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prédilection du géographe pour la mise en œuvre de la gestion des espaces verts

3.1. Du paysage objet au paysage outil

3.1.2. De l’observation des relations nature/société à l’outil de réflexion pour la nature et les sociétés

Lorsque nous parlons de paysage, nous l’associons souvent à un jugement subjectif du beau ou du laid, ou même à un ressenti, apaisant ou effrayant (Luginbuhl, 2012). Il peut être envisagé comme un objet d’art où l’observateur le contemple pour instaurer une relation d’ordre purement esthétique (Figure 23) entre lui, extérieur et le paysage, ainsi considéré comme une invention passive d’un spectateur (Luginbuhl, 2012). Dans le domaine de la géographie, la description des régions et la recherche sur leur individualité prédominent pendant de nombreuses années. Les géographes décrivent les paysages ruraux traditionnels de la France (Bertrand, 1984). Cependant, cette approche est dépassée, cherchant à faire du paysage soit un objet d’étude du territoire soit un outil au service des collectivités territoriales pour l’aménagement.

Figure 23 : Paysage d'Antibes (De Staël, 1954)

Luginbühl (2012) nous explique cette l’évolution des considérations du paysage qui s’est déroulée en trois temps. Tout d’abord, le paysage est considéré comme un « objet » artistique. Il affecte les sens et renvoie principalement à la vue (cnrtl.fr). Ensuite, cet « objet paysage » est devenu une réflexion sur la pensée de l’objet par son aménagement. Il est un objet de discours, de théorie, de classifications, de pédagogie et d’enjeux en tant qu’espace public (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme, 2011). Enfin, il fait référence au paysage outil permettant la production et la transformation de lui-même selon un but fixé pour devenir une forme raisonnée (cnrtl.fr). C’est en 1968, que le concept de paysage connait un réel essor dans le champ de la recherche en géographie, notamment grâce aux travaux de Georges Bertrand

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(Luginbühl, 2007). En effet, il apparaît de nouvelles nécessités et la possibilité de maîtriser l’analyse des paysage et des milieux « naturels » (Bertrand, 1984). Il définit les relations entre les sociétés et la nature comme une « science diagonale » en proposant trois concepts : le géosystème, le territoire et le paysage ». Le géosystème est la part biophysique de ces relations. Le territoire représente la dimension sociale et politique. Et le paysage est formé par une dimension culturelle issue des représentations des acteurs et par des relations esthétiques ou symboliques (Luginbühl, 2007). Le paysage n’existe alors plus en dehors de la perception (Bertrand, 1984) dont l’intérêt particulier s’est porté sur l’hétérogénéité de ses représentations sociales et sur la distinction entre le paysage objectif et le paysage subjectif (Luginbuhl et al., 2014). Il se définit à travers la rencontre des organisations naturelles et organisations humaines révélant des faits spécifiquement géographiques (Racine et Reymond, 1973). Ainsi le paysage est considéré autant comme un support que comme un produit (Racine et Reymond, 1973) dont les flux visibles et invisibles permettent d’expliquer le fonctionnement et l’évolution des structures spatiales (Racine et Reymond, 1973). Le paysage est alors une entité territoriale où interagissent les éléments géologiques, les conditions climatiques, les types de végétation, les caractéristiques du sol et les activités humaines (Lolive et Blanc, 2007). Parallèlement, il représente l’environnement dans lequel l’homme habite, travaille, circule et voyage (Lolive et Blanc, 2007). Non seulement, il se fonde à partir des relations entre les dimensions qui le composent (matérielles et immatérielles) mais il est désormais axé sur les raisons et les conséquences des représentations des différents acteurs du territoire. La question est de savoir si le paysage favorise le bien-être individuel et social (Luginbuhl, 2012). L’homme se place ainsi dans le paysage, il s’agit d’une structure, de son cadre de vie et d’un outil d’aménagement du territoire (Manola et al., 2009). Sa qualité doit être appréciée collectivement à travers ses formes géographiques, ses structures d’aménagement et ses fonctionnalités (DIREN PACA, 2006). C’est pourquoi le paysage comme outil de la gouvernance territoriale permet de faire partager les valeurs spatialisées issues de la mémoire, du patrimoine, de la beauté, de la biodiversité et les projets urbains, agricoles et touristiques. Cela conduit à étudier sa représentation mentale ou iconographique par les divers acteurs du territoire et à en faire un outil de médiation dans le cadre d’une démocratie à la fois représentative et participative contribuant à améliorer l’autorité des décisions publiques et leur légitimité (Berland-Darqué et al., 2007 dans Donadieu, 2012) au sens d’acceptation et de reconnaissance (Barnaud et al., 2015).

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Le paysage évolue désormais dans le domaine de l’action. Cela entraîne de nouvelles recherches et méthodes dans le but d’étudier la revalorisation du cadre de vie et du patrimoine par le biais du paysage. C’est pourquoi nous choisissons de travailler à partir de cette approche pour expérimenter la participation dans le cadre de la gestion des espaces verts.

Synthèse

« Le paysage est une rencontre, rencontre unique, entre la mémoire des lieux et le mouvement des sociétés, entre l’individu spectateur et un cadre de vie collectivement composé, entre patrimoine et projet, une rencontre située à la charnière du factuel et du sensible » (Le Vercors : histoire et mémoire d’un maquis, Gilles Vergon, 2002). Cette citation illustre l’ambivalence de la notion de paysage et celle de la place de l’homme dans celui-ci. Tantôt témoin, tantôt acteur, l’individu est passif ou actif dans un paysage qu’il perçoit sur un espace commun à la société dans laquelle il évolue. Nous proposons de cerner le paysage à partir de cette ambivalence : le paysage en tant qu’objet, c’est-à-dire ce que nous regardons et le paysage en tant qu’outil, c’est-à-dire un instrument en vue d’une utilisation particulière pour faire ou créer quelque chose (cnrtl.fr). D’après Robert (2008), les collectivités locales n’hésitent plus à se saisir du paysage comme un outil permettant d’organiser le développement, la conservation et la gestion de leur territoire. Il est donc utilisé dans les problématiques territoriales pour organiser le dialogue, comprendre les phénomènes spatiaux et en définir des enjeux.

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