• Aucun résultat trouvé

Perception des questions de compréhension de textes par les enseignants

des élèves, voire parfois des indices d’une compréhension erronée du texte de Colette. On peut légitimement s’interroger sur le risque de transmettre à leur tour ces mêmes représentations erronées à leurs élèves et encourager la formation initiale et continue de la compréhension de textes.

Perception des questions de compréhension de textes par les

enseignants

La seconde partie des entretiens concernait le questionnaire attenant au texte de Colette, donné en 2012 aux évaluations nationales. Plusieurs raisons nous ont conduit à organiser l’entretien ainsi et à traiter de même texte et questions séparément pour la présentation des résultats :

- Le texte, bien que sous forme d’extrait, est conçu par les concepteurs de l’évaluation ainsi que par les enseignants comme une entité. La pratique de couper, modifier ou simplifier quelques phrases ou mots d’un texte, a fortiori du patrimoine littéraire national, est peu usité et peut-être jugé comme illégitime92. Les textes qui servent de support aux évaluations sont

92 Pour la lecture d’œuvres du patrimoine littéraire, les adaptations (ou réécritures) sont aujourd’hui considérées

comme peu légitimes dans le cadre scolaire et les manuels récents privilégient des textes authentiques : en effet, si les adaptations permettent d’accéder au récit, elles appauvrissent les caractéristiques stylistiques de l’œuvre originale.

rarement écrits de toute pièce à cette fin et conservent, malgré ce détournement à des fins d’évaluation, un statut d’œuvre littéraire.

- Le questionnaire, en revanche, bien que dépendant du texte, possède un statut très différent. Il est à l’inverse élaboré dans et pour le cadre scolaire et plus particulièrement à des fins évaluatives, évacuant de fait l’idée-même que les questions puissent éventuellement enrichir la lecture des élèves en soulevant, par exemple, un aspect qui serait passé inaperçu. - Face à ce statut différent de l’objet (texte préexistant et questionnaire comme substrat scolaire), les enseignants ont une posture différente, elle aussi : commenter un texte les place dans un rapport institutionnel et personnel relativement ambigu, alors qu’ils entrent de plain- pied dans une pratique professionnelle familière avec le questionnaire ; d’autant plus familière et quotidienne que les enseignants interrogés reconnaissent volontiers une pratique d’enseignement et d’évaluation de la compréhension de textes qui passe essentiellement par le questionnement oral et le questionnaire écrit.

De toutes ces remarques s’est imposée la présentation successive des deux parties de l’entretien. Pour le questionnaire, nous avons tenté de garder la catégorisation de Cèbe et Goigoux utilisée pour analyser les représentations implicites concernant le texte mais, au cours de notre travail d’analyse, cette dernière s’est avérée moins adaptée pour mettre à jour les représentations des enseignants concernant le questionnement de la compréhension de textes. Nos questions étant centrées sur les difficultés des questions de compréhension, les échanges ont recouvré un caractère plus technique, en quelque sorte, et les réponses des enseignants ont moins abordé les compétences linguistiques, textuelles et référentielles nécessaires pour comprendre les questions. La complexité de la langue de Colette est en effet sans commune mesure avec celle des questions de compréhension. En revanche, la dernière catégorie, celle des compétences stratégiques, est très développée dans cette seconde partie : les enseignants décrivent abondamment et avec beaucoup d’acuité l’activité de réponse aux questions. Ce sont donc plus des représentations implicites sur la manière d’interroger la compréhension qui ont émergé de l’analyse de cette seconde partie. Trois grands thèmes se dégagent au sujet de ces représentations implicites : les biais d’évaluation ; l’ordre des questions dans un questionnaire ; la définition en creux d’une question facile de compréhension de textes.

En filigrane se dessinent finalement des représentations sur le rôle de l’enseignant et des conceptions didactiques sous-jacentes plus générales.

Des compétences linguistiques, textuelles et référentielles

Peu d’enseignants s’expriment sur le texte ou sur leur rapport au texte de manière explicite dans cette partie portant sur le questionnaire. Quelques uns caractérisent à nouveau le texte mais répètent plus ou moins ce qu’ils ont dit dans la première partie. Nous pouvons noter de nouveaux indices d’une compréhension erronée du texte de la part de certains enseignants au hasard des réponses. Parfois, il s’agit d’enseignants qui semblaient pourtant maîtriser des outils d’analyse certains lorsqu’ils parlaient du texte, ce qui renforce l’impression que les représentations erronées du texte sont assez prégnantes chez de nombreux enseignants interrogés et grèvent plus ou moins la compréhension en profondeur qu’ils peuvent avoir du texte de Colette. Cela concerne les compétences textuelles notamment : S04 juge, par exemple, le texte « pas narratif, en fait. C'est un texte...enfin, oui...il est évocateur, je sais pas... Oui, c'est un texte d'évocation mais c'est pas narratif » ; S06 souligne que le texte de Colette « c'est pas des propos de, d'enfant, en plus », comme si elle ne prenait pas en compte les spécificités du récit d’enfance écrit par l’adulte ; plus loin, certaines de ses questions paraissent mettre à jour des zones d’ombre concernant sa propre compréhension du texte : « Après, le personnage principal, est-ce qu'ils vont se souvenir que c'est Claudine ? Retour au texte obligatoire parce que, même moi, je ne sais pas » ; « Et d'ailleurs pourquoi elle dit « on » ? Ben, ouais, mais elle l'a pas fait au début » (S06).

Concernant maintenant les représentations des enseignants au sujet des compétences supposées des élèves, cette partie sur le questionnaire consiste essentiellement en des redites : les mêmes déficits lexicaux, syntaxiques et textuels sont évoqués chez les élèves, déficits qui cette fois viennent entraver l’activité supposée de réponse aux questions comme ils entravaient la représentation mentale supposée du texte de Colette lors de la seule lecture. Si les élèves faibles ont du mal à répondre, c’est qu’il leur manque des connaissances lexicales ou qu’ils manient difficilement le sens figuré, ou enfin qu’ils n’ont pas la maturité psychologique pour comprendre l’ambivalence des sentiments de Claudine, par exemple. Globalement, nous retrouvons des arguments similaires à ceux qui étaient développés pour analyser les difficultés du texte et les mêmes glissements de la difficulté des questions vers les difficultés et déficits des élèves.

Outline

Documents relatifs