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PROTOCOLE ET METHODOLOGIE

C. Deux enquêtes d’opinion par sondage : questionnaires et échantillons

1. Conception des deux questionnaires de sondage

Les deux questionnaires (reproduits en annexe C1 et C2), d’une durée d’environ vingt minutes chacun, servant de base au volet quantitatif du protocole d’enquête, ont été construits selon les standards usuels de ce type d’enquête d’opinion91 et élaborés collectivement par l’ensemble de l’équipe impliquée dans le projet (voir supra). Il ne s’agit pas ici de les présenter de façon très détaillée, en procédant question par question : en effet, étant donné que nous n’utilisons pas pour notre travail de thèse l’ensemble des questions figurant dans les deux questionnaires, nous avons opté pour une présentation de l’économie générale du dispositif de recueil de données quantitatives.

Tout d’abord, en raison d’un des objectifs du programme de recherche, consistant à mettre en évidence la façon dont se structurent les opinions et les attitudes politiques dans le cadre d’un « moment chaud » de la vie politique française, soit une campagne présidentielle, les questionnaires ont été conçus pour être utilisés, à la fois, de façon indépendante ou de façon complémentaire l’un à l’autre. Ainsi, les sujets abordés sont sensiblement différents de l’un à l’autre : la première vague de sondage s’étant déroulée en février 2007, soit deux mois avant les élections, ce questionnaire laisse de l’espace aux questions ayant trait au cadre de vie et à la perception d’une éventuelle insécurité localement (voir chapitre 2). Se trouvent, également dans le premier questionnaire, des questions assez spécifiques sur les moyens mobilisés par les électeurs pour s’informer en matière politique, avec un focus particulier sur les utilisateurs d’Internet et les différents usages politiques de ce nouveau média.

91 Le développement de l’utilisation des sondages par la sociologie électorale française depuis le début des années 1960 a permis de cumuler les expériences diverses : le site internet du Centre de données sociopolitiques de Sciences Po Paris a vocation à rassembler les enquêtes sociopolitiques françaises et internationales, mettant ainsi à disposition une vaste base de données, extrêmement utile lors de la conception des questionnaires. En outre, la longue tradition de conduite d’enquête en sociologie électorale par les laboratoires CIDSP puis PACTE à Grenoble a donné lieu à la constitution d’un « savoir-faire » pratique au sein des équipes de recherche.

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Les questions les plus directement ciblées sur la campagne électorale de 2007 et sa perception par les électeurs ont été réservées à la seconde vague. Ainsi, on y trouve des questions portant spécifiquement sur le bilan du gouvernement sortant, l’image des candidats, les arguments qui séduisent les électeurs, mais ont aussi été inclues des questions visant à tester la perception des propositions faites par les candidats ou des enjeux de campagne. Par exemple, dans le second questionnaire, on trouve une question sur les moyens d’augmenter le pouvoir d’achat, une question reprenant les propositions en faveur d’une participation plus directe des citoyens à la vie politique. D’autres questions ont, elles, pour objectif d’essayer de mesurer l’impact de la campagne présidentielle en termes de « politisation collective », c’est-à-dire en demandant aux individus interrogés s’ils ont changé leur façon de s’informer en raison de la campagne, s’ils discutent fréquemment de sujets politiques avec leur entourage, voire s’ils leur arrivent d’essayer de convaincre leurs interlocuteurs de leur propre vision.

Hormis ces différences entre les deux questionnaires, liées à la possibilité de pouvoir réaliser et articuler deux vagues de sondage pour le projet FJP, et de la collecte des caractéristiques socioéconomiques des individus, il existe un large socle commun aux deux vagues d’enquête, de façon également à pouvoir prendre en compte la cristallisation d’enjeux ou le durcissement des positions des électeurs au fur et à mesure du déroulement de la campagne. Ainsi, dans les deux questionnaires, sont présentes des questions « classiques » servant à mesure l’intérêt pour la politique, la proximité partisane, la perception de l’UE et le vote au référendum de 2005, les intentions de vote pour les différents candidats couplées aux caractéristiques jugées décisives par les électeurs, différentes attitudes et valeurs individuelles (ethnocentrisme, autoritarisme, libéralisme culturel, ouverture aux autres, etc.), mais également des questions portant sur la perception globale de la démocratie et de la confiance dans les institutions de la Vème République. Des questions communes portent enfin plus spécifiquement sur la campagne pour l’élection présidentielle : les problèmes qui devraient être pris en considération en priorité par les différents candidats, ou encore l’importance de différentes caractéristiques pour le choix d’un candidat. Une dernière question portant sur l’intérêt des électeurs pour la campagne présidentielle était posée sous la forme d’une question ouverte, c’est-à-dire que les individus enquêtés étaient libres de répondre avec leurs propres mots. Les différentes réponses à cette question ont été enregistrées puis retranscrites entièrement, de façon à permettre une analyse de statistique textuelle par la suite92.

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Toujours du côté des points communs aux deux questionnaires, deux procédures relativement innovantes dans le domaine des enquêtes sociopolitiques ont été introduites à l’occasion du programme FJP : un indice de précarité, le « score EPICES »93, et une mesure alternative des intentions de vote. Issu de recherches en épidémiologie (Sass et al. 2006), le « score EPICES » (Evaluation de la Précarité et des Inégalités de santé dans les Centres d'examens de santé), constitué de onze questions, permet de déterminer le niveau de précarité d’un individu, au regard des différentes dimensions de la précarité, qu’elle soit matérielle ou sociale. L’utilisation de ces questions avait pour objectif une meilleure prise en compte de la précarité individuelle dans l’enquête : en effet, les questions classiquement utilisées dans les enquêtes d’opinion pour mesurer la précarité94, ne permettent d’aborder le phénomène qu’uniquement sous l’angle d’une certaine forme de précarité matérielle, essentiellement liée au fait d’être au chômage. Or de nombreuses recherches (Paugam 2000) sur ce phénomène ont largement démontré qu’il était protéiforme : les situations de précarité sont multiples et peuvent toucher des publics variés (travailleurs pauvres, retraités, étudiants, familles monoparentales, etc.), tout en prenant parfois la forme d’une certaine marginalisation sociale du fait de l’inaccessibilité de certaines catégories de la population à différentes « ressources » (loisirs, réseau familial ou amical, etc.).

La principale innovation des questionnaires du programme FJP est l’utilisation, dans les deux vagues d’enquête, d’une nouvelle technique de mesure des intentions de vote en terme probabiliste et non sémantique. Plus concrètement, la méthode imaginée repose sur le principe suivant : au lieu de demander aux enquêtés d’exprimer leur intention de vote au moment où ils sont interrogés par un degré de probabilité qualitatif (plus ou moins certain de voter pour…), on leur demande d’exprimer un degré en terme quantitatif (sur une échelle allant de 0 à 10). Cette méthode permet aux individus interrogés de rendre compte avec plus de finesse du degré de certitude ou d’hésitation qui accompagne leur préférence pour tel ou tel candidat.

93 Le score EPICES est un indice synthétique de onze questions binaires, construit à partir d’enquêtes menées dans les Centres d’examen de santé, où chaque réponse est affectée d’un poids en fonction de l’importance de la question pour déterminer la précarité individuelle. Les onze questions du score EPICES sont : « Rencontrez-vous parfois un travailleur social ? » ; « Bénéficiez-bous d’une assurance maladie complémentaire ? » ; « Vivez-vous en couple ? » ; « Etes-vous propriétaire de votre logement ? » ; « Y a-t-il des périodes dans le mois où vous rencontrez de réelles difficultés financières à faire face à vos besoins (alimentation, loyer, EDF…) ? » ; « Vous est-il arrivé de faire du sport au cours des 12 derniers mois ? » ; « Etes-vous allé au spectacle au cours des 12 derniers mois ? » ; « Etes-vous parti en vacances au cours des 12 derniers mois ? » ; « Au cours des 6 derniers mois, avez-vous eu des contacts avec des membres de votre famille autres que vos parents ou vos enfants ? » ; « En cas de difficultés, il y a-t-il dans votre entourage des personnes sur qui vous puissiez compter pour vous héberger quelques jours en cas de besoin ? » ; « En cas de difficultés, il y a-t-il dans votre entourage des personnes sur qui vous puissiez compter pour vous apporter une aide matérielle ? ».

94 En général, ces questions portent sur l’estimation des revenus mensuels, le statut d’occupation du logement, la possession d’autres sources de revenus que le salaire et de biens de consommation.

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De plus, les probabilités de vote peuvent être croisées non seulement avec les intentions de vote déclarées à la question « si l’élection avait lieu demain pour quoi voteriez-vous ? » mais également avec les résultats de l’élection présidentielle dans les différentes zones étudiées. De telle sorte que cette méthode permet de rendre compte des hésitations des électeurs entre les candidats à l’élection présidentielle, en la rapportant à l’issue finale du scrutin. En outre, les probabilités de vote étant demandées pour tous les candidats, il est aussi possible de cartographier les espaces politiques que se constituent les électeurs, en repérant où sont positionnés les candidats les uns par rapport aux autres, ceux qui sont un choix probable, ceux qui sont envisageables et sont ceux qui ne font pas partie des alternatives acceptables. Cette méthode permet d’appréhender les différents agencements entre candidats, observables d’une zone à l’autre, mais également de saisir la manière dont le choix pour un premier candidat se combine avec plusieurs types de choix pour les deuxièmes et troisièmes candidats.

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