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La naissance des marchés techniques, les cas de l’industrie textile du verre et de l’enduction

Document II-5– Les vestiges de l’usine de la Schappe de Saint-Rambert en

3. La naissance des marchés techniques, les cas de l’industrie textile du verre et de l’enduction

Si les entreprises des marchés de l’habillement-ameublement sont entrées pour la majorité d’entre elle dans une phase de consolidation, des marchés totalement nouveaux émergent à la faveur de la démocratisation des tissus à usages techniques (TUT) fabriqués essentiellement à partir de tissus de verre et, dans une moindre part, en tissus synthétiques. Le tissage de verre devient justement une spécialité du textile nord-isérois à la fin de la Seconde Guerre mondiale autour d’un parterre d’entreprises ayant opté pour une production complémentaire utilisant des métiers à tisser soie/arty. Le matériel-outil se révèle en effet parfaitement apte à travailler la fibre de verre et l’alimentation est d’autant plus facilitée par la proximité de la Société du verre textile de Chambéry. Nous avons déjà vu que la MRC propose des articles en verre et enduits, néanmoins à des volumes anecdotiques par rapport aux fils moulinés des segments de masses. D’autres entreprises en ont cependant fait une production principale comme le groupe Porcher de Badinières (Isère) et la société Brochier & Fils de Villeurbanne. Les deux affaires ont un profil relativement similaire. Le groupe Porcher est composé d’une société de production Porcher Tissages et d’une société de commercialisation Porcher Textiles. Cette structure a été créée en 1948 comme continuité de l’entreprise originale Porcher Frères créée en 1912 sous la forme d’une SNC ; Porcher Tissages emploie 168 salariés répartis entre trois sites situés dans un pré-carré entre Badinières, Châteauvillain et Nivolas- Vermelle (Isère) sur 9 269 m² développés totaux. Sa production mensuelle s’élève à 551,5 km de tissus, dont 430 de tissu verre décliné en 43 articles, complétée par 90,5 de tissu nylon, 31 de Tergal et 90t de tissu rowing220, tous destinés à des usages industriels. Le parc de 304 métiers

à tisser est largement dominé par les machines Diederichs de Bourgoin (240 machines de largeur diverses), dont l’ancienneté varie entre quatre et quatorze ans. Une trentaine de moulins travaillent également à façon pour Rhône-Poulenc Textile. La totalité de cette production est commercialisée par une entreprise sœur de commercialisation, Porcher Textiles (9 salariés en 1973), auquel se rajoutent 31 km de tissus bourrette et pongée en soie destinés à la pyrotechnie, produits par des façonniers extérieurs. Lors de leur exercice 1970, Porcher Tissages enregistre un chiffre d’affaires de 13,5 millions de F, Porcher Textiles de 4,9 millions, portés jusqu’à 16,9 et 5,8 millions en 1973. Les exportations sont assurées exclusivement par Porcher Tissages à

220 Le roving est un tissu de verre crée par assemblage parallèle de fils puis enroulés, lui donnant un

aspect semblable à un taffetas. Les tissus de roving sont principalement utilisés comme renforts dans diverses applications industrielles.

hauteur d’environ un cinquième de son activité, bien que la direction projette des exportations de Porcher Textiles à partir de 1974. L’encadrement est assuré par un même tandem de frères, Robert et Gilbert Porcher. Huit membres de la famille Porcher sont propriétaires exclusifs des deux sociétés, dont environ la moitié par la seule veuve Rémy Porcher en usufruit, la nue- propriété revenant à ses deux fils. Les actionnaires restants sont trois femmes Porcher221.

Une autre affaire importance est Brochier & Fils, fondée en 1895, originellement spécialisée dans la haute-nouveauté avec siège et usine à Villeurbanne. Après la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise décide de réorienter une partie de sa production en raison des irrégularités d’approvisionnement et de l’augmentation des coûts de production. En 1949, elle démarre une production de tissus pour imperméables qui s’accompagne d’une prise de participation dans une affaire d’enduction, la société Plastique textile lyonnais (PTL). L’année suivante, elle investit dans la fabrication de tissus techniques, synthétiques et en verre. Rapidement, ces deux départements deviennent l’activité principale de Brochier, tandis que la production haute-nouveauté devient de plus en plus déficitaire. Elle adopte un statut de société anonyme en 1953 pour appuyer son développement. En 1967, le secteur haute-nouveauté est isolé du reste de l’activité pour audit, avant d’être finalement cédé en 1969 à la société Brochier Soieries, qui n’a pour seul lien avec Brochier & Fils qu’un compte courant crée il y a peu. Brochier & Fils se consacre dès lors exclusivement aux tissus à usages industriels, avec une spécialisation dans le sur-mesure à destination de prototypes. Les marchés de l’entreprise sont essentiellement concentrés sur l’aviation civile et militaire (Sud-Aviation Marignane, Marcel Dassault, Bréguet, Sud-Aviation, Service Technique de l’Aéronautique), la construction navale (Chantiers de l’Atlantique), automobile (Matra) et nucléaire (Commissariat à l’énergie atomique). L’entreprise dispose en 1970 d’un capital d’1 million de F pour 55 salariés et un chiffre d’affaires de 6,8 millions de F. La séparation des activités habillement ramène immédiatement les comptes de la société dans le vert, les exercices 1967-1967 et 1967-1968 ayant été déficitaires, au prix d’une amputation de 4 millions de F sur le chiffre d’affaires. Cette perte est compensée par l’acquisition de son façonnier principal, les Tissages Tolstoï basés à Villeurbanne, dont le savoir-faire et le matériel sont jugés essentiels pour le développement de produits à haute valeur unitaire. En 1973, la production annuelle s’élève à 86 t de tissus roving, 739 km de tissus de verre et 300 km de tissus synthétiques et articles spéciaux, ces derniers représentant 15 % du chiffre d’affaires passé à 8,6 millions de F en 1972. Les tonnages, proportionnellement largement inférieurs à ceux de Porcher, illustrent la stratégie qualitative de

l’entreprise. Son parc matériel de 47 machines à tisser, réparti pour moitié entre métiers sans navette à haute vitesse et métiers traditionnels, n’excède pas les dix ans d’ancienneté. Son personnel de 61 salariés est exceptionnellement qualifié pour une entreprise de cette taille, avec 19 ETAM et 12 cadres. Structurellement, Brochier & Fils demeure une entreprise individuelle, la famille fondatrice étant dominée (et peut-être uniquement représentée) par Jean Brochier qui dispose de 57,4 % des 11 200 actions en 1973. Elle compte néanmoins un actionnaire extérieur financier, la Société de développement régional du Sud-Est222 qui détient 21,4 % des actions, le reste étant détenu par des actionnaires divers223. Si le marché du verre peut apparaître marginal, il n’échappe pas à l’intérêt de plus grandes structures et est même à l’origine des premières incursions de multinationales du textile.

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