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QUATRE POINTS D’OBSERVATION EN ISERE

B. Des rapports différenciés à la politique ?

1. Politisation : intérêt et orientation politique

Le premier dénominateur de la politisation des individus est l’intérêt porté à la politique, intérêt généralement faible et qui progresse à l’approche d’une campagne électorale (Cautrès Jadot 2007). En utilisant les données de la seconde vague d’enquête menée en 2007, dix jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, nous pouvons donc observer une politisation qui est certainement à son niveau maximal. L’intérêt politique est classiquement plus élevé

185 « S’il est ainsi nécessaire de commencer par analyser le statut et les conditions d’énonciation des réponses dans une situation d’enquête c’est que plus les personnes interrogées sont éloignées des problématiques qui inspirent les questions, plus le risque s’accroît que les réponses obtenues soient non pas des opinions authentiques mais des artefacts de l’interrogation » (Gaxie 1990, p.144)

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dans les catégories sociales les plus favorisées et diplômées de la population, et inversement, dépendant d’inégalités culturelles et sociales, notamment ancrées dans le rapport à l’école (Gaxie 1978). Globalement, nos observations vont dans le sens de cette thèse186 : plus les individus appartiennent aux catégories sociales supérieures, plus ils s’intéressent à la politique, ainsi que nous l’indiquent les coefficients de liaison entre ces deux variables (cf. tableau 2.23). Cependant, sous ce premier abord, quelques différences sont notables, nous conduisant à envisager une différenciation territoriale de l’intérêt pour la politique. Ainsi, dans le canton de Pont-de-Chéruy, les cadres supérieurs et professions intellectuelles témoignent d’un intérêt moindre pour la politique que dans les autres zones ; à l’inverse, cet intérêt est fort chez les ouvriers des cantons – les plus favorisés – de Saint-Ismier et de Villard-de-Lans, ou chez les chômeurs de Villard-de-Lans.

Tableau 2.23

4 zones : intérêt pour la politique et CSP187

Prof. libér. cadres sup.

Prof.

interméd. Employés Ouvriers Chômeurs Moyenne St Ismier V = 0.282 Sig.= 0.032 Intéressé 79,6% 62,9% 44,0% 70,0% 55,6% 66,2% (88) Peu Intéressé 20,4% 37,1% 56,0% 30,0% 44,4% 33,8% (45) Total 100% (54) 100% (35) 100% (25) 100% (10) 100% (9) 100% (133) Villard V = 0.315 Sig.= 0.006 Intéressé 92,3% 61,7% 45,7% 56,7% 66,7% 62,6% (92) Peu Intéressé 7,7% 38,3% 54,3% 43,3% 33,3% 37,4% (55) Total 100% (32) 100% (36) 100% (48) 100% (33) 100% (15) 100% (164) Echirolles V = 0.356 Sig.= 0.003 Intéressé 82,6% 75,0% 54,5% 34,6% 50,0% 60,5% (75) Peu Intéressé 17,4% 25,0% 45,5% 65,4% 50,0% 39,5% (49) Total 100% (23) 100% (32) 100% (33) 100% (26) 100% (10) 100% (124) Pont de Chéruy V non sig. Intéressé 66,7% 60,0% 47,2% 47,7% 50,0% 53,4% (79) Peu Intéressé 33,3% 40,0% 52,8% 52,3% 50,0% 46,6% (69) Total 100% (21) 100% (35) 100% (36) 100% (44) 100% (12) 100% (148) Moyenne 4 zones V = 0.258 Sig.= 0.000 Intéressé 80,6% 64,4% 48,1% 49,1% 55% 60,5% (334) Peu Intéressé 19,4% 35,6% 51,9% 50,9% 45% 39,5% (218) Total 100% (124) 100% (149) 100% (129) 100%(110) 100% (40) 100% (552)

Au niveau de l’orientation politique des enquêtés188, une remarque préliminaire doit être faite à propos de la sur-déclaration d’un positionnement à gauche de l’échiquier politique dans toutes les zones, et dans toutes les catégories socioprofessionnelles (cf. Tableau 2.24) : ce phénomène peut s’expliquer par une certaine forme de désirabilité sociale de cette orientation

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La question était la suivante : « En général, diriez-vous que vous vous intéressez à la politique : beaucoup / assez / peu / pas du tout / (nsp) ? » (Enquête FJP vague 2, Q24). Les modalités de réponse ont été recodées ici de façon à faciliter le traitement en deux modalités : intéressé (beaucoup et assez) et peu intéressé (peu et pas du tout).

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Source : enquête FJP vague 2, résultats non pondérés, NSP exclus de l’analyse.

188 La question était la suivante : « A propos de politique, les gens parlent souvent de gauche et de droite. Vous-même vous situez-vous : très à droite / à droite / au centre-droit / au centre / au centre-gauche / à gauche / très à gauche / (ni à droite ni à gauche) / (refus) / (NSP) ? » (Enquête FJP vague 2, Q26). Les modalités de réponse ont été recodées ici, de façon à faciliter le traitement, en quatre modalités : droite / centre / gauche / non classé.

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politique, ainsi que par la sur-représentation d’un niveau de diplôme élevé dans notre échantillon (Inglehart 1993). Ensuite, malgré la faiblesse de la significativité des coefficients de corrélation entre l’orientation politique et les CSP189, quelques observations peuvent être faites, confirmant la typologie politique présentée précédemment.

Ainsi, toutes catégories confondues, Echirolles est plus orientée à gauche que les autres zones, les cantons de Pont-de-Chéruy et de Saint-Imier affirment une plus grande proximité avec la droite, tandis que le canton de Villard-de-Lans déclare une orientation politique plus « équilibrée ». En poursuivant l’analyse par catégorie socioprofessionnelle, on remarque dans toutes les zones, parmi les catégories supérieures (professions intellectuelles et libérales, cadres supérieurs, professions intermédiaires), un positionnement à gauche sensiblement plus fort que celui des autres groupes socioprofessionnels, ainsi qu’une tendance des CSP populaires à moins se reconnaître et à moins à se classer sur l’échelle gauche-droite.

Cependant, conformément aux ordres politiques locaux des zones étudiées mis en évidence précédemment, plusieurs schémas locaux d’orientation politique se détachent (cf. tableau 2.24). Ainsi, les professions intellectuelles et les cadres supérieurs se positionnent plus à droite dans le canton de Saint-Ismier, plus à gauche dans le canton de Villard-de-Lans et, enfin, plus à gauche et plus au centre à Echirolles. De la même façon, les professions intermédiaires sont plus nombreuses à se classer à droite dans le canton de Saint-Ismier, à gauche dans le canton de Villard-de-Lans et à Echirolles, tandis qu’elles sont plus nombreuses à ne pas se classer dans le canton de Pont-de-Chéruy. Les employés se déclarent également plus à droite que la moyenne dans le canton de Saint-Ismier et plus à gauche dans le canton de Villard-de-Lans. Les ouvriers vont se classer plus à gauche dans les cantons de Saint-Ismier – à rebours des autres catégories socioprofessionnelles – et de Villard-de-Lans ; à l’inverse à Echirolles, ils sont plus nombreux que la moyenne à ne pas se classer, tandis que dans le canton de Pont-de-Chéruy, ils sont plus nombreux à se classer à droite et au centre. Enfin, les chômeurs se classent plus fréquemment à gauche que dans les autres catégories, dans toutes les zones190.

189 Les coefficients de corrélation ne sont pas très significatifs, en raison de la faiblesse des effectifs de chaque catégorie prise séparément. Cependant, ils indiquent parfois une liaison entre les variables d’orientation politique et les catégories socioprofessionnelles.

190 Ceci pourrait éventuellement s’expliquer par la stigmatisation de ceux qui ne travaillent pas par le candidat de l’UMP au cours de la campagne présidentielle. En effet, la place et la revalorisation du travail dans la société française ont été au cœur de la campagne de Nicolas Sarkozy : dès son discours d’investiture (14 janvier 2007 à l’occasion du Congrès de l’UMP), il met l’accent sur la « France des travailleurs », cherchant à séduire les déçus du socialisme en faisant référence à Léon Blum et Jean Jaurès notamment. Lors d’une visite du marché de Rungis le 1er février 2007, Nicolas Sarkozy déclare vouloir se tourner vers « la France qui se lève tôt », expression qui se sera largement reprise, par la suite, au cours de la campagne présidentielle, que ce soit par les soutiens ou les détracteurs du candidat de l’UMP.

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Nous observons donc que le positionnement politique des catégories socioprofessionnelles n’est pas uniforme lorsqu’elles sont prises en compte zone par zone : les professions intellectuelles et les cadres supérieurs se positionnent plus à droite dans le canton de Saint-Ismier, tout comme les professions intermédiaires et les employés, alors que dans le canton de Villard-de-Lans, ces trois catégories se positionnent largement plus à gauche. Le territoire joue donc un rôle dans ces bifurcations, même si nous ne pouvons pas définir ce rôle de manière évidente et définitive.

Tableau 2.24

4 zones : orientation politique et CSP191

Prof lib, cadres sup.

Prof.

interméd. Employés Ouvriers Chômeurs Moyenne

St Ismier V = 0,231 Sig. = 0,050 Droite 35,2% 58,8% 33,3% 20,0% 22,2% 38,9% (51) Centre 9,3% 11,8% 12,5% ,0% ,0% 9,2% (12) Gauche 48,1% 23,5% 33,3% 80,0% 66,7% 42,7% (56) Non classé 7,4% 5,9% 20,8% ,0% 11,1% 9,2% (12) Total 100% (54) 100% (34) 100% (24) 100% (10) 100% (9) 100% (131) Villard V non sig. Droite 11,5% 26,1% 8,8% 36,7% 22,2% 21,4% (31) Centre 11,5% 23,9% 14,7% 10,0% 22,2% 16,6% (24) Gauche 73,1% 43,5% 61,8% 43,3% 55,6% 53,8% (78) Non classé 3,8% 6,5% 14,7% 10,0% ,0% 8,3% (12) Total 100% (26) 100% (46) 100% (34) 100% (30) 100% (9) 100% (145) Echirolles V non sig. Droite 8,7% 35,5% 21,9% 11,5% 30,0% 21,3% (26) Centre 26,1% 12,9% 18,8% 15,4% 20,0% 18,0% (22) Gauche 60,9% 48,4% 50,0% 50,0% 30,0% 50,0% (61) Non classé 4,3% 3,2% 9,4% 23,1% 20,0% 10,7% (13) Total 100% (23) 100% (31) 100% (32) 100% (26) 100% (10) 100% (122) Pont de Chéruy V non sig. Droite 28,6% 40,0% 24,2% 41,9% 25,0% 34,0% (49) Centre 9,5% 22,9% 21,2% 20,9% 16,7% 19,4% (28) Gauche 57,1% 25,7% 42,4% 23,3% 41,7% 34,7% (50) Non classé 4,8% 11,4% 12,1% 14,0% 16,7% 11,8% (17) Total 100% (21) 100% (35) 100% (33) 100% (43) 100% (12) 100% (144) Moyenne 4 zones V = 0.126 Sig. = 0.011 Droite 24,2% 39% 21,1% 31,2% 25% 29% (157) Centre 12,9% 18,5% 17,1% 14,7% 15% 15,9% (86) Gauche 57,3% 35,6% 48% 40,4% 47,5% 45,2% (245) Non classé 5,6% 6,8% 13,8% 13,8% 12,5% 10% (54) Total 100% (124) 100% (146) 100%(123) 100%(109) 100% (40) 100% (542)

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