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Le Plan Textile et ses conséquences, l’aboutissement d’une politique ancienne

enseignements du modèle productiviste

Chapitre 4 – Un écosystème industriel en péril

A. Les conséquences du désengagement de Rhône-Poulenc Textile sur la filière

1. Le Plan Textile et ses conséquences, l’aboutissement d’une politique ancienne

Si l’histoire de l’ensemble chimique Rhône-Poulenc a été largement couverte par la monographie de Pierre Cayez, elle présente néanmoins l’inconvénient de s’achever à la veille de la crise de 1974. Hervé Joly a traité dans un chapitre de l’implication de la famille Gillet au sein de Rhône-Poulenc sur la période 1961-1979, jusqu’au retrait de son dernier représentants Renaud Gillet. Du côté des géographes, Michel Laferrère a consacré plusieurs articles à diverses problématiques de territoires sur le groupe chimique348. La dispersion des archives du groupe

348 Citons notamment Michel Laferrère, « Un acteur imprévu dans les stratégies foncière et immobilières

en milieu urbain : le groupe Rhône-Poulenc à Lyon », Géocarrefour, n° 64-3, 1989, p. 140-142, du même, « Histoire d’un site industriel : l’usine Rhône-Poulenc de Roussillon », Géocarrefour, n° 59-4,

et l’inaccessibilité au public de la grande majorité d’entre elles ont rendu difficile le travail de collecte archivistique. Fort heureusement, il nous reste, outre la bibliographie, les documents de travaux issus des papiers de Pierre Cayez, cotés 146 J aux archives départementales du Rhône, plusieurs dossiers de presse sur la période 1977-1990 conservés à la bibliothèque municipale de Lyon ainsi que la correspondance syndicale avec le moulinage et le voile au sein du fonds UNITEX. Nous citons également la thèse de géographie d’Irène Durieux-Millon sur les conséquences urbaines du démantèlement de Rhône-Poulenc Textile (RPT), qui a pu avoir accès aux archives de l’ancienne Rhodiaceta, conservées dans l’ancienne usine de Besançon. Cette sous-partie consacrée à la politique industrielle de RPT au cours de la crise de 1974 met en lumière ses conséquences sur la filière textile en aval, qui doit repenser ses rapports à un fournisseur cessant d’être également un organisateur. Selon les travaux de Pierre Cayez, le poids du textile dans la production de Rhône-Poulenc atteint un pic en 1962 estimé aux deux tiers de du chiffre d’affaires total du groupe. En 1983, cette part s’est effondrée à moins de 20 %, essentiellement grignotés par la division santé et phytosanitaire, née à l’occasion de la grande restructuration organisationnelle de 1969. Cette dynamique s’est engagée à partir de 1965 avec les conséquences de l’expiration des brevets du nylon sur les prix de vente et l’inévitable compression de l’ensemble textile de Rhône-Poulenc qui s’en est suivie. Si les diminutions d’effectifs sont déjà actées depuis 1961 au Comptoir des textiles artificiels (CTA) avec la montée en puissance des textiles synthétiques, la fin des embauches et l’accélération des mises à la retraite deviennent un phénomène nouveau à la Rhodiaceta, entraînant de fortes agitations ouvrières au cours des années 1967-1968349. Les grandes fusions de 1969 qui officialisent la création de la division Textile, puis l’intégration du CTA au nouvel ensemble RPT en 1971, entérinent la managérialisation organisationnelle du groupe. La holding tentaculaire issue de l’absorption de Celtex en 1961 cède place à une organisation multi- divisionnaire plus moderne, aidée par la vision stratégique du PDG d’alors, Wilfrid Baumgartner, grand commis d’État ayant mis fin à une longue culture technicienne dans le leadership du groupe. Cette orientation stratégique est confirmée par son successeur Renaud Gillet (1913-2001) en 1973, longtemps administrateur de Progil, de la Rhodiaceta et de RP. Si le CTA et la Rhodiaceta disparaissent à cette occasion, les confettis en aval de la filière issus

1984, p. 245-259 ; « Géographie du pouvoir de décision dans l’industrie lyonnaise », Géocarrefour, n° 54-4, 1979, p. 329-348.

349 Sur les mouvements sociaux de la Rhodiaceta, voir l’ouvrage du Centre coopératif d’histoire vivante

des révoltes et des alternatives sociales : Histoire d’une usine en grève : Rhodiaceta, 1967-1968, Lyon

de leurs prises de participations respectives, l’encolleur Gamma, le moulineur MRC/Chavanoz et le fabricant de voiles Godde-Bedin restent des filiales indépendantes, conformément à la politique de la maison-mère. À sa création, RPT emploie 22 000 salariés au sein de 18 usines, dont 9 situées dans la seule région Rhône-Alpes, pour un potentiel de production de fils artificiels et synthétiques total de 11 700 t par mois sur 23 000. La division, confiée au vétéran de la Rhodiaceta Augustin Mollard, est une affaire à la gestion délicate dès sa création. Malgré une compression de personnel de l’ordre de 10 % sur ses cinq premières années s’exercice, la société peine à être à l’équilibre financier et plonge finalement dans le rouge en 1975 :

1971 1972 1973 1974 1975

Chiffre d’affaires 2 288 2 408 2 667 3 608 2 472 Bénéfices bruts 167 197 336 391 -577 Résultats nets 0,4 -53 70 22 -732 Effectifs 22 344 21 679 20 989 20 111 18 703

Tableau IV-1 – Bilan comptable (en millions de F) et effectifs de RPT, 1971-1975

Source : Pierre Cayez

Les effets de la crise de 1974 ne font que confirmer une situation déjà précaire. Les premières mesures de restructuration sont prises avant même la dégradation de la conjoncture économique. Dès juillet 1972, RPT ferme son site d’Arques-la-Bataille (Seine-Maritime). En janvier 1974, une note de service mentionne la création d’un comité exécutif, chargé de définir les objectifs, politiques et structures du groupe, composé de huit membres plus un secrétaire. Renaud Gillet assure le suivi des relations internes/externes, son second Jean-Claude Achille, directeur général de Rhône-Poulenc, se consacrant aux directions à vocation économique. Chaque président de branche reçoit une supervision supplémentaire en plus de sa division : outre RPT, Augustin Mollard est ainsi chargé du suivi de la division Films et reprographie350. Si le fonctionnement précis de ce comité n’est malheureusement pas détaillé par les sources, il apparaît probable qu’il ait joué un rôle important dans les décisions ultérieures, en concentrant les prérogatives stratégiques entre les mains de la direction et d’un cercle restreint de cadres supérieurs. La direction adopte dès 1974 les premières mesures de restructuration consécutives à la contraction de l’activité. L’activité de textile polyester industriel est réduite de moitié dans

l’usine de Vaulx-en-Velin, en raison des tensions sur les matières premières pétrolières et de priorités organisationnelles. L’approvisionnement disponible est redirigé vers les deux filiales étrangères également productrices de polyester industriel, la SAFA en Espagne et la Viscose suisse, aux bâtiments plus modernes et aux productions plus rentables. Le dernier article en rayonne de la société, un fil haute ténacité utilisé principalement dans les pneumatiques, est également abandonné en raison d’un prix de revient jugé excessif351. En 1975, des mises au

chômage technique sont annoncées dans 13 des 17 établissements, pour une période s’étalant initialement de quinze jours à un mois et reconduites à divers degrés selon les sites. La direction acte également de la fermeture en 1976 de l’atelier de rayonne industrielle de Vaulx-en-Velin et plus globalement de l’arrêt de toutes les fabrications cellulosiques. Au terme du calamiteux exercice 1975, les ralentissements d’activité dégénèrent en fermetures partielles. Au comité central d’entreprise (CCE) du 18 décembre, les ateliers écarts à Vaise, fils transformés à La Voulte et le moulinage intégré de Besançon sont amenés à fermer d’ici la fin 1976. L’activité câble fibranne de l’usine de Bezons est déplacée dans celle de Roanne, spécialisée dans la matière. L’usine de Belle-Etoile qui produit le sel N, intermédiaire textile dédié à la fabrication du nylon et du polyester, doit être détachée de la division textile au profit de la division pétrochimie. Enfin, la première fermeture régionale est entérinée à Péage-de-Roussillon (Isère). Le site, qui produit des intermédiaires très divers aussi bien destinés à la chimie qu’au textile, n’entre plus dans la nouvelle configuration du groupe de pôles spécialisés. Une session ultérieure du comité central d’entreprise en février 1976 annonce de nouvelles mesures (productives) conjoncturelles, avec la fin de la production de fibres polynosiques352 dans l’usine de Gauchy (Aisne), mais aussi structurelles avec une ébauche de diversification : le nombre de sites produisant le nylon est amené à être diminué, les effectifs des services centraux élagués et les investissements concentrés sur les produits d’avenir, comme le Bidim353

fabriqué dans les usines de Bezons (Val-d’Oise) et Colmar (Haut-Rhin). Cette réorientation donne lieu à un rapprochement avec la Société française des non-tissés en vue d’un

351 BML, B 011138, Commission économique du comité d’établissement de Rhône-Poulenc Textile

Vaulx-en-Velin, Étude du marché du fil industriel synthétique, 1981.

352 Les fibres polynosique désignent des fibres fabriquées dans des conditions spécifiques à partir de

cellulose régénérée. Le procédé est breveté par le CTA et exploité sous les marques Medifil, Meryl et Zantrel avant d’être repris par Rhône-Poulenc.

353 Le Bidim est un géotextile non-tissé en polyester mis au point par Rhône-Poulenc en 1965 dans son

usine de Lyon-Vaise, avant que sa production ne soit transférée à Bezons. Originellement utilisé dans les ouvrages de drainage, ses emplois se sont diversifiés dans le génie civil et la construction. La production nationale de Bidim subsiste encore aujourd’hui dans l’usine de Bezons, entretemps cédée par Rhône-Poulenc à l’entreprise américaine TenCate.

regroupement des moyens industriels, dont l’issue n’est pas précisée par les sources. En octobre 1976, la Société pour la promotion d’activités nouvelles (SOPRAN), une société créée au sein de Rhône-Poulenc pour accompagner les reconversions de sites, annonce la signature d’un accord avec la société Airgaz pour l’installation de matériel de production sur le site de Roussillon d’ici 1978, avec une priorité de recrutement pour l’ex-personnel Rhône-Poulenc. Cependant, le projet semble faire long feu ; Michel Laferrère354 ne fait aucune référence à une quelconque implantation industrielle postérieure à la fermeture, même si un article du Progrès mentionne l’existence d’une petite unité opérationnelle en 1980, vivotant avec seulement 30 salariés355. Les mesures de restructuration se poursuivent en 1977 avec la mise à l’arrêt

programmée de la production polyester sur le site de Besançon et de l’atelier monofilament de Lyon-Vaise, dont le matériel doit être rapatrié à Albi. Malgré ce traitement de choc, qui a déjà coûté l’emploi de 2 000 salariés en deux ans, RPT affiche en 1976 un déficit avant impôt de 575 millions de F, en dépit de la hausse du chiffre d’affaires à 2,7 milliards de F356. La colère

sociale est essentiellement contenue par le refus du licenciement au profit de mises en pré- retraite ou de dispositifs d’accompagnement. La société ne peut cependant esquiver un piquet de grève à Roussillon qui persiste jusqu’en 1978.

354 Laferrère, « Histoire d’un site industriel… », art. cit.

355 Michel Tixier, « Le Rhône sans textile ? Un sévère réquisitoire de la CGT contre le redéploiement

de RPT », Le Progrès, 10 janvier 1980.

Document III-1 – L’ex-usine de la TASE puis Rhône-Poulenc Textile Vaulx-en-Velin, aujourd’hui siège de Technip FMC

Source : BM Lyon, photo de Nicolas Daum

En 1976, Renaud Gillet fait appel à Jean Gandois (1930-2020), polytechnicien de formation, ancien ingénieur des Ponts et Chaussées devenu cadre dirigeant chez Wendel puis directeur général de Sacilor en 1972357. Fort de son expérience dans la sidérurgie, il remplace Jean-

Claude Achille démissionnaire comme directeur général puis comme vice-président du groupe. Au sein de la société lorraine, il s’est distingué par une stratégie de fusion-restructuration qui est reprise pour RPT. L’arrivée de Gandois à la direction générale est l’aboutissement de divergences de stratégie au sein du comité exécutif entre Renaud Gillet et Jean-Claude Achille, à l’avantage du premier. Le 20 décembre 1977, la direction de Rhône-Poulenc annonce la mise en place d’un « Plan Textile » piloté par Jean Gandois visant à restructurer profondément RPT

357 Pour le détail de sa carrière, voir la notice qui lui est consacré par Mauve Carbonell dans Jean-Claude

en recentrant la production dans des pôles modernisés et à proximité de la clientèle. Cinq sites doivent être graduellement fermés, impliquant le licenciement de 6 000 salariés358. 450 millions de F doivent être injectés pour la modernisation des filatures maintenues : Arras pour le polyamide, Valence pour le polyester, Grenoble pour la viscose, Gauchy pour les fils spéciaux pour lainages et bonneterie359. La décision, si elle semble être issue d’études antérieures, divise profondément le conseil d’administration de la société-mère. La séance du conseil d’administration de RPT tenue le même jour annonce pudiquement la démission de quatre administrateurs de Rhône-Poulenc : Lazare Carnot, Robert de Lacotte, Jean de Précigoût et Charles Recordon. Tous sont des cadres âgés issus de la vieille garde en activité depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Leurs remplaçants témoignent d’un changement d’ère managériale : des administrateurs rajeunis dotés d’un bagage plus commercial que technique, encadré par le cadre historique Albert Diehl. Parmi les nouveaux arrivants figurent Didier Pineau-Valencienne (né en 1931), diplômé HEC et de la Tuck School of Business (USA), auparavant à la tête du contrôle de gestion du groupe, Igor Landau (né en 1944), diplômé HEC et ancien du cabinet de consultant McKinsey, et Jean Decaure, polytechnicien. À l’exception de Pineau-Valencienne qui quitte le groupe en 1980 pour prendre la tête du groupe Schneider, Landau et Decaure poursuivent leur carrière au sein du groupe sous les présidences de Jean Gandois (1979-1982), Loïk Le Floch-Prigent (1982-1986) et Jean-René Fourtou (1986-1995). Augustin Mollard remet à la même occasion sa démission, remplacé par Albert Diehl qui dispose de pouvoirs étendus pour mener à bien le plan. La direction générale est occupée par un homme du cru, Philippe Tripard, ingénieur civil des mines entré à la Rhodiaceta en 1955, en remplacement de Jacques Granday également démissionnaire. L’annonce du plan s’accompagne d’une déclaration d’abandon d’intérêts de Rhône-Poulenc à hauteur de 91,5 millions de F destinée à soulager l’endettement de sa division textile360.

Dès 1976, RPT entame un déstockage sur l’intégralité de sa chaîne textile, étape préliminaire à la réduction des capacités de production excessives. Ce déstockage ne s’achève qu’à la mi-1978, alors que la conjoncture de la filature amorce une timide reprise depuis la mi- 1977. Le conseil d’administration de RPT reste cependant pessimiste et estime qu’une nouvelle contraction va se produire dès 1979. Un tour d’horizon des marchés illustre des perspectives

358 Voir, à ce sujet, Irène Durieux-Millon, Entreprise et territoire : La restructuration de Rhône-Poulenc

Textile, un exemple de désindustrialisation dans l’agglomération lyonnaise, soutenue à l’université

Lyon 3 en 2013 ; scd-resnum.univ-lyon3.fr/out/theses/2013_out_millon_i.pdf.

359 ADR, 153 J 81, correspondance SFMT/RPT, réunion du 9 mars 1978.

médiocres. Les fils nylon et polyester maintiennent leurs niveaux de vente mais font l’objet d’une concurrence importante, notamment de la part des Américains qui pratiquent une politique de prix agressive. Le fil nylon textile subit en particulier un fléchissement de ses ventes à l’exportation, entraînant une réduction d’activité continue sur les sites de Vaise et Besançon. Les fils artificiels continuent de souffrir de leur désuétude. Les fils à usage industriel artificiels comme synthétiques restent cependant compétitifs, soutenus par la politique d’investissement matériel acté par le plan Gandois. Le site de Vaulx profite notamment de l’arrêt du fil polynosique, dont ses propres productions en polyester doivent prendre le relais. Si la région lyonnaise n’est pas épargnée par les fermetures, elle voit clairement la production textile s’y recentrer, particulièrement sur la moderne usine de Valence361. Inversement, les sites

d’avant-guerre de RPT, amortis mais archaïques tant dans leur aménagement que leur production, tous sauf Lyon-Vaise et Vaulx-en-Velin produisant exclusivement de la viscose et dérivés, sont destinés aux compressions matérielles et d’effectifs.

361 L’usine de Valence est originellement implantée en 1955 par la Société valentinoise d’applications

textiles, elle-même filiale d’Organico, elle-même filiale du groupe chimiste Pechiney, avant d’être reprise en 1968 par le CTA. Il s’agit, en 1977, de la seule usine de Rhône-Poulenc Textile dont la production est originellement dédiée aux textiles synthétiques seuls ; source : BML, B 007046, Rhône-

Usines Fabrication Effectifs Part (en %)

Production toutes matières (en t par an)

Grenoble (Isère) Fil viscose textile 693 5,2 % 6 000 La Voulte (Ardèche) Fil viscose industrielle 805 6 % 10 000 Lyon-Vaise (Rhône)

Fil textile polyamide 66

2 031 15,3 %

Roanne (Loire) Fibre viscose 652 4,9 % 40 000 Valence (Drôme) Fil et fibre polyester 766 5,8 % 36 000 Vaulx-en-Velin (Rhône) Fil industriel polyamide 66 Fil industriel polyester Fibre nylon 708 5,3 % 13 600 Total Rhône- Alpes 5 655 42,5 % 105 600 (sans Vaise) Autres sites 7 597 57,5 % Total Rhône- Poulenc Textile 13 252362 100 %

Tableau IV-2 – Le dispositif industriel de Rhône-Poulenc Textile en région Rhône-Alpes (1977)

Source : Fonds UNITEX et Silo moderne BM Lyon

Le conseil d’administration de RPT reste pessimiste tout au long de 1978, n’espérant aucun accroissement de la consommation finale supérieur à 1 % par an d’ici 1980, tandis que le déficit commercial devrait s’aggraver avec l’agressivité de la concurrence européenne, notamment italienne, ce qui fait écho avec les craintes de sa clientèle sur la pression communautaire. Sur la question des accords multifibres, le renouvellement de 1977 donne l’occasion au conseil d’exprimer son sentiment mitigé et partagé avec le reste de la filière :

L’application de l’Accord Multi-Fibre conclu en 1973 dans le cadre du GATT n’a pas été assez rapide et assez efficace pour permettre une régulation satisfaisante de ces importations. Un nouvel accord doit être négocié en 1977 et l’industrie européenne des fibres chimiques, conjointement avec l’ensemble de l’industrie textile, a attiré l’attention des gouvernements et de la commission de la CEE sur le danger pour la survie d’une industrie textile européenne de voir se poursuivre la croissance des importations à la cadence des dernières années363.

362 Ne prend pas en compte les 2 000 salariés de l’usine de Belle-Etoile et les salariés rapatriés de l’usine

de Péage, qui sont passés la même année sous la tutelle de la division pétrochimie.

La rentabilité de RPT s’améliore modérément en 1978, grâce à une pression amoindrie des importations et la reprise en aval de sa clientèle moulinière et tisserande. Un mouvement haussier anime globalement les textiles artificiels et synthétiques européens depuis le début de l’année grâce aux reconstitutions de stocks dans les clientèles, mouvement qui doit cependant s’achever l’année suivante. La société a pu tout au long de l’année redresser ses prix de vente de 10 % en moyenne, la plus forte augmentation revenant aux productions nylon/polyester si dévaluées depuis le début de la crise. Ses volumes de ventes sont cependant en légère diminution sur le marché national de trois à quatre points. Au total, le chiffre d’affaires s’élève à 2,4 milliards de F HT (au 30 novembre 1978) et les finances reviennent à un déficit négligeable de 150 000 F. Néanmoins, ces résultats sont avant tout dus aux entrées exceptionnelles du transfert de l’usine de Belle-Etoile, restituée à Rhône-Poulenc SA contre 142 millions de F en actions et surtout l’abandon de 400 millions de francs de créances364. Les

stocks, estimés à 22 000 t, soit environ un mois de production, sont revenus à des niveaux jugés acceptables. La direction souligne en revanche l’importance du découvert client de 476 millions de F, soit 17,8 % du chiffre d’affaires. La société indique que « de nombreux clients français sollicitent des reports d’échéance que nous refusons pour ainsi dire systématiquement ». Elle n’a pas échappé à une restructuration financière d’ampleur liée à une surcapitalisation importante. Au 31 décembre 1976, l’ensemble des actifs de RPT représente moins du quart du capital social, soit 90 millions de F sur un total de 360 millions de F. Une note confidentielle à l’attention d’Albert Diehl datée du 20 juillet 1978 fait état de trois hypothèses pour assurer le financement de RPT jusqu’en 1981, date où les dispositions du Plan Textile doivent être entièrement appliquées. Toutes illustrent la dépendance de la société aux financements extérieurs pour assurer les investissements du plan avec la persistance d’une capacité d’autofinancement négative. Dans le cadre d’une première hypothèse, RPT doit dégager 2,6 milliards de F sur quatre ans, dont 2,3 assurés par les seules avances des actionnaires. Deux autres hypothèses envisagent donc un deuxième abandon de créance par Rhône-Poulenc SA, de 1,3 à 1,6 milliard de F selon l’utilisation complémentaire ou non d’une réévaluation partielle des immobilisations365. Ce même bilan prévisionnel envisage une société toujours déficitaire

364 ADR, 146 J 67, AGO de RPT, 1978.

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