible de modifier leur responsabilité pour les actes qui sont commis ?

III - Le jugement moral porté sur la guerre est-il susceptible de modifier l'extension relative de la catégorie des crimes de guerre ?

Walzer avance, dans son ouvrage Just and Injust War, que la moralité de la guerre peut s'évaluer à deux niveaux : au niveau des raisons d'entrer en guerre et au niveau des moyens de mener la guerre. La moralité au niveau des moyens s'évalue au cas par cas : est-ce que tel type d'acte est ou non un moyen juste pour tenter de progresser vers la victoire ? Il n'est pas de notre propos ici de reprendre chaque type possible d'acte et d'en faire une évaluation morale. Un examen du droit international nous prouve la cohérence de ses règles avec des justifications morales et il n'est pas ici utile d'en examiner le détail ou les cas limites. Notre propos n'est donc pas ici de déterminer quelles sont les motivations morales que peut avoir un soldat de respecter à la lettre ou non le droit international. Il en serait de même au niveau des raisons de la guerre : il n'est pas utile ici de déterminer dans quelle mesure ceux qui décident de la guerre ont de raisons morales suffisamment fortes pour le faire.

Ce qui par contre est susceptible d'éclairer la question des responsabilités partagées entre ceux qui décident de la guerre et ceux qui la font est les modifications que la justice des raisons de faire la guerre peuvent apporter à la justice des moyens disponibles. Ce sont donc ces tensions que nous allons examiner :

Selon Walzer, il est possible de distinguer quatre types de tension entre le jus ad bellum et le jus in

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:

1- la convention est écartée sous la pression de l'argument utilitariste 2- la convention cède peu à peu devant l'urgence morale de la cause

3- la convention est inamovible

4- la convention ne cède que devant une catastrophe imminente

Ces quatre types vont nous servir de fil conducteur comme autant de points de vue possibles pour répondre à la question qui nous occupe.

III.1- La justice de la cause rend secondaire la catégorie de crime de guerre

Le premier type de tension revient à poser que la convention est écartée sous la pression de l'argument utilitariste. Ceci signifie, non qu'on supprime par principe toute convention, mais que le bien vers lequel tend la guerre passe avant toute autre considération. Notons que Walzer n'examine pas le cas d'une remise en cause pure et simple de la notion de crime de guerre, la justice de la guerre n'est pas de nature à justifier tous les actes qui sont commis en son nom. On ne peut admettre que la justice au niveau du jus ad bellum soit un élément suffisant pour faire de la guerre une guerre juste sans égard aucun pour la justice du jus in bello. Une telle position se contredirait elle-même dans ses visées de justice.

La position proposée ici est plutôt celle d'une priorité de principe : si la victoire est une nécessité morale, elle justifie les actes qui la favorisent. Cependant, nous voyons rapidement que la difficulté inhérente à cette position est celle des limites. Si la position ne donne pas, par principe, libre cours à la licence, elle pourrait finir par la permettre, à force d'autoriser les actes censés favoriser la victoire. Par conséquent, il y a ici un risque réel de finir par déclarer utile toute forme de violence. Dans une perspective morale, le passage par le pragmatisme peut en venir à justifier que tout soit permis, attendu que la guerre soit juste.

La conséquence de cette position serait que le jugement moral sur la guerre en vienne progressivement à justifier une suppression pure et simple de la catégorie du crime de guerre, si ce n'est en droit, du moins en faits.

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