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Identité : Genette distingue l'auteur du narrateur (l'être de papier ou de parole n'existant que dans et par le texte) et du personnage. Cependant, le statut du narrateur subit des variations et son repérage dans le texte peut devenir problématique. Il peut se faire discret jusqu'à l'effacement lorsqu'il raconte une histoire dont il est totalement absent en tant que personnage. On parle alors de « narrateur omniscient » ; ou au contraire être tellement présent qu'il tend à occulter les autres « composantes de la mise en narration » comme dans le récit autobiographique où l'imbrication de l'auteur, du narrateur et du personnage est à son paroxysme (utilisation de la 1ère personne).

Perception : Outre la question de l'identité du narrateur et de la position du narrateur, la narration dispose encore d'autres moyens pour moduler l'histoire. Elle peut prendre plus ou moins ses distances avec ce qui est raconté. La question qui se pose alors est la suivante : « Quel est le personnage dont le point de vue oriente la perspective narrative ? ». A cette question, Genette propose trois modalités du récit en utilisant le terme technique de focalisation, emprunté au champ lexical de la photographie et par lequel il entend « une restriction du champ perspectif ».

La focalisation zéro ou variable : le narrateur en sait plus que le personnage, voire plus que n'en sait aucun des personnages. La plupart des romans du XIXème s. et encore du XXème s. se présente ainsi.

La focalisation interne : correspond au point de vue d'un personnage et le narrateur ne dit que ce que sait ce personnage. Elle est facilement repérable, surtout lorsque le récit est à la première personne et qu'il prend la forme du monologue intérieur, mais elle se rencontre aussi avec des personnages présentés à la troisième personne, souvent sous la forme du discours indirect libre ; discours indirect libre qui sera fortement sujet à interprétation et nécessite de nombreuses inférences.

La focalisation externe : le narrateur en dit moins que n'en sait le personnage. Dans ce cas, le narrateur ne rapporte que ce qui est objectif, que ce qui peut être observable et s'interdit toute mention qui relèverait de l'activité psychique du personnage. Cette modalité du récit, en dépit de nombreuses tentatives, est très difficile à réaliser et rares sont les romans qui y parviennent complètement.

Dans l'immense majorité des romans, les trois focalisations coexistent en alternance ; la focalisation zéro étant proportionnellement la plus représentée.

Les théories de Genette font toujours autorité et ont des retentissements sur la façon de concevoir la littérature littéraire dans le cadre scolaire. Il nous a semblé important de faire ce détour par la narratologie qui éclaire nombre d'analyses et fait partie de la culture de nombreux auteurs en psychologie cognitive qui y font allusion sans toujours la nommer (Denhière, 1984b) et tentent d'attraper dans les tâches proposées aux sujets lecteurs les indices de la structuration du récit ainsi définie.

Au terme de ce parcours, nous sommes en mesure de proposer notre définition décisoire de la compréhension de textes qui vaudra pour cadre pour le reste de cette thèse. Nous retenons pour caractériser la compréhension de textes narratifs chez l’enfant que :

- Elle procède à la fois et de manière dynamique de l’identification des mots et de processus multiples dits de « haut niveau ».

- Elle fait appel, plutôt qu’à la mémoire du texte, à la mémoire de la représentation du texte.

- Le sens du texte n’est pas tant dans les mots, dans les phrases, que dans la construction de sens qu’en fait le lecteur en fonction de ses buts de lecture et du contexte.

- Le langage écrit est généralement plus complexe que le langage oral et nécessite sinon plus de compétences langagières que le langage oral, du moins des compétences spécifiques et codifiées qu’il s’agit de s’approprier.

- On ne peut s’empêcher ni de lire un texte qui tombe sous les yeux ni d’en élaborer du sens dans une course au sens.

- Chaque lecteur a peut-être, plutôt qu’une compréhension de textes, de multiples compréhensions de textes en fonction du genre textuel du texte qu’il lit.

- La compréhension de textes nécessite des connaissances lexicales, syntaxiques ; des connaissances du monde, de scripts, de schéma narratif ; de produire des inférences.

- L’évaluation de la compréhension remodèle la compréhension en mettant à jour des questions que le lecteur ne s’était pas forcément posées à la seule lecture du texte et en induisant une production d’inférences qui, sans la question, n’aurait peut-être pas eu lieu. - Chez l’enfant, la reconnaissance des spécificités du récit apparaît très tardivement par rapport à la représentation que nous pourrions en avoir a priori. Ce n’est que vers 11 ans que

les enfants réussissent systématiquement les jugements de narrativité. Or, notons que les élèves que nous étudions dans nos protocoles de recherche ont approximativement cet âge.

De cet ensemble de postulats, il ressort que la compréhension de textes déborde tout à fait le cadre d’une conception stimulus-réponse qui serait sous-jacente à la psychologie cognitive expérimentale fondée sur l’établissement de lois de fonctionnement cognitif à partir des mises en relation entre un stimulus et une réponse, ainsi qu’à la psychométrie fondée sur le système compétence/performance du Modèle de Réponse à l’Item, mettant en regard de manière symétrique performance des élèves et difficulté de l’item. Pour la suite de ce travail et dans le cadre scolaire de la compréhension de textes, nous pensons qu’il est important de prendre en compte de nombreux autres facteurs. Nous penchons résolument pour une définition de la compréhension de textes qui résulterait d’une construction émergeant d’une triple interaction sujet, tâche, contexte. Nous inscrivons cette conception dans la lignée des travaux de psychologie du développement qui promeuvent les notions de soft assembly et de task specific devices (Bingham, 1988). Pour aborder l’évaluation scolaire de la compréhension de textes, il nous semble en effet intéressant de considérer les comportements de réponse aux questions des élèves comme des constructions partiellement temporaires, liées aux contextes de leur expression, comme émergeant de cette triple interaction sujet, tâche, contexte. Il est, par exemple, bien compliqué de discerner les effets du texte des effets du questionnement sur le texte. Nous aurons l’occasion de revenir longuement sur ces aspects dans les chapitres suivants.

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