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prédilection du géographe pour la mise en œuvre de la gestion des espaces verts

3.1. Du paysage objet au paysage outil

3.1.1. Le paysage dans la législation française : de la protection patrimoniale au Développement Durable

La première loi relative à la notion de paysage date de 1906. Elle concernait la protection des monuments et des sites naturels considérés comme des « dimensions patriotiques du paysage ». L’objectif était d’augmenter le sentiment d’appartenance au territoire (Tabarly et Dgesco ENS Lyon, 2007). Ce n’est que dans les années 1990, que le concept de paysage apparaît au centre des enjeux des réglementations et plus spécifiquement comme enjeux du Développement Durable.

La loi du 2 mai 1930 distingue deux degrés de protection : le « site classé », dont le classement est contraignant et le « site inscrit », simple enregistrement dans les textes (Tabarly et Dgesco ENS Lyon, 2007). Elle a pour objectif de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque (legifrance.gouv.fr). Les sites et monuments naturels classés au titre de cette loi sont à Antibes Juan-les-Pins (Figure 21) : le quartier Notre-Dame avec le phare de la Garoupe (1), le quartier de la Pinède de Juan-les-Pins entre la route et la mer (2), le quartier Bacon (3),

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le quartier Notre-Dame entre le chemin et la mer (4) et le domaine public maritime de la côte du Cap d’Antibes depuis le carrefour du boulevard James Wyllie jusqu’à la fontaine du Pin (5). La totalité de la commune est classée en « site inscrit » par arrêté le 10 octobre 1974 (Rapport de présentation du Plan Local d’Urbanisme, Commune d’Antibes).

Figure 21 : Sites classés du cap d’Antibes Juan-les-Pins (Rapport de présentation du Plan Local d’Urbanisme, Commune d’Antibes)

La création du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, en 1975, contribue au développement d’une politique foncière de sauvegarde des espaces littoraux. Il devient propriétaire en achetant des sites situés à proximité du littoral. Il donne la gestion, soit à l’administration, soit à des associations de protection de la nature. Le premier de ses objectifs est la préservation des milieux naturels et des paysages remarquables et menacés (conservatoire-du-littoral.fr). La commune d’Antibes Juan-les-Pins est gestionnaire de trois sites : le Bois de la Garoupe (1981), le Fort Carré (1997) et la Batterie du Graillon (2013). Leur entretien, effectué par le service des espaces verts, est défini dans un plan de gestion spécifique dont la protection, la préservation et la valorisation sont les enjeux fondamentaux. En 1993, la loi paysage sur « la protection et la mise en valeur des paysages et modifiant certaines dispositions législatives en matière d’enquêtes publiques », propose une série de mesures destinées à une meilleure intégration des aménagements (Tabarly et Dgesco ENS Lyon, 2007). Le plan local d’urbanisme doit prendre en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution (Rapport de présentation du Plan Local d’Urbanisme, Commune d’Antibes). Cette loi donne un statut officiel au paysage mais n’en

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fournit pas pour autant une définition. Cependant, elle permet d’améliorer trois critères (Tabarly et Dgesco ENS Lyon, 2007) :

- les dispositifs législatifs en matière d’enquête d’utilité publique afin de proposer une meilleure concertation autour des projets d’aménagement et la possibilité de débat autour de projets publics ;

- le code de l’urbanisme en matière de permis de construire, demandant une étude de l’insertion dans l’environnement et de l’impact visuel des nouveaux bâtiments et de leurs abords ;

- l’élargissement des compétences du Conservatoire du littoral, des parcs naturels régionaux et des Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbaine et Paysager (ZPPAUP) définies par les collectivités et par l’architecte des bâtiments de France (Pôle de Compétence Espaces Verts (Montpellier), 2001).

A Antibes Juan-les-Pins, les sites concernés sont les espaces littoraux avec de forts éléments identitaires ainsi que les lieux de la « ville active et quotidienne » qui accueillent l’extension urbaine et manquent de lisibilité malgré des espaces naturels de qualité (Rapport de présentation du Plan Local d’Urbanisme, Commune d’Antibes). Ainsi, la prise en compte de la protection, les inventaires des paysages remarquables urbains et la concertation des acteurs se développent à travers la loi. « Elle ouvre la voie à une politique de préservation et de reconquête des paysages [...] La loi traduit un glissement vers une analyse des grands paysages et des grands sites touristiques vers le tout paysage. Tout espace rural ou urbain devient un paysage à prendre en compte dans l’aménagement (Y. Veyret) » (Tabarly et Dgesco ENS Lyon, 2007)

En 1999 la loi Voynet, sur les orientations pour l’aménagement et le développement durable du territoire, intègre la notion de Développement Durable et de participation citoyenne à la législation. Elle concourt à l’unité de la nation, aux solidarités entre citoyens et à l’intégration des populations en alliant progrès social, efficacité économique et protection de l’environnement. Cette loi prévoit la création des conseils de développement à l’échelle des intercommunalités dont la fonction est purement consultative. Ils se composent de représentants de la société civile venant aider la réflexion des élus sur des sujets ayant un lien avec la prospective et l’analyse des projets de développement du territoire. Par exemple, nous avons participé aux réunions du Conseil de développement de la communauté d’Agglomération de Sophia-Antipolis (CASA) dont Antibes Juan-les-Pins fait partie, en

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intégrant le groupe de travail « Environnement et Patrimoine » afin de participer aux ateliers thématiques du Plan de Paysage, aujourd’hui en cours d’élaboration.

En 2000, à Florence, un traité international est soumis à signature aux pays Européens : la Convention européenne du paysage. Celle-ci entre en vigueur en France le 1er juillet 2006. Grâce à cette convention une définition à dimension juridique est donnée au paysage : « Le paysage est une portion de territoire perçue par les populations dont le caractère résulte de l’action des facteurs naturels et/ou humains et de leurs interactions ». (Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, 2012). D’après le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (2012), le paysage permet d’améliorer la qualité de vie des populations en milieux urbains comme dans les campagnes. Il est considéré comme une composante majeure du cadre de vie des populations et comme un élément incontournable de la diversité du patrimoine commun culturel et naturel, fondement de l’identité (Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, 2012). Pour Luginbühl (2001), l’un des rédacteurs de la Convention européenne du paysage, il s’agit d’un objet concret constitué essentiellement de nature avec des éléments artificiels. Le paysage est la traduction concrète des rapports entre les sociétés et leurs milieux. Dans ces conditions, il est un objet issu d’une perspective fonctionnelle et/ou écologique, c’est-à-dire le reflet des processus naturels juxtaposés aux démarches des sociétés (Terrasson, 2006). La convention rompt avec un siècle de conception protectionniste des sites pour l’élargir aux paysages du quotidien (Luginbühl, 2007). En effet, elle permet d’expliciter les termes de « politique du paysage » et « d’objectifs de qualité paysagère ». Pour le premier, il s’agit de développer la cohérence territoriale et de soutenir la compétence paysagère au niveau de la maitrise d’ouvrage publique et privée (professionnels, paysagistes, ingénieurs, entrepreneurs, bureaux d’étude…). La politique du paysage doit développer la connaissance sur les paysages français à partir de la création d’Atlas et de l’Observatoire photographique afin de développer un système d’information (Ministère de l’écologie et du développement durable, 2007). Par ailleurs, nous avons participé à un atelier de concertation organisé par l’Observatoire photographique du paysage littoral vu de la mer, démarré dans les Alpes-Maritimes en 2014 (Figure 22). Pour le second, la qualité paysagère, l’objectif fait référence aux aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie. Chaque acteur s’engage à formuler des objectifs de qualité pour l’identifier et le qualifier après consultation du public (Ministère de l’écologie et du développement durable, 2007). Ce qui nous intéresse particulièrement est que cette convention fixe comme principe la participation citoyenne. « La

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convention de Florence regarde le paysage comme principe directeur pour l’amélioration de la qualité de vie des populations ce qui impose que ces dernières participent à la définition et à la mise en œuvre des politiques publiques.» (Ministère de l’écologie et du développement durable, 2007).

Figure 22 : Photographie de la Pinède de Juan-les-Pins vue de la mer (photo : Belvisi Jean, MALTAE)

La France dispose donc d’une législation reconnaissant juridiquement le paysage en tant que composante essentielle du cadre de vie des populations. Depuis 2005, le programme « Paysage et développement durable » propose aux chercheurs de travailler sur les relations et les interactions entre ces deux notions en intégrant les orientations de la Convention européenne du paysage (paysage-developpement-durable.fr). L’objectif est de promouvoir la qualité et la diversité des paysages tout en faisant de celui-ci une composante opérationnelle des démarches d’aménagement de l’espace. C’est dans cet esprit que le paysage est alors revendiqué comme un bien commun, car il est conçu comme un espace public qui est partagé et discuté, d’un point de vue de l’intérêt général et du le « vivre ensemble » (Sgard, 2010). Ce nouveau rapport établit entre l’espace public et le paysage, nous permet de prétendre à son utilisation dans le cadre des espaces verts. Il n’est plus seulement un objet que nous regardons, il devient un outil nous permettant de partager et débattre à des fins d’aménagement.

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3.1.2. De l’observation des relations nature/société à l’outil de

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