• Aucun résultat trouvé

PROTOCOLE ET METHODOLOGIE

B. La séquence électorale de 2007

1. La forte participation à l’élection présidentielle

Au premier et au second tour de l’élection présidentielle de 2007, ce sont respectivement 83,8%, puis 84% des électeurs français qui se rendent aux urnes. Ces taux de participation ont largement surpris les observateurs de la vie politique française, puisque cela rompt avec l’érosion de la participation à l’élection présidentielle observée depuis 199568. L’augmentation de la participation est surtout très nette par rapport à 2002, amenant de nombreux politologues dans leurs commentaires et interviews postélectoraux à qualifier cette reprise de « sursaut de participation ».

Cette augmentation de la participation a concerné toutes les catégories sociales : quels que soient le genre, l’âge, la profession, le statut professionnel ou le niveau d’étude, la participation augmente de 10 à 20 points selon les différentes catégories sociales (Muxel 2007, p.319). Cependant, à la différence de 2002, l’abstentionnisme semble moins être le signe d’une protestation à l’égard d’une offre politique insatisfaisante ou d’un rejet du système politique que le signe d’une moindre intégration sociale et politique. Ainsi, la part des abstentionnistes est toujours nettement plus importante parmi les plus jeunes (les 18-24 ans et les 25-34 ans), parmi

68

Pour rappel, les taux de participation aux premiers tours des élections présidentielles au suffrage universel direct sont de 84,75% en 1965, 77,6% en 1969, 84,2% en 1974, 81,1% en 1981, 81,35% en 1988, de 78,4% en 1995, 71,6% en 2002.

Les taux de participation aux seconds tours des élections présidentielles sont de 84,3% en 1965, 68,9% en 1969, 87,3% en 1974, 85,9% en 1981, 84,35% en 1988, 79,7% en 1995, 79,7% en 2002.

67

les catégories socioprofessionnelles les moins aisées (artisans-commerçants, employés et ouvriers), parmi les chômeurs et parmi ceux dont le niveau de diplôme est le moins élevé (sans diplôme ou inférieur au baccalauréat) (Muxel 2007). Dans ces conditions, lors de l’élection présidentielle de 2007, l’abstentionnisme reste le signe d’une défaillance des mécanismes d’intégration du système politique, dont la cause peut être soit une incompatibilité entre le cycle de vie et l’acte électoral, soit un désintérêt général pour la politique (sentiment d’incompétence face aux questions et enjeux politiques, défiance vis-à-vis du système politique et de sa capacité à mettre en œuvre des changements). A la différence de 2002, cependant, l’abstentionnisme est moins un abstentionnisme stratégique ou protestataire causé en partie par la montée parmi les électeurs français d’une crise de confiance dans les hommes et institutions politiques (Cautrès Mayer 2004). Mais, ce retour notable des électeurs français vers les urnes et vers la politique ne doit pas être interprété comme un succès de la classe politique qui aurait réussi à reconquérir les déçus générés par le système politique puisque les données du PEF 2007 donnent à voir des niveaux de méfiance sensiblement identiques à ceux de 2002 (Michelat Tiberj 2007). Il semble plutôt que ce retour vers les urnes ait été causé par un regain d’intérêt pour la politique, suscité par une compétition à l’apparence plus ouverte et renouvelée (Gerstlé 2007). En d’autres termes, malgré l’absence d’enjeu saillant qui clive le débat politique français, la campagne électorale pour l’élection présidentielle aurait accompli sa fonction de mobilisation en permettant aux deux principaux candidats d’apparaître comme des candidats de renouvellement de la fonction présidentielle.

La plus forte participation électorale relevée en 2007 n’est pas seulement le fait d’une réduction du phénomène d’abstention mais aussi d’une augmentation quantitative du nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales puisque le corps électoral progresse de 4,2% entre 2006 et 2007 (Bréchon 2007), et les procédures d’inscription ou réinscription en mairie ont augmenté de 10 à 12% en 2006 par rapport à 2005 (Braconnier Dormagen 2007b, p.50). Malgré leurs divergences sur l’interprétation de cette progression de l’inscription sur les listes électorales en 2007, les auteurs s’accordent sur une même explication : l’intérêt porté très tôt par les électeurs à cette élection présidentielle. Globalement, cette progression de l’inscription sur les listes électorales est le fait des départements à fort dynamisme démographique (Bréchon 2007, p.59) avec deux phénomènes notables : la forte inscription d’électeurs non-inscrits au préalable et l’arrivée dans une nouvelle commune. Les données de Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen mettent en évidence l’importance du phénomène de première inscription volontaire dans les quartiers classés en zone urbaine sensible (ZUS) : d’après leurs estimations, 40% des procédures d’inscription en ZUS sont le fait de la « première inscription volontaire » c'est-à-dire

68

de l’inscription sur les listes électorales d’électeurs qui n’étaient plus inscrits ou n’avaient jamais été inscrits69. Ce mouvement vers les listes électorales traduit le retour d’un certain intérêt pour la politique des classes populaires, notamment celles étant confrontées à de nombreuses difficultés quotidiennes. Hors des ZUS, le principal motif d’inscription sur les listes électorales est l’arrivée dans une nouvelle commune pour 58% des cas de procédures d’inscription. Ce mouvement traduit également un regain d’intérêt pour la politique, mais qui serait plus le fait des classes intermédiaires et supérieures de la population, et notamment des plus mobiles. L’augmentation du nombre d’inscrits sur les listes électorales confirme cet attrait renouvelé pour la politique, qui se caractérise par une participation majeure à l’élection présidentielle de 2007, mais confirme également qu’il ne concerne que des groupes de la population ne s’excluant pas du jeu politique.

En résumé, l’élection présidentielle a vu une hausse de l’inscription sur les listes électorales et une hausse de la participation aux deux tours de scrutins. Ce regain d’intérêt a été largement expliqué par la fonction mobilisatrice de la campagne électorale où des candidats qui apparaissent comme nouveaux, c'est-à-dire des candidats, pour les deux grands partis, qui ne sont ni le Président ou le Premier Ministre sortant et qui n’aient pas été candidats précédemment – ont pu consolider leur image de crédibilité pour endosser la fonction présidentielle70. En outre, ces candidats mettent en avant un fort volontarisme politique, ainsi que la nécessité d’assurer une rupture par rapport aux politiques précédemment menées, deux traits à même de (re)séduire un électorat qui commençait à manquer de confiance dans ses dirigeants politiques. La spécificité de l’élection présidentielle de 2007 dans la séquence électorale se confirme notamment lorsqu’on la compare avec les élections législatives : en effet, la participation chute de façon importante, passant à environ 60% pour chacun des deux tours des élections législatives, ce qui tendrait à étayer l’idée d’une participation « choisie » des électeurs en fonction de l’intérêt pour l’élection en question, mais aussi de la perception qu’ils ont de l’utilité de leur vote. Le retour vers les urnes lors de l’élection présidentielle aurait ainsi été celui des « abstentionnistes dans le jeu » (Muxel Jaffré 2000)71.

69

Rappelons que l’inscription sur les listes électorales est automatique pour les jeunes au moment de leur dix-huitième anniversaire, sous condition de s’être faits recenser auprès de leur mairie, depuis 1998.

70 Nous reviendrons par la suite (cf. chapitre 7) sur l’importance de l’image transmise par les candidats dans la détermination des choix électoraux des citoyens.

71 « S’abstenir tout en restant dans le jeu correspond à une relativisation du vote – et en particulier des législatives -, à la montée d’une contestation active de la société (renvoyant, on le sait, à d’autres formes de participation) et aussi à une abstention-sanction traduisant la critique de l’offre politique et, au fil des alternances à répétition, le désaveu des gouvernements successifs », (Muxel Jaffré 2000, p.50).

69

2. Les principaux enseignements de l’élection présidentielle de 2007 et des élections

Outline

Documents relatifs